1. Origine et Genèse de la Sociologie
A. La sociologie fille de la modernité
La sociologie émerge à l'époque moderne, en lien avec la Renaissance et les révolutions sociales et politiques majeures (comme la Révolution française). Elle est marquée par trois grandes transformations :
- La naissance de l'État moderne.
- L'émergence du capitalisme moderne, associé à l’industrialisation.
- Le développement des sciences et de la technique.
Cela entraîne un changement dans la manière de concevoir l’homme et la société. Trois questions centrales émergent :
- Qu'est-ce que l'homme ? (XVIe siècle)
- Comment les hommes ont-ils constitué leur monde ? (XVIIIe siècle)
- La société est-elle le produit de sa propre histoire ? (Révolution française)
B. De la Renaissance au XIXe siècle : Premières réflexions sur les fondements rationnels de la société
La Renaissance et la Réforme protestante sont des moments clé qui amorcent une rupture avec les explications religieuses dominantes. Des idées nouvelles apparaissent, marquées par la révolution copernicienne et une volonté de comprendre la société à travers des méthodes scientifiques. Au XVIIe et XVIIIe siècles, les Lumières renforcent cette pensée, prônant l'individualisme et l'usage de la raison, ce qui aboutit à la naissance d'une science de la société.
Montesquieu, bien que précurseur, ne se considère pas comme un sociologue. Son œuvre "De l’esprit des lois" cherche à établir des lois sociales basées sur une analyse rationnelle, sans se référer aux divinités. Bien que ses idées soient proches de celles des sociologues modernes, il se concentre sur des sociétés prémodernes.
2. Les débuts d’une science nouvelle au XIXe siècle
A. Le courant libéral : Primauté aux faits démocratiques
Le courant libéral se développe directement en lien avec la Révolution française, mettant en avant les droits de l'homme et la liberté individuelle. Alexis de Tocqueville est un auteur majeur de ce mouvement. Il analyse les sociétés démocratiques, notamment la France et l'Amérique, dans deux ouvrages principaux :
- "De la démocratie en Amérique" : Il y compare les systèmes politiques américains et français, en soulignant que la démocratie et la liberté sont indissociables. Pour Tocqueville, l'égalité des conditions est essentielle pour garantir la liberté individuelle et politique. Il craint que l'égalisation des conditions mène à des dangers comme la tyrannie de la majorité, l'individualisme excessif, et un pouvoir centralisé et despotique.
- "L'Ancien Régime et la Révolution" : Tocqueville y examine la France post-révolutionnaire et montre que, contrairement à ce qu'on pense, la Révolution n'a pas apporté une rupture totale, mais a plutôt étendu un processus d'égalisation des conditions déjà en cours sous l'Ancien Régime.
Tocqueville identifie plusieurs dangers pour les démocraties modernes :
- La tyrannie de la majorité : L'égalisation des conditions peut mener à un conformisme où la liberté individuelle est restreinte.
- L'individualisme : Le repli sur soi et l'isolement social diminuent l'engagement citoyen.
- L'État protecteur et despotique : En délégant la liberté politique à un pouvoir centralisé, la démocratie peut se transformer en un régime autoritaire.
- Les barrières raciales et culturelles : En Amérique, l'égalisation des conditions a souvent profité à la culture dominante (blanche) au détriment des minorités.
Tocqueville conclut que, bien que la Révolution française ait élargi l'égalisation des conditions, elle n'a pas résolu les tensions entre égalité et liberté. Il suggère des solutions comme la décentralisation du pouvoir et la création d'associations pour maintenir l'équilibre.