CM – Sociologie
Les TD associés à ce cours proposent une entrée empirique sur ces questions, avec construction d’une problématisation, et recueil de données, sur la mise en œuvre d’une politique éducative ou d’un dispositif, particuliers 🡺 Faire une enquête sur un dispositif scolaire
Une épreuve de contrôle terminal (1h30) : composition sur les enjeux du cours
TD : Plusieurs travaux demandés : écrits et un oral ; par groupe et individuel
Bibliographie liste principale (obligatoire) :
BARRERE Anne, 2013. « La montée des dispositifs : un nouvel âge de l’organisation scolaire » in Carrefours de l’éducation, 2013/2, n°36, p.95-116
DURU-BELLAT Marie, FARGES Géraldine & VAN ZANTEN Agnès, 2018. « Chapitre 1. Les politiques scolaires », in Duru-Bellat, Farges & van Zanten, Sociologie de l’école, Armand Colin (5ème édition), pp. 11-34
van ZANTEN Agnès, 2021, Les politiques d’éducation, PUF, Que sais-je ? (4ème édition mise à jour)
Plan général du cours
Partie 1. Enjeux
- Dans la dynamique du raisonnement sociologique
- Sociologie de l’éducation ?
- Education/scolarisation : préalables entre histoire et anthropologie
- Un fil durkheimien : les apports de l’Évolution pédagogique en France (Durkheim, 1938)
Partie 2. Dans les dynamiques de l’après-guerre : la problématique des inégalités
- Massification, unification, démocratisation
- La problématique des inégalités dans les années 1970
- Les critiques et révisions de la théorie de la reproduction
- La fabrique des inégalités scolaires
Partie 3. Des nouvelles politiques éducatives ?
- Sociologie des politiques d’éducation et de l’action publique…
- Territorialisation des politiques éducatives : éducation prioritaire et politiques locales
- Quasi-marché, ouvertures aux familles
Partie I. Introduction et Enjeux
- Dans la dynamique du raisonnement sociologique
1. La sociologie ?
🡺 Sciences des « phénomènes » sociaux. Née à la fin du XIXème Émile Durkheim (1858-1917) – Max Weber (1864-1920) – en partie Karl Marx (1818-1883). L’ordre/Le changement. Révolution française, Révolution industrielle, Mouvement ouvrier
Apports d’éléments fondamentaux dans le domaine🡺 l’ordre, le changement ainsi que la justice sont des questions fondamentales 🡺 Lien social vers l’ordre de la raison plutôt que celle de la croyance 🡺 Autour des années 40, 50 vision plus empirique des enquêtes qui déploient des enquêtes à partir de la 2nde guerre mondiale
🡺Les « champs » spécialisés de la sociologie
Des réseaux de la sociologie qui sont spécialisés dans des « champs » au fil du temps et surtout à partir de la 2nde guerre mondial
🡺Une discipline basée sur des « enquêtes empiriques » (méthodologies plurielles)
🡺Des « paradigmes » et tensions théoriques : des sociologie(s)
Il y a des sociologies et des tensions avec des courants de recherche assez différents
Des définitions ? Parmi d’autres :
« La sociologie est l’étude des relations, actions et représentations sociales par lesquelles se constituent les sociétés. Elle vise à comprendre comment les sociétés fonctionnent et se transforment » (U. Montréal)
-Science, objectivité
-Des sociologie(s) 🡺 selon les sociologies(s), il n’y a pas les mêmes conceptions
L’objet de la sociologie : la société ? le social ?
- La société ? Pas un concept. Groupement d’individus en liens (volontaires ou non) mais des sous-groupes en relations diverses (conflictuelle ou non)
Les relations sociales sont des relations de conflits. Une société sans conflit est curieuse = totalitaire car tout le monde pense pareil
- Le « social » (du sociologue) : phénomène de vie en communauté qui caractérise les humains. Partout et toujours les humains ont vécu en liens… Et sont pris dans des relations d’interdépendance
🡺Est « social » tout fait, tout acte, tout rapport dans la mesure où il comporte une action de la société et/ou une action sur la société
On n’est jamais seul, on est en lien ne serait-ce que par la pensée avec les autres,
Remarque :
-La complexité des relations individu/société : le « lien social »
2. Deux premiers enjeux
Premier enjeu, épistémologique
- Sciences humaines et sociales (SHS)/Sciences de la nature ?
Science ? La même que les autres ? Quelle objectivité ? Quelle validation ?
Monisme ou Dualisme épistémologique (Wilhelm Dilthey, 1900)
Est-ce qu’il y a 1 critère de la science ou alors 2 grands blocs de la science 🡺 il faut penser cette différence
Sciences de la nature
- L’objet : le monde naturel et physique, une réalité objective (indép. Pensée)
- Causalité, expliquer
- Sciences « nomologiques » (rechercher des lois)
- Positivisme 🡺 manière de penser la science de manière positive
Sciences de « l’esprit » (culture)
- L’objet : sens et signification, monde vécu, intentions, actions
- Interpréter
- Comprendre/Expliquer/Décrire (expliciter) ?
- Herméneutique (interprétation) ? ou sciences historiques
Remarques – complications
-Une tension épistémologique en sociologie : Émile Durkheim/Max Weber
-Science historique : véridicité et non forcément vérité ( J.-C. Passeron)
L’opposition loi et histoire même du côté de la physique peut être complexe
Une visée d’objectivité = un travail
🡺Pas de jugements de valeurs
🡺Propos non normatifs : il ne s’agit pas de dire ce qui devrait être, mais ce qui est…
🡺Un principe d’extériorité en rupture ou en déplacement avec le « sens commun », « l’expérience sociale » et la « connaissance ordinaire »
- Une problématisation à partir de concepts scientifiques et de théories
- Des enquêtes, avec une méthodologie contrôlée : pour, décrire, expliquer, comprendre
Remarques-complexité
-Faits/valeurs : la “neutralité axiologique” (Max Weber). Le chercheur doit prendre conscience de ses propres valeurs
-Le problème du langage et de la connaissance ordinaire et de la connaissance ordinaire (les théories du sens commun), qu’on ne peut pas ignorer
Des méthodologies plurielles
🡺Approches quantitatives :
- Questionnaires
- Traitement secondaire de données statistiques
- Langage de variables
- Corrélations statistiques
🡺Approches qualitatives :
- Données langagières : entretiens ou analyse de documents produits dans le monde social
- Observations : enquêtes ethnographiques, observations participantes
Liées à des questions différentes, ne permettant pas de « voir » les mêmes choses : importance des questions (problématisation
« Le savant n’est pas l’homme qui fournit les vraies réponses, c’est celui qui pose les vraies questions » (Claude Lévi-Strauss)
Second enjeu, une antinomie centrale à dépasser : individu/société (individuel/collectif)
Opposition au cœur du sens commun, et problème central de la sociologie (comment le dépasser ?)
