- 7 quatrains d'alexandrins + rimes croisées (sauf le 1er --> rimes embrassées)
- rimes originaux : "voyous" + "pioupious" / "couacs" + "cornacs" + sonorités et registres des mots (onomatopées) => Émancipation des règles poétiques mais avec une forme classique
- 6 strophes parlent des "autres" (=bourgeois et soldat) alors que la 7eme parle du poète lui même : forte opposition marqué par le tiret => Il est à l'écart de la société de Charleville
Introduction
A retenir :
Arthur Rimbaud évoque souvent, dans Les Cahier de Douai son enfance et son adolescence à Charleville-Mézières, ville qu'il a en horreur. Lorsqu'il écrit le poème "A la musique", la guerre de 1870 contre la Prusse paraît inévitable. Le poète en profite pour régler ses comptes, dans le poème, avec les bourgeois matérialistes et militaristes. Et il réaffirme avec insolence son désir de liberté et de sensualité.
Comment l'auteur se sert-il de la poésie pour affirmer son besoin radical de liberté et d'émancipation face à une société corsetée ?
Plan du texte
I) Les six premières strophes : une peinture satirique "des autres"
- Description bourgeois et militaire lors d'une promenade à Charleville un jeudi soir d'été, peu avant la guerre
- Titre = mouvement (préposition "à") vers la musique => soirée de musique "au milieu du jardin" par un orchestre militaire : on se déplace pour aller l'écouter + "Place de la gare" = la fuite
- rythme d'une promenade pour critiquer les spectateurs au concert => Strophe 1 : "Sur la place" - Strophe 2 et 3 : "au milieu du jardin" et "autour, aux premiers rangs" - Strophe 4 et 5 : "Sur les bancs verts" et "sur son banc" - Strophe 6 : les soldats + "gazons verts" => description organisé
1) Première strophe : un univers mesquin
- 2 premiers vers : Nature (symbole de liberté) est étouffé => participe passé "taillée" = main du jardinier, pas libre + résultat raté car "mesquines pelouses", l’esthétique est manquée => les bourgeois ne comprennent pas le Beau, la poésie et l'art = leur monde est laid
- v2 : allitérations en -r et consonnes dures -q, -t, -b + square = carré où tout est maîtrisé au nom de la "correction" = l'idéal bourgeois de maîtrise de soi et des autres => normes contraignante
- cette correction étouffe même les bourgeois : ils sont "poussifs" et ils "étranglent de chaleur" = ils sont obèses et encombrés (d'habits/normes) par leur bêtise jalousie + vocabulaire péjoratif "poussifs, bêtise jalouse" => le manque de liberté et de créativité à rétrécie leur vie
- présent d'habitude "portent" + articles définies "la" place = tout les jeudis à Charleville, c'est le même spectacle => on y étouffe d'ennui
2) Deuxième et troisième strophe : satire des différents types de bourgeois
satire :
moquerie et caricature pour dénoncer/dénigrer des vices, on retrouve la tradition antique de la poésie
- tout les types de bourgeois passé en revue, par ordre d'importance : les plus riches aux "premiers rangs" (notaire, rentiers, gandin)
- Description visuelle des musiciens militaire : les schakos + tout est en ordre, l'orchestre "au milieu" du jardin et les musiciens bougeant en rythme => rien ne doit dépasser
- Les concerts militaires permettaient de se montrer (gandin et notaire) + le tiret = temps d'attente qui suit le regard du poète (orchestre -> spectateurs) + articles définis "le" = petite ville, tout le monde se connaît + inversions des breloques (satirique) = richesse et mauvais goût du notaire qui devient un objet dérisoire, symbole d'argent + champ lexical de l'argent (émancipation) "breloques, chiffres, en argent" => dénonciation de ce monde : la recherche du profit des bourgeois qui rétrécie leur esprit et leur vie
- troisième strophe= vocabulaire péjoratif, description des gens par leur faiblesse : vue basse "rentiers à lorgnons"et obésité (=richesse) + champ lexical de l'obésité avec répétition "gros, grosses, bouffis, cornacs"=> épouse = dame de compagnie + deux points qui lie les deux strophes, on attend la suite + synecdoque "les bureaux" => la satire prive d'humanité en en faisant des choses "breloques, bureaux" ou des animaux (éléphants) = caricature + rimes qui créent des liens "cornacs/couacs" et "grosses dames/réclames"
3) Quatrième et cinquième strophe : des conversations stupides
