Arthur Rimbaud (1854 – 1891) est né à Charleville-Mézières dans une famille de la petite bourgeoisie. A partir de 1875, il cesse définitivement d’écrire, voyage à travers le monde, finit par s’installer en Abyssinie où il se livre à divers trafics (d’armes, notamment), avant de mourir à 37 ans à Marseille, où il s’est rapatrié pour soigner un cancer.
Arthur RIMBAUD - Les Cahiers De Douai
A la Musique
A la Musique fait partie du recueil auquel Rimbaud confia en septembre-octobre 1870, 22 poèmes (aussi appelées Cahiers de Douai). Ce poème est une caricature de la bourgeoisie qui pastiche un poème du
parnassien Albert Glatigny, dont il reproduit l’opposition entre les bourgeois et le poète. Mais la satire est beaucoup plus acerbe/poussé à l'extrême chez Rimbaud.
A retenir :
Problématique : Comment, dans ce poème satirique, Rimbaud oppose-t-il la bourgeoisie étriquée de Charleville-Mézières à l’esprit libre et espiègle d’un adolescent-poète ?
Annonce du plan :
I La caricature des bourgeois, réifiés et animalisés
II L’auto-portrait du poète en adolescent espiègle (trois dernières strophes)
Conclusion :
Ce poème prend donc sa source chez le parnassien Albert Glatigny mais Rimbaud rend
la caricature des bourgeois plus poussé à l'extrême et l’opposition entre eux et lui-même plus
franche.
Sa description de la bourgeoisie montre la précision de son regard, capable d’analyser les
signes caractéristiques d’une classe sociale (l’importance pour les objets qui les réifient ou les animalisent) et de livrer un récit lucide des rêves inaboutis d’un adolescent.
Ouverture : Ce poème trouve un prolongement dans Roman, où Rimbaud se focalise sur ce jeu
amoureux silencieux et fantasmatique
Vénus Anadyomène
Vénus Anadyomène fait partie du recueil auquel Rimbaud confia en septembre-octobre 1870, 22 poèmes (aussi appelées Cahiers de Douai). Ce poème traite d’un célèbre motif mythologique : la naissance de la déesse de l’amour et de la beauté dans la mer, que Rimbaud s’emploie à dégrader.
A retenir :
Problématique : comment Rimbaud subvertit-il la figure de Vénus à travers la forme traditionnelle du sonnet ?
Annonce du plan :
I Sous couvert d’une parodie de la Vénus anadyomène, cette caricature vise à sensibiliser le lecteur au sort des prostituées ;
II Les deux tercets invitent le lecteur, par une tonalité polémique et subversive, à voir autrement que par le prisme du désir ou de la réprobation sociale la condition de prostituée.
Conclusion :
Dans ce poème à forte tonalité polémique, destinée à choquer le lecteur, non pas gratuitement mais pour l’inviter à prendre conscience de la condition féminine et de la prostitution en particulier.
Ouverture : Ce thème de la prostitution était très en vogue à l’époque, comme dans Nana (1880) de Zola
Au Cabaret-Vert
Au Cabaret-Vert fait partie du recueil auquel Rimbaud confia en septembre-octobre 1870, 22 poèmes (aussi appelées Cahiers de Douai). Ce poème daté d’octobre 1870 (l’un des derniers écrits avant la remise à Paul Demeny) fait référence à l’une des fugues de Rimbaud à Charleroi en Belgique. Le thème est celui du plaisir des sens lié à un moment réconfortant. Rimbaud célèbre ce rare instant de bonheur et, dans une tonalité à la fois lyrique, grivoise et discrètement nostalgique, il se dépeint sous les traits d’un adolescent oscillant entre l’enfance
et l’âge adulte.
A retenir :
Problématique : Comment ce poème restitue-t-il le souvenir d’un moment de sensualité joyeuse ?
Annonce du plan :
I La première partie du poème (jusqu’au vers 7) pose le cadre spatio-temporel et exprime
l’attente heureuse du repas
II La suite du poème confirme cet instant de béatitude en liant discrètement le plaisir d’un
repas simple à l’érotisme de la serveuse.
Conclusion :
Ce poème se distingue dans le corpus rimbaldien par sa célébration des joies simples de la vie. Ici, aucune satire sociale, nulle allusion politique : c’est un Rimbaud rare, joyeux, qui partage avec le lecteur un pur moment de bonheur.
Ouverture : Rimbaud se distingue par sa liberté de ton et son émancipation poétique, ses sous-entendus grivois et ses audaces métriques ou langagières.