L’individu = un acteur social : une genèse sociale (socialisation) 🡺 il n’y a pas d’individu sans société
🡺Les individus ne sont pas des « automates » (ils sont des « acteurs sociaux »)… Et la société se construit, bouge, se transforme (il y a du changement, de l’histoire) etc.
Les sociétés se transforment et subissent des changements
🡺En sociologie : deux grandes approches classiques :manières d’appréhender le social
Holisme/Individualisme : primat du tout sur les parties / primat de l’action individuelle (en interaction)
Holiste. On part du tout social pour comprendre le comportement individuel
🡺Régularités, contraintes, détermination : mesurer, expliquer… Méfiance parole…
- « Socialisation » (imposition ? Déterminisme ?)
Individualiste. On part des parties (individu ou action) pour rendre compte du tout (société)
🡺Action, signification : comprendre, interpréter, reconstruire
- Agrégation des actions individuelles ?
Aujourd’hui : on tente de dépasser cette opposition : approches « constructivistes »
Les réalités sociales sont appréhendées comme des constructions historiques et quotidiennes des acteurs individuels et collectifs en situation
3. Du côté des deux fondateurs ….
Émile Durkheim (1858-1917)
🡺Une sociologie des « faits sociaux » (≠ psychologie)
« La cause déterminante d’un fait social doit être recherchée parmi les faits sociaux antécédents, et non parmi les états de conscience individuelle »
-Social : contraignant et extérieur à l’individu (qui s’impose à lui…)
Exemple « Le suicide » (1897) vraie complexité (école française de sociologie)
Max Weber (1864-1920)
Sociologie compréhensive ou de l’action sociale
« Nous appelons sociologie une science qui se propose de comprendre par interprétation l’action sociale et par là d’expliquer causalement son déroulement et ses effets »
-Exemple « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme » (1904) (dév. Capitalisme rapport à l’ethos protestant)
4. Des exemples de travaux empiriques
Exemple 1. Le suicide de Émile Durkheim (1897)
Objet et méthode de la sociologie et théorie de la socialisation
🡺Un phénomène sociologique (un « fait social ») refus explication psychologique : a priori un phénomène individuel
🡺Le fait social : Régularité et constance : les taux de suicide
Phénomène complexe, mais régulier et prévisible. Différent avec le phénomène individuel : complexe et imprévisible (cf. Baudelot et Establet)
🡺Statistiques (langage des variables) des corrélations (« variations concomitantes », époque, Religion, Famille, etc.) : coefficient de préservation 🡺 Typologie des suicides
Le suicide…
Formes du processus de socialisation
Déficience du processus de socialisation
Défaut
Excès
Intégration sociale
Égoïste
Altruiste
Régulation sociale
Anomique
Fataliste
Intégration : la façon dont un groupe attire l’individu, se l’approprie (interactions fréquentes entre membres, existence de passions uniformes, poursuite de buts communs). Une société (et des groupes) intégrée(s) (cohésion)
Régulation : nécessité de réguler, harmoniser, les comportements de ces individus (existence de hiérarchie sociale, de passions « socialement adaptées » pour chacun suivant la place dans cette hiérarchie). Rôle modérateur (autorité morale sur les individus) : modérer les aspirations, les besoins, les passions individuelles, les « appétits infinis ». Mais la hiérarchie doit être juste, le pouvoir obéit par respect et non par crainte. Sinon doit disparaître ou reposer sur contrainte (unité morale)
Égoïste : faible intégration – trop forte individuation. Exemple les célibataires, les différentes religions
Altruiste : le contraire : individu pas d’intérêt propre… renoncement abnégation, (exemple, sacrifice dans société primitives, les militaires…)
Anomique : régulation insuffisante : anomie économique et conjugale
- Économique : récession Mais prospérité (Le « mal de l’infini »)
- Conjugale : Problème : le divorce (lien conjugal affaibli). Préservation des Hommes mariés diminue si divorce existe. Les femmes au contraire… + le lien conjugal se rompt facilement + les femmes sont favorisées
Fataliste (Pb). Régulation trop forte. Excès de réglementation (avenir muré, passions comprimées, disciple oppressive). Les suicides d’esclaves… les époux trop jeunes et les femmes mariées sans enfants…
Implications et résonances contemporaines…
🡺Le social nécessaire, et/mais pas une négation de l’individu, sous quelles conditions ?
Enjeu des « faits d’institution »… une société intégrée (contraire de conception moderne, individualiste et normative d’intégration !)
🡺Les conditions collectives de la consolidation-production de l’autonomie individuelle
🡺Problème d’une doxa contemporaine très active sur le scolaire : les institutions (l’école, le langage…) seraient moins condition de possibilité (et matrices de construction) de l’individualité, mais bien plus limites ou obstacles imposés de l’extérieur à l’expression ou à la réalisation d’une nature (ou d’un potentiel) indépendante de toute construction sociale ou institutionnels (excellence, diversité des talents…)
🡺Le commun (public), normalisateur ?
