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Séance 4 : Le contenu des contrats d'affaires

Introduction

Dans le droit des affaires, les contrats occupent une place centrale et reflètent à la fois la pratique et la théorie juridiques. Pour sécuriser leurs relations commerciales, les entreprises cherchent souvent à anticiper les risques en précisant au maximum les obligations de chacun. Le Code civil leur reconnaît une grande liberté contractuelle (art. 1102), renforcée par le principe de force obligatoire (art. 1103), leur permettant de construire un accord sur mesure.

Mais cette liberté n’est pas sans limites. La loi impose des garde-fous comme la bonne foi (art. 1104), le pouvoir du juge de modérer certaines clauses comme les pénalités excessives (art. 1231-5), ou encore l’interdiction des clauses déséquilibrées dans les contrats d’adhésion (art. 1171) ou entre professionnels (art. L.442-1 C. com.). Sont notamment visées les clauses de résiliation unilatérale, de fixation unilatérale du prix ou d’exonération de responsabilité, dès lors qu’elles portent atteinte à l’équilibre du contrat.

Mais même lorsque le contrat a été librement négocié et ne contient pas de clause manifestement déséquilibrée, un bouleversement imprévisible des circonstances peut rendre son exécution excessivement onéreuse. C’est pour faire face à ce type de situation que la réforme de 2016 a introduit la notion d’imprévision (art. 1195 C. civ.), qui permet, si le contrat ne l’écarte pas, d’en demander la renégociation, voire l’adaptation ou la résolution par le juge.

I.Les clauses litigieuses

A. La clause de résiliation unilatérale sans mise en demeure préalable

La résolution unilatérale du contrat est possible sous certaines conditions. L’article 1225 du Code civil prévoit que les parties peuvent insérer une clause résolutoire dans le contrat, qui permet à une partie de mettre fin à celui-ci en cas d’inexécution déterminée. La mise en œuvre de cette clause est en principe subordonnée à une mise en demeure restée infructueuse, sauf si le contrat prévoit que la seule inexécution suffit. L’article 1226 du Code civil permet également à une partie de résoudre unilatéralement le contrat, à ses risques et périls, à condition d’avoir prévenu l’autre partie et laissé un délai raisonnable, sauf cas d’urgence.

Toutefois, une présomption d’urgence généralisée, par exemple une clause qui autorise la résolution immédiate pour toute faute, sans avertissement, peut être jugée abusive, en particulier si elle prive l’autre partie de toute possibilité de se défendre ou de régulariser la situation. Cela peut être vu comme une atteinte à l’équilibre contractuel.

Concernant la validité des clauses écartant la mise en demeure, le principe est que les parties peuvent en effet organiser librement les modalités d’exécution de la clause résolutoire. Elles peuvent donc prévoir de s’en dispenser dans certaines hypothèses. Néanmoins, ce type de clause est susceptible de remise en cause si elle entraîne un déséquilibre significatif. Deux textes peuvent être mobilisés en ce sens :

  • L’article 1171 du Code civil, qui permet au juge d’écarter une clause non négociable créant un déséquilibre au détriment d’une partie dans un contrat d’adhésion (Article 1110).

Pour rappel, un contrat d'adhésion : 1. Ensemble de clauses 2. Non négociées 3. Prédéterminée unilatéralement.

  • L’article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce, qui sanctionne, en matière B2B, le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif. Dans ce cas précis, ils parlent d'abus de puissance économique.


Quelles sanctions en cas de clauses déséquilibrées ? : Dans un contrat d'adhésion selon l'article 1171 du Code civil, une clause créant un déséquilibre significatif est réputé non écrite donc seule la clause est supprimée et non le contrat dans son entièreté (principe de divisibilité des clauses). Par contre, la nullité du contrat peut être possible si la clause annulée était déterminante pour qu’une partie accepte de contracter, alors le contrat peut aussi être annulé (art. 1184 alinéa 2 du Code civil) ou en cas de vices du consentement (art.1130,1131, 1137 Code civil)

B. La clause de compensation unilatérale

En droit français, lorsqu’un contrat prévoit qu’une somme d’argent sera due automatiquement en cas d’inexécution ou de retard, on parle de clause pénale. Elle a pour but à la fois de prévoir par avance une indemnisation du préjudice et de faire pression sur la partie débitrice pour qu’elle respecte ses obligations.

Mais la loi protège contre les abus. L’article 1231-5 du Code civil autorise le juge à intervenir pour réduire ou augmenter le montant de cette pénalité si elle lui paraît manifestement excessive ou dérisoire. Ce contrôle peut être exercé même sans que l’une des parties le demande.

Cela peut être :

  • Disproportionné par rapport au préjudice réel (ex. 30h de retard en 5 ans),
  • Automatique et non justifiée (aucune preuve du dommage, aucune évaluation au cas par cas),
  • Et parfois fixée unilatéralement par une partie (ce qui pose problème).

Le juge peut alors requalifier cette clause en clause pénale, et la réduire (ou la nullité) via l’article 1231-5.

C.  La contestation des clauses onéreuses

 1. Déséquilibre significatif entre professionnels (art. L. 442-1, I, 2° C. com.)

Ce texte permet à une entreprise (comme Logifly) de contester une clause abusivemême si le contrat a été signé.

Mais pour que cela fonctionne, il faut prouver que la clause a été imposée de manière inéquitable, par exemple :

  • Que Dassault a profité de sa puissance économique,
  • Ou que Logifly n’a pas pu réellement négocier.

 Ce n’est pas automatique : il faut des preuves concrètes du déséquilibre ET du rapport de force.


2. Imprévision (art. 1195 C. civ.)

Depuis 2016, si un événement imprévu (ex. : explosion des prix de l’énergie) rend l’exécution du contrat trop coûteuse, une partie peut demander :

  • D’abord une renégociation,
  • Puis, si cela échoue, elle peut saisir le juge pour adapter ou résilier le contrat.