La forme traditionnelle choisie (le sonnet) montre cependant qu’il n’est pas encore aussi novateur qu’il le sera dans la prose d’Une Saison en enfer.
Tristan CORBIERE - I SONNET avec la manière de s’en servir
Tristan Corbière (1845 – 1875) est un poète d’origine bretonne. Cultivant la marginalité, la vie
de bohème, anti-conformiste et passionné de récits de marin, il vécut entre la Bretagne et
Montmartre. Il mourut à l’âge de trente ans, au moment où cessa d’écrire Arthur Rimbaud.
Les Amours jaunes est son unique recueil de poésie, publié en 1873. Rejetant la tradition romantique et le Parnasse, Corbière déconstruit les codes et les clichés de la poésie. Ce poème est, avec Le Crapaud, l’un de ses plus célèbres. C’est un sonnet composé de deux quatrains et deux de tercets, écrit en alexandrins. Il remet
en cause la tradition poétique, il en critique les règles trop formelles qui risquent de prendre le pas sur la spontanéité du vers. Cet affranchissement des règles se fait cependant de façon paradoxale, puisque Tristan Corbière critique la rigidité du sonnet en faisant un sonnet qui apprend à en faire un…
A retenir :
Problématique : Comment Tristan Corbière s’émancipe-t-il avec ironie des règles du sonnet
tout en le pratiquant ?
Annonce du plan :
I D’abord, le titre et le sous-titre sont porteurs d’ironie.
II Ensuite, les deux premiers quatrains insistent sur l’ennui que procure la forme fixe du sonnet.
III Enfin, les deux tercets, par leur insistance sur les chiffres, critiquent l’obsession de la forme au détriment de la spontanéité… tout en donnant l’illusion, au sein d’un sonnet parfaitement maîtrisé, de spontanéité…
Conclusion :
Un poème surprenant. Ce poème est à la première lecture très étonnant par le mélange des niveaux de langue, le thème autoréférentiel (un sonnet qui parle d’un sonnet) et le rapprochement de mots aux sens éloignés.
Ouverture : Arthur Rimbaud entreprend un renouvellement complet de la poésie, où l’ironie dynamite de l’intérieur la tradition, comme dans le sonnet Vénus anadyomène.
Honoré DE BALZAC - La Peau de Chagrin
Honoré de Balzac (1799 – 1850) est un romancier français qui s’inscrit dans le courant réaliste. Il conçoit un ensemble de 90 romans et nouvelles réunis sous le titre de la Comédie humaine où il se donne pour ambition d’analyser la société de son temps, entre 1815 et 1848. L’originalité de ce vaste ensemble est double : d’une part, Balzac a l’idée de faire revenir un certain nombre de personnages d’un livre à l’autre, ce qui permet de suivre leur évolution, leurs réussites et leurs échecs ; d’autre part, il cherche à dévoiler les mécanismes d’une société sans pitié, tout entière guidée par l’argent, où triomphe la bourgeoisie d’affaires.
La Peau de chagrin (1831) est une œuvre fondatrice dans le corpus balzacien. L’auteur développe en effet, à travers un récit fantastique, sa théorie de l’énergie. Selon lui, tout individu dispose d’une certaine quantité d’énergie. Toute dépense d’énergie est à la fois créatrice (puisqu’elle accomplit un désir) et destructrice (puisqu’elle diminue sa quantité initiale). Reste à savoir comment la dépenser au mieux.
Raphaël de Valentin, jeune poète débarqué sans le sou à Paris, fait la cruelle expérience d’une vie mal conduite. Il se dépense vainement dans la passion pour une femme sans cœur, la riche et froide Foedora, ou dans une vie de plaisir, avant de comprendre, trop tard, qu’il ne lui reste plus beaucoup de désirs à exaucer et de temps à vivre.
Extrait 1
Raphael en entrant dans la boutique d’un antiquaire, voit apparaître devant lui un vieil homme, qui lui présente une Peau de chagrin magique capable de satisfaire les désirs de celui qui la possède mais qui se réduit à mesure. Dans ce passage, cet antiquaire lui explique les secrets de sa longévité (il a plus de 102 ans), afin de le mettre en garde contre les tentations d’une Peau de chagrin.
A retenir :
Problématique : Dans quelle mesure Balzac propose-t-il, à travers le discours de l’antiquaire,
une conception de l’énergie proche de la sienne, celle d’un créateur ?
Annonce du plan :
I S’exprimant comme un moraliste, le vieillard oppose deux attitudes de vie radicalement différentes.
II Puis l’antiquaire explique comment il a appliqué ce principe à sa propre vie, secret de sa longévité exceptionnelle.