Exemple 2. Dans la logique de l’interactionnisme symbolique
🡺Les phénomènes sociaux : un accomplissement des acteurs en situation d’interaction
🡺Méthodes : ethnographie – observations
Deux études de Erving Goffman (1922-1982)
Erving Goffman, « Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus », 1961
🡺 « L’institution totale »
🡺Des pratiques d’adaptation… (ordinaires)
🡺Désintégrantes ou intégrées
Mais : interprétées comme « symptômes » qui justifient internement…
Erving Goffman, « Stigmate. Les usages sociaux des handicaps », 1963
Stigmatisation comme rapport social et processus relationnel
Stigmate : étymologiquement une marque durable sur la peau, comme concept sociologique, en l’étendant à tout attribut social dévalorisant, qu’il soit corporel ou non – être handicapé, homosexuel, de telle ou telle religion, etc.
🡺 « La situation de l’individu que quelque chose disqualifie et empêche d’être pleinement accepté par la société »
Le stigmate n’est pas un attribut en soi : il se définit dans le regard d’autrui. Il renvoie à l’écart à la norme : toute personne qui ne correspond pas à ce qu’on attend d’une personne considérée comme « normale » est susceptible d’être stigmatisée. Le stigmate s’analyse donc en termes relationnels. Il renvoie autant à la catégorie à proprement parler qu’aux réactions sociales qu’elle suscite et aux efforts du stigmatisé pour y échapper
Que peut faire le stigmatisé ou stigmatisable ?
- S’invisibiliser
- Faire le fou (jouer avec le stigmate)
- Renversement du stigmate en affirmation identitaire
Comment sortir du stigmate ?
🡺Thèse de Chloé Riban : L’école dans le quotidien de mères de familles populaires ethnicisées, 2020, univ. De Rennes 2.
Exemple 3. Wilfried Lignier & Julie Pagis, 2017. Socialisation ?
De quelle manière les enfants appréhendent-ils les différences sociales qui constituent l’univers dans lequel ils grandissent ? Comment perçoivent-ils les inégalités, les hiérarchies, voire les clivages politiques qui le structurent ? à partir de quels critères en viennent-ils à se classer les autres ? Et d’où peuvent-ils bien tenir tout cela ? C’est à ces questions qu’entreprend de répondre cette enquête sociologique, menée deux années durant dans deux écoles élémentaires. Si les mécanismes de la socialisation enfantine sont souvent postulés, peu de travaux les ont réellement explorés
Wilfried LIGNIER & Julie PAGIS, 2017, L’enfance de l’ordre, Comment les enfants perçoivent le monde social
🡺Enquête sur les jeunes: perception du monde social 🡺 les manières enfantines de classer
Habitus : socialisation comme phénomène d’intériorisation – extériorisation des schèmes de perception et d’action
🡺Le « recyclage symbolique » : Schèmes de vision et de perception 🡺 pour penser la « sociogenèse » des perceptions sociales.
Cercle qui se suit
Le « Recyclage symbolique »
Schèmes de vision et de perception
Identification d’un phénomène de recyclage symbolique des injonctions éducatives, notamment Wdomestiques et scolaires, que les enfants transposent lorsqu’il leur faut se repérer dans des domaines peu familiers
Ces mots d’ordre deviennent ainsi des mots de l’ordre, employés par les enfants pour distinguer les métiers prestigieux des activités repoussantes, les meilleurs amis des camarades infréquentables, ou encore leurs partis et leurs candidats préférés quand surgit une élection présidentielle
Chacun trouvera sa place, du côté du sale ou du propre, de la bêtise ou de l’intelligence, des « bons » ou des « méchants ». Si bien qu’à travers la genèse de ces perceptions enfantines, c’est celle de l’ordre social lui-même que l’ouvrage retrace
« un déplacement opéré par les enfants de schèmes de vision et de perception qui leur sont imposés à la maison ou ailleurs au cours de leur socialisation… Ils les déplacent vers d’autres domaines dès la pratique » (pour penser le monde, en le classant)
Les manières enfantines de classer
Trois demandes de classement demandées aux enfants :
- Classement métiers
- Amitiés/inimitiés
- Acteurs politiques
🡺Deux schèmes recyclés : « Schème domestique » (propre/sale) « Schème scolaire »
🡺Injonction à ne pas se salir, avoir des bonnes notes, ne pas « faire la fifille » etc.
Classement Métiers
Méthodo. Demande d’ordonner des cartes sur lesquelles étaient représentés des métiers (mettre en haut et en bas) 🡺 interrogations collectives (pour voir comment ces classements s’insèrent dans les interactions entre enfants)
« Schème domestique » (propre/sale), hygiène etc.
Classement suivant origine sociale et genre
-Hiérarchie sociale. Jean contre reproche de chanter :
« Je m’appelle Jean et j’ai plus d’argent ! Mes parents travaillent à Auchan ! Mes parents en même temps sont des pigeons »
-Défense ou distinction « Femme de ménage » : « -Tu nettoies et ils te donnent 20 euros, ce n’est rien ! -N’importe quoi ! »
🡺Mieux classé par les enfants de milieu populaire que par ceux de classe moyenne et supérieur mais mise à distance par les garçons de milieux populaires …
Les odeurs désagréables, la boue, la poussière etc.
🡺Un garçon : « Après, boucher tu dois toucher la viande, (On entend : bahhhh dans la salle) »
🡺Une fille : « -moi je veux faire McDo. – oh (des cris) ça pue le McDo, ils mettent du caca dans les hamburgers… ils donnent des bonbons mais c’est du caca »
🡺Une fille : « -Moi je n’aime pas l’archéologie parce que c’est dégueulasse. – Pourquoi ? – Sais pas – Moi une fois j’ai fait un trou dans la terre, je me suis Sali le visage, la poussière ce n’est pas bien »
🡺Un garçon « -Conducteur de train ? – Non car le caca il tombe sur les rails »
🡺Une fille « fleuriste, non. Ça pique les épines. Après tu peux attraper des microbes, et moi suis pas vacciné contre le tétanos
Classement amitiés/inimitiés
« Schème scolaire »
« Schème domestique » (propre/sale)
Une fille :
« - Qu’est-ce que tu n’aimes pas chez Fouad ?
- Ben il n’est pas intelligent…
- Comment tu sais qu’il n’est pas ?
