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                       Droit matériel de l’UE :


1) Le contexte historique de l’UE :

 

L’UE = projet né de siècles de conflits, d’expansion impérialiste et de tentatives d’unification visant à garantir paix + stabilité en Europe.

Antiquité et Expansion Impérialiste :

Histoire européenne commence avec conflits entre civilisations avec expansion de la Grèce au 2e siècle av. J.-C. sous l'Empire hellénistique. L’expansion grecque s’étend autour de la Méditerranée, influençant des régions comme l'Afrique du Nord et la Turquie.

=> période marque opposition idéologique entre civilisations grecques et latines, jugées « supérieures », et les peuples dits « barbares » (Celtes, Germains, Perses), légitimant donc des invasions + colonisations.

=> vision d’expansion impérialiste, justifiée par la « peur des barbares » (concept de Todorov), se perpétuera tout au long de l’histoire de l’Europe, justifiant les conquêtes et l’impérialisme.

Empire Romain et Pax Romana :

Empire romain (1er siècle ap. J.-C.) couvre large partie de l’Europe, du bassin méditerranéen à l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Sous Auguste, la Pax Romana garantit 2 siècles de paix intérieure, permettant la prospérité et les échanges commerciaux.

=> L’empire instaure des réformes admin et juridiques, comme l’Édit de Caracalla (212 ap. J.-C.=> accorde la citoyenneté romaine à tous les hommes libres)Mais après le 5e siècle, l’Empire romain se fragmente, marquant le début du M.A


Moyen Âge et Fragmentation :

Après chute Empire romain, l’Europe devient une mosaïque de royaumes rivaux. L’Empire carolingien de Charlemagne, fondé au 9e siècle, unifie une grande partie de l’Europe occidentale, mais après sa mort, l’empire se divise à nouveau.

Le Moyen Âge est marqué par guerres internes : ex: Guerre de Cent Ans (1337-1453) entre la France et l’Angleterre. Les croisades (11e-13e siècles) = tentatives de réunir l’Europe autour d’une idéologie chrétienne commune, mais échouent à instaurer une paix durable et exacerbent les divisions religieuses.

Renaissance, Réformes et Guerres Religieuses :

16e s marqué par la Renaissance, époque de grandes transformations culturelles et intellectuelles. La Réforme protestante de Martin Luther, qui divise l’Église chrétienne, engendre des guerres religieuses, comme la Guerre de Trente Ans (1618-1648), entre États catholiques et protestants.

Les tensions religieuses aggravent les divisions internes de l’Europe, avec des conflits prolongés, notamment dans le Saint-Empire romain germanique.



Les Lumières et les Révolutions :

Les 17e et 18e siècles marquent tournant avec l’émergence des idées des Lumières, qui remettent en cause l’absolutisme monarchique et appellent à des réformes démocratiques. Ces idées inspirent les révolutions, telles que la Révolution anglaise (1642) et la Révolution américaine (1776).

La Révolution française (1789) marque la fin de l’ancien régime et la naissance de la République en France, renforçant les idéaux de liberté, égalité et fraternité, qui influencent l’ensemble de l’Europe.

19e et 20e siècles : Unification et Guerres Mondiales :

=>19e siècle, de nv États nationaux émergent, comme l’unification de l’Italie sous Garibaldi et la formation de l’Empire allemand en 1871 après la guerre franco-prussienne. Ce processus renforce le nationalisme, mais engendre également des tensions avec les États voisins.

Le 20e siècle est marqué par deux guerres mondiales dévastatrices. La Première Guerre mondiale (1914-1918) et la 2e GM (1939-1945) entraînent des destructions massives, des pertes humaines et une réorganisation des frontières en Europe. La 2e GM laisse l’Europe en ruines et souligne l’urgence de la coopération pour éviter de futures guerres.

Après-Guerre et Construction Européenne :

Après la 2e GM, des leaders comme Jean Monnet et Robert Schuman proposent un projet ambitieux d’unité européenne. La création de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) en 1951 = premier pas vers l’intégration éco et politique des pays européens.

