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Post-Bac
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TD 6: Droit des Sociétés 2

Droit spécial des sociétés

Séance 6: La cession des Droit Sociaux Ière Partie

Les Modalités de la cession de droit sociaux 


Introduction Générale: 

En principe, un actionnaire peut vendre ses actions à qui il veut : les actions sont dites librement cessibles ou librement négociables.

Cependant, on peut limiter cette liberté en ajoutant une clause d’agrément dans les statuts de la société. Cela signifie que la société doit donner son accord avant qu’un actionnaire puisse vendre ses actions.

Cette pratique est apparue au XXe siècle, car les entrepreneurs choisissaient souvent la SA (Société Anonyme) pour ses avantages fiscaux et sociaux. Comme la SA reposait sur la confiance entre associés (intuitu personae), ils ont ajouté des clauses d’agrément dans les statuts pour contrôler les nouvelles entrées et sorties dans la société.

En 1966, cette pratique a été officialisée par la loi (ancien article 274). Aujourd’hui, l’article L.228-23 du Code de commerce prévoit que la vente d’actions ou de titres donnant accès au capital peut être soumise à l’agrément de la société si cela est prévu dans les statuts.

De ce fait ,La clause d'agrément est une modalité de cession d’actions, souvent présente dans les statuts d’une société, notamment dans les sociétés de type SAS (Société par Actions Simplifiée) ou parfois dans les SA (Société Anonyme)avec des actions nominatives.


L'existence de La clause d'agrément

 L'article L.228-23 Com permet donc d’inclure une clause d’agrément dans les statuts d'une société, mais il y a certaines situations où cette clause ne s’applique pas. Par exemple, dans les sociétés cotées en bourse, où les actions sont échangées sur le marché, il est impossible d’ajouter une clause d'agrément. En effet, un tel contrôle de l’actionnariat ne serait pas compatible avec le système boursier où la liberté d’échange des actions est primordiale.


En revanche, dans d’autres secteurs, comme celui de la presse, la clause d’agrément peut être obligatoire. Par exemple, les sociétés qui exploitent des entreprises de presse doivent garantir un pluralisme de la presse, c'est-à-dire que la presse ne doit pas être contrôlée par une seule personne ou un seul groupe. Pour assurer ce pluralisme, la loi impose une clause d’agrément dans les sociétés de presse, afin de contrôler l’actionnariat.

De manière générale, dans la plupart des sociétés, la clause d’agrément est facultative. Cela signifie que la société peut décider d’ajouter cette clause dans ses statuts ou non, selon ses besoins et ses objectifs. Si la société décide d’ajouter une clause d’agrément après sa création, cela nécessite une AGE pour modifier les statuts.

Les tribunaux ont aussi précisé que l’ajout d’une clause d’agrément ne crée pas de nouvelles obligations financières pour les actionnaires. Cette règle permet ainsi de simplifier l’adoption de telles clauses sans trop de complications juridiques ou financière

I) Le champ d’application de la Clause d'agrément


L ’art L.228-23 Com distingue deux types d’applications de la clause d’agrément : une en fonction des personnes qui sont les cessionnaires( Ratione personae) et l’autre en fonction de l’opération (quels types de cessions sont concernées).

A)L’application Ratione personae: en fonction des personnes qui sont les Cessionnaires 


La clause d’agrément s'applique en principe à toutes les cessions d'actions, mais il existe trois exceptions majeures où la clause d’agrément ne s’applique pas :

  • En cas de décès de l’actionnaire : Si un actionnaire décède, ses héritiers prennent sa place dans la société et deviennent automatiquement actionnaires, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’accord de la société, même s’il y a une clause d’agrément dans les statuts.
  • En cas de liquidation du régime matrimonial : Lors d’un divorce, les actions détenues par un couple marié sont partagées entre les époux, et ces cessions ne sont pas soumises à la clause d’agrément. C'est une règle qui permet de simplifier la situation en cas de séparation.
  • Les cessions entre proches : Il existe une exception pour les cessions d’actions entre les membres d’une même famille. Les cessions entre époux, ascendants (parents) et descendants (enfants) sont libres. Il n’est donc pas nécessaire de demander l’accord de la société pour vendre des actions à un membre de sa famille.

La clause d’agrément est une règle qui permet aux actionnaires de contrôler l'entrée de nouveaux actionnaires dans une société. En gros, elle empêche qu’un tiers (quelqu’un qui n’est pas déjà actionnaire) entre dans la société sans l'accord des actionnaires existants. Mais est-ce que cette clause peut s’appliquer entre actionnaires ? /Est-ce qu'un actionnaire peut vendre ses actions à un autre actionnaire librement ?

Avant 2004, l’article L228-23 du Code de commerce concernait surtout la cession d’actions à des tiers, c'est-à-dire à des personnes extérieures à la société. La Cour de cassation a répondu qu'une cession d'actions entre actionnaires n’était pas concernée par la clause d’agrément. En d’autres termes, les actionnaires pouvaient théoriquement vendre leurs actions à d’autres actionnaires sans qu'ils aient besoin de l'accord des autres. Cependant, cette situation n’était pas idéale, car cela ne permettait pas de contrôler la répartition du capital de la société.

Pour résoudre ce problème, Les clauses de préemption ont été créées. Ces clauses permettent aux actionnaires déjà présents dans la société d'avoir un droit de priorité pour acheter les actions d'un autre actionnaire avant qu'elles ne soient cédées à quelqu'un d'autre. Par exemple, si un actionnaire veut vendre ses actions, il doit d'abord proposer de les vendre aux autres actionnaires qui ont une priorité. Cela aide à répartir le capital de manière équitable entre les actionnaires existants.

Cependant, la situation n’était pas claire, car la violation d’une clause de préemption (c’est-à-dire ne pas respecter cette priorité d’achat) ne rendait pas la cession nulle. Cela a créé des situations où certains pouvaient contourner la règle.