- Parce qu’il n’a pas de bonnes notes … »
Classement acteurs politiques (élections, 2017 et autres)
« Schème scolaire »
Et schème domestique genré
« Lui il n’est pas gentil, il coupe tout le temps la parole au journaliste (Sarkozy)
🡺Poutou il a eu 3%, il est nul !
« Sarkozizi ! (ah ah ahha) »
« ah oui Hammon il est trop beau »
« Le Pen elle est vieille, elle est moche, elle crie trop fort… »
5. Troisième enjeu : Problèmes sociaux/problèmes politiques/problèmes sociologiques
🡺Problèmes « sociaux »/ « problèmes politiques » (ou « publics »)/ « problèmes sociologiques »
Qu’est-ce qui fait ou ne fait pas « problème social et politique » ? Quand, comment et qui ?
Exemples :
- Tremblements de terre (XVIIIème)
- Problème social avec la construction des maisons au bord de la falaise
- Hépatite C : 600 000 contaminés en France…
- Sélection dans la presse entre ce dont on parle publiquement
- Hiver 2006 : Les enfants de Don Quichotte…
- Les sdf ne sont pas assez pris en charge par le domaine publique
Le travail sociologique (enquête) sur les problèmes sociaux / politiques
1. Qu’est-ce qui fait « problème social et politique » ? Quand, comment et qui ? (sociogenèse… des questions, problèmes, catégories
2. Reconstruire la complexité du phénomène (comme phénomènes relationnel)
🡺 « Problème social » et « public » : tendance et risque à la naturalisation et à la substantialisation… : catégorisation d’individus ou de groupes…
Exemple. L’abstentionnisme du vote féminin (Madeleine Grawitz, 1965)
Statistique et « langage des variables » : Des « femmes » ? (droit de vote des femmes en France : 1944)
1. Les femmes mariées votent presque autant que les hommes
2. Chez les célibataires :
- Les actives s’abstiennent moins que les hommes
- Les inactives s’abstiennent beaucoup…
- Idem hommes célibataires inactifs (mais moins nombreux)
Pente du « sens commun »
Les femmes ne sont pas intéressées par la politique et donc votent moins que les hommes…
🡺Pente « homogénéisation » et « naturalisation » ou « essentialisation », « substantialisation », … « Nature féminine », caractères etc. (intérêts sociaux et rapports de pouvoir ?)
Connaissance sociologique
L’abstentionnisme est lié à une moindre intégration à la société (intégration qui se fait principalement par le fait d’avoir une famille et un travail)
🡺Raisonnement sociologique, « relationnel » Ici théorie Durkheimienne de l’intégration
Exemple. Claude Gilbert (2008). « Sécurité routière »
« Sécurité routière » : réduite à une question de comportement individuel et de pression normative (des délinquants) : « quand l’acte de conduire se résume à bien se conduire » (Gilbert, 2008)
Les aspects liés eux-mêmes, à l’aménagement du territoire et des réseaux routiers, aux évolutions technologiques, à l’organisation des formes de mobilités, à la place qu'occupe la consommation automobile dans les sociétés contemporaines, sont autant de points qui sont occultés. La sécurité routière est limitée à un enjeu de contrôle policier, là où d’autres entrées pourraient être aussi privilégiées
« échec scolaire »
Viviane Isambert-Jamati (1985). Quelques rappels de l’émergence de l’échec scolaire comme « problème social » dans les milieux pédagogiques français. In Plaisance (dir.) L’échec scolaire : Nouveaux débats, nouvelles approches sociologiques. CNRS
Jusqu’aux années 1960 dans lesquelles se produisent l’unification et la généralisation du premier cycle secondaire, le terme échec scolaire concernait presque exclusivement les échecs paradoxaux rencontrés par certains enfants de milieux aisés et cultivés que l’on s’attendait à voir réussir leur scolarité secondaire, et non les scolarités courtes des jeunes d’origine populaire. C’est la généralisation de l’entrée au collège et les difficultés qu’y rencontre son nouveau public qui, dans les années 1960-1970, va faire de l’échec scolaire un « problème social », dont on parle de plus en plus, et de manière paradoxale puisque progresse régulièrement la proportion de jeunes obtenant des diplômes généraux ou professionnels
Bernard Lahire : L’invention de l’illettrisme, 1999
L’ « illettrisme » fait désormais partie des grands problèmes sociaux publiquement reconnus. Depuis l’invention du néologisme, à la fin des années 1970, on a assisté à la fantastique « promotion » de ce problème. Mais entre la réalité des inégalités d’accès à l’écrit, qu’il ne s’agit pas de nier, et les discours qui sont censés en parler, le rapport n’a rien d’évident. Il retrace l’histoire de l’ « invention » collective de l’illettrisme. L’étude est un moyen de prendre distance par rapport aux présupposés et aux pièges des discours ordinaires. Elle permet de saisir le poids des représentations de l’écrit ainsi que des processus de stigmatisation qu’induit la valorisation sociale de la culture lettrée
🡺 « Populisme/Misérabilisme »
Wilfried Lignier : La petite noblesse de l’intelligence. Une sociologie des enfants surdoués, 2012
Comment, sous le nom de « précocité intellectuelle », les élèves dits « surdoués » sont-ils devenus une question éducative officielle dans l’espace public français ? Qui sont, que veulent et que font les parents qui ont recours à un psychologue pour attester la grande intelligence de leur(s) enfant(s) ?
🡺Luttes dans et autour de la scolarisation… Classements scolaires… Définition de l’école…
Qu’est-ce qui fait problème (public) à l’école ?
« Inégalités d’accès » « Laïcité » > fin XIX°
« Échec scolaire » > 1960-70
« Inégalités de réussites et parcours » > 1960-70
« La violence à l’école » >1980
« Hétérogénéité des publics » >1980
« Insertion professionnelle » > 1980-90
Laïcité > 1990
« Décrochage scolaire » > 2000…
« Diversité des publics » « élèves à besoins spécifiques » ? « Excellence » - Performance… ? Réussite éducative ? >2010
Reconfigurations enjeux scolarisation et justice ?
🡺Massifier, Unifier, Démocratiser…
🡺Compenser (une incapacité, un handicap)
🡺Maximiser – augmenter un « potentiel » ?