⚠️ Attention : cette possibilité n’existe que si le contrat ne l’a pas exclue expressément dans une clause (exclusion fréquente dans les contrats B2B).


3. Lésion et erreur sur la rentabilité

En droit français :

  • La lésion (déséquilibre entre les prestations) ne suffit pas pour annuler un contrat, sauf cas très rares.
  • L’erreur sur la rentabilité économique (ex. : Logifly pensait faire des profits mais subit des pertes) n’est pas une cause de nullité.

Seule exception : si Logifly peut prouver un dol (manipulation ou dissimulation volontaire par Dassault).


I. Cas pratique Logifly


1. Les clauses du contrat Airbus France

A. Clause de résiliation unilatérale sans mise en demeure

Analyse juridique :

  • Principe : En droit français, la résolution unilatérale d’un contrat est possible après une mise en demeure restée infructueuse (art. 1225 C. civ.), sauf en cas d’urgence.
  • Problème dans le contrat : La clause prévoit que la situation d’urgence est toujours présumée, donc Logifly peut être résiliée sans avertissement, même pour un simple retard.
  • Risque : Cette présomption irréfragable d’urgence prive Logifly de toute possibilité de corriger une défaillance, ce qui est contraire à l’équilibre contractuel et à la bonne foi.
  • Textes applicables :
  • Art. 1171 C. civ. : Dans un contrat d’adhésion (clauses non négociables), une clause créant un déséquilibre significatif est réputée non écrite.
  • Art. L.442-1 C. com. : Même entre professionnels, le juge peut sanctionner un déséquilibre significatif imposé par une partie économiquement plus forte.
  • Conséquence : Logifly peut demander au juge de supprimer cette clause sans remettre en cause tout le contrat (principe de divisibilité des clauses, art. 1184 C. civ.).

Conclusion :

Logifly a de bonnes chances d’obtenir la neutralisation de cette clause si elle démontre qu’elle n’a pas pu la négocier et qu’elle crée un déséquilibre manifeste.


B. Clause de compensation unilatérale (jusqu’à 150 %)

Analyse juridique :

  • Principe : Une clause pénale fixe à l’avance l’indemnité due en cas d’inexécution ou de retard (art. 1231-5 C. civ.). Le juge peut réduire la pénalité si elle est manifestement excessive.
  • Problème dans le contrat : Airbus peut fixer seule la pénalité, jusqu’à 150 % du montant de la commande, même pour un simple retard (exemple : 30 heures de retard en 5 ans).
  • Risque : Cette clause est disproportionnée par rapport au préjudice réel, d’autant plus qu’elle ne laisse aucune marge de contestation à Logifly.
  • Textes applicables :
  • Art. 1231-5 C. civ. : Le juge peut réduire la pénalité.
  • Art. L.442-1 C. com. : Sanction du déséquilibre significatif en B2B.
  • Conséquence : Logifly peut demander la réduction de la pénalité ou la suppression de la clause si elle prouve qu’elle a été imposée sans vraie négociation.

Conclusion :

Le juge pourrait réduire la pénalité à un montant raisonnable ou annuler la clause si elle est jugée abusive.


C. Moyens d’action pour Logifly

  1. Négociation amiable : Proposer à Airbus de réécrire les clauses pour restaurer l’équilibre.
  2. Action judiciaire : Demander au juge d’écarter les clauses abusives ou de réduire la pénalité.
  3. Principe de divisibilité : Seules les clauses litigieuses seraient supprimées, le reste du contrat demeure valable.

2. Les clauses du contrat Dassault Aviation

Situation :

Logifly a accepté une remise exceptionnelle de 35 % et pris à sa charge exclusive les surcoûts de fabrication (hausse des matières premières et de l’énergie). Résultat : l’opération est déficitaire et met l’entreprise en péril.

Analyse juridique :

  • Imprévision (art. 1195 C. civ.) : Si un événement imprévu rend l’exécution du contrat excessivement onéreuse, Logifly peut demander la renégociation, puis, en cas d’échec, saisir le juge pour adapter ou résilier le contrat. Attention : cette possibilité n’existe que si le contrat ne l’a pas exclue expressément.
  • Déséquilibre significatif (art. L.442-1 C. com.) : Logifly peut contester une clause imposée sans réelle négociation par une partie économiquement dominante.
  • Lésion et erreur sur la rentabilité : En droit français, la lésion (déséquilibre économique) n’est pas une cause de nullité, sauf exception. L’erreur sur la rentabilité n’est pas non plus une cause de nullité, sauf en cas de dol (tromperie).

Conclusion :

Logifly peut tenter d’invoquer l’imprévision ou le déséquilibre significatif, mais la réussite dépendra de la preuve d’un événement imprévu ou d’une absence de négociation réelle.


3. Cas Latecoere

Même raisonnement :

Si Logifly avait accordé les mêmes conditions à Latecoere, la solution aurait été identique :

  • Si la clause a été librement négociée et acceptée, il est difficile de la remettre en cause, sauf imprévision ou déséquilibre significatif.
  • Si la clause a été imposée sans négociation, Logifly pourrait demander son annulation.

II. Clausier détaillé

Pour chaque clause, tu trouveras : définition, régime juridique, exemple de rédaction.


a) Clause de non-concurrence

Définition :

Interdit à une partie (ex : salarié, prestataire, partenaire) d’exercer une activité concurrente pendant ou après le contrat.

Régime :

  • Valide si elle protège un intérêt légitime, est limitée dans le temps, l’espace, et proportionnée à l’activité (Cass. com., 10 juill. 2007).
  • Nullité si trop générale ou disproportionnée.

Exemple de rédaction :

« Pendant la durée du contrat et pendant 12 mois suivant sa cessation, le Prestataire s’interdit d’exercer, directement ou indirectement, une activité concurrente dans un rayon de 50 km autour du siège du Client. »


b) Clause de non-réaffiliation

Définition :

Interdit à une partie de rejoindre un réseau concurrent après la rupture du contrat.

