Droit des obligations 2
A retenir :
Droit des obligations CM2
28 janvier :
L’apparition des normes juridiques contractuelles nécessite d’abord leur création
par des personnes juridiques, appelées auteurs de l’acte juridique (Titre 1), puis
leur reconnaissance dans l’ordre juridique (Titre 2).
Titre 1 - Du côté des auteurs : la création des normes
La formation d’une norme contractuelle peut être très simple, comme lorsqu’un
client achète une baguette en acceptant une offre visible et en payant son prix.
Ce modèle repose sur l’offre (art. 1114 C. civ.) et l’acceptation (art. 1118 C. civ.).
Cependant, cette approche ne suffit pas pour expliquer la diversité des
formations contractuelles. D’une part, les opérations complexes incluent souvent
une phase de négociation préalable, absente dans les contrats alimentaires où
l’acheteur se contente d’accepter une offre affichée. D’autre part, le schéma
classique impose une chronologie stricte et une répartition des rôles (un
proposant, un acceptant), ce qui ne correspond pas toujours à la réalité. En
pratique, les contrats se forment par la conjonction de plusieurs actes juridiques.
Il faut donc étudier la négociation (phase facultative et préalable) et la
conjonction des actes juridiques (phase obligatoire).
Chapitre 1 - La préparation des normes contractuelles
Le Code civil de 1804 ne réglementait pas la formation du contrat ni la
négociation, se limitant aux contrats conclus, à l’image des auteurs précédents
comme Pothier. À l’époque, la négociation relevait surtout du droit de la
responsabilité.
Ce désintérêt peut s’expliquer par des enjeux financiers moindres et le respect
des normes religieuses, réduisant le besoin d’un encadrement juridique au stade
de la négociation.
Le législateur de 2016 a clarifié les règles encadrant la phase préparatoire du
contrat tout en conservant l’esprit du Code civil de 1804. L’article 1112 C. civ.
affirme la liberté des négociations tout en posant le principe que la faute dans
ces négociations engage la responsabilité de son auteur, notamment en cas de
mauvaise foi ou de manquement à l’obligation d’information.
On étudiera d’abord les devoirs précontractuels des parties (Section 1), puis les
sanctions de ces devoirs (Section 2).SECTION 1 - Les devoirs précontractuels
L’article 1112 semble contradictoire : il affirme à la fois la liberté des négociations
et leur soumission aux exigences de bonne foi. Cette contradiction apparente
s’explique par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789, qui définit la liberté comme s’arrêtant là où commence celle d’autrui.
L’article 1112 reprend donc la conception révolutionnaire de la liberté
contractuelle.
Toutefois, la notion de bonne foi reste floue dans les textes de 2016, qui se
contentent de reprendre la formulation du Code civil de 1804. Si ce dernier
imposait l’exécution des contrats de bonne foi, cette exigence s’appliquait aussi
implicitement à leur formation. L’article 1112-1 illustre cette bonne foi à travers
l’obligation d’information, mais d’autres obligations existent.
Schématiquement, certaines obligations précontractuelles visent à garantir que
les parties cherchent réellement à conclure un contrat et non à obtenir des
informations de manière abusive (I). D’autres obligations précontractuelles
permettent de s’assurer que les parties disposent des informations nécessaires
pour comprendre les implications réelles du contrat (II).
I. Les devoirs tournés vers la conclusion du contrat
Les parties engagées dans une négociation doivent avoir une réelle intention de
conclure le contrat.
La jurisprudence sanctionne deux comportements :
L’ouverture ou la poursuite de négociations sans réelle intention de conclure
(Com., 18 juin 2002).
La rupture des négociations peut être fautive si elle intervient sans raison valable
alors qu’elles étaient très avancées ( arrêt Com 15 sept. 2009 )
Autre obligation importante : respecter la confidentialité des informations
échangées en négociation. L’article 1112-2 C. civ. prévoit que celui qui utilise ou
divulgue sans autorisation une information confidentielle engage sa
responsabilité.
II. Les devoirs tournés vers l’exécution du contrat
Le principal devoir est l’obligation d’information. Son but est de s’assurer que les
parties comprennent bien les termes du contrat avant de s’engager.
Exemple : Vous achetez du carrelage pour une piscine, mais le vendeur ne vous
dit pas qu’il n’est pas adapté. Résultat, votre piscine a des problèmes. Le devoird’information existe pour éviter ce genre de situation.
Origine et réglementation
Ce devoir vient d’abord de la jurisprudence. Avant 2008, les juges le rattachaient
à la notion de dol (tromperie). En 2008, ils l’ont rendu indépendant (Cass., 1re
civ., 28 mai 2008). Depuis la réforme de 2016, il est encadré par l’article 1112-1 C.
civ., qui est impératif (on ne peut pas y déroger).
Conditions du devoir d’information :
Ce devoir ne s’applique pas à tout, seulement à certaines conditions :
L’information doit être essentielle : Elle doit être déterminante pour le
consentement. Si la personne avait su, elle n’aurait pas signé ou l’aurait fait à
d’autres conditions. L’article 1112-1 précise que l’estimation du prix n’entre pas
dans ce cadre, mais que tout ce qui a un lien direct et nécessaire avec le contrat
ou la qualité des parties est pertinent.
Celui qui doit informer doit connaître l’information : L’obligation pèse sur celui qui
détient l’information. Le projet initial de loi voulait inclure aussi l’information que
l’on “aurait dû connaître”, mais cela n’a pas été retenu. Les juges peuvent
cependant imposer cette obligation à certains professionnels.
Celui qui ignore l’information doit être légitimement dans l’ignorance : Tout n’a
pas à être dit, seulement ce que l’autre partie ne peut pas deviner par elle-même.
Deux cas où l’ignorance est légitime :
1 : L’impossibilité de découvrir l’information : Par exemple, un acheteur de bateau
qui ne peut pas voir un défaut caché. C’est au vendeur d’informer.
2 : Une relation de confiance : Si un acheteur fait confiance à un vendeur ou un
associé, ce dernier doit lui donner certaines informations importantes. Dans
l’arrêt Vilgrain (27 févr. 1996), un dirigeant qui rachetait des actions de ses
associés aurait dû les informer qu’il négociait ensuite leur revente à un prix plus
élevé.
En résumé, chacun doit s’informer par lui-même, mais dans certains cas, celui
qui détient une information essentielle doit la partager.
L’obligation d’information générale s’applique même s’il existe déjà une
obligation spécifique dans certains domaines (comme la consommation ou la
distribution).Une question s’est posée : cette obligation existe-t-elle seulement avant le
consentement ou aussi après, tant que le contrat n’est pas signé ? La Cour de
cassation a retenu la deuxième option, dans une approche « solidariste ». Cela
signifie que même après une promesse de vente, le bénéficiaire doit encore
donner des informations importantes au promettant, au risque qu’il se rétracte.
Sanctions des devoirs précontractuels
Il y a deux types de sanctions :
1. La responsabilité civile (art. 1240 C. civ.) : Toute violation d’un devoir
précontractuel qui cause un dommage doit être réparée.
2. L’action en nullité (uniquement pour le devoir d’information
précontractuelle) : Si une information erronée a conduit à conclure un contrat, ce
contrat peut être annulé.
Réparation du dommage
• Si c’est une violation de la confidentialité (ex. : utilisation d’informations
confidentielles pour copier un produit), la réparation est simple : destruction des
produits copiés et transfert des profits au créateur légitime.
• Si c’est une rupture abusive des négociations ou une violation du devoir
d’information, c’est plus compliqué.
Deux options sont envisagées :
• “Intérêt positif” : indemniser comme si le contrat avait été signé, en
calculant le gain perdu.
• “Intérêt négatif” : indemniser seulement les frais engagés et les pertes
directes.
L’article 1112 C. civ. suit l’option de l’intérêt négatif, confirmée dans l’affaire
Manoukian (Com., 26 nov. 2003). Cela signifie que :
On ne peut pas être indemnisé pour les avantages espérés d’un contrat non
signé.
On ne peut pas réclamer la perte de chance de signer le contrat.
Pourquoi cette solution ?
1 : La rupture des négociations n’est pas forcément la cause directe de la non-
conclusion du contrat.
2 : Chacun reste libre de ne pas contracter.
3 : Indemniser un contrat non signé reviendrait à lui donner un effet indirect.Seuls les frais inutiles engagés (ex. études, déplacements…) ou la perte de
chance de signer un autre contrat en parallèle peuvent être remboursés (Com., 7
avr. 1998, n° 95-20.361).
Réparation en cas de défaut d’information
Contrairement à la rupture abusive des négociations, ici, le contrat a été signé
malgré le manque d’information, donc l’obstacle du lien de causalité ne se pose
plus et l’indemnisation des avantages espérés pourrait être envisageable
Mais la Cour de cassation ne l’admet pas totalement (Cass. com., 31 janv. 2012,
n° 11-10.834) car il n’est pas certain qu’avec la bonne information, la personne
aurait réussi à négocier un contrat plus avantageux
Du coup, l’indemnisation se fait sur la perte de chance
On ne rembourse pas totalement la différence entre le contrat signé et le contrat
espéré
On indemnise seulement en fonction du pourcentage de chance qu’avait la
personne d’obtenir de meilleures conditions ou de ne pas signer le contrat du
tout.