- Sociologie de l’éducation ?
Un domaine scientifique riche, mais segmenté et en renouvellement : plusieurs générations, plusieurs paradigmes…
1. Enjeux, histoire
1. Son objet ? « Sociologie de l’éducation »/ « Sociologie de l’école » ? (Duru-Bellat et van Zanten, 1992… 2018). Moment durkheimien et après seconde guerre
🡺Une tension forte : un « champ spécialisé » (autonome) et/ou une entrée transversale à toute sociologie et phénomènes sociaux (élément d’une sociologie générale : Rapport Individu/société ; « Socialisation » - Le lien social…) Cf. André Petitat, Basil Bernstein
🡺Inter ou pluridisciplinarité, concurrence autres disciplines. Défi des sociologues d’aujourd’hui…
🡺Les sciences de l’éducation (et de la formation) : enjeux pas unité épistémologique, mais de l’objet. Le lieu du débat entre disciplines… (V. Isambert-Jamali, G. Vergnaud)
🡺Plusieurs générations. Proposition : 4 générations si on compte E. Durkheim, mais pas de champ autonomisé ici…
🡺En relation complexe avec contexte historique, social, politique… Développement de la scolarisation… Conception de l'État. Les numéros correspondent aux générations
2. Trois grands axes de réflexion dans les sociologies de l’éducation
Axe 1. Reconfigurations et mutations de la scolarisation ?
Une forme historique, des « évolutions », les « nouvelles politiques éducatives », rapport aux autres institutions de l’action publique éducative…, des inerties ?
🡺Problématique de la permanence et du changement
🡺Relations Monde social – structures sociales / monde scolaire
🡺La scolarisation, l’Action publique et les autres institutions éducatives
Actualité :
- L’école = une forme immuable ? Rigide ? Impossible à réformer. L’Institution scolaire : « Quintessence de la bureaucratie » (Michel Crozier, 1964) ?
- Mais, saturation de la « nouveauté » (politiques et recherches) : « Le nouveau contrat pour l’école » (F. Bayrou), « L’école du XXIème siècle » (C. Allègre) et « Le Collège de l’an 2000 »(S. Royal). « La troisième grande révolution de l’école moderne » (L. Chatel, « La refondation de l’école de la République » (V. Pellion).
- Les « nouvelles politiques éducatives » : réformes supranationales – Modernisation ? Néo-libérales ? Fin de l’école ?
- Transformation des frontières de l’action publique éducative (temps, espace, activité : Apprentissage tout au long de la vie… Homeschooling.forme éducative ? etc.)
Axe 2. Syntaxe éducation – démocratie : justice posture critique
🡺Complexité et ambivalence. École : vecteur de démocratie (garantie de droits, de justice sociale) ET/OU lieu de rapports de domination ?
- Espace de sélection et de reproduction sociale (de légitimation) (Bourdieu et Passeron)
- Dispositif de « normalisation » et de « disciplinarisation » des corps et de l’esprit (Michel Foucault)
- Construction et empêchement de « subjectivation » (Dubet et Martucelli, 1996) ?
🡺Un espace complexe, hétérogène, travaillé par des forces, mécanismes et logiques multiples
Remarque. Problème « dominocentrisme » (on ne voit que des rapports de domination ? Quels possibles et enjeux démocratiques, de justice ?)
Vision consensualiste/Conflictualiste (renouvelé) ?
Axe 3. Évolutions paradigmatiques mais segmentations en sociologie de l’éducation
🡺Approche Statique/Dynamique du social
- Différentes approches « structuro-fonctionnalistes »…
- Constructivisme ? Théories de l’action et processus
🡺Comment se construisent les phénomènes sociaux diagnostiqués ? (inégalités, rapports de domination, etc.)
🡺Segmentation et recherche d’articulation
- Une sociologie de politiques publiques, de la « fabrique » de l’école ( sociologie de l’action publique…)
- Développement d’une sociologie du curriculum et de la pédagogie
- Éducation/scolarisation. Préalables entre histoire et anthropologie
🡺L’éducation n’est pas que scolaire 🡺 anthropologique 🡺 sans éducation il n’y a pas de société, ça a toujours existé (attention : la scolarisation n’a pas toujours existé, elle est placée historiquement)
🡺Ne pas confondre « scolarisation » & « éducation »
🡺Une condition d’existence. « La condition première de l’individu : le petit d’homme obligé d’apprendre pour être » (Bernard Charlot)
🡺Hannah Arendt (1958). L’essence de l’éducation : « Le fait de la natalité ». Les « nouveaux venus » : protection de l’enfant (de la vie) ET du monde qui leur préexiste (renouveler le monde commun…)
1. Dimension universelle (anthropologique). Transmission de la culture et condition de développement de l’individu : toutes sociétés, en tout temps, bien avant l'invention de « l’école » (forme historique). Mais qui se réalise dans des formes historiques, sociales et culturelles… Cf. Bernard Charlot (1997). Du rapport au savoir. Éléments pour une théorie, Anthropos). Hannah Arendt (1958, « La crise de la culture » in La crise de la culture, Gallimard : « l’essence de l’éducation : le fait de la natalité » ?
2. « La scolarisation » ? ( phénomène historique, rapport aux autres modes d’apprentissages…), ses transformations historiques
1. Dimension anthropologique : une condition d’existence
Cf. aussi André Petitat. L’education comme domaine transversal à toute sociologie (2009, Le réel et le virtuel, Genèse de la compréhension, Genèse de l’action, Droz).
Toute relation sociale—constituée ou en voie de constitution, figée ou en mouvement – comporte des dimensions éducatives, parmi lesquelles on peut distinguer entre inculcation, apprentissage et socialisation. Entrer dans une relation, c’est faire l’expérience au moins partielle de la pluralité des possibles et éventuellement de ses transformations. L'éducation procède par insertion dans des dynamiques relationnelles singulières ( entre parents et enfants, entre amis, entre conjoints, entre patrons et employés, entre acheteurs et vendeurs, entre enseignants et enseigné, etc.). (…)
Cette définition (…) donne à la sociologie de l’éducation sa juste place, comme sous-discipline transversale, incontournable pour les autres sous-disciplines de la sociologie…
« Le petit d’homme obligé d’apprendre pour être » ?
