I. La Division du Travail (DT)
- Définition : La division du travail est la répartition des tâches productives entre différents individus, groupes, ou institutions, chacun se spécialisant dans une fonction particulière. Elle repose sur deux dimensions :
- Dimension sociale : séparation des rôles en fonction du marché, de l’État, du public et du domestique.
- Dimension analytique : vue comme source d’efficacité productive et de croissance économique.
- Importance Historique de la DT :
- Adam Smith : Considérée par Smith comme la principale source d’accroissement de la puissance productive, en permettant une spécialisation qui multiplie les compétences et l’efficacité.
- Rôle dans le développement social : La DT a fondé la structuration de la société en divers groupes sociaux (marché, État, famille), professions, et classes.
- Impact économique :
- La division du travail a permis une augmentation de l’efficacité de production et a facilité l’essor d’industries et de services diversifiés.
- Elle a contribué à l’enrichissement des nations en permettant une accumulation de capital humain (compétences) et matériel (outils et technologies).
II. Formes du Travail et Types de Rémunération
- Formes de Travail Identifiées :
- Travail pour soi : Travail domestique ou communautaire, généralement non rémunéré, relevant des échanges de proximité ou de dons.
- Travail contraint : Inclut l’esclavage, le servage et la corvée, où le travailleur est soumis à une subordination stricte, souvent en dehors de son consentement.
- Travail libre : Comprend le salariat et les professions libérales, où le travail est rémunéré en fonction du temps ou de la production (travail à la pièce).
- Rémunération et Subordination :
- Subordination postérieure (ex : salariat moderne) : le travailleur est libre en dehors de ses heures de travail et n'est subordonné qu'au sein du contrat de travail.
- Subordination antérieure (ex : esclavage, servage) : le travailleur reste subordonné même en dehors des heures de travail, sans liberté de négociation sur sa rémunération.
III. La Transition du Travail Contraint vers le Salariat
- Historique des Formes de Travail :
- Depuis l’Antiquité, le travail contraint (esclavage, servage) a prédominé, utilisé pour la productivité des grandes structures politiques et sociales (empires, royaumes).
- Passage au travail libre : progressivement, avec le développement de la DT et la nécessité de travailleurs spécialisés, le salariat a émergé comme une alternative efficace.
- Facteurs d’Évolution :
- Degré de Division du Travail : Plus la division du travail s’accroît, plus il est efficace de rémunérer des travailleurs libres, capables de se spécialiser et de produire de manière indépendante.
- Valeur du Travail par rapport au Capital : Si le travail humain devient plus précieux que la possession d’esclaves, le salariat est préféré pour l'optimisation des coûts.
- Conditions économiques et sociales : Les contextes de guerre, de pénurie de main-d'œuvre, et l'évolution des systèmes de droits sociaux ont également contribué au développement du travail libre.
IV. Le Travail Contraint : Choix Économique, Social et Culturel
- Historique et Justifications : Le travail contraint a souvent été une option économique viable pour les élites, qui considéraient le travail manuel comme une tâche dégradante.
- Exemple d’Adalbéron de Laon (XIe siècle) : division de la société en trois classes – ceux qui travaillent (laboratores), ceux qui combattent (milites), et ceux qui prient (oratores).
- Travail et Religion : Le travail a souvent été perçu comme une punition (ex : Genèse, 3:19, « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front »), renforçant l’idée que le travail était un fardeau pour les classes inférieures.
- Évolution vers le travail libre : Paradoxalement, le développement de la DT et la demande de produits raffinés ont nécessité des travailleurs plus qualifiés, ce qui a favorisé une transition vers le travail libre et rémunéré.
V. Résistible Sortie du Travail Contraint
- Cas de Rome : À mesure que l’empire grandissait, l'esclavage a diminué dans les villes où des formes de travail plus libres étaient encouragées pour attirer des compétences.
- Droit romain : reconnaît progressivement des droits aux esclaves, favorisant leur passage vers des statuts plus libres.
- Après la Chute de l’Empire romain : La déstructuration économique de l’Europe a entraîné un retour du travail contraint (ex : servage), la main-d’œuvre étant captée par les grands domaines ruraux.
- Complexité et limitation du retour de l’esclavage en Europe : Bien que l'esclavage ait augmenté dans certaines régions, il n’a jamais atteint le niveau de contrainte observé dans les empires byzantins ou arabes, où il restait un pilier économique(HFE-L3).
VI. Conditions de Naissance du Salariat
- Facteurs conditionnant le développement du salariat :
- Degré de Division du Travail : Plus le travail se spécialise, plus il est logique d'utiliser un système de salariat, qui récompense les compétences spécialisées et l’efficacité productive.
- Valeur du travail libre : Si le coût de la rémunération d’un travailleur libre est inférieur à celui de la possession d’un esclave ou d’un serf, le salariat devient économiquement viable.
- Croissance des échanges et besoin de spécialisation : Dans des contextes de forte croissance économique, le salariat permet de capter des compétences variées et d’encourager la flexibilité professionnelle(HFE-L3).
VII. Problèmes et Exploitation dans les Formes Modernes de Travail
- Exploitation dans l’Industrie Moderne :
- Exemple du sucre en Inde : Des travailleurs sont souvent contraints par des dettes, subissent des mariages forcés et même des hystérectomies pour répondre aux exigences des multinationales (Coca-Cola, PepsiCo), évoquant un travail contraint proche de l’esclavage moderne(NYT-SugarPlatationIndia…).
- Économie numérique et ubérisation :
- Plateformes numériques : Le statut « indépendant » de nombreux travailleurs de plateformes numériques comme Uber masque une forme de subordination. Ces travailleurs manquent des protections du salariat traditionnel, subissant une forte pression pour maintenir leurs revenus en fonction des demandes de la plateforme(biblioeuropresse2024101…).
- Implications sociales et légales : La reconnaissance de ces travailleurs comme de « faux indépendants » alimente les débats actuels sur les droits sociaux, notamment en France où une directive européenne pourrait les inclure dans les cadres de salariat(biblioeuropresse2024101…).
VIII. État, Souveraineté et Monnaie
- Rôle historique de la monnaie :
- Monnaie et souveraineté : Les États ont très tôt exercé un contrôle sur la monnaie, l’utilisant pour garantir la rémunération des soldats et maintenir la cohésion économique(HFE-L3).
- Monnaie comme instrument de coordination : Elle facilite les échanges dans un contexte de division du travail, permettant aux États de soutenir la croissance des activités économiques.
- Autorité et contrôle économique : Les États limitent la circulation de monnaies étrangères et répriment la contrefaçon, soulignant l’importance de la monnaie comme symbole d’autorité souveraine(HFE-L3).