Un autre problème est apparu avec des montages pour contourner la clause d’agrément. Par exemple, dans l'arrêt Barilla du 27 juin 1989, la société Barilla voulait racheter la société Rivoire et Carret. Mais comme il y avait une clause d'agrément, les actionnaires de Rivoire et Carret ont refusé l'achat. Alors, Barilla a demandé à un actionnaire de Rivoire et Carret (Cartier Million) de vendre ses parts à une autre société, Embranchement de la Capuche

Ensuite Barilla rachète les actions de cette société. Cela a permis à Barilla de contrôler Rivoire et Carret sans avoir à obtenir l'accord des autres actionnaires, ce qui était une tentative de frauder la clause d'agrément. La Cour de cassation a jugé que ce montage était frauduleux et a annulé cette vente.

Dans l'arrêt Barilla (1989), il y a eu fraude car le délai entre les différentes cessions d'actions était très court. Ce rapprochement temporel entre les cessions a permis aux juges de conclure à une tentative de contourner la clause d’agrément de manière frauduleuse.

En revanche, dans l’arrêt Midi Libre du 13 décembre 1994, la situation était similaire : il y avait deux cessions successives, d'abord entre actionnaires, puis un rachat de capital. Cependant, les juges ont estimé que la fraude n'était pas avérée, car le montage n'était pas suffisamment flagrant pour être qualifié de fraude.

Suite à ces décisions, l’article L.228-23 a été modifié, notamment pour préciser que la cession d'actions concernait aussi bien les cessions à des tiers que celles effectuées entre actionnaires. Avant cette modification, la clause d’agrément ne s'appliquait qu'aux cessions à des tiers , mais depuis l’ordonnance de 2004, cette clause est désormais applicable à toutes les cessions d'actions, y compris celles qui ont lieu entre actionnaires.

Cela a eu deux conséquences importantes :

  • Il n’est plus possible de contourner la clause d'agrément en procédant à des cessions successives entre actionnaires ou à des montages complexes.
  • La clause de préemption (qui permettait aux actionnaires existants d’acheter en priorité les actions proposées à la vente) n’a plus de raison d'être, car la clause d'agrément s’applique à toutes les cessions d’actions, peu importe si elles sont faites entre actionnaires ou non.
b) Le Champ d’application rationae materiae: en fonction de l’opération (quels types de cessions sont concernées).


La notion "rationae materiae" fait référence à l’acte de cession lui-même. Puisque la clause d'agrément s'applique aux cessions, il est important de définir ce qu'est une cession.

👉 Ce qui est considéré comme une cession : Toute transmission d'actions, peu importe la manière dont elle est faite (vente, donation, échange…), peut être soumise à la clause d'agrément.

👉 Ce qui n’est pas une cession : Les opérations qui ne sont pas des cessions ne sont pas concernées par la clause d'agrément.

Quand une clause d'agrément est prévue dans les statuts d'une SA , elle s'applique aux cessions d'actions. Le but est d'empêcher qu'une personne indésirable (un tiers) entre dans la société sans l'accord des autres actionnaires. Cela a du sens, car posséder des actions donne le statut d'actionnaire, donc il est logique de contrôler qui peut devenir actionnaire.

Mais la clause d'agrément ne s'applique pas seulement aux actions. Elle s'applique aussi aux valeurs mobilières donnant accès au capital. Par exemple, certains titres de créance (comme des obligations) peuvent être convertis en actions plus tard. La personne qui achète ces titres aujourd'hui pourrait donc devenir actionnaire demain. C’est pour cela que la clause d’agrément s'applique aussi à ces titres : cela permet d'anticiper l'arrivée de futurs actionnaires potentiels.

L'article L.228-23 du Code de commerce dit clairement que la clause d'agrément s'applique à la cession "à quelque titre que ce soit". Ces mots sont très importants, car ils montrent que peu importe la forme de la cession, elle peut être soumise à agrément.

🔑 Qu'est-ce qu'une cession exactement ?

Une cession, c’est la transmission d’un bien (comme des actions) d’une personne à une autre, et ça peut se faire de différentes manières :

  • Par une vente : On transfère les actions en échange d'un paiement.
  • Par une donation : On transfère les actions gratuitement, sans contrepartie.
  • Par un échange : On transfère les actions contre un autre bien ou un autre titre.
  • Par la cession de contrat ou la cession de dette : D'autres formes juridiques peuvent aussi être concernées.

👉 Ce qui compte, ce n'est pas la raison ou la cause de cette transmission, mais le fait que les actions ou les titres changent de propriétaire. Peu importe la façon dont cela se fait, si c’est une cession, la clause d’agrément peut s’appliquer.

Dès qu’une opération entraîne le transfert de propriété d'une action ou d'un bloc d'actions à une autre personne, cette opération entre dans le champ d'application de la clause d'agrément. Cela signifie que la cession doit être soumise à l'accord des autres associés, car elle modifie la répartition du capital et donc l'équilibre au sein de la société.

Cependant, il est important de noter que le terme "cession" ne couvre pas toutes les opérations de transfert de propriété. Il ne concerne que les transmissions à titre particulier, c’est-à-dire les opérations où un bien spécifique (comme une action) est transféré directement d'une personne à une autre.

En revanche, le terme "cession" n'inclut pas les transferts universels de biens. Dans ces cas-là, les biens font partie d'une masse globale et ne sont plus identifiés individuellement. Par exemple :

  • En cas de décès d'un associé, les actions qu’il possédait entrent dans sa succession. Lors du transfert de l’ensemble de son patrimoine aux héritiers, les actions sont intégrées dans une masse unitaire qui comprend tous ses biens (actifs, dettes, etc.). Dans ce cas, il ne s'agit pas d'une transmission à titre particulier, mais d'un transfert universel de patrimoine. Par conséquent, la clause d'agrément ne s'applique pas, car ce ne sont pas les actions en elles-mêmes qui sont transférées, mais l'ensemble du patrimoine.
  • En cas de fusion de sociétés, le même principe s’applique. Prenons l’exemple d'une fusion-absorption où la société B est absorbée par la société A. Après la fusion, la société B disparaît, et son patrimoine y compris les actions qu’elle détient dans d'autres sociétés est transféré dans son intégralité à la société A. Ce transfert est une transmission universelle de patrimoine : tous les biens, actifs et dettes de la société B sont intégrés dans la masse patrimoniale de la société A.

Imaginons que la société B détenait des actions de la société C, et que les statuts de la société C contiennent une clause d'agrément. Lors de la fusion, la société A devient automatiquement propriétaire des actions de C, sans que les actionnaires de C aient pu donner leur accord. Pourtant, la clause d'agrément n'est pas applicable ici, car il ne s’agit pas d'une cession à titre particulier, mais d'un transfert universel de patrimoine.