III Enfin, il explique comment cette vie concentrée dans la pensée lui permet de lire le monde et de le récréer par l’imagination pour son plus grand plaisir.
Conclusion :
Dans ce passage, Balzac précise sa théorie de l’énergie à travers le personnage de l’antiquaire. La voie
que ce vieil homme a choisie est celle de la sagesse, qui délaisse les passions pour se réfugier dans le monde idéal. Malgré leur force de conviction, ces propos ne dissuaderont pas Raphaël de renoncer à la peau de chagrin.
Ce discours le rapproche du créateur selon Balzac, mais, ce rapprochement avec Balzac est à nuancer :
- d’une part parce que l’antiquaire ne produit rien de concret, contrairement à Balzac qui fait acte de générosité en produisant jusqu’à l’épuisement l’immense œuvre qu’est La Comédie humaine ;
- d’autre part, parce qu’au début de la dernière partie (L’Agonie), Raphaël rencontre le vieillard à l’opéra, au bras de la courtisane Euphrasie, comme s’il avait renié sa sagesse d’alors.
- Ensuite parce que l’antiquaire est un personnage de fiction et que sa conduite de vie paraît très exagérée.
Extrait 2
Dans cet extrait situé au milieu du livre, Raphaël de Valentin raconte à son ami Emile sa passion pour la comtesse Foedora. Décidé à percer le secret de cette femme sans cœur, il décide de se cacher derrière des rideaux pour l’espionner dans sa chambre à coucher.
A retenir :
Problématique : Dans quelle mesure cet épisode révèle-t-il la personnalité de Raphaël et de Foedora ?
Annonce du plan :
I Raphaël assiste, mi-lucide, mi-fasciné, au dévoilement physique de Foedora.
II Raphaël constate l’impossibilité de pénétrer l’âme de cette femme sans cœur.
Conclusion :
Ce texte présente l’intérêt de révéler l’aveuglement de Raphaël autant que la superficialité de Foedora. Croyant découvrir enfin le secret de cette femme, en l’observant hors de la scène sociale où elle se produit, il se méprend sur le sens d’une parole et retombe sur l’énigme.
Ouverture : Ce passage fait écho à un célèbre épisode de La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette
où comme Balzac, la romancière prend un malin plaisir à ridiculiser le duc, réputé pour ses qualités de séducteur,
en le rendant incapable d’agir
Extrait 3
Ce passage se situe dans la dernière partie du roman, L’Agonie. Raphaël de Valentin, possesseur d’une peau de chagrin, talisman qui réduit sa vie à mesure que ses voeux sont exaucés, décide de restreindre ses volontés au strict minimum. Il se sent de plus en plus faible et angoissé par la perspective de la mort. Les médecins consultés lui conseillent un séjour à l’air pur. Il trouve refuge chez des paysans dans la montagne au Mont-Dore. Il croit enfin revivre au contact de la nature.
A retenir :
Problématique : Comment le narrateur dénonce-t-il l’illusion dans laquelle se réfugie Raphaël de Valentin pour échapper à la mort ?
Annonce du plan :
I Le narrateur dénonce avec ironie les dernières illusions de Raphaël
II La fusion de Raphaël avec la nature le détourne artificiellement de l’angoisse de la mort.
Conclusion :
Raphaël de Valentin est prisonnier d’un idéal qu’il n’arrive pas à concrétiser. Il lui manque cette générosité dont l’exemple est pourtant placé sous son nez avec le personnage de Pauline ou les paysans montagnards du Mont-Dore.
Comme certains de ses contemporains, il cède à un dernier idéal, celui d’une fusion avec la nature, à l’image
des Romantiques. Mais Balzac se moque tout au long du passage de cette aspiration parce qu’elle reste artificielle et illusoire. Raphaël se détourne plus de la mort qui l’angoisse.
Ouverture : Cette voie d’une perte d’identité dans les choses a été explorée avec originalité par Perec dans Un homme qui dort (1967). L’auteur imagine la vie d’un individu qui aurait renoncé à toute volonté au point de se détacher du monde des humains
Georges PEREC - Un homme qui dort
Francois RABELAIS - Gargantua
François Rabelais est le représentant du premier humanisme français de la première moitié du XVI° siècle qui replace l’homme au centre du monde et redécouvre avec enthousiasme les grands textes antiques.
Il est surtout connu pour son œuvre littéraire qui met en scène une dynastie de rois, géants bon vivants, Grandgousier, Gargantua et Pantagruel, et campe des personnages hauts en couleurs comme Panurge ou frère Jean des Entommeures. Il publie Gargantua deux ans plus tard, récit initiatique où il raconte la naissance extraordinaire, l’éducation et les multiples péripéties de ce géant, qui vont le mener vers la sagesse.