La conjonction des actes juridiques
La réforme de 2016 ne s’est pas limitée à encadrer la phase préparatoire du
contrat, elle a aussi précisé les actes qui le constituent, ce que le Code civil ne
faisait pas avant
À l’origine, les rédacteurs du Code considéraient que le contrat résultait
simplement de “promesses” sans les réglementer davantage
Pothier, qui a inspiré le Code civil, parlait uniquement de promesse et non d’offre
et d’acceptation comme aujourd’hui
Après avoir exposé ces règles, on les analysera de manière critique et simplifiée
pour mieux anticiper les problèmes d’application
Section 1 : Exposé du droit nouveau
Le contrat peut maintenant être formé de deux manières
1 : Par l’offre et l’acceptation ( Sous-section 2 )2 : Par un pacte de préférence ou une promesse unilatérale ( Sous-section 3 )
Une Sous-section 4 est dédiée aux contrats conclus par voie électronique, mais
elle ne définit pas un mode de formation spécifique. Elle fixe juste des règles
propres aux offres électroniques
Le critère de distinction est la nature contractuelle des actes préparatoires
Le pacte de préférence et la promesse unilatérale sont des contrats,
expressément qualifiés comme tels
L’offre et l’acceptation ne sont pas considérées comme des contrats mais
seulement comme des étapes menant à la formation du contrat
I : Le contrat formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation
Les articles 1113 à 1122 du Code civil détaillent ce mode de formation
Le Code distingue l’offre et l’acceptation et les aborde séparément (B), mais on
verra d’abord un début de droit commun sur la formation du contrat (A)
L’article 1122 du Code civil montre bien que les rédacteurs étaient conscients que
le schéma “offre + acceptation = contrat” est parfois trop simple
Il prévoit un délai de rétractation, permettant à une partie de retirer son
consentement dans un délai fixé par la loi ou le contrat
Dans ces cas-là, le contrat ne sera pas formé uniquement par l’offre et
l’acceptation, mais aussi par l’expiration du délai de rétractation sans retrait du
consentement.
A : Droit commun à l’offre et à l’acceptation
L’offre et l’acceptation sont des manifestations de volonté de s’engager. Elles
sont des actes juridiques destinés à produire des effets de droit. L’article 1113
précise que ces manifestations peuvent être explicites ou résulter d’un
comportement non équivoque, comme le silence dans certains cas (article 1120).
L’article 1121 traite de la date et du lieu de conclusion du contrat, mais en
pratique, cela concerne surtout l’offre et l’acceptation, car ils peuvent être
exprimés en des moments et lieux distincts.
B : Droit spécial à l’offre et à l’acceptation
L’offre : L’article 1114 définit l’offre comme une notification comportant leséléments essentiels du contrat et exprimant la volonté de son auteur d’être lié. Si
l’une de ces conditions manque, il s’agit d’une simple invitation à contracter. La
distinction peut être difficile, notamment lorsqu’une notification est exigée par la
loi.
Le régime juridique de l’offre, traité dans les articles 1115 à 1117, aborde la
rétractation et la caducité de l’offre.
Concernant la rétractation, une distinction est opérée :
Tant que l’offre n’a pas été reçue, l’auteur peut la retirer librement, sans sanction.
Si l’offre a été reçue, elle ne peut être retirée librement, sauf si elle est devenue
caduque. Si elle est retirée malgré tout, l’auteur est responsable, mais la sanction
n’est pas la formation du contrat, mais la responsabilité pour rupture des
pourparlers (art. 1116 al. 3).
La caducité est l’état où un acte valide devient sans effet à cause d’un événement
postérieur. Elle peut provenir de deux sources principales :
Un terme exprès ou tacite (délai raisonnable) dans l’offre (art. 1116 c. civ.).
Un événement touchant l’auteur de l’offre, comme son décès ou son incapacité.
Certains auteurs ajoutent le refus de l’offre comme cause de caducité, mais les
textes ne le prévoient pas expressément, contrairement au code civil québécois
( art. 1393 ).
Concernant l’acceptation (art. 1118), elle est définie comme la manifestation de
volonté de l’auteur d’être lié dans les termes de l’offre. Elle repose sur :
La volonté de l’auteur d’être lié (fermeté).
La conformité à l’offre, ce qui signifie qu’une acceptation doit être conforme aux
termes de l’offre. Si elle n’est pas conforme mais précise, elle constitue une
nouvelle offre.
Régime de l’acceptation : Le régime de l’acceptation est moins détaillé que celui
de l’offre. Le code ne traite que de la rétractation (partiellement) et ne mentionne
pas la caducité.
Pour la rétractation, l’article 1118 al. 2 prévoit qu’une acceptation peut être
retirée tant qu’elle n’est pas parvenue à l’offrant. Si elle est déjà parvenue, le
retrait est impossible et le contrat est formé. La rétractation est alors exclue, et le
principe d’intangibilité du contrat (art. 1103 et 1193) s’applique. Pour la caducité,le code ne semble pas envisager de conséquences en cas de décès ou
d’incapacité de l’acceptant, ce qui pourrait poser problème.
Le code prévoit aussi un délai de réflexion (art. 1122), une période pendant
laquelle l’acceptant ne peut manifester son consentement.
II : Le contrat formé par un « contrat » préparatoire
Le code permet la formation d’un contrat au moyen de contrats préparatoires,
notamment la promesse unilatérale et le pacte de préférence. Toutefois, la
promesse synallagmatique a été oubliée, bien qu’elle soit reconnue pour des
contrats comme la vente (art. 1589). Dans ce cas, un contrat se forme lorsque les
deux parties se promettent de conclure un contrat, sauf si un événement
postérieur est nécessaire (comme la réitération par acte authentique).
Les deux contrats prévus par le code sont la promesse unilatérale (art. 1124) et le
pacte de préférence (art. 1123).
A : La promesse unilatérale
Définition : L’article 1124 al. 1er définit la promesse unilatérale comme un contrat
où une partie (le promettant) accorde à l’autre ( le bénéficiaire ) le droit d’opter
pour un contrat dont les éléments essentiels sont déjà déterminés, et dont il ne
manque que le consentement du bénéficiaire.
Éléments constitutifs :
Un contrat doit être formé entre les parties.
La promesse donne un droit d’option pour la conclusion d’un contrat.
• Le contrat projeté doit :
• Être déjà déterminé ( fermeté ).
• Porter sur les éléments essentiels du contrat ( précision ).
Régime de la promesse unilatérale : L’article 1124 al. 2 et 3 du Code civil encadre
strictement la promesse pour en assurer son efficacité.
Alinéa 2 - Révocation de la promesse :
L’alinéa 2 prévoit que la révocation de la promesse est sans effet tant que la
promesse est en vigueur. Contrairement à l’offre, où la rétractation engage la
responsabilité de l’auteur, la révocation de la promesse ne produit aucun effet, ce
qui marque une différence importante. En cas de promesse sans délai, il est
probable que la règle supplétive de délai raisonnable s’applique, comme pour
l’offre. Cette solution est un changement par rapport à l’ancienne jurisprudence,notamment celle des Consorts Cruz, où l’exécution forcée de la promesse était
refusée. Depuis 2021, la Cour de cassation applique par anticipation cette
nouvelle solution de l’article 1124.
Alinéa 3 - Violations de la promesse :
L’alinéa 3 aborde la situation où un tiers conclut un contrat en violation de la
promesse unilatérale, en sachant qu’elle existe. Dans ce cas, le contrat conclu
avec ce tiers est nul, sans que la connaissance par le tiers de la volonté du
bénéficiaire de lever l’option soit nécessaire. Cette solution est différente de celle
du pacte de préférence, où la connaissance par le tiers de l’intention du
bénéficiaire était requise.
Cependant, le texte ne prévoit pas de sanction pour la responsabilité complice
dans la violation de la promesse. Il est donc légitime de se demander si une
action en responsabilité est possible. Selon nous, il est possible d’agir en
responsabilité en appliquant l’article 1240 du Code civil (ancien article 1382), qui
régit la responsabilité civile délictuelle. Il semble également possible de cumuler
responsabilité et nullité, tant que les demandes ne sont pas contradictoires. Par
exemple, une demande en nullité du contrat avec le tiers et une réparation de la
perte de chance de conclure un contrat avec un autre tiers ne seraient pas
incompatibles. Toutefois, cumuler la nullité du contrat et la réparation de la perte
des bénéfices attendus du contrat pourrait être problématique, car cela
reviendrait à donner effet à un contrat non conclu.
Indemnité d’immobilisation :
Lorsqu’une promesse unilatérale porte sur un bien immobilier, il est courant
qu’elle soit accompagnée d’une indemnité d’immobilisation, afin que le
bénéficiaire rémunère le promettant pour l’immobilisation du bien pendant la
durée de la promesse. La jurisprudence considère souvent que cette indemnité
ne doit pas être trop élevée, sinon elle pourrait rendre la promesse unilatérale
équivalente à une promesse synallagmatique, avec l’indemnité considérée
comme un acompte. Cette position est confirmée par plusieurs arrêts de la Cour
de cassation, notamment du 26 septembre 2012. Toutefois, certains auteurs
contestent cette approche, arguant que le paiement de l’indemnité témoigne de
l’intérêt du bénéficiaire pour l’achat.
Indemnité d’immobilisation :
L’indemnité d’immobilisation ne doit pas être interprétée comme un engagement
d’achat, contrairement à la promesse synallagmatique. Un arrêt de la Cour de
cassation du 1er décembre 2010 l’a confirmé, précisant qu’un dépôt de garantie
presque égal au prix de vente ne modifie pas la qualification d’une promesse
unilatérale de vente. Cela indique que l’indemnité d’immobilisation ne transformepas une promesse unilatérale en un contrat synallagmatique, tant que l’intention
d’achat n’est pas définitivement engagée.
Le pacte de préférence :
L’article 1123 al. 1er définit le pacte de préférence comme un contrat où une
partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de conclure un
contrat si elle décide de contracter. Les éléments constitutifs du pacte sont :
Un contrat entre le promettant et le bénéficiaire.
Un droit de priorité pour conclure un futur contrat.
L’engagement du promettant, bien qu’il doive être ferme, ne nécessite pas
d’éléments essentiels pour le contrat futur, ce qui distingue le pacte de la
promesse unilatérale conditionnelle.
Régime du pacte de préférence :
Contrairement à la promesse unilatérale, le pacte de préférence est régulé par
l’hypothèse de violation par un tiers. Deux sanctions sont prévues en cas de
violation par un tiers :
1 : Responsabilité : L’article 1123 al. 2 indique que le promettant est responsable
de la violation. Si le tiers est au courant de l’existence du pacte, sa responsabilité
peut également être engagée. En revanche, si le tiers ignore l’existence de la
promesse, sa responsabilité ne peut être engagée.
2 : Nullité du contrat ou substitution : Si le bénéficiaire peut prouver que le tiers
connaissait le pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, il peut
demander la nullité du contrat conclu avec ce tiers. La simple publicité de la
promesse ne suffit pas comme preuve de la connaissance du tiers.
