Au 19ème siècle, la sociologie ne s'intéresse pas encore directement à la médecine et à la santé, bien que certains auteurs en abordent des éléments. Ce n'est qu'à partir des années 1930-1940 que la médecine commence à être analysée dans le contexte des conditions sociales, avec un intérêt croissant pour les pratiques médicales, comme le chamanisme.
PRÉSENTATION
PARSONS
Dans le cadre du fonctionnalisme, l'analyse des institutions se fait en termes de fonction. Par exemple, le mariage remplit une double fonction : la reproduction et l'éducation des enfants, avec des rôles distincts pour les hommes et les femmes. Pour Parsons, la délinquance est considérée comme dysfonctionnelle, représentant une forme de déviance qui peut entraîner une perte de fonction pour une catégorie sociale.
Parsons souligne l'émergence d'une organisation particulière des professions
Selon lui il y a 4 types de professions :
- Médecin : trace la frontière entre le normal et la pathologie
- L'avocat : trace la frontière entre ce que l'on peut ou ne peut pas faire
- L'enseignant : trace la frontière entre la connaissance vraie et la fausse
- La haute fonction : trace la frontière entre le légal et le pas légal
Ces 4 professions apparaissent dans les sociétés les plus développées et remplissent une fonction essentielle, celle de gérer et contrôler la déviance.
LE MÉDECIN
Il gère la déviance, en s'occupant du malade tente de le soigner avec des médocs, des prescriptions, ordonnances −> arrêt de travail. Il arrête la déviance des individus malades qui ne remplissent pas leurs fonctions. La maladie est une déviance, un état instable il faut la guérir.
Le médecin, en tant que figure de contrôle social, détermine ce qui est considéré comme un état de santé normal. Dans son modèle, la pathologie est souvent vue comme un état transitoire, similaire à la déviance, sans prendre en compte les maladies chroniques qui peuvent être plus graves.
LES ROLES
Ce système d'obligation et de devoir implique une répartition des responsabilités entre le malade et le médecin, où chacun doit jouer son rôle pour assurer une bonne relation.
2 rôles :
- Le médecin : rôle actif, manipule le patient, produit un diagnostic, délivre une ordonnance...
- Le malade : rôle passif, délivre ses plaintes, donne son corps, se laisse manipuler...
Système asymétrique entre les deux rôles. Mais la relation entre le malade et le médecin est complémentaire et consensuelle : le malade est là pour être guéri, et le médecin est là pour le guérir.
LA MALADIE
C’est une profession parce qu'elle est devenue autonome. C'est une déviance au 1er degré, c'est une transgression car l'individu qui porte la maladie est déviant car il ne remplit pas ses fonctions.
LE MODÈLE PARSONNIER
A retenir :
Modèle consensuel −> tout le monde est d'accord, les rôles sont clairs et définis. Le médecin est un professionnel le malade lui fait confiance −> tout roule
L'INTERACTIONNISME
Le modèle interactionniste chez Parsons présente la médecine comme une profession positive, intégrée dans la société. Freidson, quant à lui, critique cette vision en se demandant si la médecine est réellement une profession ou un simple métier. Il introduit l'idée de la médecine comme une profession consultante, distincte de celle des scientifiques ou des savants, car elle implique une dimension pratique où le médecin doit diagnostiquer et soigner. Freidson souligne que la médecine résulte d'un processus historique, et non seulement de compétences techniques ou altruistes.
EVANS Pritchard, Analyse la gestion des maladies, chez les « Azander »
Freidson met en lumière une distinction importante entre l'exorcisme et la médecine, malgré des similitudes dans leur pratique. Dans le cas de l'exorcisme, ce qui est central, c'est la cérémonie publique qui crée une séparation claire entre le monde profane et le monde surnaturel. Cette cérémonie implique souvent plusieurs exorcistes, et le "malade" est au centre de l'attention, cherchant à se libérer d'un trouble surnaturel.
Il souligne que, contrairement à la médecine, où la confiance est fondée sur des qualifications académiques et des diplômes, l'exorcisme nécessite une croyance plus profonde. La confiance envers un exorciste repose sur un pouvoir héréditaire, souvent transmis de génération en génération, plutôt que sur une formation formelle. Les exorcistes, à l'instar des chamans, doivent maîtriser des techniques spécifiques, comme la divination, pour exercer leur art. Ce processus d'apprentissage est crucial pour devenir un exorciste compétent.