Extrait 1
Ce passage se situe dans les premiers chapitres du roman. Rabelais – ou plutôt le narrateur Alcofribas Nasier - raconte la naissance, par l’oreille de Gargamelle, du petit géant déjà assoiffé. Il en profite pour livrer sa réflexion sur la crédulité et la croyance, interrogeant la différence entre croire en Dieu et croire en une fiction comme Gargantua.
(Notons que nous proposons deux versions du texte. Le texte de gauche correspond à la version de 1534, qui est ici restituée dans la langue originale mais dans une orthographe modernisée ; le texte de droite est une translation en français moderne de la version de 1542, dans laquelle Rabelais a opéré certains remaniements, en tenant compte des critiques virulentes de la Sorbonne.)
A retenir :
Problématique : Comment Rabelais pousse-t-il le lecteur à réfléchir à la véritable signification de la croyance religieuse ?
Annonce du plan :
I (L.1 à 5) : le premier paragraphe achève la parodie du récit héroïque de la naissance de Gargantua
II (L.6 à 24) : Rabelais se livre ensuite à des propos polémiques sur la signification de la croyance religieuse : croire en Dieu, ce n’est pas croire en l’invraisemblable mais en la révélation
III Le narrateur termine le chapitre par des références antiques qui donnent une tonalité burlesque au passage.
Conclusion :
Ce passage se présente donc comme une propagande évangélique du meilleur cru,
dissimulée par l’ironie. Rabelais montre que les théologiens proposent une lecture erronée de la Bible, ce qui les conduit à une définition confuse de la foi.
Ouverture : L’auteur amène donc le lecteur à réfléchir à la différence entre la croyance en une fiction et la croyance en Dieu.
Extrait 2
Picrochole déclenche une guerre contre Grandgousier. Le conflit atteint une abbaye entourée de vignes : c’est à ce moment que frère Jean des Entommeures, moine, entre en scène.
A retenir :
Problématique : Comment Rabelais fait-il de frère Jean un personnage haut en couleurs et anticonformiste, porteur d’une critique de la vie monacale ?
Annonce du plan :
I Le portrait élogieux d’un moine atypique (1-9).
II Le discours de Frère Jean pour persuader son auditoire d’agir porte une critique de la vie monacale contemplative (10-44)
III Frère Jean, un moine combattant au service de la cause nationaliste et évangélique (45-52)
Conclusion :
Ce passage présente un moine anticonformiste dont les défauts (paillardise, humeur sanguine, sensualité) sont compensés par les vertus. Frère Jean garantit ainsi la continuité comique de l’œuvre.
Ouverture : L’art de Rabelais est de présenter des personnages qui ne cessent d’interroger le lecteur et ses valeurs, au point de le déstabiliser, de ne jamais l’installer dans un confort de lecture. Frère Jean se tient sur cette ligne où le lecteur ne cesse de se demander jusqu’à quel point l’auteur cautionne les pensées et les actions de ce personnage hors-normes.
Extrait 3
Ce texte se situe à la fin de Gargantua. Après que le géant a récompensé frère Jean pour son rôle joué lors de la guerre picrocholine, le narrateur fait part d’une Énigme trouvée aux fondements de l’abbaye, un texte prétendument retrouvé lors de recherches archéologiques, ce qui atteste de l’intérêt des humanistes pour l’antiquité.
Le début du texte présenté ici correspond à la fin de l’énigme, écrite en décasyllabes à rimes plates (ou suivies AABB etc…). Ce poème de 108 vers est attribué pour l’essentiel à un contemporain de Rabelais, Mellin de Saint-Gelais.
A retenir :
Problématique : Comment Rabelais invite-t-il son lecteur à réfléchir, dans un texte aux tonalités brouillées, à la fois comique et inquiète, à l’herméneutique ?
Annonce du plan :
I Un poème énigmatique aux accents évangéliques (vers 1-18)
II L’interprétation inquiète de Gargantua (lignes 19 – 29)
III L’interprétation joyeuse de frère Jean (lignes 30-36)
Conclusion :
Les personnages parviennent à donner des interprétations de l’énigme finale. Gargantua a mûri, il est devenu sage et inquiet ; la tonalité est devenue tragique, avec la conscience des persécutions passées, présentes et à venir même si le bon géant reste optimiste, puisque le bien triomphera. Cependant, le rire rabelaisien a le dernier mot !
Rabelais laisse le lecteur sur une double interprétation et l’enjoint à interpréter à son tour.
Ouverture :