Cela soulève alors une question : si la société A a absorbé la société B uniquement pour devenir actionnaire de la société C, est-ce une fraude destinée à contourner la clause d'agrément ?

Cette question reste délicate, mais la jurisprudence a souvent estimé qu'une transmission universelle de patrimoine ne constitue pas une cession au sens strict du terme. Donc, même si l'intention de la société A était d'entrer dans le capital de la société C, la clause d'agrément ne s'applique toujours pas.

Mais dans L’affaire Yves Rocher du 6 mai 2003,  on a eu un bon exemple de la question de l’application des clauses d'agrément lors d’une fusion de sociétés.

Yves Rocher était une société familiale, et un gros actionnaire était un chimiste. De l'autre côté, Sanofi, un autre chimiste, voulait prendre le contrôle d'Yves Rocher. La famille Rocher, soucieuse de garder le contrôle, s'entendait bien avec cet actionnaire chimiste. Pour empêcher Sanofi de devenir actionnaire, les statuts de la société Yves Rocher contenaient une clause d'agrément : cela signifiait que tout nouvel actionnaire devait être approuvé par les associés, notamment par la famille Rocher.

Mais voilà, pour des raisons totalement indépendantes, Sanofi a fusionné avec l'autre société actionnaire d'Yves Rocher. Suite à cette fusion, le patrimoine entier de cette société a été transféré universellement au nouvel ensemble créé par la fusion. Dans ce patrimoine, il y avait 25 % des actions d'Yves Rocher. Résultat : le nouvel ensemble est devenu actionnaire d'Yves Rocher, sans que la famille Rocher ait eu son mot à dire. La famille Rocher a dénoncé cette opération, affirmant que c'était une fraude et que la clause d'agrément aurait dû s'appliquer.

La Cour de cassation, dans son arrêt Yves R du 6 mai 2003, devait donc répondre à une question : la clause d'agrément doit-elle s'appliquer en cas de fusion ? La réponse du juge a été non. Pourquoi ? Parce que :

En s'appuyant sur plusieurs arguments juridiques essentiels, ils ont rappelé que, techniquement, une fusion ne constitue pas une cession. Dans les sociétés de capitaux, le principe est celui de la liberté de transmission des actions : les associés sont libres de vendre ou de transférer leurs actions sans restrictions, sauf si les statuts prévoient des clauses spécifiques comme la clause d’agrément. Or, cette clause est une exception à ce principe de liberté et, comme toute exception, elle doit être interprétée de manière stricte. En l’occurrence, la loi encadrant ces clauses mentionne uniquement les cessions d’actions, et non les fusions.

En conséquence, la fusion, bien qu’entraînant la transmission de la propriété des actions, ne relève pas de la notion de cession au sens strict. Par conséquent, la clause d’agrément, qui ne vise que les cessions, ne s’applique pas dans le cadre d’une transmission universelle de patrimoine résultant d’une fusion.

Toutefois, la Cour de cassation a également précisé un point crucial : rien n’empêche les associés d’élargir volontairement le champ d’application de la clause d’agrément. Si les statuts le prévoient expressément, cette clause peut s’appliquer non seulement aux cessions d’actions, mais aussi à toute autre forme de transmission, y compris les fusions. La portée de la clause dépend donc directement de la précision des termes utilisés dans les statuts.

C’est précisément cette question de rédaction qui a conduit la Cour de cassation à rendre deux décisions différentes le même jour, malgré des situations similaires :

  • Dans le premier arrêt Yves Rocher, la clause d’agrément mentionne la "transmission de toute action à un tiers". Cette formulation large inclut aussi bien les transmissions à titre particulier (comme les cessions) que les transmissions universelles (comme les fusions). Par conséquent, la Cour a jugé que la clause d’agrément aurait dû s’appliquer à la fusion.
  • Dans le second arrêt du même jour, concernant une autre société, la clause d’agrément visait uniquement les "cessions entre vifs", c’est-à-dire les transferts réalisés entre personnes vivantes à titre particulier. Or, la fusion étant une transmission universelle de patrimoine, elle ne correspond pas à cette définition. La clause d’agrément ne pouvait donc pas s’appliquer dans ce cas.


II) La Procédure d'une Clause d'agrément

Lorsqu’une clause d’agrément est prévue dans les statuts d’une SA, la procédure à suivre est encadrée par l’article L.228-24Com. Cette procédure est assez similaire à celle prévue pour les SARL par l’article L.223-14, où la clause d’agrément est légale et obligatoire.

La première étape de cette procédure consiste pour le cédant à notifier au dirigeant de la SA sa demande d’agrément concernant la cession envisagée. 

Une fois cette notification reçue, les dirigeants doivent convoquer l’organe compétent chargé de statuer sur cette demande d’agrément. Contrairement à ce que l’on pourrait intuitivement penser, cet organe n’est pas nécessairement l’assemblée générale des actionnaires, car cette dernière est coûteuse et chronophage. Pour plus de souplesse, les statuts peuvent désigner un autre organe ou une personne spécifique comme étant compétent pour prendre cette décision.

Si l’organe compétent accepte la cession, la procédure est validée et la cession peut se réaliser sans difficulté. En revanche, si l’agrément est refusé, la cession ne peut pas avoir lieu. Toute cession effectuée malgré ce refus serait frappée de nullité. Toutefois, afin de protéger les droits du cédant et d’éviter qu’il ne se retrouve “prisonnier” de la société, la loi prévoit une contrepartie : la société, les autres associés ou un tiers désigné doivent racheter les actions dans un délai de trois mois après le refus( obligation).Si c’est la société elle-même qui rachète les actions, elle peut soit les garder dans la limite autorisée par la loi, soit réduire son capital en les annulant. Le prix de rachat des actions n’est pas forcément celui que le vendeur et l’acheteur avaient prévu. Si les deux parties ne sont pas d’accord sur le prix, un expert indépendant peut être appelé pour estimer la valeur des actions.

L’actionnaire qui voulait vendre peut aussi changer d’avis : même après un refus d’agrément et une proposition de rachat dans les trois mois, il peut décider de ne plus vendre.