Régime :

  • Valide si limitée dans le temps, l’espace, et justifiée par la protection du réseau.
  • Nullité si elle porte une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre.

Exemple de rédaction :

« Le Distributeur s’engage, pendant 12 mois après la fin du présent contrat, à ne pas rejoindre un réseau concurrent proposant des produits similaires. »


c) Clause de non-sollicitation

Définition :

Interdit à une partie de solliciter ou d’embaucher les salariés ou clients de l’autre partie après la fin du contrat.

Régime :

  • Valide si limitée dans le temps et l’espace, et proportionnée à l’intérêt protégé.

Exemple de rédaction :

« Le Prestataire s’interdit, pendant la durée du contrat et pendant 2 ans après sa cessation, de solliciter ou d’embaucher les salariés du Client. »


d) Clause d’agrément / d’intuitu personae

Définition :

Soumet la cession du contrat ou d’une partie de celui-ci à l’accord préalable de l’autre partie, en raison de la confiance personnelle.

Régime :

  • Permet de protéger la qualité ou la personne du cocontractant.
  • Valide tant qu’elle n’est pas abusive.

Exemple de rédaction :

« Toute cession du présent contrat est subordonnée à l’accord écrit préalable du Client. »


e) Clause d’approvisionnement exclusif

Définition :

Oblige une partie (ex : un distributeur) à s’approvisionner exclusivement auprès de l’autre partie.

Régime :

  • Valide si limitée dans le temps et justifiée par la nature de la relation commerciale.
  • Peut être sanctionnée si elle crée une situation d’abus de position dominante (droit de la concurrence).

Exemple de rédaction :

« Le Distributeur s’engage à s’approvisionner exclusivement auprès du Fournisseur pour les produits X pendant une durée de 3 ans. »


f) Clause du client le plus favorisé

Définition :

Garantie que le client bénéficiera des conditions les plus avantageuses accordées à d’autres clients pour des produits ou services similaires.

Régime :

  • Valide, mais peut être considérée comme abusive si elle déséquilibre la relation ou bloque la concurrence.

Exemple de rédaction :

« Le Fournisseur s’engage à accorder au Client toute condition plus avantageuse consentie à un autre client pour des produits similaires. »


g) Clause d’indexation

Définition :

Ajuste automatiquement le prix du contrat en fonction d’un indice économique (ex : coût des matières premières, indice INSEE).

Régime :

  • Valide si l’indice choisi a un lien direct avec l’objet du contrat (art. L.112-1 C. mon. fin.).
  • Nullité si l’indice est sans rapport ou illicite.

Exemple de rédaction :

« Le prix sera révisé annuellement selon l’indice SYNTEC publié au Journal officiel, à la date anniversaire du contrat. »


h) Clause de réserve de propriété

Définition :

Le vendeur reste propriétaire du bien jusqu’au paiement intégral du prix par l’acheteur.

Régime :

  • Art. 2367 C. civ. : opposable aux tiers si stipulée par écrit avant la livraison.
  • Permet au vendeur de revendiquer le bien en cas de défaut de paiement.

Exemple de rédaction :

« Le transfert de propriété des marchandises est subordonné au paiement intégral du prix par l’Acheteur. »


i) Clause de hardship (imprévision)

Définition :

Permet la renégociation du contrat si un événement imprévisible rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie.

Régime :

  • Art. 1195 C. civ. : sauf clause contraire, possibilité de demander renégociation, puis, à défaut d’accord, intervention du juge.
  • Peut être écartée ou aménagée par les parties.

Exemple de rédaction :

« En cas de changement imprévisible des circonstances rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour l’une des parties, celles-ci s’engagent à renégocier de bonne foi les conditions contractuelles. À défaut d’accord dans un délai de 30 jours, la partie la plus diligente pourra saisir le juge pour adapter ou résoudre le contrat. »


j) Clause d’intégralité

Définition :

Affirme que le contrat constitue l’intégralité de l’accord entre les parties et annule tout accord antérieur.

Régime :

  • Permet d’éviter que des documents ou accords extérieurs ne soient invoqués pour modifier le contrat.

Exemple de rédaction :

« Le présent contrat exprime l’intégralité de l’accord entre les parties et annule tout accord antérieur, écrit ou oral, ayant le même objet. »

Conclusion

Un contrat d’affaires solide doit comporter des clauses essentielles et des clauses spécifiques adaptées à la relation commerciale. Les clauses déséquilibrées ou abusives peuvent être contestées sans remettre en cause tout le contrat.

Méthode : Toujours vérifier la négociation, la proportionnalité, et la conformité des clauses aux textes.

Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales : analyse de l'article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce

Introduction

Le 26 février 2025, la Cour de cassation a clarifié l’interprétation de la notion de déséquilibre significatif en exigeant une analyse globale du contrat plutôt qu’une comparaison isolée avec des dispositions légales supplétives117. Cette décision s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle visant à protéger l’équilibre contractuel tout en respectant la liberté des parties, illustrant les enjeux actuels de l’article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce.

Intégré au Titre IV du Livre IV du Code de commerce, cet article sanctionne les pratiques restrictives de concurrence en prohibant les obligations créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Issu de la réforme de 2019, il remplace l’ancien article L. 442-6 et élargit son champ d’application en visant désormais « l’autre partie » plutôt que le seul « partenaire commercial ».

La problématique centrale réside dans la délimitation entre la protection de la partie faible et le respect de la liberté contractuelle. Comment caractériser juridiquement ce déséquilibre, et quelles sont ses conséquences sur les relations commerciales ?