Freidson analyse comment la médecine a pu se constituer comme une profession dans la société moderne en se basant sur deux critères principaux : l'autonomie et le monopole. Contrairement aux exorcistes, qui n'ont pas complètement le monopole sur leur pratique, la médecine a évolué à partir de la médecine grecque, qui privilégiait le naturel sur le surnaturel.
La médecine grecque repose sur la "théorie des humeurs", qui postule que le corps est constitué de quatre fluides : le sang, le flegme, la bile noire et la bile jaune. Ces liquides doivent maintenir un équilibre, correspondant également aux éléments de la nature et aux saisons. Cette approche inscrit le corps dans son environnement naturel.
Cependant, avec la découverte de micro-organismes responsables de maladies comme la tuberculose, la théorie des humeurs a commencé à perdre de sa pertinence. Au Moyen Âge, les premières universités, telles que celles de Montpellier et de Paris, ont été établies pour former des médecins, mettant l'accent sur des compétences telles que le dessin pour l'anatomie et la maîtrise du latin. Cela a contribué à établir la médecine comme une profession à part entière, fondée sur des connaissances spécifiques et une formation académique.
LE MÉDECIN
Freidson adopte une approche interactionniste en soulignant que les médecins, bien qu'ils soient des professionnels, sont soumis aux mêmes contraintes que d'autres métiers. Ces contraintes incluent des arrangements avec des formes de médecine, comme la médecine ambulatoire et le médecin libéral, notamment les médecins généralistes.
Parsons évoque le modèle du "colloque singulier", qui désigne l'interaction entre le médecin et le patient dans un cabinet médical. Dans ce contexte, le médecin est perçu comme un professionnel dont le rôle est de "guérir" ou d'aider le malade à aller mieux. Freidson suggère que cette dynamique est centrale dans la pratique médicale. Mais il parle d'un "colloque collectif"
En se basant sur le modèle américain de la médecine libérale, il souligne que la rémunération des médecins se fait par le biais d'honoraires, sans contrat formel. Cela peut donner l'illusion que l'activité médicale est simple et isolée, mais Freidson insiste sur le fait qu'elle implique également une coopération entre médecins, ce qui complexifie la pratique.
Enfin, selon HALL, la contrainte de l'absence du médecin, que ce soit pour des congés ou d'autres raisons, nécessite également des remplacements, ce qui ajoute une couche supplémentaire de complexité à l'organisation de l'activité professionnelle médicale.
LA DÉVIANCE
L’approche fonctionnaliste de Parsons considère la médecine comme une profession autonome, mais il souligne que la maladie est perçue comme une déviance car elle empêche l'individu de remplir ses fonctions sociales. En revanche, Frieser propose une vision différente, où la maladie n'est pas intrinsèquement déviante, mais où la déviance se manifeste dans la réaction sociale à la maladie et aux comportements associés.
Par exemple, la délinquance en col blanc illustre que la gravité de la transgression est souvent minimisée par les réactions du public, tandis que dans un collège, les transgressions mineures sont jugées selon la réponse institutionnelle. Ainsi, la déviance est plus liée à la perception et à la réaction des autres qu'à l'acte lui-même.
LES PROCHES
La coopération n'est pas que du coté du malade, les proches interviennent, c'est collectif.
MODÈLE FREISER
A retenir :
Modèle conflictuel : pluralité de roles, plusieurs médecins, les proches... Préjugement de la situation −> conflit, il faut un accord. La définition de la situation n'est pas écrite -> les rôles doivent s'accorder, s'ajuster.
GOFFMAN
Goffman, dans son ouvrage "Asile", s'intéresse profondément à la maladie mentale et présente une ethnographie d'un établissement psychiatrique moderne. L'ouvrage est fondamental car il aborde des questions essentielles sur la vie au sein de ces institutions et le processus de devenir un malade mental.