Un arrêt de la Cour de cassation du 6 décembre 2018 précise que la violation du
pacte de préférence se produit lorsque le promettant a fait une promesse de
vente à un tiers qui méconnaît le pacte. Cela peut se produire même si le contrat
avec le tiers est conclu après la promesse.
Violation sans conclusion du contrat avec un tiers :
En cas de violation sans conclusion de contrat (par exemple, une révocation sans
contrat avec un tiers), les textes ne prévoient pas de solution spécifique. La
tentation est de transposer la solution de la promesse unilatérale, car la
jurisprudence considère le pacte de préférence comme une promesse
conditionnelle. Toutefois, cette solution ne s’applique que lorsque le promettantdécide de vendre et doit proposer le contrat au bénéficiaire en priorité, avec une
offre suffisamment précise pour être qualifiée de promesse.
Révocation et Responsabilité :
En cas de révocation du pacte de préférence avant la décision de vendre ou après
cette décision mais avec une proposition imprécise, la sanction semble être la
responsabilité du promettant, à condition que le bénéficiaire prouve la faute du
promettant. Les textes récents introduisent une action interrogatoire (art. 1123
al. 3), permettant à un tiers de demander au bénéficiaire de confirmer l’existence
du pacte de préférence et son intention d’en faire usage, dans un délai
raisonnable fixé par le tiers. Si le bénéficiaire ne répond pas, cela empêche
l’action en nullité ou en substitution. Cependant, cette action n’a de véritable
intérêt que pour un tiers de bonne foi, car un tiers de mauvaise foi risquerait de
voir le contrat annulé. L’action interrogatoire soulève des questions morales, car
elle permet au tiers de se protéger en cas de connaissance du pacte, en cas
d’absence de réponse du bénéficiaire.
Limites des Modèles Actuels de Formation du Contrat :
Le modèle traditionnel de formation du contrat, basé sur les promesses, coexiste
encore avec celui plus moderne de l’offre et de l’acceptation. Ce dernier a gagné
en popularité, notamment grâce à son côté imagé, bien qu’il soit limité en ne
tenant pas compte de toutes les situations contractuelles. En pratique notariale,
on continue souvent à utiliser la notion de “promesse” pour des actes
préparatoires, comme pour les contrats de vente immobilière. Le nouveau droit
des contrats reprend ces deux modèles, mais leur approche chronologique (offre
puis acceptation, promesse puis levée d’option) n’est pas toujours représentative
de la réalité des contrats. En effet, dans certains cas, les parties définissent
ensemble les termes du contrat et signent ensuite séparément, sans suivre un
ordre prédéfini.
Conclusion :
Les réformes apportées par les textes actuels ne couvrent pas toutes les nuances
de la formation du contrat et peuvent créer des distinctions artificielles entre les
différentes figures contractuelles. Une présentation alternative de la formation
du contrat, prenant en compte la complexité des échanges contractuels, semble
plus adaptée pour garantir une meilleure sécurité juridique et plus de souplesse
dans la gestion des contrats.
Le texte que vous avez partagé propose une critique et des propositions
alternatives concernant la formation du contrat dans le cadre de la réforme du
droit des contrats. Voici les points essentiels du raisonnement et des
suggestions :I : Critique de la réforme actuelle
Les réformateurs ont introduit une distinction entre l’offre et la promesse, mais
cette division n’est pas justifiée selon l’auteur. Il estime que l’offre et la promesse
sont des actes juridiques similaires et devraient être régis de la même manière,
car elles créent toutes deux des normes, mais de manière différente. En effet,
l’offre et la promesse sont deux actes juridiques qui se conditionnent
mutuellement : un contrat ne peut exister sans ces deux engagements. Le
législateur a cependant créé une division artificielle entre ces deux notions, en
les traitant différemment, alors qu’elles relèvent d’un même mécanisme juridique.
II : Proposition d’un modèle unitaire de formation du contrat
L’auteur suggère un modèle alternatif dans lequel les contrats se forment à partir
de deux promesses interdépendantes. Ce modèle est inspiré des pratiques
romaines, où la vente était formée par une promesse d’achat et une promesse de
vente. Les deux promesses sont conditionnées l’une à l’autre : A s’engage à
vendre si B s’engage à acheter, et vice-versa. Ce modèle permet de décrire la
formation du contrat de manière plus flexible et sans avoir besoin d’une
chronologie stricte, ce qui résout certains problèmes liés à l’interprétation des
engagements.
III : Proposition d’un régime unitaire de formation du contrat
Une fois le modèle unitaire adopté, l’auteur propose un régime adapté. En ce qui
concerne la caducité des engagements, il estime que l’offre ou la promesse
deviennent caduques en cas de décès ou d’incapacité du promettant, sauf
disposition contraire. Concernant le retrait de l’engagement, l’auteur suggère
qu’un promettant pourrait se retirer dans un délai raisonnable après réception de
l’engagement par le bénéficiaire. Toutefois, le retrait ne doit pas être automatique
et doit dépendre des circonstances et de la ferme volonté du promettant. Si le
retrait est possible, il ne doit entraîner que la responsabilité du promettant pour
les préjudices subis, mais pas pour le gain manqué en raison de la non-exécution
du contrat.
Conclusion :
L’auteur plaide pour une approche plus unitaire de la formation des contrats,
fondée sur la logique des promesses interdépendantes. Ce modèle permettrait de
mieux rendre compte des pratiques réelles et des interactions complexes dans la
formation des contrats, tout en simplifiant le cadre juridique. Il critique la division
actuelle qui sépare l’offre de la promesse et propose un cadre plus cohérent et
flexible, notamment en ce qui concerne la caducité des engagements et le droit
de retrait.Le texte que vous avez partagé traite de la reconnaissance des normes
contractuelles dans l’ordre juridique et explore les défis liés à la formation du
contrat au moyen de deux promesses interdépendantes.
Titre 2 - La reconnaissance des normes
La création du contrat à travers deux promesses interdépendantes ne suffit pas
pour qu’un contrat soit reconnu et les normes qu’il génère soient valides dans
l’ordre juridique. La reconnaissance de l’existence du contrat et de la signification
des promesses est essentielle pour que les parties puissent se prévaloir des
droits qu’elles ont générés.
Chapitre 1 - La reconnaissance de l’existence des normes contractuelles
Section 1 - Identification du problème
Une difficulté majeure dans la codification du droit des contrats est l’absence de
reconnaissance des “accords non obligatoires”, concept souvent évoqué en
doctrine. Cela décrit des situations où les parties, bien qu’ayant formé un accord,
ne cherchent pas à engager de responsabilité juridique. Un exemple classique est
celui où un père promet à son fils un voyage en échange de bonnes études, mais
sans intention de contracter un engagement juridique. De même, il existe des cas
où des accords sont qualifiés de strictement moraux, mais qui, en réalité,
peuvent être reconnus par le droit, comme dans l’arrêt de la Cour de cassation du
23 janvier 2007. Cette décision montre que même lorsque les parties stipulent
qu’un accord est moral, il peut être reconnu juridiquement si certains critères
sont remplis.
Un autre exemple est celui des “coups de main” entre voisins, qui sont parfois
considérés comme des contrats juridiques par la Cour de cassation, même si les
parties ne s’attendent pas à un engagement formel.
Section 2 - Solution du problème
Pour qu’un accord soit reconnu comme juridiquement obligatoire, le droit se base
sur trois indices :
1 : L’intention d’engagement des parties : Cela se manifeste par le contexte de
l’accord et la précision des engagements.
2 : La perception des tiers : Si les tiers considèrent l’accord comme un
engagement formel, même si les parties ne l’ont pas voulu de manière explicite,
cela peut suffire pour en faire un contrat.3 : L’intérêt de l’ordre juridique : Parfois, l’ordre juridique choisit de reconnaître
un contrat pour des raisons pratiques ou sociales, comme dans l’exemple de
l’accord familial de Pothier, où la paix familiale était privilégiée.
L’article 1119 du code civil sur les conditions générales en est un bon exemple.
Pour qu’une condition générale soit applicable à un autre cocontractant, il ne
suffit pas qu’elle soit mentionnée ; il faut également que l’autre partie en ait eu
connaissance et ait pu en tenir compte au moment de son engagement.
Conclusion :
Ainsi, la reconnaissance des normes contractuelles dans l’ordre juridique repose
sur des critères multiples, impliquant à la fois l’intention des parties, la
perception externe de l’accord, et l’intérêt général de l’ordre juridique. Le droit ne
se contente pas de reconnaître la formation d’un contrat, il examine les
conditions dans lesquelles cet accord a été formé et si son application est en
phase avec les intérêts sociaux et juridiques.
L’exemple que vous avez donné avec l’article 1156 du Code civil montre comment
l’ordre juridique reconnaît un contrat même lorsqu’il n’y a pas de mandat formel,
en prenant en compte la perception légitime des tiers. Cet article est un bon
exemple du second indice évoqué précédemment : la perception des tiers. Si les
tiers croient légitimement qu’un mandat existe, l’ordre juridique peut valider cet
acte malgré l’absence de pouvoir formel.
Article 1156 : Le mandat apparent
L’article 1156, alinéa 1er, stipule que l’acte accompli par un représentant sans
pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers
contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant. Cela
implique que la reconnaissance de l’engagement contractuel peut se faire, même
sans l’accord formel du représenté, si les tiers ont été induits en erreur par les
apparences.
Article 1163 : La prestation déterminée ou déterminable
L’article 1163 du Code civil met en avant le principe selon lequel une prestation
contractuelle doit être déterminée ou déterminable pour qu’un contrat soit valide.
Bien qu’il relève de la validité du contrat, cet article touche également à la
question de la reconnaissance du contrat. Si la prestation n’est pas clairement
définie, le juge pourrait ne pas reconnaître l’accord, car cela risque de ne pas
refléter l’intention réelle des parties. La reconnaissance de l’accord repose ici sur
l’idée que l’indétermination de la prestation empêcherait le juge de compléter le
contrat de manière fidèle à l’intention des parties.Chapitre 2 : La reconnaissance du sens des promesses échangées
Ce chapitre soulève la question de la clarté des promesses échangées dans un
contrat. Lorsque les parties n’ont pas précisé un point ou lorsque le contrat est
ambigu, il devient nécessaire de recourir à des mécanismes juridiques pour
combler les lacunes ou clarifier les énoncés.