Enfin, si personne ne rachète les actions dans les trois mois après le refus d’agrément, la vente initialement prévue peut finalement se faire. Il est important de respecter cette procédure : si une vente se fait sans suivre ces règles, elle est annulée. Dans ce cas, l’actionnaire reste propriétaire des actions et l’acheteur doit rendre les actions et récupérer son argent.


A) Le prix de cession 

La détermination du prix de la cession, par ex une vente, soulève quelques difficultés traditionnelles. 

1)Les difficultés: 

2 types de difficultés : 

  • Question d’évaluation : comment évalue-t-on  des actions ? Les actions sont des droits que détient l’actionnaire à l’égard de la société. Compliqué car sociétés concurrentes. Aussi secteur sans forcément de référentiel…. La valeur de ces actions se détermine sur le fondement des résultats financiers donc des docs comptables et financiers. On va regarder le résultat, chiffre d’affaires, de combien la société a besoin…. La valeur des actions ne se réalisent pas uniquement sur ces éléments. Ex : évolution, futurs clients, perspective de développement…. Pas évident de déterminer le prix d’une action. 
  • Une fois qu’on est parvenu à une évaluation, la valeur peut évoluer très rapidement. Il y a des biens dont la valeur évolue lentement. Ex : bien immobilier. Valorisation du bien susceptible de varier de manière très rapide. Ex : société VINCI qui fabrique des autoroutes… a effectué un communiqué de presse en donnant la valorisation d’une de ses actions. 10 min plus tard, société refait un communiqué en disant que les comptes sont faux. La valeur de l’action a grandement évolué. Puis, 30 min après, on dit que le premier communiqué était faux et que c’était un pirate. Variation qui s’est rapidement opérée. 

Pour déterminer le prix, il faut se prémunir pour ces variations possibles. Cela contribue à la complexité de cette détermination du prix. 

2)Les remèdes 

Peuvent être mis en œuvre par les parties elles-mêmes : cédant et cessionnaire mais peuvent aussi être mis en œuvre par les tiers. 


  • Par le cédant et le cessionnaire

Lorsque les parties décident elles-mêmes de déterminer le prix, peuvent envisager deux choses : 

  • Déterminer un prix fixe : c’est le plus simple. Discussions qui parviennent à déterminer l’existence d’un prix fixe. Solution idéale et celle qui se rencontre le plus souvent dans les cessions d’actions pour les sociétés simples. 
  • La plupart du temps, on ne fixe pas un prix mais une formule qui va permettre de déterminer le prix car souvent une cession s’étale sur plusieurs mois. On va se mettre d’accord sur les éléments pour permettre de déterminer le prix. Ce sont les clauses de détermination du prix. 

Le prix peut donc être déterminé ou déterminable. Mais, on a respecté l’art 1591 qui exige un prix déterminé ou déterminable dans une vente.


  • Par les tiers

Parfois, les parties ne sont pas armées pour déterminer elles-mêmes le prix et confèrent donc cette mission à un tiers. 

Le cc prévoit l’intervention éventuelle de deux tiers qui peuvent se voir confier la mission par les parties à la cession d’actions de déterminer la valeur des actions à leur place. On parle du tiers estimateur de l’art 1592 du cc et on parle également improprement de l'expert de l’art 1843-4 du cc. 

Deux personnes qui peuvent se voir confier cette mission. L’art 1592 permet aux parties à un contrat de vente de déléguer la détermination du prix de leur contrat. Cet estimateur peut être appelé dès lors qu’il s’agit d’une vente de n’importe quelle sorte de biens y compris les ventes d’actions. C’est un texte général. 

L’art 1843-4 est placé dans le droit commun des sociétés et l’expert de cet art est spécifiquement prévu pour la détermination du prix et des parts sociales. 

En matière de cession d’actions, deux types d’experts peuvent être sollicités, selon les circonstances :

  1. L'expert de l'article 1592 : Il peut intervenir dans tous les types de ventes, y compris celles liées à la cession d'actions. Cet expert est généralement utilisé pour des cessions qui ne sont pas forcées et où les parties sont d'accord.
  2. L'expert de l'article 1843-4 : Cet expert intervient spécifiquement en cas de difficultés d'estimation des droits sociaux, et son champ d'application est plus restreint. Il est utilisé lorsque la cession est obligatoire, soit en raison de la loi, soit des statuts de la société. Par exemple, si un actionnaire se voit refuser l'agrément pour céder ses actions, la société doit racheter ces actions à un prix déterminé par un expert de l'article 1843-4. Un autre exemple serait une vente forcée d'actions lorsqu'un actionnaire viole une obligation légale, comme ne pas avoir libéré son apport, entraînant la perte de son droit de vote et, éventuellement, la vente forcée des titres.

Traditionnellement, l'expert de l'article 1843-4 n'intervient que dans des cessions obligatoires (légales ou statutaires). Cependant, la jurisprudence a évolué et permet désormais à cet expert d'intervenir aussi dans le cadre de cessions libres, c'est-à-dire lorsque les parties sont d'accord pour vendre mais rencontrent des difficultés pour déterminer le prix de cession.

La différence entre les deux types d’experts est significative et impacte directement le processus de cession d’actions :

L’expert de l’article 1592 : Lorsque les parties nomment un tiers pour déterminer le prix, cet expert n’a aucune obligation d’accomplir sa mission. Par exemple, si un acheteur et un vendeur s'accordent pour nommer un commissaire aux comptes afin de fixer le prix de la cession, et que ce dernier rencontre un obstacle (comme le refus du cédant de fournir les informations nécessaires), il peut renoncer à sa mission. Si l’expert échoue à accomplir sa tâche, cela peut entraîner la nullité de la cession, car l'article 1591 du Code civil exige qu’un prix soit déterminé pour qu’un contrat de vente soit valide. Ainsi, l'échec de l'expert à fixer le prix entraîne l'annulation de la vente.

L’expert de l’article 1843-4 : Contrairement à l'expert de l'article 1592, l'expert désigné par cet article doit absolument déterminer un prix. L'objectif de cette règle est d'éviter les incertitudes et d’assurer que le processus de cession puisse se concrétiser. Même en cas de difficultés, cet expert doit parvenir à une estimation du prix, ce qui apporte davantage de sécurité juridique dans les transactions obligatoires ou difficiles.