I. La caractérisation du déséquilibre significatif


A. Les critères de reconnaissance

Le déséquilibre significatif repose sur deux éléments cumulatifs :

  1. Un élément subjectif : la soumission d’une partie par l’autre. La jurisprudence exige une analyse du contexte contractuel pour déterminer si la clause litigieuse résulte d’un rapport de force inégal23. Par exemple, dans un arrêt de 2015, la Cour a insisté sur l’examen des conditions de négociation pour identifier une pression abusive2.
  2. Un élément objectif : l’existence d’un déséquilibre « significatif », c’est-à-dire substantiel et non compensé par d’autres clauses. Comme le souligne Muriel Chagny, cette notion oscille entre l’exigence d’équité et le risque d’imposer un équilibre parfait, contraire à la logique contractuelle59.

La doctrine, notamment Sibylle Chaudouet, insiste sur la nécessité d’une approche contextuelle : le juge doit évaluer l’ensemble des obligations contractuelles plutôt que des clauses isolées415.


B. La méthode d’évaluation

La Cour de cassation a progressivement structuré une méthode en trois étapes :

  1. La partie lésée doit prouver l’existence du déséquilibre415.
  2. Une présomption de soumission s’applique alors, renversable par la démonstration d’une négociation libre et éclairée117.
  3. L’auteur du déséquilibre peut justifier celui-ci par des contreparties économiques légitimes (exemple : avantages logistiques compensant des délais de paiement)316.

Cette approche, illustrée par l’arrêt du 26 février 2025, évite une application mécanique des règles supplétives et privilégie une analyse économique et concrète des contrats117.

II. Les effets juridiques du déséquilibre significatif


A. Le pouvoir du juge de sanctionner et de rééquilibrer le contrat

Lorsqu’un déséquilibre significatif est établi, le juge dispose d’un arsenal de mesures pour rétablir l’équilibre contractuel. La jurisprudence récente, notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 26 février 2025, insiste sur une analyse globale du contrat plutôt que sur une comparaison mécanique avec des dispositions supplétives1615. Cette approche permet de préserver la liberté contractuelle tout en sanctionnant les abus manifestes.

1. La nullité partielle ou totale des clauses déséquilibrées

Le juge peut prononcer la nullité des clauses créant un déséquilibre significatif, sans nécessairement annuler l’ensemble du contrat. Cette solution, privilégiée par la jurisprudence, vise à éliminer les stipulations abusives tout maintenant la relation commerciale814. Dans les cas extrêmes, où le déséquilibre affecte l’économie générale du contrat (ex. : clauses exonératoires de responsabilité en cas de force majeure sans contrepartie), la nullité totale peut être retenue69.

2. L’adaptation du contrat par le juge

Inspirée par l’article 1195 du Code civil, cette mesure permet au juge de modifier les clauses déséquilibrées pour restaurer l’équité. Par exemple, dans un contrat de foire annulé pour cause de force majeure, la Cour de cassation a validé une clause de non-remboursement en l’absence de faute, après avoir analysé les investissements préalables du prestataire15.Cette flexibilité évite une rupture brutale des relations commerciales.

3. L’octroi de dommages et intérêts

La réparation du préjudice subi par la partie lésée inclut souvent le gain manqué et les frais de reconversion. Dans l’affaire Amazon (2019), le tribunal a condamné le groupe à indemniser ses partenaires pour des clauses de paiement unilatéralement désavantageuses5. La Cour de cassation rappelle que l’indemnisation doit être proportionnée au déséquilibre concret, et non théorique16.

4. Le rôle actif du juge dans l’appréciation contextuelle

Le juge examine non seulement le contenu du contrat, mais aussi les conditions de négociation et le rapport de forceentre les parties. Comme l’a souligné la Cour dans l’affaire Eurauchan (2015), une clause apparemment déséquilibrée peut être justifiée par des contreparties économiques (ex. : délais de paiement compensés par des avantages logistiques)23. Cette méthode, approuvée par Muriel Chagny, évite une application rigide des textes412.

5. Articulation avec les autres dispositifs juridiques

Le juge distingue clairement l’article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce de l’article 1171 du Code civil. Alors que ce dernier s’applique aux contrats d’adhésion entre professionnels et non-professionnels, le premier vise spécifiquement les relations entre professionnels, sans exiger de rapport de dépendance économique414. Cette distinction garantit une protection adaptée aux enjeux commerciaux.

6. Limites et critiques doctrinales

Certains auteurs, comme Sibylle Chaudouet, mettent en garde contre un excès d’interventionnisme judiciaire, susceptible de rigidifier les négociations commerciales415. La Cour de cassation répond à ces craintes en exigeant une preuve solide du déséquilibre et en privilégiant la nullité partielle à la résolution totale16.

Cette section intègre les dernières évolutions jurisprudentielles et doctrinales, en mettant l’accent sur la flexibilité du juge et l’équilibre entre protection des parties et respect de l’autonomie contractuelle.



B. Articulation avec d’autres dispositifs

  1. Avec l’article 1171 du Code civil : Ce dernier vise les contrats d’adhésion, tandis que L. 442-1 s’applique à tous les contrats entre professionnels. La Cour de cassation distingue ainsi les régimes selon la nature des parties415.
  2. Avec les autres pratiques restrictives : Le déséquilibre significatif se distingue de l’avantage sans contrepartie(L. 442-1, I, 1°) par son focus sur l’équilibre global plutôt que sur des avantages ponctuels59.
  3. Avec le droit de la concurrence : Certaines décisions soulignent la complémentarité avec les règles antitrust, notamment en cas d’abus de position dominante39.

Conclusion

L’article L. 442-1, I, 2° incarne une balance délicate entre protection des parties vulnérables et respect de l’autonomie contractuelle. La jurisprudence récente, en privilégiant une analyse économique globale, évite les excès d’un interventionnisme judiciaire tout en sanctionnant les abus manifestes.

Cependant, cet équilibre reste fragile : une application trop rigide risquerait de rigidifier les négociations commerciales, tandis qu’une interprétation laxiste rendrait la règle inopérante. Les travaux de Sibylle Chaudouet et Muriel Chagny rappellent l’importance d’une méthodologie probatoire claire pour garantir sécurité juridique et efficacité économique459.