Section 1 : Le comblement des énoncés lacunaires
Le Code civil a toujours intégré un mécanisme permettant de combler les
énoncés contractuels lacunaires, ce qui est crucial pour préserver la validité d’un
contrat incomplet. Ce mécanisme se retrouve désormais à l’article 1194 du Code
civil. En cas de silence ou d’imprécision dans le contrat, des règles permettent de
compléter les parties manquantes, de sorte que le contrat puisse rester
applicable, même si des aspects n’ont pas été clairement définis par les parties.
Cette approche vise à éviter l’annulation du contrat, favorisant ainsi la
reconnaissance de la volonté des parties et l’application de leurs engagements.
Conclusion :
L’ordre juridique accorde une attention particulière à la reconnaissance des
contrats, que ce soit par la perception des tiers (article 1156) ou par la précision
des prestations contractuelles (article 1163). De plus, le Code civil propose des
mécanismes pour combler les lacunes des contrats et clarifier les énoncés,
garantissant ainsi leur validité et leur reconnaissance, même en cas d’ambiguïté.
Mécanisme général de comblement des énoncés lacunaires
L’article 1194 du Code civil énonce le principe selon lequel les contrats obligent
non seulement à ce qui est exprimé, mais aussi à ce que l’équité, l’usage ou la loi
imposent. En cas de silence sur un point donné dans un contrat, l’ordre juridique
cherche à combler cette lacune selon un ordre précis :
Dispositions légales ou réglementaires : Si la loi ou un règlement prévoit des
règles applicables, elles s’appliquent.
Usages : En l’absence de règle légale, les usages ou pratiques spécifiques
peuvent être utilisés pour compléter le contrat.
Equité : Si ni la loi ni l’usage ne fournissent de réponse, l’équité, c’est-à-dire les
principes de justice et de bonne foi, viendra combler la lacune.
Ce mécanisme vise à assurer la continuité et l’application des contrats, même en
présence de points non expressément réglés.Le rôle de la bonne foi (article 1104 C. civ.)
L’article 1104 introduit également un mécanisme important : la bonne foi. Celle-ci
permet aux juges d’ajouter des obligations au contrat afin de l’adapter aux
circonstances, notamment dans le cadre de la loyauté ou en fonction des
évolutions technologiques. Par exemple, l’obligation de loyauté a été déduite pour
empêcher certaines pratiques commerciales jugées déloyales.
La bonne foi permet ainsi de maintenir l’équilibre des relations contractuelles, en
garantissant que les engagements sont respectés avec un esprit de collaboration
et de transparence.
Mécanismes particuliers de comblement des lacunes
Les articles 1166 et 1167 du Code civil prévoient des mécanismes spécifiques
pour combler certaines lacunes dans les contrats :
1 : Article 1166 : Si la qualité de la prestation n’est pas déterminée, le débiteur
doit offrir une prestation conforme aux attentes légitimes des parties. Cela tient
compte de la nature de la prestation, des usages et de la contrepartie promise.
Ce texte remplace l’ancien article 1246, qui ne précisait que l’obligation d’une
prestation de qualité moyenne.
2 : Article 1167 : Si les parties ont déterminé une prestation en fonction d’un
indice, et que cet indice n’existe plus, le Code prévoit son remplacement par
l’indice le plus proche. En revanche, si aucun indice ne peut être trouvé, la lacune
ne pourra pas être comblée, ce qui peut entraîner la résolution du contrat si
l’élément concerné est essentiel.
La clarification des énoncés obscurs
Lorsque des énoncés contractuels sont ambigus, l’ordre juridique prévoit deux
types de mécanismes pour leur clarification :
1 : Mécanismes d’interprétation des énoncés obscurs : Ces mécanismes visent à
donner un sens aux termes vagues ou flous d’un contrat. Ils permettent de
reconstituer l’intention des parties et d’assurer que les engagements pris sont
respectés de manière conforme à ce qui était prévu.
2 : Résolution des contradictions : Lorsqu’il y a des contradictions évidentes
entre deux énoncés d’un contrat, des règles spécifiques peuvent intervenir pour
résoudre ces conflits.
Résolution des contradictions ( articles 1119 et 1170 ) :Article 1119 : Il aborde la question des conditions générales et particulières. Si les
conditions générales du contrat entrent en contradiction avec des conditions
particulières, ces dernières prévalent.
Article 1170 : Cet article régit les conflits entre les conditions essentielles et
accessoires. Les conditions essentielles doivent primer sur les conditions
accessoires, sauf dans certains cas où ces dernières seraient nécessaires à la
bonne exécution du contrat.
Conclusion :
Le Code civil met en place des mécanismes variés pour combler les lacunes et
clarifier les énoncés contractuels. Ces mécanismes assurent que les contrats
restent applicables même en cas de silence, d’ambiguïté ou de contradictions,
tout en veillant à respecter l’équité, les usages et la bonne foi.
A : Les conflits entre conditions générales et conditions particulières
Article 1119 du Code civil aborde deux types de discordances dans un contrat :
Discordance entre les conditions générales des parties (alinéa 2) :
Si les deux parties ont des conditions générales incompatibles, ces conditions se
neutralisent.
Aucun des termes n’a de prévalence sur l’autre. La question qui se pose alors
est : quel droit s’applique ? La réponse est donnée par l’article 1194, qui indique
qu’on appliquera le droit commun, soit celui du Code civil, soit celui imposé par
l’usage ou l’équité.
Discordance entre conditions générales et conditions particulières (alinéa 3) :
Ici, les conditions particulières prévalent sur les conditions générales, ce qui suit
le principe lex specialis derogat legi generali (les lois spéciales dérogent aux lois
générales).
B : Les conflits entre conditions essentielles et conditions accessoires
Article 1170 du Code civil stipule que « toute clause qui prive de sa substance
l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».
Cet article codifie une jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, qui
annulait des clauses accessoires d’un contrat si elles contredisaient les
obligations essentielles.
Certains auteurs critiquent cet article, arguant qu’il fait doublon avec l’article 1171concernant les déséquilibres significatifs dans les contrats. Cependant, ces deux
articles n’interviennent pas au même niveau :
Article 1170 : Il concerne la reconnaissance du sens d’une disposition et annule
les clauses qui compromettent les obligations essentielles.
Article 1171 : Il traite de la validité des dispositions dont le sens est déjà établi,
notamment pour les clauses abusives.
En complément, l’article 1304-2 traite de la condition potestative, qui rend nulle
une obligation qui dépend uniquement de la volonté du débiteur.
Cette disposition vise à éviter qu’une partie ne puisse échapper à ses
engagements en fonction de sa seule volonté. Toutefois, certains ont critiqué cet
article, estimant que la question est moins de la nullité d’une clause que de la
contradiction entre une obligation principale et une clause secondaire de type
potestatif.
Dans tous ces cas, l’ordre juridique privilégie les engagements essentiels et lutte
contre les contradictions qui risqueraient de dénaturer le contrat.
II : Les normes d’interprétation
Le Chapitre III du Titre III du Code civil traite de l’interprétation des normes
contractuelles, bien qu’il soit limité à quatre articles. Ces articles abordent deux
aspects : l’étendue du pouvoir d’interprétation et les lignes directrices que le juge
doit suivre dans ce cadre.
A : L’étendue du pouvoir d’interprétation
L’article 1192 du Code civil stipule que les clauses claires et précises ne peuvent
pas être interprétées, sous peine de dénaturation. Cependant, cette interdiction
est nuancée :
Il revient au juge de déterminer si une clause est claire ou non. Dans certains cas,
cette décision peut être contestée.
La Cour de cassation, quant à elle, veille à ce que les juges ne dénaturent pas une
clause claire et précise, mais elle n’intervient pas sur d’autres types de décisions
d’interprétation.
En conséquence, la Cour de cassation, depuis l’arrêt Lubert de 1808, refuse de
contrôler l’interprétation des contrats, considérant cela comme une question de
fait. Toutefois, pour les conventions ayant une portée générale, il est plus
discutable de limiter l’intervention de la Cour. Une exception notable est faitepour les conventions collectives en droit du travail (article L. 441-1 COJ), où la
Cour peut intervenir.
B : Les lignes directrices
Les quatre articles du chapitre fournissent des lignes directrices pour
l’interprétation des contrats, bien qu’ils n’aient pas toujours une valeur normative
claire. Certains estiment que ces règles sont facultatives, tandis que d’autres
estiment qu’elles devraient être obligatoires. Les lignes directrices se
concentrent sur deux points :
1 : Les éléments à prendre en compte dans l’interprétation :
La lettre du texte, l’intention commune des parties, et l’interprétation raisonnable
(article 1188).
Le contexte juridique plus large du contrat, incluant d’autres clauses ou contrats
qui en font partie (article 1189).
Si un juge omet de prendre en compte l’un de ces éléments, sa décision pourrait
être réexaminée par la Cour de cassation.
Les critères pour choisir l’interprétation à privilégier :
Le sens commun, notamment celui partagé par les deux parties ou, à défaut, celui
de “l’homme raisonnable” (article 1188 al. 1 et 2). Cela permet d’écarter une
interprétation littérale si elle mène à une solution absurde.
La faveur pour la partie la plus faible, que ce soit en raison de son statut de
débiteur ou de son incapacité à négocier (article 1190).
Le principe de cohérence, qui recommande de donner à une clause
l’interprétation qui permet de respecter l’ensemble du contrat, même si plusieurs
interprétations sont possibles (article 1191).
Ces principes sont utiles et, si un seul d’entre eux est applicable, le juge devrait
obligatoirement l’appliquer. En revanche, lorsqu’il existe plusieurs règles
applicables qui mènent à des résultats opposés, le juge a alors une certaine
liberté de choix, car ces règles se neutralisent mutuellement. Par exemple, un
énoncé ambigu peut être interprété soit en faveur du débiteur (ce qui pourrait
rendre la clause invalide selon l’article 1190), soit dans un sens plus défavorable
au débiteur (article 1189). Dans ce cas, le juge peut choisir l’interprétation qu’il
préfère.