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Droit spécial des sociétés

Séance 6: La cession des Droit Sociaux Ière Partie

Les Modalités de la cession de droit sociaux 


Introduction Générale: 

En principe, un actionnaire peut vendre ses actions à qui il veut : les actions sont dites librement cessibles ou librement négociables.

Cependant, on peut limiter cette liberté en ajoutant une clause d’agrément dans les statuts de la société. Cela signifie que la société doit donner son accord avant qu’un actionnaire puisse vendre ses actions.

Cette pratique est apparue au XXe siècle, car les entrepreneurs choisissaient souvent la SA (Société Anonyme) pour ses avantages fiscaux et sociaux. Comme la SA reposait sur la confiance entre associés (intuitu personae), ils ont ajouté des clauses d’agrément dans les statuts pour contrôler les nouvelles entrées et sorties dans la société.

En 1966, cette pratique a été officialisée par la loi (ancien article 274). Aujourd’hui, l’article L.228-23 du Code de commerce prévoit que la vente d’actions ou de titres donnant accès au capital peut être soumise à l’agrément de la société si cela est prévu dans les statuts.

De ce fait ,La clause d'agrément est une modalité de cession d’actions, souvent présente dans les statuts d’une société, notamment dans les sociétés de type SAS (Société par Actions Simplifiée) ou parfois dans les SA (Société Anonyme)avec des actions nominatives.


L'existence de La clause d'agrément

 L'article L.228-23 Com permet donc d’inclure une clause d’agrément dans les statuts d'une société, mais il y a certaines situations où cette clause ne s’applique pas. Par exemple, dans les sociétés cotées en bourse, où les actions sont échangées sur le marché, il est impossible d’ajouter une clause d'agrément. En effet, un tel contrôle de l’actionnariat ne serait pas compatible avec le système boursier où la liberté d’échange des actions est primordiale.


En revanche, dans d’autres secteurs, comme celui de la presse, la clause d’agrément peut être obligatoire. Par exemple, les sociétés qui exploitent des entreprises de presse doivent garantir un pluralisme de la presse, c'est-à-dire que la presse ne doit pas être contrôlée par une seule personne ou un seul groupe. Pour assurer ce pluralisme, la loi impose une clause d’agrément dans les sociétés de presse, afin de contrôler l’actionnariat.

De manière générale, dans la plupart des sociétés, la clause d’agrément est facultative. Cela signifie que la société peut décider d’ajouter cette clause dans ses statuts ou non, selon ses besoins et ses objectifs. Si la société décide d’ajouter une clause d’agrément après sa création, cela nécessite une AGE pour modifier les statuts.

Les tribunaux ont aussi précisé que l’ajout d’une clause d’agrément ne crée pas de nouvelles obligations financières pour les actionnaires. Cette règle permet ainsi de simplifier l’adoption de telles clauses sans trop de complications juridiques ou financière

I) Le champ d’application de la Clause d'agrément


L ’art L.228-23 Com distingue deux types d’applications de la clause d’agrément : une en fonction des personnes qui sont les cessionnaires( Ratione personae) et l’autre en fonction de l’opération (quels types de cessions sont concernées).

A)L’application Ratione personae: en fonction des personnes qui sont les Cessionnaires 


La clause d’agrément s'applique en principe à toutes les cessions d'actions, mais il existe trois exceptions majeures où la clause d’agrément ne s’applique pas :

  • En cas de décès de l’actionnaire : Si un actionnaire décède, ses héritiers prennent sa place dans la société et deviennent automatiquement actionnaires, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’accord de la société, même s’il y a une clause d’agrément dans les statuts.
  • En cas de liquidation du régime matrimonial : Lors d’un divorce, les actions détenues par un couple marié sont partagées entre les époux, et ces cessions ne sont pas soumises à la clause d’agrément. C'est une règle qui permet de simplifier la situation en cas de séparation.
  • Les cessions entre proches : Il existe une exception pour les cessions d’actions entre les membres d’une même famille. Les cessions entre époux, ascendants (parents) et descendants (enfants) sont libres. Il n’est donc pas nécessaire de demander l’accord de la société pour vendre des actions à un membre de sa famille.

La clause d’agrément est une règle qui permet aux actionnaires de contrôler l'entrée de nouveaux actionnaires dans une société. En gros, elle empêche qu’un tiers (quelqu’un qui n’est pas déjà actionnaire) entre dans la société sans l'accord des actionnaires existants. Mais est-ce que cette clause peut s’appliquer entre actionnaires ? /Est-ce qu'un actionnaire peut vendre ses actions à un autre actionnaire librement ?

Avant 2004, l’article L228-23 du Code de commerce concernait surtout la cession d’actions à des tiers, c'est-à-dire à des personnes extérieures à la société. La Cour de cassation a répondu qu'une cession d'actions entre actionnaires n’était pas concernée par la clause d’agrément. En d’autres termes, les actionnaires pouvaient théoriquement vendre leurs actions à d’autres actionnaires sans qu'ils aient besoin de l'accord des autres. Cependant, cette situation n’était pas idéale, car cela ne permettait pas de contrôler la répartition du capital de la société.

Pour résoudre ce problème, Les clauses de préemption ont été créées. Ces clauses permettent aux actionnaires déjà présents dans la société d'avoir un droit de priorité pour acheter les actions d'un autre actionnaire avant qu'elles ne soient cédées à quelqu'un d'autre. Par exemple, si un actionnaire veut vendre ses actions, il doit d'abord proposer de les vendre aux autres actionnaires qui ont une priorité. Cela aide à répartir le capital de manière équitable entre les actionnaires existants.

Cependant, la situation n’était pas claire, car la violation d’une clause de préemption (c’est-à-dire ne pas respecter cette priorité d’achat) ne rendait pas la cession nulle. Cela a créé des situations où certains pouvaient contourner la règle.

Un autre problème est apparu avec des montages pour contourner la clause d’agrément. Par exemple, dans l'arrêt Barilla du 27 juin 1989, la société Barilla voulait racheter la société Rivoire et Carret. Mais comme il y avait une clause d'agrément, les actionnaires de Rivoire et Carret ont refusé l'achat. Alors, Barilla a demandé à un actionnaire de Rivoire et Carret (Cartier Million) de vendre ses parts à une autre société, Embranchement de la Capuche

Ensuite Barilla rachète les actions de cette société. Cela a permis à Barilla de contrôler Rivoire et Carret sans avoir à obtenir l'accord des autres actionnaires, ce qui était une tentative de frauder la clause d'agrément. La Cour de cassation a jugé que ce montage était frauduleux et a annulé cette vente.