Séance 4 : Le contenu des contrats d'affaires

Introduction

Dans le droit des affaires, les contrats occupent une place centrale et reflètent à la fois la pratique et la théorie juridiques. Pour sécuriser leurs relations commerciales, les entreprises cherchent souvent à anticiper les risques en précisant au maximum les obligations de chacun. Le Code civil leur reconnaît une grande liberté contractuelle (art. 1102), renforcée par le principe de force obligatoire (art. 1103), leur permettant de construire un accord sur mesure.

Mais cette liberté n’est pas sans limites. La loi impose des garde-fous comme la bonne foi (art. 1104), le pouvoir du juge de modérer certaines clauses comme les pénalités excessives (art. 1231-5), ou encore l’interdiction des clauses déséquilibrées dans les contrats d’adhésion (art. 1171) ou entre professionnels (art. L.442-1 C. com.). Sont notamment visées les clauses de résiliation unilatérale, de fixation unilatérale du prix ou d’exonération de responsabilité, dès lors qu’elles portent atteinte à l’équilibre du contrat.

Mais même lorsque le contrat a été librement négocié et ne contient pas de clause manifestement déséquilibrée, un bouleversement imprévisible des circonstances peut rendre son exécution excessivement onéreuse. C’est pour faire face à ce type de situation que la réforme de 2016 a introduit la notion d’imprévision (art. 1195 C. civ.), qui permet, si le contrat ne l’écarte pas, d’en demander la renégociation, voire l’adaptation ou la résolution par le juge.

I.Les clauses litigieuses

A. La clause de résiliation unilatérale sans mise en demeure préalable

La résolution unilatérale du contrat est possible sous certaines conditions. L’article 1225 du Code civil prévoit que les parties peuvent insérer une clause résolutoire dans le contrat, qui permet à une partie de mettre fin à celui-ci en cas d’inexécution déterminée. La mise en œuvre de cette clause est en principe subordonnée à une mise en demeure restée infructueuse, sauf si le contrat prévoit que la seule inexécution suffit. L’article 1226 du Code civil permet également à une partie de résoudre unilatéralement le contrat, à ses risques et périls, à condition d’avoir prévenu l’autre partie et laissé un délai raisonnable, sauf cas d’urgence.

Toutefois, une présomption d’urgence généralisée, par exemple une clause qui autorise la résolution immédiate pour toute faute, sans avertissement, peut être jugée abusive, en particulier si elle prive l’autre partie de toute possibilité de se défendre ou de régulariser la situation. Cela peut être vu comme une atteinte à l’équilibre contractuel.

Concernant la validité des clauses écartant la mise en demeure, le principe est que les parties peuvent en effet organiser librement les modalités d’exécution de la clause résolutoire. Elles peuvent donc prévoir de s’en dispenser dans certaines hypothèses. Néanmoins, ce type de clause est susceptible de remise en cause si elle entraîne un déséquilibre significatif. Deux textes peuvent être mobilisés en ce sens :

  • L’article 1171 du Code civil, qui permet au juge d’écarter une clause non négociable créant un déséquilibre au détriment d’une partie dans un contrat d’adhésion (Article 1110).

Pour rappel, un contrat d'adhésion : 1. Ensemble de clauses 2. Non négociées 3. Prédéterminée unilatéralement.

  • L’article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce, qui sanctionne, en matière B2B, le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif. Dans ce cas précis, ils parlent d'abus de puissance économique.


Quelles sanctions en cas de clauses déséquilibrées ? : Dans un contrat d'adhésion selon l'article 1171 du Code civil, une clause créant un déséquilibre significatif est réputé non écrite donc seule la clause est supprimée et non le contrat dans son entièreté (principe de divisibilité des clauses). Par contre, la nullité du contrat peut être possible si la clause annulée était déterminante pour qu’une partie accepte de contracter, alors le contrat peut aussi être annulé (art. 1184 alinéa 2 du Code civil) ou en cas de vices du consentement (art.1130,1131, 1137 Code civil)

B. La clause de compensation unilatérale

En droit français, lorsqu’un contrat prévoit qu’une somme d’argent sera due automatiquement en cas d’inexécution ou de retard, on parle de clause pénale. Elle a pour but à la fois de prévoir par avance une indemnisation du préjudice et de faire pression sur la partie débitrice pour qu’elle respecte ses obligations.

Mais la loi protège contre les abus. L’article 1231-5 du Code civil autorise le juge à intervenir pour réduire ou augmenter le montant de cette pénalité si elle lui paraît manifestement excessive ou dérisoire. Ce contrôle peut être exercé même sans que l’une des parties le demande.

Cela peut être :

  • Disproportionné par rapport au préjudice réel (ex. 30h de retard en 5 ans),
  • Automatique et non justifiée (aucune preuve du dommage, aucune évaluation au cas par cas),
  • Et parfois fixée unilatéralement par une partie (ce qui pose problème).

Le juge peut alors requalifier cette clause en clause pénale, et la réduire (ou la nullité) via l’article 1231-5.

C.  La contestation des clauses onéreuses

 1. Déséquilibre significatif entre professionnels (art. L. 442-1, I, 2° C. com.)

Ce texte permet à une entreprise (comme Logifly) de contester une clause abusivemême si le contrat a été signé.

Mais pour que cela fonctionne, il faut prouver que la clause a été imposée de manière inéquitable, par exemple :

  • Que Dassault a profité de sa puissance économique,
  • Ou que Logifly n’a pas pu réellement négocier.

 Ce n’est pas automatique : il faut des preuves concrètes du déséquilibre ET du rapport de force.


2. Imprévision (art. 1195 C. civ.)

Depuis 2016, si un événement imprévu (ex. : explosion des prix de l’énergie) rend l’exécution du contrat trop coûteuse, une partie peut demander :

  • D’abord une renégociation,
  • Puis, si cela échoue, elle peut saisir le juge pour adapter ou résilier le contrat.