Partie 2 : La portée des normes contractuellesS’intéresser à la portée des normes contractuelles, c’est étudier non seulement
leur étendue (Titre I), mais aussi leur capacité à produire un effet lorsqu’elles
sont violées, autrement dit la sanction (Titre II).
Titre I - L’étendue des normes contractuelles
Les normes contractuelles ont pour objectif de régir les comportements des
parties de manière plus ou moins durable. Mais qui sont exactement ces parties
au contrat et combien de temps doivent-elles respecter la norme contractuelle ?
Ce sont ces deux questions que l’on abordera à travers l’étendue temporelle
(Chapitre 1) et l’étendue personnelle (Chapitre 2).
Chapitre 1 - L’étendue temporelle des normes contractuelles
Étudier la temporalité d’une norme implique de traiter trois aspects :
L’existence de la norme à un instant donné. Il arrive qu’une norme contractuelle,
après avoir existé et été exécutée pendant un certain temps, soit remise en
cause, par exemple en raison de l’ignorance de l’une des parties lors de
l’engagement. Cela touche à la temporalité de l’existence de la norme (Section I).
La vigueur de la norme contractuelle. L’existence d’une norme est distincte de sa
vigueur. Par exemple, un contrat de vente immobilière, affecté d’une condition
suspensive, ne produira ses effets qu’une fois la condition remplie. On parle alors
de temporalité de la vigueur de la norme (Section II).
L’engagement contenu dans la norme. Quand les parties s’engagent à respecter
certaines normes, elles peuvent opter pour un engagement à durée déterminée
ou indéterminée. Ce dernier affecte la temporalité du modèle de conduite
contenu dans la norme (Section III).
SECTION 1 : La temporalité de l’existence de la norme
La remise en cause de l’existence d’une norme peut découler de la nullité, qui
annule la norme contractuelle lorsque les conditions de validité n’ont pas été
respectées.
La suppression de la norme liée à la méconnaissance de ses conditions de validité
Les normes contractuelles peuvent être annulées si elles ne respectent pas les
normes supérieures qui les régissent. L’annulation peut être totale ou partielle.
Les conditions de validité :Comme toute norme, les normes contractuelles doivent respecter certaines
conditions de validité, notamment celles prévues par la loi. L’article 1103 du code
civil précise : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les
ont faits ». Les parties doivent respecter des conditions telles que la capacité
(articles 1145 et suivants), la représentation (articles 1153 et suivants), et le
contenu du contrat (article 1162). Par ailleurs, des exigences procédurales
doivent parfois être respectées, notamment en ce qui concerne les formes
(articles 1172 et 1173). Enfin, un contrôle de la volonté est effectué pour vérifier
que l’acte est bien le fruit de la raison, et qu’il ne poursuit pas un but illicite.
B. La sanction : la nullité
Si les conditions de validité ne sont pas remplies, la norme contractuelle peut
être annulée. Cette annulation vise à assurer que seules les normes conformes à
l’ordre juridique produisent des effets.
Cela introduit la manière dont les normes contractuelles doivent respecter les
conditions de validité et les conséquences de leur non-respect, marquant la
frontière entre les normes qui ont un impact juridique et celles qui en sont
privées.
Suite : Les conditions de validité des normes contractuelles
1 : Les conditions de validité communes à toutes les normes
Après avoir vu les conditions de validité générales, on aborde celles spécifiques
aux contrats, notamment celles qui concernent la compétence, c’est-à-dire la
capacité, la représentation et le contenu du contrat (a), puis celles qui touchent à
la procédure (b).
Les conditions concernant la compétence :
Bien que le terme “compétence” soit peu utilisé en droit privé, il a été repris par
les juristes lors de la réforme du Code civil pour désigner les règles de validité
concernant la capacité, la représentation, le contenu du contrat et la durée de
l’engagement. On peut ainsi distinguer les conditions liées à la personne de
l’auteur de la norme (compétence personnelle) et celles concernant la matière
(compétence matérielle).
L’encadrement de la compétence personnelle
Les règles de compétence varient selon que l’individu agit pour lui-même ou pour
autrui. La capacité et la représentation régissent ces deux situations :La capacité (article 1145) : Ce principe de capacité générale s’applique aux
personnes physiques, sauf exceptions légales. Pour les personnes morales, la
capacité est restreinte au cadre de l’objet social de l’entité. Toutefois, cette règle
a été ajustée par l’ordonnance de 2016, précisant que la capacité des personnes
morales est limitée aux « actes utiles à la réalisation de leur objet » ou « actes
accessoires ». Cependant, cette disposition a été révisée pour les sociétés
anonymes, où désormais la société peut être engagée même par des actes non
utiles à son objet social. L’article 1145, alinéa 2, définit cette capacité comme
limitée par les règles spécifiques à chaque type de personne morale.
L’incapacité des personnes mineures non émancipées (article 1146) : Les mineurs
non émancipés sont généralement incapables de contracter, sauf exceptions
prévues par la loi. Cependant, lorsqu’un mineur est émancipé (possibilité dès 16
ans), il est considéré presque comme une personne majeure et peut contracter
comme tel.
Ces règles relatives à la compétence personnelle garantissent que les personnes
qui concluent un contrat sont aptes à le faire, en conformité avec les exigences
légales en matière de capacité et de représentation.
Suite : Les conditions de validité des normes contractuelles
1 : Les conditions de validité communes à toutes les normes (suite)
Les conditions concernant la compétence (suite)
Les incapacités peuvent aussi concerner des majeurs protégés par des mesures
de sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle, notamment en raison de l’altération
de leurs facultés mentales. Par ailleurs, certaines personnes sont interdites de
gérer leurs affaires, comme les commerçants en faillite personnelle ( art. L.
635-8 du code de commerce ). Il existe également des règles interdisant des
professionnels, comme les médecins, de recevoir certaines libéralités (article
909 du Code civil).
Ces incapacités ne sont pas uniquement liées à des critères personnels (âge,
facultés mentales, etc.), mais aussi à des éléments matériels. L’article 1146 du
Code civil précise que l’incapacité ne s’applique que dans la mesure définie par la
loi. L’article 1148 permet aux personnes incapables d’accomplir certaines
actions, comme des actes courants. En outre, certaines règles spéciales
permettent aux personnes dites incapables de contracter dans des situations
spécifiques, comme l’article L. 1111-5 du Code de la santé publique, qui autorise
certains mineurs à prendre des décisions médicales indépendamment de leurs
parents.La représentation :
Le Code civil traite de la représentation à travers les articles 1153 et suivants,
distinguant deux types : la représentation parfaite et la représentation imparfaite.
La représentation parfaite : Dans ce cas, le représentant agit au nom et pour le
compte du représenté, et seul le représentant est engagé.
La représentation imparfaite : Le représentant agit en son nom mais est seul
engagé.
Les textes se concentrent essentiellement sur la représentation parfaite, où une
personne a le pouvoir d’agir pour autrui. L’article 1153 précise que le représentant
ne peut agir que dans les limites des pouvoirs qui lui ont été conférés. Si ce n’est
pas le cas, l’acte sera nul et inopposable au représenté, sauf si celui-ci le ratifie
(art. 1156). Le tiers contractant peut également demander la nullité s’il prouve
qu’il ignorait ce défaut de représentation.
Les règles concernant les pouvoirs du représentant incluent les apparences ayant
pu induire en erreur un tiers (art. 1156). En cas de doute, le tiers peut interroger
le représenté directement, dans le cadre de l’action interrogatoire (art. 1123, al.
3).
Les textes prévoient également des cas de nullité spécifiques :
Détournement de pouvoir : Si le représentant agit à des fins étrangères à la
mission qui lui a été confiée, l’acte peut être annulé si le tiers savait ou ne pouvait
ignorer le détournement ( art. 1157 ).
Conflit d’intérêts : L’acte peut être annulé si le représentant agit pour deux
parties à un contrat ou pour son propre compte, sauf autorisation préalable ou
ratification postérieure ( art. 1161 ). Cette règle est en principe applicable tant
aux personnes physiques qu’aux personnes morales, bien qu’une révision
législative puisse restreindre son application aux personnes physiques.
Ces règles assurent un cadre précis pour la représentation, protégeant ainsi les
parties contre les abus et les conflits d’intérêts.
L’encadrement de la compétence matérielle et des normes contractuelles
1 : Les conditions de validité des normes contractuelles
L’encadrement de la compétence matérielle :
L’encadrement de la compétence matérielle découle des règles générales
applicables à tous les contrats et à toute norme créée par un acte juridique.L’article 1162 du Code civil indique qu’on ne peut déroger à l’ordre public. Une
règle similaire se trouve à l’article 6 du Code civil, mentionnant non seulement
l’ordre public, mais aussi les bonnes mœurs. Si ces dernières ont disparu, cela
signifie seulement qu’elles sont intégrées à l’ordre public, notamment en ce qui
concerne les droits fondamentaux.
Une autre règle générale figure à l’article 1163 du Code civil, qui précise que
l’objet de l’obligation doit être possible. L’impossibilité est strictement appréciée,
non pas au regard de la possibilité pour une personne en particulier, mais de
manière générale (appréciation in abstracto et non in concreto).
Les conditions concernant la procédure
L’article 1172 du Code civil rappelle le principe du consensualisme, c’est-à-dire
que, par principe, aucune forme particulière n’est exigée pour manifester son
engagement. Les parties sont libres de choisir comment manifester leur
consentement (écrit, parole, geste, etc.). Toutefois, pour certains contrats, des
conditions de procédure spécifiques doivent être respectées, notamment dans
les contrats solennels (article 1172) ou ceux qui requièrent la remise d’une chose
(article 1173).
L’article 1173 distingue les formalités de procédure en deux catégories :
Le formalisme ad probationem : où la forme a pour but de prouver l’existence du
contrat.
Le formalisme ad validitatem : où la forme est une condition de validité du
contrat.
Certaines formes, bien qu’obligatoires, n’affectent pas nécessairement la
validité, mais servent uniquement de preuve.
Les conditions de validité communes aux normes issues d’un acte juridique
Les normes contractuelles proviennent d’actes juridiques volontaires, créant des
normes dans l’ordre juridique. Cette origine volontaire implique des exigences
supplémentaires quant à leur validité. Il faut notamment s’assurer que ces
normes sont le résultat d’une volonté éclairée (a), et que leur objectif respecte
les principes essentiels de l’ordre juridique (b).