Dans l'arrêt Barilla (1989), il y a eu fraude car le délai entre les différentes cessions d'actions était très court. Ce rapprochement temporel entre les cessions a permis aux juges de conclure à une tentative de contourner la clause d’agrément de manière frauduleuse.

En revanche, dans l’arrêt Midi Libre du 13 décembre 1994, la situation était similaire : il y avait deux cessions successives, d'abord entre actionnaires, puis un rachat de capital. Cependant, les juges ont estimé que la fraude n'était pas avérée, car le montage n'était pas suffisamment flagrant pour être qualifié de fraude.

Suite à ces décisions, l’article L.228-23 a été modifié, notamment pour préciser que la cession d'actions concernait aussi bien les cessions à des tiers que celles effectuées entre actionnaires. Avant cette modification, la clause d’agrément ne s'appliquait qu'aux cessions à des tiers , mais depuis l’ordonnance de 2004, cette clause est désormais applicable à toutes les cessions d'actions, y compris celles qui ont lieu entre actionnaires.

Cela a eu deux conséquences importantes :

  • Il n’est plus possible de contourner la clause d'agrément en procédant à des cessions successives entre actionnaires ou à des montages complexes.
  • La clause de préemption (qui permettait aux actionnaires existants d’acheter en priorité les actions proposées à la vente) n’a plus de raison d'être, car la clause d'agrément s’applique à toutes les cessions d’actions, peu importe si elles sont faites entre actionnaires ou non.
b) Le Champ d’application rationae materiae: en fonction de l’opération (quels types de cessions sont concernées).


La notion "rationae materiae" fait référence à l’acte de cession lui-même. Puisque la clause d'agrément s'applique aux cessions, il est important de définir ce qu'est une cession.

👉 Ce qui est considéré comme une cession : Toute transmission d'actions, peu importe la manière dont elle est faite (vente, donation, échange…), peut être soumise à la clause d'agrément.

👉 Ce qui n’est pas une cession : Les opérations qui ne sont pas des cessions ne sont pas concernées par la clause d'agrément.

Quand une clause d'agrément est prévue dans les statuts d'une SA , elle s'applique aux cessions d'actions. Le but est d'empêcher qu'une personne indésirable (un tiers) entre dans la société sans l'accord des autres actionnaires. Cela a du sens, car posséder des actions donne le statut d'actionnaire, donc il est logique de contrôler qui peut devenir actionnaire.

Mais la clause d'agrément ne s'applique pas seulement aux actions. Elle s'applique aussi aux valeurs mobilières donnant accès au capital. Par exemple, certains titres de créance (comme des obligations) peuvent être convertis en actions plus tard. La personne qui achète ces titres aujourd'hui pourrait donc devenir actionnaire demain. C’est pour cela que la clause d’agrément s'applique aussi à ces titres : cela permet d'anticiper l'arrivée de futurs actionnaires potentiels.

L'article L.228-23 du Code de commerce dit clairement que la clause d'agrément s'applique à la cession "à quelque titre que ce soit". Ces mots sont très importants, car ils montrent que peu importe la forme de la cession, elle peut être soumise à agrément.

🔑 Qu'est-ce qu'une cession exactement ?

Une cession, c’est la transmission d’un bien (comme des actions) d’une personne à une autre, et ça peut se faire de différentes manières :

  • Par une vente : On transfère les actions en échange d'un paiement.
  • Par une donation : On transfère les actions gratuitement, sans contrepartie.
  • Par un échange : On transfère les actions contre un autre bien ou un autre titre.
  • Par la cession de contrat ou la cession de dette : D'autres formes juridiques peuvent aussi être concernées.

👉 Ce qui compte, ce n'est pas la raison ou la cause de cette transmission, mais le fait que les actions ou les titres changent de propriétaire. Peu importe la façon dont cela se fait, si c’est une cession, la clause d’agrément peut s’appliquer.

Dès qu’une opération entraîne le transfert de propriété d'une action ou d'un bloc d'actions à une autre personne, cette opération entre dans le champ d'application de la clause d'agrément. Cela signifie que la cession doit être soumise à l'accord des autres associés, car elle modifie la répartition du capital et donc l'équilibre au sein de la société.

Cependant, il est important de noter que le terme "cession" ne couvre pas toutes les opérations de transfert de propriété. Il ne concerne que les transmissions à titre particulier, c’est-à-dire les opérations où un bien spécifique (comme une action) est transféré directement d'une personne à une autre.

En revanche, le terme "cession" n'inclut pas les transferts universels de biens. Dans ces cas-là, les biens font partie d'une masse globale et ne sont plus identifiés individuellement. Par exemple :

  • En cas de décès d'un associé, les actions qu’il possédait entrent dans sa succession. Lors du transfert de l’ensemble de son patrimoine aux héritiers, les actions sont intégrées dans une masse unitaire qui comprend tous ses biens (actifs, dettes, etc.). Dans ce cas, il ne s'agit pas d'une transmission à titre particulier, mais d'un transfert universel de patrimoine. Par conséquent, la clause d'agrément ne s'applique pas, car ce ne sont pas les actions en elles-mêmes qui sont transférées, mais l'ensemble du patrimoine.
  • En cas de fusion de sociétés, le même principe s’applique. Prenons l’exemple d'une fusion-absorption où la société B est absorbée par la société A. Après la fusion, la société B disparaît, et son patrimoine y compris les actions qu’elle détient dans d'autres sociétés est transféré dans son intégralité à la société A. Ce transfert est une transmission universelle de patrimoine : tous les biens, actifs et dettes de la société B sont intégrés dans la masse patrimoniale de la société A.

Imaginons que la société B détenait des actions de la société C, et que les statuts de la société C contiennent une clause d'agrément. Lors de la fusion, la société A devient automatiquement propriétaire des actions de C, sans que les actionnaires de C aient pu donner leur accord. Pourtant, la clause d'agrément n'est pas applicable ici, car il ne s’agit pas d'une cession à titre particulier, mais d'un transfert universel de patrimoine.