⚠️ Attention : cette possibilité n’existe que si le contrat ne l’a pas exclue expressément dans une clause (exclusion fréquente dans les contrats B2B).


3. Lésion et erreur sur la rentabilité

En droit français :

  • La lésion (déséquilibre entre les prestations) ne suffit pas pour annuler un contrat, sauf cas très rares.
  • L’erreur sur la rentabilité économique (ex. : Logifly pensait faire des profits mais subit des pertes) n’est pas une cause de nullité.

Seule exception : si Logifly peut prouver un dol (manipulation ou dissimulation volontaire par Dassault).


I. Cas pratique Logifly


1. Les clauses du contrat Airbus France

A. Clause de résiliation unilatérale sans mise en demeure

Analyse juridique :

  • Principe : En droit français, la résolution unilatérale d’un contrat est possible après une mise en demeure restée infructueuse (art. 1225 C. civ.), sauf en cas d’urgence.
  • Problème dans le contrat : La clause prévoit que la situation d’urgence est toujours présumée, donc Logifly peut être résiliée sans avertissement, même pour un simple retard.
  • Risque : Cette présomption irréfragable d’urgence prive Logifly de toute possibilité de corriger une défaillance, ce qui est contraire à l’équilibre contractuel et à la bonne foi.
  • Textes applicables :
  • Art. 1171 C. civ. : Dans un contrat d’adhésion (clauses non négociables), une clause créant un déséquilibre significatif est réputée non écrite.
  • Art. L.442-1 C. com. : Même entre professionnels, le juge peut sanctionner un déséquilibre significatif imposé par une partie économiquement plus forte.
  • Conséquence : Logifly peut demander au juge de supprimer cette clause sans remettre en cause tout le contrat (principe de divisibilité des clauses, art. 1184 C. civ.).

Conclusion :

Logifly a de bonnes chances d’obtenir la neutralisation de cette clause si elle démontre qu’elle n’a pas pu la négocier et qu’elle crée un déséquilibre manifeste.


B. Clause de compensation unilatérale (jusqu’à 150 %)

Analyse juridique :

  • Principe : Une clause pénale fixe à l’avance l’indemnité due en cas d’inexécution ou de retard (art. 1231-5 C. civ.). Le juge peut réduire la pénalité si elle est manifestement excessive.
  • Problème dans le contrat : Airbus peut fixer seule la pénalité, jusqu’à 150 % du montant de la commande, même pour un simple retard (exemple : 30 heures de retard en 5 ans).
  • Risque : Cette clause est disproportionnée par rapport au préjudice réel, d’autant plus qu’elle ne laisse aucune marge de contestation à Logifly.
  • Textes applicables :
  • Art. 1231-5 C. civ. : Le juge peut réduire la pénalité.
  • Art. L.442-1 C. com. : Sanction du déséquilibre significatif en B2B.
  • Conséquence : Logifly peut demander la réduction de la pénalité ou la suppression de la clause si elle prouve qu’elle a été imposée sans vraie négociation.

Conclusion :

Le juge pourrait réduire la pénalité à un montant raisonnable ou annuler la clause si elle est jugée abusive.


C. Moyens d’action pour Logifly

  1. Négociation amiable : Proposer à Airbus de réécrire les clauses pour restaurer l’équilibre.
  2. Action judiciaire : Demander au juge d’écarter les clauses abusives ou de réduire la pénalité.
  3. Principe de divisibilité : Seules les clauses litigieuses seraient supprimées, le reste du contrat demeure valable.

2. Les clauses du contrat Dassault Aviation

Situation :

Logifly a accepté une remise exceptionnelle de 35 % et pris à sa charge exclusive les surcoûts de fabrication (hausse des matières premières et de l’énergie). Résultat : l’opération est déficitaire et met l’entreprise en péril.

Analyse juridique :

  • Imprévision (art. 1195 C. civ.) : Si un événement imprévu rend l’exécution du contrat excessivement onéreuse, Logifly peut demander la renégociation, puis, en cas d’échec, saisir le juge pour adapter ou résilier le contrat. Attention : cette possibilité n’existe que si le contrat ne l’a pas exclue expressément.
  • Déséquilibre significatif (art. L.442-1 C. com.) : Logifly peut contester une clause imposée sans réelle négociation par une partie économiquement dominante.
  • Lésion et erreur sur la rentabilité : En droit français, la lésion (déséquilibre économique) n’est pas une cause de nullité, sauf exception. L’erreur sur la rentabilité n’est pas non plus une cause de nullité, sauf en cas de dol (tromperie).

Conclusion :

Logifly peut tenter d’invoquer l’imprévision ou le déséquilibre significatif, mais la réussite dépendra de la preuve d’un événement imprévu ou d’une absence de négociation réelle.


3. Cas Latecoere

Même raisonnement :

Si Logifly avait accordé les mêmes conditions à Latecoere, la solution aurait été identique :

  • Si la clause a été librement négociée et acceptée, il est difficile de la remettre en cause, sauf imprévision ou déséquilibre significatif.
  • Si la clause a été imposée sans négociation, Logifly pourrait demander son annulation.

II. Clausier détaillé

Pour chaque clause, tu trouveras : définition, régime juridique, exemple de rédaction.


a) Clause de non-concurrence

Définition :

Interdit à une partie (ex : salarié, prestataire, partenaire) d’exercer une activité concurrente pendant ou après le contrat.

Régime :

  • Valide si elle protège un intérêt légitime, est limitée dans le temps, l’espace, et proportionnée à l’activité (Cass. com., 10 juill. 2007).
  • Nullité si trop générale ou disproportionnée.

Exemple de rédaction :

« Pendant la durée du contrat et pendant 12 mois suivant sa cessation, le Prestataire s’interdit d’exercer, directement ou indirectement, une activité concurrente dans un rayon de 50 km autour du siège du Client. »


b) Clause de non-réaffiliation

Définition :

Interdit à une partie de rejoindre un réseau concurrent après la rupture du contrat.