L’exigence de normes créées à la suite d’un acte volontaire éclairé
L’article 1131 du Code civil indique que les vices du consentement peuvent
entraîner la nullité d’un contrat. Ces vices, tels que l’erreur, le dol et la violence,
peuvent affecter la validité d’un contrat. L’article 1130 précise que la nullité n’estadmise que si le vice a été déterminant du consentement. Une autre cause de
nullité est l’absence de consentement, comme dans le cas où un contrat est signé
par une personne dont les facultés sont altérées (article 1129).
La diversité des vices du consentement :
Le Code civil reconnaît trois types de vices du consentement : l’erreur, le dol et la
violence. Toutefois, cette classification ne couvre pas tous les vices, comme
l’erreur matérielle, par exemple, celle d’étiquetage sur un produit. En outre, les
notions de dol et de violence cachent des réalités plus complexes :
Le dol : inclut non seulement le dol classique, mais aussi la réticence dolosive.
La violence : couvre la violence exercée par le cocontractant ou un tiers, ainsi que
l’exploitation d’un état de dépendance économique, même sans recours à la
violence physique.
Les conditions d’application des vices du consentement :
Pour que ces vices entraînent la nullité, il est nécessaire que le vice soit
déterminant du consentement de la personne concernée. Si un contrat est conclu
malgré la présence de l’un de ces vices, il peut être annulé si le consentement n’a
pas été libre et éclairé, et s’il a eu une influence décisive sur la décision d’entrer
en contrat.
Ces règles garantissent que les contrats sont créés de manière valide et éclairée,
et qu’ils respectent l’ordre public et les principes essentiels du droit.
L’erreur comme fondement des vices du consentement
Une vue d’ensemble des vices du consentement :
Tous les vices du consentement, qu’ils soient codifiés ou non, se ramènent
fondamentalement à une erreur. L’erreur, au sens large, désigne le décalage entre
ce qu’un contractant entendait réellement faire et l’acte qu’il a posé pour
manifester sa volonté. Ce décalage peut concerner à la fois des éléments de droit
ou de fait, comme l’indique l’article 1132 du Code civil. Ainsi, l’erreur se divise en
deux catégories principales :
L’erreur d’analyse de la réalité :
Cette catégorie concerne un problème dans l’appréciation des faits. Par exemple,
un vendeur peut vendre un terrain pour un prix donné, croyant qu’il s’agit d’un
terrain ordinaire, alors qu’il contient en réalité des gisements de minerais rares. Sile vendeur est victime de cette erreur et si son cocontractant connaît la réalité,
mais lui cache cette information, on parlera de dol et d’erreur, selon les articles
1132 à 1139 du Code civil. Dans ce cas, l’erreur résulte d’une mauvaise analyse de
la situation, et le consentement est vicié par cette méprise sur la réalité.
L’erreur d’expression de la volonté :
Cette erreur concerne le décalage entre la volonté réelle d’une personne et
l’expression de cette volonté. Par exemple, une personne peut savoir
parfaitement ce qu’elle veut, mais son expression peut être entravée par une
contrainte ou un problème technique. Cela peut inclure des cas de violence où
une personne est contrainte de conclure un contrat qu’elle n’aurait pas accepté
librement, ou encore des erreurs matérielles où des éléments essentiels sont mal
formulés. Ces situations relèvent de la violence (articles 1140 à 1142 du Code
civil) ou de l’erreur matérielle, qui est parfois négligée par le Code civil.
L’erreur liée à la non-sainteté d’esprit :
L’erreur peut aussi être liée à une personne qui n’est pas saine d’esprit, comme
prévu par l’article 1129 du Code civil. Cette situation est souvent interprétée
comme une absence de consentement, mais il est plus précis de dire que cette
absence de consentement résulte en réalité de l’incapacité à procéder à une
analyse correcte de la réalité. Dès lors, il est techniquement inexact de
considérer cette situation comme une « inexistence du consentement », car le
défaut de consentement est davantage une conséquence de l’impossibilité de
formuler une volonté éclairée.
Conclusion :
Tous les vices du consentement sont donc fondamentalement liés à une erreur,
qu’il s’agisse d’une erreur d’analyse de la réalité ou d’une erreur d’expression de
la volonté. Cette distinction permet de mieux comprendre les mécanismes
juridiques sous-jacents et de corriger des interprétations erronées, comme celle
qui assimile la non-sainteté d’esprit à une simple inexistence du consentement.
La responsabilité du cocontractant dans l’erreur
1 : Types d’erreurs et responsabilité du cocontractant
Le cocontractant de l’errans peut être plus ou moins responsable de l’erreur, ce
qui influence la procédure d’admission du vice du consentement. On distingue
plusieurs types d’erreurs :
Erreur spontanée : Le cocontractant n’a rien à se reprocher. C’est l’erreur dans le
sens restreint du Code civil (articles 1132 et suivants ).Erreur provoquée par le cocontractant : Il s’agit du dol traditionnel ou de la
violence ( articles 1137 et 1142 ). Le cocontractant manipule directement l’erreur
de l’errans, en la provoquant volontairement.
Erreur exploitée par le cocontractant : Le cocontractant ne provoque pas l’erreur,
mais il en profite pour conclure le contrat. Cela comprend :
La réticence dolosive : Le cocontractant cache des informations essentielles et
exploite l’erreur d’analyse de l’errans ( article 1137 ).
La violence économique : Le cocontractant profite de la dépendance économique
de l’errans pour l’amener à accepter des conditions désavantageuses ( article
1143 ). Exemple récent : un avocat, contraint par une situation de dépendance
économique, a invoqué l’irrégularité du contrat d’honoraires, arguant qu’il avait
été contraint à accepter un prix trop bas.
Conditions d’admission des vices du consentement
Pour qu’une erreur soit admise, elle doit remplir deux conditions essentielles :
Erreur déterminante ( article 1130 ) : L’erreur doit être telle que, sans elle, l’une
des parties n’aurait pas contracté, ou aurait accepté des conditions
substantiellement différentes. Si l’erreur n’est pas déterminante, elle n’affecte
pas la validité du contrat, et la nullité ne peut pas être invoquée.
Connaissance du caractère déterminant de l’erreur : Le cocontractant doit
connaître le caractère déterminant de l’erreur pour qu’il soit tenu responsable.
Cela garantit la sécurité juridique et protège le cocontractant qui s’est engagé de
bonne foi. Par exemple, en droit de la consommation, l’annulation d’un contrat
peut être prononcée si une partie ne fournit pas les informations essentielles sur
le produit ou service ( articles 1132 et 1133 ).
La demande en nullité pour vice du consentement
Pour que la nullité soit prononcée, il est nécessaire que l’erreur soit déterminante,
et que le cocontractant ait connaissance de cette erreur. Cela s’applique
également au dol, à la réticence dolosive, à la violence et à l’exploitation d’un
abus de dépendance. Le cocontractant de l’errans peut se défendre en invoquant
la négligence de ce dernier. Si les deux conditions de l’erreur sont remplies, le
juge prononcera la nullité du contrat, sauf si le cocontractant prouve une
négligence de l’errans.
Conclusion :Les vices du consentement peuvent varier en fonction de la responsabilité du
cocontractant dans l’erreur. La distinction entre erreur spontanée, provoquée ou
exploitée par le cocontractant a une influence importante sur les conditions
d’admission du vice du consentement. La nullité du contrat ne pourra être
obtenue que si l’erreur est déterminante et si le cocontractant a connaissance de
cette erreur.
Le moyen de défense à la demande judiciaire en nullité repose sur l’idée que le
cocontractant de l’errans peut exciper du caractère “inexcusable” de l’erreur de
ce dernier. Cette notion, introduite par la jurisprudence et désormais
formellement inscrite dans le code civil (article 1132), signifie qu’une erreur qui
pourrait paraître excusable pour l’errans ne justifie pas, par principe, la nullité du
contrat. L’errans doit avoir fait preuve de négligence dans la détection de l’erreur
pour que celle-ci soit considérée comme excusable.
Le contrôle de l’excusable ou non de l’erreur dépend des circonstances concrètes
de chaque affaire. Par exemple, dans un cas de vente d’un tableau attribué à
Géricault, bien que la famille du vendeur ait possédé des archives montrant que
l’attribution était incorrecte, la Cour a jugé l’erreur excusable, car elle avait confié
cette question à un expert.
Une erreur fréquente mais considérée comme inexcusable est l’erreur sur la
valeur d’une prestation, comme l’indique l’article 1136. Le code civil précise que
l’erreur sur la valeur n’est pas une cause de nullité, car il est attendu que les
parties vérifient elles-mêmes la valeur d’un bien ou service. Cependant, certaines
exceptions existent, comme dans le cadre d’un contrat de franchise où une
obligation d’information renforcée peut permettre l’annulation si l’erreur porte
sur la rentabilité économique du contrat, ou dans des cas comme l’arrêt Vilgrain
où l’absence d’information sur la rentabilité a conduit à la nullité de la vente
d’actions.
Recevabilité du moyen de défense :
Le moyen de défense tiré de l’excusable du dol n’est pas inconditionnel. En effet,
l’errans peut contester l’argument du dol si son cocontractant a eu un
comportement fautif, que ce soit de manière directe ou indirecte. Si ce
comportement fautif a conduit l’errans à faire l’erreur, le moyen de défense
devient irrecevable. L’article 1139 précise que l’erreur provoquée par le dol est
toujours excusable, et cette règle s’applique également à la réticence dolosive.
Cela signifie que si le cocontractant a intentionnellement causé ou exploité
l’erreur, il ne pourra pas se défendre sur le fondement de l’excusable du dol.
Exigence de normes créées dans un but licite :
La validité des normes contractuelles repose sur deux conditions essentielles,dont la licéité du but poursuivi par les parties à l’acte. Cette exigence sert à éviter
que des contrats soient conclus avec des objectifs contraires à l’ordre public. En
outre, elle vise à empêcher que des stratégies frauduleuses soient utilisées pour
contourner des normes non impératives, tout en restant dans la légalité
apparente.