Cela soulève alors une question : si la société A a absorbé la société B uniquement pour devenir actionnaire de la société C, est-ce une fraude destinée à contourner la clause d'agrément ?

Cette question reste délicate, mais la jurisprudence a souvent estimé qu'une transmission universelle de patrimoine ne constitue pas une cession au sens strict du terme. Donc, même si l'intention de la société A était d'entrer dans le capital de la société C, la clause d'agrément ne s'applique toujours pas.

Mais dans L’affaire Yves Rocher du 6 mai 2003,  on a eu un bon exemple de la question de l’application des clauses d'agrément lors d’une fusion de sociétés.

Yves Rocher était une société familiale, et un gros actionnaire était un chimiste. De l'autre côté, Sanofi, un autre chimiste, voulait prendre le contrôle d'Yves Rocher. La famille Rocher, soucieuse de garder le contrôle, s'entendait bien avec cet actionnaire chimiste. Pour empêcher Sanofi de devenir actionnaire, les statuts de la société Yves Rocher contenaient une clause d'agrément : cela signifiait que tout nouvel actionnaire devait être approuvé par les associés, notamment par la famille Rocher.

Mais voilà, pour des raisons totalement indépendantes, Sanofi a fusionné avec l'autre société actionnaire d'Yves Rocher. Suite à cette fusion, le patrimoine entier de cette société a été transféré universellement au nouvel ensemble créé par la fusion. Dans ce patrimoine, il y avait 25 % des actions d'Yves Rocher. Résultat : le nouvel ensemble est devenu actionnaire d'Yves Rocher, sans que la famille Rocher ait eu son mot à dire. La famille Rocher a dénoncé cette opération, affirmant que c'était une fraude et que la clause d'agrément aurait dû s'appliquer.

La Cour de cassation, dans son arrêt Yves R du 6 mai 2003, devait donc répondre à une question : la clause d'agrément doit-elle s'appliquer en cas de fusion ? La réponse du juge a été non. Pourquoi ? Parce que :

En s'appuyant sur plusieurs arguments juridiques essentiels, ils ont rappelé que, techniquement, une fusion ne constitue pas une cession. Dans les sociétés de capitaux, le principe est celui de la liberté de transmission des actions : les associés sont libres de vendre ou de transférer leurs actions sans restrictions, sauf si les statuts prévoient des clauses spécifiques comme la clause d’agrément. Or, cette clause est une exception à ce principe de liberté et, comme toute exception, elle doit être interprétée de manière stricte. En l’occurrence, la loi encadrant ces clauses mentionne uniquement les cessions d’actions, et non les fusions.

En conséquence, la fusion, bien qu’entraînant la transmission de la propriété des actions, ne relève pas de la notion de cession au sens strict. Par conséquent, la clause d’agrément, qui ne vise que les cessions, ne s’applique pas dans le cadre d’une transmission universelle de patrimoine résultant d’une fusion.

Toutefois, la Cour de cassation a également précisé un point crucial : rien n’empêche les associés d’élargir volontairement le champ d’application de la clause d’agrément. Si les statuts le prévoient expressément, cette clause peut s’appliquer non seulement aux cessions d’actions, mais aussi à toute autre forme de transmission, y compris les fusions. La portée de la clause dépend donc directement de la précision des termes utilisés dans les statuts.

C’est précisément cette question de rédaction qui a conduit la Cour de cassation à rendre deux décisions différentes le même jour, malgré des situations similaires :

  • Dans le premier arrêt Yves Rocher, la clause d’agrément mentionne la "transmission de toute action à un tiers". Cette formulation large inclut aussi bien les transmissions à titre particulier (comme les cessions) que les transmissions universelles (comme les fusions). Par conséquent, la Cour a jugé que la clause d’agrément aurait dû s’appliquer à la fusion.
  • Dans le second arrêt du même jour, concernant une autre société, la clause d’agrément visait uniquement les "cessions entre vifs", c’est-à-dire les transferts réalisés entre personnes vivantes à titre particulier. Or, la fusion étant une transmission universelle de patrimoine, elle ne correspond pas à cette définition. La clause d’agrément ne pouvait donc pas s’appliquer dans ce cas.


II) La Procédure d'une Clause d'agrément

Lorsqu’une clause d’agrément est prévue dans les statuts d’une SA, la procédure à suivre est encadrée par l’article L.228-24Com. Cette procédure est assez similaire à celle prévue pour les SARL par l’article L.223-14, où la clause d’agrément est légale et obligatoire.

La première étape de cette procédure consiste pour le cédant à notifier au dirigeant de la SA sa demande d’agrément concernant la cession envisagée. 

Une fois cette notification reçue, les dirigeants doivent convoquer l’organe compétent chargé de statuer sur cette demande d’agrément. Contrairement à ce que l’on pourrait intuitivement penser, cet organe n’est pas nécessairement l’assemblée générale des actionnaires, car cette dernière est coûteuse et chronophage. Pour plus de souplesse, les statuts peuvent désigner un autre organe ou une personne spécifique comme étant compétent pour prendre cette décision.

Si l’organe compétent accepte la cession, la procédure est validée et la cession peut se réaliser sans difficulté. En revanche, si l’agrément est refusé, la cession ne peut pas avoir lieu. Toute cession effectuée malgré ce refus serait frappée de nullité. Toutefois, afin de protéger les droits du cédant et d’éviter qu’il ne se retrouve “prisonnier” de la société, la loi prévoit une contrepartie : la société, les autres associés ou un tiers désigné doivent racheter les actions dans un délai de trois mois après le refus( obligation).Si c’est la société elle-même qui rachète les actions, elle peut soit les garder dans la limite autorisée par la loi, soit réduire son capital en les annulant. Le prix de rachat des actions n’est pas forcément celui que le vendeur et l’acheteur avaient prévu. Si les deux parties ne sont pas d’accord sur le prix, un expert indépendant peut être appelé pour estimer la valeur des actions.

L’actionnaire qui voulait vendre peut aussi changer d’avis : même après un refus d’agrément et une proposition de rachat dans les trois mois, il peut décider de ne plus vendre.