Il introduit la notion de "carrière morale", qui se réfère à l'évolution de l'identité d'un individu. Cette identité se divise en deux aspects : l'identité pour soi, qui est la manière dont une personne se définit, et l'identité pour autrui, qui est la perception des autres à son égard. Goffman souligne que ces deux dimensions sont interconnectées, l'identité pour soi étant influencée par la manière dont les autres nous perçoivent.
Dans les institutions psychiatriques, Goffman décrit un mécanisme où l'étiquette de "malade mental" devient collante, affectant la perception de soi et celle des autres. Il conceptualise l'institution psychiatrique comme une "institution totale", semblable à d'autres structures comme les prisons ou les maisons de retraite, caractérisée par une séparation marquée entre la vie avant et après l'internement, ainsi qu'entre l'intérieur et l'extérieur.
Cette séparation est matérialisée par des barrières physiques, comme les murs et les barbelés, et par la présence constante d'une idéologie officielle qui justifie la présence des individus dans l'institution. Les patients vivent ainsi dans un environnement où leur identité et leur perception de soi sont profondément affectées par leur statut d'interné, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
La phase hospitalière commence souvent par l'admission douce d'un proche, où la personne malade est amenée à l'institution. Cette entrée se fait par des négociations, souvent avec des gestes civils comme offrir une cigarette. Cependant, cela engendre un sentiment de trahison chez ceux qui se sentent maltraités, car ils réalisent qu'ils n'ont pas été traités avec dignité. Tous les éléments constitutifs de leur identité, comme le portefeuille ou les vêtements personnels, sont retirés, entraînant un sentiment de dégradation, semblable à celui d'un prisonnier qui perd son nom pour devenir un simple matricule.
La phase d’admission marque un changement radical. Les individus se retrouvent dans un nouvel univers, côtoyant des personnes qu'ils n'auraient jamais imaginé fréquenter. Cela mène à une normalisation de leur situation et à une redéfinition de leur identité. Les petits plaisirs, comme fumer, deviennent des moments exceptionnels, illustrant un cycle de compassion où des passe-droits sont parfois accordés, mais de manière aléatoire.
Finalement, Goffman identifie deux formes d'adaptations dans ces institutions. L'adaptation primaire consiste à se conformer aux attentes, devenant ainsi un "bon prisonnier". En revanche, l'adaptation secondaire se produit lorsque l'individu s'habitue tellement à la vie institutionnelle qu'il devient incapable de s'en échapper, sa perception de la vie ordinaire étant désormais déformée.
Ce processus souligne comment les institutions sociales peuvent profondément influencer l'identité et le comportement des individus.
STRAUSS
Strauss, en tant que sociologue interactionniste, s'inscrit dans la tradition du pragmatisme, qui est un courant de pensée philosophique développé par William James et John Dewey. Selon cette perspective, la société n'est pas une entité figée, mais une production collective et continue. Voici les quatre idées clés du pragmatisme :
- Toutes les choses sont des processus : Cela signifie que rien n'est statique, tout est en mouvement et en évolution.
- L'expérience de la vie : Chaque individu fait des expériences, qui sont perçues à travers nos sens, nos enquêtes et notre conscience.
- Perception des choses : Étant donné que tout est un processus, il est essentiel de ne pas considérer les institutions ou structures comme des entités fixes, mais plutôt comme des activités qui se déroulent dans un contexte spécifique.
- Élargissement du pragmatisme : Au fil du temps, le pragmatisme a évolué pour inclure des idées plus larges.
En ce qui concerne la notion de carrière, Freidson et Goffman la définissent comme centrée sur l'individu, tandis que Strauss propose le concept de trajectoire, qui prend en compte l'évolution des consciences et des contextes. Pour Strauss, ces étapes ne sont pas fixes, mais évolutives.
Strauss, à travers de nombreuses enquêtes empiriques, se concentre sur la proximité du terrain. Il aborde le concept de mourir comme un processus évolutif dans le temps, soulignant que la mort est gérée collectivement. Il est crucial de décrire ce processus et les activités qui l'accompagnent, impliquant non seulement le médecin, mais aussi le patient et ses proches.
Enfin, il souligne que le travail du malade, comme prendre ses médicaments ou organiser des rendez-vous, n'est pas simplement un rôle, mais une activité active et continue dans ce processus.