Régime :

  • Valide si limitée dans le temps, l’espace, et justifiée par la protection du réseau.
  • Nullité si elle porte une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre.

Exemple de rédaction :

« Le Distributeur s’engage, pendant 12 mois après la fin du présent contrat, à ne pas rejoindre un réseau concurrent proposant des produits similaires. »


c) Clause de non-sollicitation

Définition :

Interdit à une partie de solliciter ou d’embaucher les salariés ou clients de l’autre partie après la fin du contrat.

Régime :

  • Valide si limitée dans le temps et l’espace, et proportionnée à l’intérêt protégé.

Exemple de rédaction :

« Le Prestataire s’interdit, pendant la durée du contrat et pendant 2 ans après sa cessation, de solliciter ou d’embaucher les salariés du Client. »


d) Clause d’agrément / d’intuitu personae

Définition :

Soumet la cession du contrat ou d’une partie de celui-ci à l’accord préalable de l’autre partie, en raison de la confiance personnelle.

Régime :

  • Permet de protéger la qualité ou la personne du cocontractant.
  • Valide tant qu’elle n’est pas abusive.

Exemple de rédaction :

« Toute cession du présent contrat est subordonnée à l’accord écrit préalable du Client. »


e) Clause d’approvisionnement exclusif

Définition :

Oblige une partie (ex : un distributeur) à s’approvisionner exclusivement auprès de l’autre partie.

Régime :

  • Valide si limitée dans le temps et justifiée par la nature de la relation commerciale.
  • Peut être sanctionnée si elle crée une situation d’abus de position dominante (droit de la concurrence).

Exemple de rédaction :

« Le Distributeur s’engage à s’approvisionner exclusivement auprès du Fournisseur pour les produits X pendant une durée de 3 ans. »


f) Clause du client le plus favorisé

Définition :

Garantie que le client bénéficiera des conditions les plus avantageuses accordées à d’autres clients pour des produits ou services similaires.

Régime :

  • Valide, mais peut être considérée comme abusive si elle déséquilibre la relation ou bloque la concurrence.

Exemple de rédaction :

« Le Fournisseur s’engage à accorder au Client toute condition plus avantageuse consentie à un autre client pour des produits similaires. »


g) Clause d’indexation

Définition :

Ajuste automatiquement le prix du contrat en fonction d’un indice économique (ex : coût des matières premières, indice INSEE).

Régime :

  • Valide si l’indice choisi a un lien direct avec l’objet du contrat (art. L.112-1 C. mon. fin.).
  • Nullité si l’indice est sans rapport ou illicite.

Exemple de rédaction :

« Le prix sera révisé annuellement selon l’indice SYNTEC publié au Journal officiel, à la date anniversaire du contrat. »


h) Clause de réserve de propriété

Définition :

Le vendeur reste propriétaire du bien jusqu’au paiement intégral du prix par l’acheteur.

Régime :

  • Art. 2367 C. civ. : opposable aux tiers si stipulée par écrit avant la livraison.
  • Permet au vendeur de revendiquer le bien en cas de défaut de paiement.

Exemple de rédaction :

« Le transfert de propriété des marchandises est subordonné au paiement intégral du prix par l’Acheteur. »


i) Clause de hardship (imprévision)

Définition :

Permet la renégociation du contrat si un événement imprévisible rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie.

Régime :

  • Art. 1195 C. civ. : sauf clause contraire, possibilité de demander renégociation, puis, à défaut d’accord, intervention du juge.
  • Peut être écartée ou aménagée par les parties.

Exemple de rédaction :

« En cas de changement imprévisible des circonstances rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour l’une des parties, celles-ci s’engagent à renégocier de bonne foi les conditions contractuelles. À défaut d’accord dans un délai de 30 jours, la partie la plus diligente pourra saisir le juge pour adapter ou résoudre le contrat. »


j) Clause d’intégralité

Définition :

Affirme que le contrat constitue l’intégralité de l’accord entre les parties et annule tout accord antérieur.

Régime :

  • Permet d’éviter que des documents ou accords extérieurs ne soient invoqués pour modifier le contrat.

Exemple de rédaction :

« Le présent contrat exprime l’intégralité de l’accord entre les parties et annule tout accord antérieur, écrit ou oral, ayant le même objet. »

Conclusion

Un contrat d’affaires solide doit comporter des clauses essentielles et des clauses spécifiques adaptées à la relation commerciale. Les clauses déséquilibrées ou abusives peuvent être contestées sans remettre en cause tout le contrat.

Méthode : Toujours vérifier la négociation, la proportionnalité, et la conformité des clauses aux textes.

Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales : analyse de l'article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce

Introduction

Le 26 février 2025, la Cour de cassation a clarifié l’interprétation de la notion de déséquilibre significatif en exigeant une analyse globale du contrat plutôt qu’une comparaison isolée avec des dispositions légales supplétives117. Cette décision s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle visant à protéger l’équilibre contractuel tout en respectant la liberté des parties, illustrant les enjeux actuels de l’article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce.

Intégré au Titre IV du Livre IV du Code de commerce, cet article sanctionne les pratiques restrictives de concurrence en prohibant les obligations créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Issu de la réforme de 2019, il remplace l’ancien article L. 442-6 et élargit son champ d’application en visant désormais « l’autre partie » plutôt que le seul « partenaire commercial ».

La problématique centrale réside dans la délimitation entre la protection de la partie faible et le respect de la liberté contractuelle. Comment caractériser juridiquement ce déséquilibre, et quelles sont ses conséquences sur les relations commerciales ?