L’interdiction des normes créées dans un but contraire à l’ordre public :
Lorsque l’action en nullité repose sur un but illicite, il faut examiner deux
aspects :
1 : Les conditions de l’action en nullité : il s’agit de prouver que le but poursuivi
par les parties à l’acte est clairement illégal, ce qui justifie l’annulation du contrat.
Exemples d’illustrations : des pratiques contractuelles qui auraient pour but de
contourner des lois impératives ou de favoriser des actions illégales pourraient
être annulées. Par exemple, la création d’un contrat dans le but d’échapper à une
obligation fiscale ou d’outrepasser une interdiction légale.
2 : Conditions de validité des normes contractuelles
L’article 1162 du Code civil stipule que « le contrat ne peut déroger à l’ordre
public […] par son but, que ce but ait été connu ou non par toutes les parties ».
Cette précision a marqué un changement important par rapport à la
jurisprudence antérieure. En effet, longtemps, les juges considéraient qu’un
contrat ne devait pas être annulé si l’une des parties ignorait le but illicite. Cette
règle visait à protéger les intérêts de cette partie innocente. Toutefois, cette
position était injuste car elle empêchait parfois l’annulation d’un contrat pour
celui qui, ignorant le but illicite, en subissait les conséquences. L’arrêt de 1998 a
modifié cette règle en permettant d’annuler un contrat, même si le but illicite
n’était pas connu de toutes les parties.
Illustrations :
Un exemple notable d’annulation d’un contrat pour cause illicite est celui d’un
contrat d’assurance visant à couvrir une exposition de cadavres humains, connue
sous le nom “Our Body”. Bien que les normes contractuelles étaient parfaitement
licites, le but de l’exposition était jugé contraire à l’ordre public, ce qui a conduit à
l’annulation du contrat.
Traditionnellement, ce contrôle visait aussi à protéger les bonnes mœurs. Par
exemple, la jurisprudence avait annulé des libéralités faites à une concubine
adultérine, jugées contraires à l’institution du mariage, bien que ce type de
jurisprudence soit désormais moins fréquent.L’interdiction des normes créées dans un but frauduleux
Le Code civil n’évoque pas explicitement la fraude dans ce contexte, mais le
principe de la fraude corrompt tout (fraus omnia corrumpit) s’applique. Il s’agit
de la création de normes contractuelles visant à contourner des règles
obligatoires par des moyens légaux mais détournés.
Définition de la fraude :
La fraude est définie par Jean Vidal comme un acte où un sujet de droit parvient à
échapper à une règle obligatoire par un moyen légal qui rend cet échappatoire
inattaquable par le droit. Trois éléments constitutifs doivent être réunis pour que
la fraude soit avérée :
Une règle obligatoire : Cela peut être une loi impérative ou une norme supplétive.
Une intention frauduleuse : L’objectif est de contourner la règle obligatoire de
manière consciente.
Un moyen juridiquement efficace : Le moyen utilisé doit être un instrument
juridique licite permettant de fuir l’application de la règle obligatoire.
Un exemple classique de fraude est la fraude paulienne, régie par l’article 1341-2
du Code civil. Elle se produit lorsqu’une personne, pour éviter de remplir ses
obligations envers un créancier, transfère ses biens à un tiers complice, dans le
but d’échapper à ses dettes. Cette fraude peut être annulée, car l’objectif est de
soustraire des biens à un créancier légitime.
La condition de validité des contrats
Un contrat, en tant qu’acte entre des personnes privées, est soumis à des règles
spécifiques, notamment concernant sa durée. Ces règles visent à éviter des
engagements à durée indéterminée ou excessive, en particulier pour protéger les
personnes physiques contre des obligations à vie.
L’article 1210 du Code civil interdit les engagements perpétuels, une règle née
pour éviter un retour contractuel à des formes d’esclavage. Si un contrat prévoit
une durée supérieure à la vie de la personne, la partie concernée peut demander
une modification, notamment une durée compatible avec la vie du débiteur. En
revanche, un contrat à durée indéterminée n’est pas en soi prohibé, mais il peut
être résilié unilatéralement, selon l’alinéa 2 de l’article 1210.
Les règles propres aux contrats à titre onéreux :
Les contrats à titre onéreux sont ceux dans lesquels chaque partie reçoit unavantage en contrepartie de celui qu’elle procure (art. 1107). Deux types de
règles sont prévues pour garantir un équilibre minimal dans ce type de contrat :
L’exigence d’une contrepartie réelle
Il est essentiel qu’un contrat à titre onéreux comporte une véritable contrepartie
pour éviter les situations de déséquilibre. Un des principes de base est que la
contrepartie doit être réelle et tangible.
Protection contre les déséquilibres dus à une situation de faiblesse particulière
Il existe des règles permettant de protéger les parties se trouvant dans une
position de faiblesse particulière, afin d’éviter qu’elles ne soient exploitées par
l’autre partie.
La question de la détermination du prix dans les contrats
Un point qui a longtemps été source de débat est la possibilité pour une des
parties de déterminer unilatéralement le prix dans un contrat. Initialement, cela
était jugé comme une cause de nullité, le contrat étant considéré comme ayant un
objet indéterminé. Cependant, cette position a évolué avec l’arrêt Alcatel en
1995, où la Cour de cassation a accepté cette possibilité dans les contrats-
cadres, à condition qu’un contrôle du prix soit possible. Cette solution a été
intégrée dans le Code civil, notamment dans les articles 1164 et 1165.
Ainsi, dans les contrats-cadres ou les contrats de prestation de services, un prix
déterminable par l’une des parties est désormais permis, mais il doit faire l’objet
d’un contrôle pour éviter les abus. Cependant, la notion de “prestation de
service” reste floue et nécessite des précisions, en particulier sur la relation
entre ces contrats et des contrats comme ceux de vente.
En conclusion, bien que les contrats à titre onéreux doivent respecter l’équilibre
et la réciprocité des avantages, la possibilité de déterminer unilatéralement le
prix reste acceptable dans certaines conditions, à condition de prévenir les abus
et de garantir que le prix soit déterminé de manière raisonnable.
La contrepartie réelle :
Pour qu’un contrat soit valide, la contrepartie fournie doit être réelle. L’article
1169 du Code civil annule un contrat lorsque la contrepartie convenue est illusoire
ou dérisoire.
Contrepartie illusoire : Cela survient lorsqu’une partie croit qu’il existe une
contrepartie, mais en réalité, il n’y en a pas, comme dans le cas d’une convention
de généalogie où la succession aurait pu être établie sans l’intervention duprofessionnel.
Contrepartie dérisoire : Elle est considérée comme inexistante lorsqu’elle est
tellement faible qu’elle n’a pas de valeur. Cependant, une vente à 1€ ne sera pas
forcément jugée dérisoire si ce prix est justifié par d’autres engagements de
l’acheteur, comme reprendre des dettes.
La protection de la partie faible contre les contrats déséquilibrés :
Lorsque l’une des parties se trouve dans une situation de faiblesse particulière,
des règles sont prévues pour éviter un déséquilibre excessif. Cela découle de
l’idée que, dans de telles situations, la partie faible ne peut pas résister aux
clauses déséquilibrées qui lui sont imposées.
Le principe énoncé à l’article 1168 du Code civil est celui de l’indifférence à la
lésion : « Dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des
prestations n’est pas une cause de nullité, à moins que la loi n’en dispose
autrement. » Toutefois, ce principe est limité par les situations de faiblesse.
Les causes de faiblesse extrinsèques
Les causes extrinsèques de faiblesse surviennent lorsqu’une partie dispose d’un
pouvoir de fait ou de droit qui place l’autre partie dans une position de faiblesse.
Pouvoir de fait : Cela concerne souvent les contrats d’adhésion ou de
consommation, où une partie a une position dominante, comme dans le cas d’un
consommateur contre un professionnel. L’article 1171 du Code civil interdit les
clauses créant un « déséquilibre significatif » entre les droits et obligations des
parties.
Pouvoir de droit : Cela se présente lorsqu’une partie se réserve le pouvoir de fixer
unilatéralement le prix dans le contrat. Ce type de clause est limité aux contrats-
cadres et aux contrats de prestation de services. En dehors de ces cas, une telle
clause est nulle. Si elle est validée, elle doit néanmoins garantir que le prix ne soit
pas abusif.
La jurisprudence a précisé que des actions peuvent être engagées dans ces cas,
tant en droit civil qu’en droit de la consommation. Cependant, des conflits
peuvent surgir, notamment concernant l’application des normes spéciales et des
protections légales, comme le montrent les arrêts récents concernant les prêts
libellés en francs suisses ou la question du contrôle du déséquilibre significatif
dans le droit commun.
En somme, le droit protège les parties faibles contre les abus en garantissant un
équilibre contractuel, mais cette protection varie en fonction du type de contratet de la situation particulière des parties.
Les causes de faiblesse intrinsèques
Le contrôle du déséquilibre peut également être admis lorsque la personne se
trouve dans une situation de faiblesse due à des causes intrinsèques, telles que :
Les facultés mentales : Cela inclut les personnes mineures ou majeures
protégées par une mesure de protection. Pour ces personnes, la lésion
(déséquilibre entre les prestations) suffit à justifier l’annulation du contrat, sans
avoir besoin de démontrer un déséquilibre excessif. Les règles relatives à la
simple lésion sont spécifiées par les articles 1149 (mineurs), 435 et 465 (majeurs
protégés) du Code civil.
Les ressources financières : Lorsqu’une personne est dans une situation
financière particulièrement faible, une action en nullité ou une action similaire
(comme la réduction du prix ou la rescission) peut être engagée. Par exemple, en
cas de partage d’indivision (art. 889 c. civ.) ou lors de certaines ventes comme
celles d’immeubles (art. 1674 c. civ.), d’engrais ou de droits d’auteur (art. 131-5
CPI). Dans ces situations, la disproportion dans la transaction est jugée si
manifeste qu’il est évident que la personne concernée n’a accepté le contrat que
faute d’autres options en raison de sa situation financière.
L’invocation de la nullité :
Lorsqu’une des conditions de validité du contrat fait défaut, les parties peuvent
demander la nullité du contrat. Cette nullité peut revêtir différentes formes, avec
des conséquences identiques, mais des conditions d’action qui varient.