Enfin, si personne ne rachète les actions dans les trois mois après le refus d’agrément, la vente initialement prévue peut finalement se faire. Il est important de respecter cette procédure : si une vente se fait sans suivre ces règles, elle est annulée. Dans ce cas, l’actionnaire reste propriétaire des actions et l’acheteur doit rendre les actions et récupérer son argent.


A) Le prix de cession 

La détermination du prix de la cession, par ex une vente, soulève quelques difficultés traditionnelles. 

1)Les difficultés: 

2 types de difficultés : 

  • Question d’évaluation : comment évalue-t-on  des actions ? Les actions sont des droits que détient l’actionnaire à l’égard de la société. Compliqué car sociétés concurrentes. Aussi secteur sans forcément de référentiel…. La valeur de ces actions se détermine sur le fondement des résultats financiers donc des docs comptables et financiers. On va regarder le résultat, chiffre d’affaires, de combien la société a besoin…. La valeur des actions ne se réalisent pas uniquement sur ces éléments. Ex : évolution, futurs clients, perspective de développement…. Pas évident de déterminer le prix d’une action. 
  • Une fois qu’on est parvenu à une évaluation, la valeur peut évoluer très rapidement. Il y a des biens dont la valeur évolue lentement. Ex : bien immobilier. Valorisation du bien susceptible de varier de manière très rapide. Ex : société VINCI qui fabrique des autoroutes… a effectué un communiqué de presse en donnant la valorisation d’une de ses actions. 10 min plus tard, société refait un communiqué en disant que les comptes sont faux. La valeur de l’action a grandement évolué. Puis, 30 min après, on dit que le premier communiqué était faux et que c’était un pirate. Variation qui s’est rapidement opérée. 

Pour déterminer le prix, il faut se prémunir pour ces variations possibles. Cela contribue à la complexité de cette détermination du prix. 

2)Les remèdes 

Peuvent être mis en œuvre par les parties elles-mêmes : cédant et cessionnaire mais peuvent aussi être mis en œuvre par les tiers. 


  • Par le cédant et le cessionnaire

Lorsque les parties décident elles-mêmes de déterminer le prix, peuvent envisager deux choses : 

  • Déterminer un prix fixe : c’est le plus simple. Discussions qui parviennent à déterminer l’existence d’un prix fixe. Solution idéale et celle qui se rencontre le plus souvent dans les cessions d’actions pour les sociétés simples. 
  • La plupart du temps, on ne fixe pas un prix mais une formule qui va permettre de déterminer le prix car souvent une cession s’étale sur plusieurs mois. On va se mettre d’accord sur les éléments pour permettre de déterminer le prix. Ce sont les clauses de détermination du prix. 

Le prix peut donc être déterminé ou déterminable. Mais, on a respecté l’art 1591 qui exige un prix déterminé ou déterminable dans une vente.


  • Par les tiers

Parfois, les parties ne sont pas armées pour déterminer elles-mêmes le prix et confèrent donc cette mission à un tiers. 

Le cc prévoit l’intervention éventuelle de deux tiers qui peuvent se voir confier la mission par les parties à la cession d’actions de déterminer la valeur des actions à leur place. On parle du tiers estimateur de l’art 1592 du cc et on parle également improprement de l'expert de l’art 1843-4 du cc. 

Deux personnes qui peuvent se voir confier cette mission. L’art 1592 permet aux parties à un contrat de vente de déléguer la détermination du prix de leur contrat. Cet estimateur peut être appelé dès lors qu’il s’agit d’une vente de n’importe quelle sorte de biens y compris les ventes d’actions. C’est un texte général. 

L’art 1843-4 est placé dans le droit commun des sociétés et l’expert de cet art est spécifiquement prévu pour la détermination du prix et des parts sociales. 

En matière de cession d’actions, deux types d’experts peuvent être sollicités, selon les circonstances :

  1. L'expert de l'article 1592 : Il peut intervenir dans tous les types de ventes, y compris celles liées à la cession d'actions. Cet expert est généralement utilisé pour des cessions qui ne sont pas forcées et où les parties sont d'accord.
  2. L'expert de l'article 1843-4 : Cet expert intervient spécifiquement en cas de difficultés d'estimation des droits sociaux, et son champ d'application est plus restreint. Il est utilisé lorsque la cession est obligatoire, soit en raison de la loi, soit des statuts de la société. Par exemple, si un actionnaire se voit refuser l'agrément pour céder ses actions, la société doit racheter ces actions à un prix déterminé par un expert de l'article 1843-4. Un autre exemple serait une vente forcée d'actions lorsqu'un actionnaire viole une obligation légale, comme ne pas avoir libéré son apport, entraînant la perte de son droit de vote et, éventuellement, la vente forcée des titres.

Traditionnellement, l'expert de l'article 1843-4 n'intervient que dans des cessions obligatoires (légales ou statutaires). Cependant, la jurisprudence a évolué et permet désormais à cet expert d'intervenir aussi dans le cadre de cessions libres, c'est-à-dire lorsque les parties sont d'accord pour vendre mais rencontrent des difficultés pour déterminer le prix de cession.

La différence entre les deux types d’experts est significative et impacte directement le processus de cession d’actions :

L’expert de l’article 1592 : Lorsque les parties nomment un tiers pour déterminer le prix, cet expert n’a aucune obligation d’accomplir sa mission. Par exemple, si un acheteur et un vendeur s'accordent pour nommer un commissaire aux comptes afin de fixer le prix de la cession, et que ce dernier rencontre un obstacle (comme le refus du cédant de fournir les informations nécessaires), il peut renoncer à sa mission. Si l’expert échoue à accomplir sa tâche, cela peut entraîner la nullité de la cession, car l'article 1591 du Code civil exige qu’un prix soit déterminé pour qu’un contrat de vente soit valide. Ainsi, l'échec de l'expert à fixer le prix entraîne l'annulation de la vente.

L’expert de l’article 1843-4 : Contrairement à l'expert de l'article 1592, l'expert désigné par cet article doit absolument déterminer un prix. L'objectif de cette règle est d'éviter les incertitudes et d’assurer que le processus de cession puisse se concrétiser. Même en cas de difficultés, cet expert doit parvenir à une estimation du prix, ce qui apporte davantage de sécurité juridique dans les transactions obligatoires ou difficiles.


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