- la promenade continue et le poète s'éloigne : il entend donc les conversations => 3 types de discours : discours direct "en somme...", récit de paroles "discutent les traités" et discours indirect libre "-Vous savez, c'est de la contrebande" = son poème est un récit avec des enjambements (v13-14), des rejets ("Déborde"), des tirets et des points de suspension qui cassent le rythme de l'alexandrin => Rimbaud veut s'émanciper des règles de la poésie
- l'expression "des clubs d'épiciers" = méprisante : les hommes sont leur métier et sont tous semblables + ils parlent d'une voix pour dire des mots vides "En somme"
- Chacun joue un rôle : les riches(notaire, gandin), au premier plan, d'autres se promènent lentement (les gros bourgeois) et d'autres refont le monde(les épiciers) + adjectif "sérieusement" avec diérèse = impression de sérieux => ces épiciers parlent de sujets importants "les" traités (pluriel = ambition) alors qu'ils ne savent rien (ironie) + assonances v14 "o-a a-o" avec "tisonnent/sable" et "canne/pomme" + allitérations "tisonnent et pomme" = vide de leur conversation => comique car ils sont au bord de la guerre
- "Épatant" et "Déborde" (en rejet) sont mis en valeur car en début de vers = opulence et arrogance du bourgeois + "déborde" = jeu de mots : c'est le tabac qui déborde de sa tabatière mais aussi l'homme qui déborde du banc + v17-18 consonnes dures -p et -b "Épatant sur son banc" et "Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande" = personnage pas sympathique + termes familiers "épater" et "bedaine" = se vante de ne pas suivre les règles (contrebande) alors que son groupe social veut de la correction => revue satirique des nantis
4) Sixième strophe : le peuple tenu à l'écart
- Seule strophe qui parle du peuple : les "voyous", les "soldats" et les "bonnes" pourtant ils sont tous à contre-emploie != société sous contrôle
- "voyous" est très péjoratifs car voyous = homme qui commet des délits (or c'est le bourgeois le hors-la-loi) + ici les "voyous" ont l'air inoffensifs, ils se promènent le long des "gazons verts" (conformément à l’étymologie du mot : enfant des rues) + ils "ricanent", ils se moquent des bourgeois = ils sont sympa => le terme voyous est celui des bourgeois qui parlent d'eux et qui les détestent car ils les tournent en dérision
- les "pioupiou" = les soldats, sont à contre-emploi : pioupiou = petit oiseau et jeune fantassin + champ lexical de l'enfance et la douceur "très naïfs, amoureux, caressent les bébés" => Rimbaud regarde avec compassion ces jeunes qui vont mourir à la guerre (on dirait pas des soldats) + les "trombones" = instruments guerriers ont pas d'effet, ils ne pensent qu'à faire la cour aux bonnes + rythme d'alexandrin v23 renforcé par l'enjambement et le contre rejet "les pioupiou" = effet d'attente : les soldats ne sont pas là où on les attend + Rimbaud s'amuse v24, les soldats se rapprochent des bébé pour profiter des bonnes => on commence à voir la suite, celle de la sensualité et du rejet de la société
II) Le poète à l'écart des autres
- commence par un tiret (une pause) + le "moi" mis en valeur car en tête de vers + renforcé par les pronoms "je" v29-31-33-34-35 => Rimbaud oppose tout son être à cette société
- Le poète est unique, il n'est pas du peuple car c'est un "étudiant" mais il n'est pas non plus de la bonne société car il est "débraillé" (adjectif : vêtements ouverts) = refus des convenances, on ne cherche pas à masquer le corps => le poète se met en marge de la société
- rapport de sensualité avec les jeunes filles : "je suis" répond à "elles le savent bien" + champ lexical du libertinage avec le rire et les "choses indiscrètes" + opposition par le mouvement au monde de bourgeois, épais et lourd : verbe de mouvement "je suis" et "tournent", l'adjectif "alerte" + assonances en -è "verts, alertes, vers" qu'on retrouve dans la rime "fillettes/indiscrètes" => sonorité gaie et lumineuse qui indique un autre monde; fait de jeunesse et de légèreté
Conclusion
A retenir :
Ce poème décrit la société de Charleville, réunie un jeudi soir d'été pour écouter un orchestre militaire. C'est l'occasion pour le poète, d'offrir une revue satirique et cruelle des différents bourgeois, qui représentent tout ce qu'il déteste. Dans cette société d'ordre, le peuple paraît absent et à contre-emploie. En revanche, le poète se dresse comme un marginal lubrique, qui convoite les filles qui passent et se moquent des convenances.