L’action en nullité pour lésion fait parfois l’objet d’un régime spécifique,
anciennement désigné par « rescision », mais remplacé par le terme « nullité »
suite à la réforme du droit des contrats (art. 1149 c. civ.). Certaines spécificités
demeurent, comme la possibilité pour la personne lésée de demander une
réduction du prix ou un complément de prix/quotité de biens dans des situations
spécifiques, telles que le partage ou la vente d’immeubles.
Les conditions de la nullité
Les conditions de la nullité se divisent en conditions positives et conditions
négatives :
Conditions positives : Ce sont les éléments nécessaires pour que la nullité puisse
être prononcée. Cela inclut la capacité des personnes à agir en nullité et le
moment où cette action doit être exercée.Les conditions personnelles : Le droit encadre les personnes qui peuvent agir en
nullité, ainsi que celles qui peuvent prononcer la nullité.
L’auteur de la demande en nullité
La possibilité d’agir en nullité n’est pas ouverte à tout le monde. Le droit précise
qui peut demander la nullité en fonction de la qualité à agir. Ce concept est
différent de l’intérêt à agir, qui exige que la personne ait un intérêt direct,
personnel et légitime. Selon la nature de la condition de validité violée, les
personnes pouvant agir varient.
1. Nullité absolue : Si la règle violée protège un intérêt général, la nullité est
dite absolue (art. 1179 al. 2). Dans ce cas, toute personne ayant un intérêt à agir
peut demander la nullité (art. 1180). En procédure civile, on parle de cette action
comme étant “banale”.
2. Nullité relative : Si la règle protège l’intérêt d’un seul des contractants,
comme pour la capacité, la représentation ou les vices du consentement, l’action
en nullité est dite relative (art. 1181). Elle est réservée à la personne protégée par
la règle. Par exemple, un cocontractant ne pourra pas demander la nullité d’un
contrat même si celle-ci est causée par une irrégularité dans son propre
consentement.
Le Code civil prévoit également des conséquences selon que la nullité est
absolue ou relative, notamment en ce qui concerne la possibilité de confirmer la
nullité. Cependant, le critère de confirmation dépend d’autres éléments, et non
du caractère absolu ou relatif de la nullité.
L’auteur du prononcé de la nullité :
L’article 1178 du Code civil stipule que « la nullité doit être prononcée par le juge,
à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord ». Cela signifie que
la nullité peut être judiciaire (prononcée par le juge) ou extra-judiciaire (constatée
par les parties sans passer par le juge).
Judiciaire : Si la nullité est judiciaire, le juge ne la prononcera que si les parties
respectent les règles de procédure.
Extra-judiciaire : Si les deux parties s’accordent sur la nullité, elle peut être
constatée sans intervention du juge.
La condition temporelle :
L’action en nullité est soumise à la prescription, c’est-à-dire à un délai au-delà
duquel elle ne peut plus être exercée.
Durée de la prescription : L’article 2224 du Code civil prévoit un délai de 5 anspour les actions personnelles ou mobilières, tandis que pour les actions
concernant des immeubles, le délai est de 30 ans ( art. 2227 ).
Point de départ : La prescription commence à courir à partir de la connaissance
du vice ou de la nullité par la partie qui souhaite agir.
De plus, l’article 1183 permet désormais d’introduire une action interrogatoire,
une nouvelle possibilité pour sécuriser les relations contractuelles, notamment
pour les contractants pressés.
L’action interrogatoire et la confirmation de la nullité
L’action interrogatoire permet à l’une des parties d’interroger l’autre par écrit sur
son intention de confirmer ou d’agir en nullité du contrat. Cette demande doit
être formulée dans un délai de six mois, sous peine de forclusion. Si la partie
interrogée ne répond pas, son silence sera interprété comme une confirmation du
contrat.
Cependant, cette action ne pourra être engagée que si la cause de la nullité a
disparu. Par exemple, si une personne a été contrainte de signer un contrat de
travail en raison de sa précarité, et que son cocontractant en a profité pour
imposer des clauses abusives, l’action interrogatoire ne pourra pas valablement
confirmer le contrat si la précarité de la personne persiste au moment de l’action.
Il existe aussi une tendance récente à considérer le réputé non écrit comme un
mécanisme autonome, échappant à la prescription. Cette tendance, réactivée par
la jurisprudence ces dernières années, n’est cependant pas toujours jugée
nécessaire, car les principes existants paraissent suffisants pour traiter ces
situations.
Le point de départ de la prescription
En principe, la prescription de l’action en nullité commence à courir dès que la
personne titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant
d’agir. En cas de dol ou d’erreur, le délai de prescription commence à courir à
partir du jour où ces faits ont été découverts. En cas de violence, la prescription
commence à compter à partir du jour où la violence a cessé (art. 1144 C. civ.).
Il existe toutefois une exception à la prescription mentionnée à l’article 1185 du
Code civil. Si le contrat n’a pas été exécuté, l’exception de nullité ne sera pas
prescrite, même si elle est invoquée par voie d’exception pour résister à
l’exécution du contrat. Cela empêche une personne à l’origine de la nullité de
bénéficier de la prescription pour ensuite demander l’exécution forcée du contrat
sans que l’autre partie puisse réagir.La condition négative : absence de confirmation
La nullité d’un acte juridique ne peut être invoquée que si l’acte n’a pas été
confirmé par la personne qui pourrait s’en prévaloir. La confirmation, régie par
l’article 1182 du Code civil, consiste en un acte par lequel une personne renonce à
se prévaloir de la nullité d’un acte juridique dont elle est destinataire. Cette
confirmation vise à valider l’acte malgré le vice qui affectait sa formation.
La jurisprudence et la loi ( art. 1180 et 1181 ) ont parfois confondu le critère de
l’intérêt (général ou particulier) pour savoir si la nullité pouvait être confirmée.
Toutefois, selon certains auteurs, deux critères doivent être pris en compte pour
savoir si un acte peut être confirmé :
1 : Le caractère subjectif de la cause de nullité : Si la cause de la nullité concerne
le consentement, la capacité ou les pouvoirs de représentation, la personne
concernée peut confirmer la nullité.
2 : La possibilité de respecter a posteriori la règle transgressée : Si la règle violée
peut être respectée après coup, comme un délai de réflexion, la confirmation ne
sera possible que lorsque ce délai aura expiré. En revanche, si la personne
concernée a surmonté l’erreur qui l’affectait, elle pourra confirmer le contrat.
Cette approche permet d’assurer que la confirmation ne se fait pas à tort, en
tenant compte des circonstances spécifiques de chaque cas.
La confirmation de la nullité et ses effets
La confirmation d’un contrat, par exemple en raison d’une compétence
nouvellement acquise (comme l’autorisation donnée à un mandataire pour passer
un acte de disposition), permet de rendre valide ce qui était initialement nul. En
pratique, la confirmation résulte souvent d’un commencement d’exécution en
connaissance de cause, même si ce commencement d’exécution ne concerne pas
directement l’obligation nulle ou ne provient pas de la personne supposée
confirmer l’acte.
La jurisprudence, notamment dans le contentieux lié aux panneaux
photovoltaïques, a parfois pris une approche souple de la connaissance du vice.
Par exemple, le fait de reproduire dans un contrat des dispositions légales dont la
lecture aurait suffi à révéler un vice, comme un défaut de formalisme, peut suffire
à prouver que le cocontractant avait conscience de ce vice. Cependant, cette
approche a évolué, et la Cour de cassation exige désormais des éléments
supplémentaires pour prouver la conscience du vice.
Cette évolution est en ligne avec le droit nouveau, notamment l’action
interrogatoire prévue à l’article 1183 du Code civil, qui permet à une partiesubissant un risque d’annulation de demander une confirmation du contrat,
renforçant ainsi le rôle de prévention et de clarification de la part des parties.
Les effets de la nullité :
Les effets de la nullité d’un contrat peuvent être communs ou spécifiques, selon
la nature de la nullité.
Effets communs :
L’article 1178 du Code civil, alinéas 2 à 3, définit trois règles communes :
1 : Le contrat est censé n’avoir jamais existé. Cela signifie que les normes créées
par le contrat sont annulées, ce qui entraîne des restitutions des prestations. Ces
restitutions suivent des règles complexes, mais peuvent parfois être obstruées
par des intérêts de tiers.
2 : La partie lésée peut demander une réparation du dommage subi. Par exemple,
si une personne subissait un préjudice en raison de l’annulation d’un contrat,
comme une perte de gain attendue, elle pourrait être indemnisée.
Effets spécifiques :
La nullité peut concerner l’intégralité du contrat, comme dans le cas d’un contrat
poursuivant un but illicite, ou seulement certaines clauses du contrat. Dans
certains cas, certaines parties du contrat peuvent être réputées non écrites,
comme des clauses interdites (ex : clause excluant un co-locataire sauf s’il s’agit
d’un membre de la famille, sous peine de violer le droit au respect de la vie
privée).
L’article 1184 du Code civil règle la question de l’annulation partielle. Si une ou
plusieurs clauses sont annulées, le contrat peut être considéré comme nul dans
son intégralité si :
Là ou les clauses annulées ont constitué un élément déterminant de
l’engagement des parties. Par exemple, si un contrat prévoit un mode illégal de
détermination du prix, et si ce mode était essentiel pour les deux parties,
l’annulation de cette clause entraînerait l’annulation du contrat dans son
ensemble.
2 : Les fins de la règle méconnue exigent le maintien du contrat. Par exemple, une
clause exonérant un transporteur de responsabilité dans un contrat d’adhésion
pourrait être annulée, mais le contrat pourrait être maintenu dans son intégralité
si la responsabilité du transporteur reste essentielle à la nature du contrat.La jurisprudence a également montré que le réputé non écrit peut parfois
entraîner une remise en cause complète du contrat, ou une révision de la clause
concernée. Cette révision peut être décidée par le juge dans certaines situations,
bien que la question de savoir quand il faut réviser plutôt qu’annuler reste
complexe.
Cette évolution, malgré des résistances judiciaires, a montré une tendance vers
une plus grande souplesse et adaptation dans le traitement des clauses réputées
non écrites.