(Charlot, 1997). La néoténie et l’externalisation du patrimoine de l’espèce humaine « Phylogenèse » et ontogenèse.
La « néoténie » : caractère prématuré de l’individu (Néoténie version Lacan)
- L’humain n’est pas fini à la naissance (pas comme les chevaux qui se lève pour marcher tout de suite après)
- L’enfant ne survit pas sans autrui
- Ex : Victor de l’Aveyron
- Externalisation du patrimoine de l’espèce humaine : toute l’évolution humaine concourt à placer en dehors de l’homme ce qui, dans le reste du monde animal, répond à l’adaptation spécifique
- Ex : l’homme écrit des livres pour extérioriser sa culture
- L’humain renaît dans la culture dans laquelle il arrive
Un fait fondamental : « Cette propriété unique que l’homme possède de placer sa mémoire en dehors de lui-même, dans l’organisme social » (André Leroi-Gourhan, 1964)
🡺Richesse de « l’équipement social excentré »
🡺 « Substitution » de l’histoire à l’évolution biologique ( et instinct)… dans l’ordre de la phylogenèse et de l’ontogenèse
Phylogenèse
Développement de l’humanité (Hominisation, évolution)
« Il ne faut pas envisager le processus d’hominisation comme un passage du rien au tout qui aurait fait succéder à une évolution purement physique une évolution purement culturelle : outils, langage, organisation sociale, art et religion ont été des facteurs et non des conséquences de l’hominisation ; (…) ils sont partie intégrante du processus d’évolution et de transformation… » (Jean Molino)
- Le geste, l’outil (Homo faber), la parole (Homo sapiens), comme étape fondamentale – si ce n’est mutation ? (Leroi-Gourhan, 1964)
- Remarque. « L’écriture » : Jack Goody
Ontogenèse
Développement de l’individu
« Psychologies historico-culturelles du développement »
Lev. Semionovitch Vygotski
Genèse sociale de « l’esprit » : médiatisée, au cours d’activités réalisées avec autrui, par l’appropriation, l’usage et l’exercice d’instruments, de pratiques ou d’ « artéfacts sémiotiques »
🡺Remarque. Développement et apprentissage : « développement appropriatif » (≠ modèle germinatif et béhaviorisme)
Remarque. Enjeux de « l’éducation » pour le développement individuel et collectif
Une vision dynamique, processuelle, une « histoire ouverte »
Le cerveau = ressource pour la pensée, mais n’en est pas la source… qui se trouve dans le commerce des hommes entre eux
Subjectivité, société et cognition sont liées ou déliées dans l’action (précurseur de la « cognition située », contre approche mentaliste et désincarnée d’une intelligence qui n’aurait ni racine corporelle ni racine sociale)
« Pensée et langage », 1934/1997
Pb. De départ l’égocentrisme enfantin, le langage égocentrique (socle de la théorie de Piaget)
🡺Piaget : « Le social n'apparaît qu’au terme du développement ». Le langage social (destiné aux autres) ne précède pas le langage égocentrique, mais le suit (pensée égocentrique 🡺 vers 6 ans : théorie de l’esprit, ouverture interactions, pensée logique). Individuel 🡺 Social (filiation kantienne)
🡺Vygotski : « le langage égocentrique est une forme transitoire du langage extériorisé en langage intérieur » (106)
Langage intérieur : destiné à soi-même. « Si dans le langage extériorisé la pensée s’incarne dans la parole, la parole disparaît dans le langage intérieur, donnant naissance à la pensée »
Le mouvement couvre « du langage social au langage individuel, et aussi à la pensée verbale autistique » (107)
🡺Social-individu : pas « intériorisation » simple : pas du dehors au-dedans, mais recréation du dehors par le dedans… (Mots, concepts, etc.) (intériorisation = activité externe vers activité interne)
🡺Concepts quotidiens/Concepts scientifiques : ni rapports d’éviction ni d’exclusion… (mais élaboration médiations, développement réciproques). Analogie langue seconde
Trois conceptions du rapport développement/apprentissage
1. « Développement » et « apprentissage » seraient deux processus indépendants l’un de l’autre (modèle germinati). Ici « l’apprentissage scolaire est en quelque sorte une superstructure de la maturation » (Critique de Piaget)
2. Apprentissage et développement sont confondus : conception « de l’ancienne psychologie », reformulée dans la réflexologie béhavioriste : « le développement mental n’est rien d’autre qu’une accumulation progressive et continue de réflexes conditionnés » (sans acte de pensée)
3. Le développement se caractérise par une première phase de maturation, puis dans une seconde phase comme « apprentissage ». Vygotski : il n’y a pas deux lignes de développement séparées, mais bien une seule : la logique du développement appropriatif qui renvoie au processus complexe et dialectique dans lequel prend place l’apprentissage des «n, concepts » et de la culture écrite, en fait les activités qui mettent en jeu leur appropriation
🡺Perspective historico-culturelle du développement qui s’intéresse aux passages entre activité personnelle et activité sociale, au devenir de l’une dans l’autre…
🡺 « Intériorisation » : activité externe vers activité interne
🡺L’histoire de la société se retrouve en chaque sujet. Celui-ci se développe avec la société, contre elle, au-delà d’elle
🡺C’est pourquoi, pour L. S Vygotski, l’histoire n’est pas le passé. C’est la transformation du passé. C’est la transformation du passé en devenir ou l’échec de cette transformation (Yves Clot)
🡺Marcel Mauss (1924) : « services rendus, questions posées de la psychologie à la sociologie… »
🡺Pauvreté du modèle d’une « socialisation par intériorisation » (contre conception spontanéiste de l’individu)
🡺Les conditions collectives de la consolidation-production de l’autonomie individuelle (E. Durkheim… R. Castel…)
🡺D’autres concepts : celui de « subjectivation » (H. Wallon) « normativité » (Canguilhem)
🡺Actualité modèles germinatif/béhavioriste dans les « discours et conceptions de l’école » (doxa)