I. La caractérisation du déséquilibre significatif


A. Les critères de reconnaissance

Le déséquilibre significatif repose sur deux éléments cumulatifs :

  1. Un élément subjectif : la soumission d’une partie par l’autre. La jurisprudence exige une analyse du contexte contractuel pour déterminer si la clause litigieuse résulte d’un rapport de force inégal23. Par exemple, dans un arrêt de 2015, la Cour a insisté sur l’examen des conditions de négociation pour identifier une pression abusive2.
  2. Un élément objectif : l’existence d’un déséquilibre « significatif », c’est-à-dire substantiel et non compensé par d’autres clauses. Comme le souligne Muriel Chagny, cette notion oscille entre l’exigence d’équité et le risque d’imposer un équilibre parfait, contraire à la logique contractuelle59.

La doctrine, notamment Sibylle Chaudouet, insiste sur la nécessité d’une approche contextuelle : le juge doit évaluer l’ensemble des obligations contractuelles plutôt que des clauses isolées415.


B. La méthode d’évaluation

La Cour de cassation a progressivement structuré une méthode en trois étapes :

  1. La partie lésée doit prouver l’existence du déséquilibre415.
  2. Une présomption de soumission s’applique alors, renversable par la démonstration d’une négociation libre et éclairée117.
  3. L’auteur du déséquilibre peut justifier celui-ci par des contreparties économiques légitimes (exemple : avantages logistiques compensant des délais de paiement)316.

Cette approche, illustrée par l’arrêt du 26 février 2025, évite une application mécanique des règles supplétives et privilégie une analyse économique et concrète des contrats117.

II. Les effets juridiques du déséquilibre significatif


A. Le pouvoir du juge de sanctionner et de rééquilibrer le contrat

Lorsqu’un déséquilibre significatif est établi, le juge dispose d’un arsenal de mesures pour rétablir l’équilibre contractuel. La jurisprudence récente, notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 26 février 2025, insiste sur une analyse globale du contrat plutôt que sur une comparaison mécanique avec des dispositions supplétives1615. Cette approche permet de préserver la liberté contractuelle tout en sanctionnant les abus manifestes.

1. La nullité partielle ou totale des clauses déséquilibrées

Le juge peut prononcer la nullité des clauses créant un déséquilibre significatif, sans nécessairement annuler l’ensemble du contrat. Cette solution, privilégiée par la jurisprudence, vise à éliminer les stipulations abusives tout maintenant la relation commerciale814. Dans les cas extrêmes, où le déséquilibre affecte l’économie générale du contrat (ex. : clauses exonératoires de responsabilité en cas de force majeure sans contrepartie), la nullité totale peut être retenue69.

2. L’adaptation du contrat par le juge

Inspirée par l’article 1195 du Code civil, cette mesure permet au juge de modifier les clauses déséquilibrées pour restaurer l’équité. Par exemple, dans un contrat de foire annulé pour cause de force majeure, la Cour de cassation a validé une clause de non-remboursement en l’absence de faute, après avoir analysé les investissements préalables du prestataire15.Cette flexibilité évite une rupture brutale des relations commerciales.

3. L’octroi de dommages et intérêts

La réparation du préjudice subi par la partie lésée inclut souvent le gain manqué et les frais de reconversion. Dans l’affaire Amazon (2019), le tribunal a condamné le groupe à indemniser ses partenaires pour des clauses de paiement unilatéralement désavantageuses5. La Cour de cassation rappelle que l’indemnisation doit être proportionnée au déséquilibre concret, et non théorique16.

4. Le rôle actif du juge dans l’appréciation contextuelle

Le juge examine non seulement le contenu du contrat, mais aussi les conditions de négociation et le rapport de forceentre les parties. Comme l’a souligné la Cour dans l’affaire Eurauchan (2015), une clause apparemment déséquilibrée peut être justifiée par des contreparties économiques (ex. : délais de paiement compensés par des avantages logistiques)23. Cette méthode, approuvée par Muriel Chagny, évite une application rigide des textes412.

5. Articulation avec les autres dispositifs juridiques

Le juge distingue clairement l’article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce de l’article 1171 du Code civil. Alors que ce dernier s’applique aux contrats d’adhésion entre professionnels et non-professionnels, le premier vise spécifiquement les relations entre professionnels, sans exiger de rapport de dépendance économique414. Cette distinction garantit une protection adaptée aux enjeux commerciaux.

6. Limites et critiques doctrinales

Certains auteurs, comme Sibylle Chaudouet, mettent en garde contre un excès d’interventionnisme judiciaire, susceptible de rigidifier les négociations commerciales415. La Cour de cassation répond à ces craintes en exigeant une preuve solide du déséquilibre et en privilégiant la nullité partielle à la résolution totale16.

Cette section intègre les dernières évolutions jurisprudentielles et doctrinales, en mettant l’accent sur la flexibilité du juge et l’équilibre entre protection des parties et respect de l’autonomie contractuelle.



B. Articulation avec d’autres dispositifs

  1. Avec l’article 1171 du Code civil : Ce dernier vise les contrats d’adhésion, tandis que L. 442-1 s’applique à tous les contrats entre professionnels. La Cour de cassation distingue ainsi les régimes selon la nature des parties415.
  2. Avec les autres pratiques restrictives : Le déséquilibre significatif se distingue de l’avantage sans contrepartie(L. 442-1, I, 1°) par son focus sur l’équilibre global plutôt que sur des avantages ponctuels59.
  3. Avec le droit de la concurrence : Certaines décisions soulignent la complémentarité avec les règles antitrust, notamment en cas d’abus de position dominante39.

Conclusion

L’article L. 442-1, I, 2° incarne une balance délicate entre protection des parties vulnérables et respect de l’autonomie contractuelle. La jurisprudence récente, en privilégiant une analyse économique globale, évite les excès d’un interventionnisme judiciaire tout en sanctionnant les abus manifestes.

Cependant, cet équilibre reste fragile : une application trop rigide risquerait de rigidifier les négociations commerciales, tandis qu’une interprétation laxiste rendrait la règle inopérante. Les travaux de Sibylle Chaudouet et Muriel Chagny rappellent l’importance d’une méthodologie probatoire claire pour garantir sécurité juridique et efficacité économique459.


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