2. Une forme (et obligation ?) historique (école, scolarisation) ?
Trois thèses globales sur le développement historique de la « scolarisation »
2.1. Jack Goody. École et développement culture écrite (4000 av. J.-C., …extrême développement…)
« Tout le processus de l’éducation écrite devient une question d’absorption du savoir abstrait par le canal de médiateurs, soit indirectement à partir de livres, soit indirectement par des maîtres », en fait par l’école (Goody, 1994, p. 168)
« L’école et l’écriture sont inextricablement liées depuis leurs origines (d’où la difficulté de les séparer à fin d’analyse) » (Goody, 1994, 191)
1. L’importance des transformations cognitives produites par la « culture écrite » (les « technologies de l’intellect » : pas que pratiques lecture et écriture, et pas uniquement linguistique, mais sémiotique, pas simplement opposée à l’oral…)
2. Nécessite des formes spécifiques d’appropriation, même si…. Complexité toujours déjà ici (rapport de nécessité, exigence)
3. Des rapports de domination. L’écrit : un outil, un avantage et « ceux qui maîtrisent un avantage ne l’abandonnent pas facilement »
🡺Goody J. (1994). Entre l’oralité et l’écriture. Paris : PUF
🡺Goody J. (2007). Pouvoirs et savoirs de l’écrit, Paris : La dispute
🡺Extension : école construction des « dispositifs au travail d’étude »
🡺La Skholè :
« Aménagement d’un temps et d’un espace spécifiques permettant une prise de distance par rapport au cours de l’expérience et donc un retour sur celui-ci
Skholè : « loisir », et aussi racine du mot « école », en latin schola
Origine idée de temps libre, de diversion, de repos propres au travail intellectuel
P. Bourdieu (Méditations pascaliennes) : Skholè = « temps libre et libéré des urgences du monde qui rend possible un rapport libre et libéré à ces urgences » (p. 10). La Skholè est la condition de l’existence de tous les champs savants. La plus déterminante des conditions sociales de possibilité de la pensée : la disposition scolastique « qui incline à mettre en suspens les exigences de la situation, les contraintes de la nécessité éco. Et social, les urgences qu’elle impose, les fins qu’elle propose » (p. 27)
2.2. La théorie de la « forme scolaire » (G. Vincent)
🡺La « forme scolaire ». XVIIe siècle ? École chrétienne (G. Vincent, L’éducation prisonnière de la forme scolaire ? PUL, 1994)
🡺 « La forme scolaire est le mode de socialisation caractérisé par une relation inédite – pédagogique – entre un maître, ses élèves et des savoirs au sein d’un espace et un temps spécifique, codifiés par un système de règles impersonnelles »
🡺Un « espace » clos (séparé) ; un « temps » spécifique, ordonné. Indépendant d’autres rapports sociaux (≠ imitation ; socialisation pratique)
🡺Relation pédagogique entre un maître et ses élèves, « la classe », apprentissage simultané… Même niveau, activités, même espace…
🡺Relation spécifique au pouvoir : « rapport à des règles impersonnelles », codifiées : les mêmes pour tous. Apprendre selon des règles
🡺Unité école contemporaine (école chrétienne XVIIe – Républicaine)
🡺Deux inflexions importantes
XIXe siècle. Enfant raisonnable plutôt qu’enfant obéissant
XXe siècle. Essor des pédagogies nouvelles, attention portée à l’enfance par la psychologie, spontanéité, créativité, affectivité…
🡺Transformations, mais extension de la « forme scolaire » (« pédagogisation » des relations sociales, cf. B. Bernstein) ?
Problèmes théorie forme scolaire
🡺Tendance à associer « forme » et formalisme… (rigidité arbitraire ?)
🡺Risque homogénéisation « traits de la forme scolaire »
Qui va entraîner Enjeux
🡺Pédagogisation/ Justice (Développement des pouvoirs de penser, d’agir ?)
🡺Changement, « innovation » / démocratisation
Qui va entraîner Enjeux-Questions
Paradoxe : Scolarisation d’autres pratiques et lieux ET Déscolarisation de l’école (« populisme pédagogique »… « Performance », etc.) ?
Remarque (ajout). Le concept de Literacy (Littératie)
OCDE : « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités »
🡺L’école : le lieu privilégié d’apprentissage de la littératie
🡺Les difficultés scolaires, en rapport à la littératie, « culture écrite »
Bernard Lahire, 1993, Culture écrite et inégalités scolaires. Sociologie de « l’échec scolaire » à l’école primaire
1. « Le maître écrit au tableau : « la pluie ne tombe pas violemment », fait lire la phrase et dit : « tiens je vais changer un peu, je vais écrire comme ça » ; il écrit « elle ne tombe pas violemment » et demande : « est-ce qu’ici (la deuxième proposition) on sait de qui on nous parle ? »
Les élèves répondent « Oui ». Le maître repose la question qui prend donc la forme d’une « fausse question », puisque si la réponse donnée était celle qu’il attendait, il ne la reposerait pas : « si vous avez seulement « elle ne tombe pas violemment » est-ce ça vous suffit pour savoir de qui on parle ? » Les élèves, malgré la « fausse question » qui devrait les amener à aller dans le sens du maître, résistent en affirmant que cela suffit pour savoir de qui on parle. Le maître explique donc ce qu’il essayait d’obtenir des élèves : « dans la première phrase on nous dit que c’est « la pluie » qui ne tombe pas violemment, dans la deuxième on ne sait pas qui c’est « elle ». À cela, un élève (A, 10 ans, père : ouvrier, mère : sans profession) réplique : « Oui ! on sait, on voit les gouttes tomber ! »
🡺Rapport oral-pratique au monde/Rapport scriptural-scolaire au monde
2. « Maître : à propos du verbe de la proposition : « Laurent va chez l’orthophoniste » : Qu’est-ce que qu’il donne comme renseignement ? K. (10 ans, père : ouvrier, mère : sans profession) : Le renseignement c’est l’orthophoniste qui le donne (dit très sérieusement). Maître : non mais dans la phrase ? »
3. « Maître : « Chantal (institutrice) et Madame P. (directrice de l’école) ont de la chance. » 🡺 « Elles ont de la chance ». S. (11 ans, père : ouvrier, mère : sans profession) : alors les autres ils ont la poisse ! (rires) »
4. « La leçon porte sur la proposition subordonnée relative. La maîtresse donne un exemple en début d'exercice. Maîtresse : « Un bruit m’empêche de dormir. Le bruit qui vient de la salle m’empêche de dormir ». M.C. (2 ans de retard, père : ouvrier, mère : assistante-maternelle) « commente » sans que la maîtresse ne l’entende : « C’est bien fait » ».
2.3. Piste enjeu problématique : la scolarisation en Sociologie de l’éducation… ?
Raisonnement sociologique « historico-anthropologique »
Problématisation de l’école, comme « sphère d’activités » (Skholè) travaillée par des rapports sociaux complexes
Des contextes historiques…
Des politiques éducatives
Une organisation
Des corps professionnels
Des usages, des « stratégies »
🡺Des conflits, des « luttes », des enjeux, des tensions…
Action éducative/Rapports sociaux
- Un fil durkheimien : les apports de l’Évolution pédagogique en France (Durkheim, 1938)
Rappel. Émile Durkheim 1856-1917
🡺Perspective « holiste » Expliquer le social par le social. Le social : contrainte, « extérieur » conscience individuelle
🡺Le rapport individu/société, le lien social : une théorie de la socialisation
🡺Le suicide : intégration et régulation
🡺Réflexion sur le processus qui, tout en permettant l’individuation, assure la cohésion sociale propre à la forme moderne de solidarité…
🡺L’éducation centrale : Lien social et individu/société
« L’Évolution pédagogique en France » (EPF) (1904-1905). Posthume
🡺Cours candidats à l’agrégation, Sorbonne, ENS. Après réforme de 1902 (cursus « moderne » et crise de l’enseignement). Sociologie à l’université...par cours de pédagogie...(1904-1914)
🡺Étrange trajectoire. Publié en 1938. Ignoré en France. Réédité en 69, par Bourdieu et Passeron. Ressurgit en Angleterre (fin des années 70), ouvrage de référence pour B. Bernstein et « Sociologie du curriculum » (M. Young. En France : ambivalence lectures Bourdieu, puis Dubet). Mais repris et révisé dans l’œuvre de Viviane Isambert-Jamati...
Des critiques :
- Évolutionnisme simpliste ?
- Vision consensualiste (pas « inégalités ») ?
Grande fresque historique du système d’enseignement depuis l’origine, avec idée que les « idéaux éducatifs » ainsi que les programmes, sont à mettre en rapport avec le système social tout entier et ses changements (économiques, culturels, politiques) (organisation plus contenus)
🡺But : « socialisation », mais spécificités définies par référence à la structure sociale…
🡺Mais pas déterminisme simple ou adaptation mécanique de l’école à son environnement : une autonomie relative de l’institution scolaire…
- Thèse: depuis le Moyen-Âge : le passage d’une culture scolaire subordonnée aux enjeux religieux et moraux, à un humanisme réaliste plus ouvert à la science, correspond à un vaste mouvement de laïcisation, à un « devenir-profane » de la société, et au développement de besoins nés de la division du travail
🡺Mais des tensions à chaque époque (luttes idéologiques, conflits). Groupe sociaux, travail de la pluralité (interne / externe)
🡺 « Évolution » : un « germe » composite : entre foi et raison (Pensée grecque et chrétienne : s’adresser au cœur et/ou raison ? Prédication-conversion)
Un traité des mutations curriculaires de l’institution scolaire…
« Comme toutes les grandes fonctions sociales, l’enseignement a un esprit, exprimé dans les programmes, les matières enseignées, les méthodes, et un corps, une structure matérielle, qui, en partie, exprime l’esprit, mais qui, aussi, réagi sur lui, qui met quelquefois sur lui son empreinte, et lui oppose temporairement ses limites.
Des écoles cathédrales aux universités médiévales, de celles-ci (…) à nos lycées, il y a eu, certes, bien des transformations. C’est que les organes de l’enseignement sont, à chaque époque, en rapport avec les autres institutions du corps social, avec les coutumes et les croyances, avec les grands courants d’idées. Mais ils ont aussi une vie propre, une évolution qui est relativement autonome, au cours de laquelle ils conservent bien des traits de leur structure ancienne. » (Maurice Halbwachs, préface)
Cinq mutations ou « révolutions »
🡺Église primitive VIII siècle
🡺Puis 5 « mutations » (« révolutions »)
- Empire Carolingien. Université médiévale (Raison, La disputatio, Scolastique, mais formalisme : jeux abscons vides…)
- Renaissance : les deux renaissances (« effervescence », mais vision aristocratique). Le courant encyclopédique (mais pour quelques surhommes). Le courant humaniste (formalisme littéraire, Les belles lettres, un individu raffiné : conflit bourgeoisie et noblesse…)
- Contre-Réforme : les jésuites (émulation, discipline)
- Révolution, contre-révolution (effervescence, mouvement incertain)
- Début XXe siècle : la pédagogie réaliste. L’enseignement de l’homme/L’enseignement de la nature… L’école républicaine ? Les Sciences Sociales
Synthèse. L’évolution pédagogique en France
1. Tout système éducatif est une institution sociale dont la fondation, la permanence ou le changement, le contenu et la forme sont déterminés par la structure sociale. L’analyse historique le démontre.
2. Son but est la socialisation dont les spécificités sont, elles aussi, définies par référence à la structure sociale.
3. Ces déterminations ne sont pas totales. Le système éducatif est relativement autonome.
4. Enfin, il est un instrument de lutte idéologique dont l’efficacité́ peut, elle aussi, être appréciée et mesurée à différents moments de l’histoire.
D’après Cherkaoui Mohamed,1976, « Socialisation et conflit : les systèmes éducatifs et leur histoire selon Durkheim », Revue française de sociologie, 17-2. p.197-212.
🡺Quels conflits et luttes sociales aujourd’hui ? Quels « idéaux » ? Types d'individus ?