En 1957, le Traité de Rome établit la Communauté éco européenne (CEE), qui vise à renforcer les liens éco, favoriser la coopération et garantir une paix durable à travers la coopération supranationale.

=> Ajd, l'UE repose sur l'idée de coopération pour maintenir la paix et favoriser les échanges éco et culturels, tout en respectant la diversité des cultures et des identités nationales, garantissant ainsi une stabilité durable pour l’Europe.


2)Le contexte politique de l’UE :


L'UE a été façonnée par des crises, des conflits et des tentatives de coopération, influencée à la fois par des acteurs européens et l'influence extérieure des États-Unis.

  • Les premières initiatives sous l'impulsion des US :
  • Après 2e GM, l'Europe est dévastée. Les US, par le Plan Marshall, soutiennent la reconstruction éco et politique de l'Europe. La création du Conseil de l’Europe (1949), de l’OTAN (1949) et de l’OCDE (1961) sous influence américaine vise à renforcer la défense collective et à promouvoir la coopération éco. Ces initiatives ont été perçues comme des solutions imposées mais ont consolidé la stabilité européenne.
  • Le Royaume-Uni et l'idée de rapprochement européen :
  • Winston Churchill et d’autres leaders britanniques ont proposé une UE basée sur des valeurs démocratiques et éco, mais ces projets ont été perçus par certains comme une tentative d’imposition. La France et l'Allemagne, soucieuses de reprendre le contrôle, ont lancé le processus de coopération plus profonde, initié par le discours de Robert Schuman en 1950, aboutissant à la création de la CECA (1951) et de la CEE (1957).
  • Les ambitions fédéralistes des années 1950 :
  • Les pères fondateurs, influencés par des figures comme Victor Hugo et Winston Churchill, imaginaient une Europe fédérale (« États-Unis d’Europe »). L'objectif était de garantir la paix par des liens éco et politiques solides. Cependant, face aux résistances politiques, éco et à la peur de perdre la souveraineté, cette idée fédéraliste a perdu de son élan avec le temps, bien que l’UE soit restée supranationale.
  • L'évolution institutionnelle de l'UE :
  • Au fil des décennies, l'UE a mis en place une structure institutionnelle et des traités (comme le Traité de Lisbonne de 2009) permettant une coopération approfondie dans des domaines tels que le commerce, la justice et l'environnement. L’UE est devenue une organisation intergouvernementale, où les États conservent une grande part de souveraineté tout en collaborant dans certains domaines. Elle n’a toutefois jamais été un État fédéral.
  • Les crises récurrentes :
  • L'UE a fait face à plusieurs crises qui ont testé son unité et son intégration :
  • Crise financière de 2008 : Elle a renforcé la gouvernance éco européenne, avec des réformes comme des mécanismes de surveillance budgétaire plus stricts.
  • Crise migratoire de 2011 : Provoquée par les révolutions arabes, elle a divisé l'Europe sur la gestion des flux migratoires.
  • Crise de la Covid-19 : Elle a nécessité une réponse coordonnée en matière de santé publique et de soutien éco, avec des mécanismes de financement pour les États membres.
  • Brexit (2016) : La décision du Royaume-Uni de quitter l'UE a révélé des tensions internes, notamment sur la question de la souveraineté nationale et a renforcé les mouvements populistes en Europe.
  • => Ces crises ont, malgré leurs impacts, renforcé la résilience de l'UE, l'amenant à réagir plus


3)Le contexte économique de l’UE 

  • Un acteur éco majeur en perte de vitesse

L’ UE demeure l’un des acteurs les plus influents de l’économie mondiale, rivalisant avec les États-Unis et la Chine en matière d’échanges commerciaux. Son marché unique et son intégration éco en font une puissance incontournable. Cependant, depuis une vingtaine d’années, elle subit un décrochage progressif face à ces deux superpuissances, suscitant des craintes quant à sa capacité à maintenir son influence.

Pour contrer ce phénomène, l’UE a mis en place différentes stratégies décennales, telles que Europe 2020, le Green Deal et Horizon 2030, visant à renforcer sa compétitivité et assurer une transition éco durable.

2. La crise de 2008 et ses conséquences

La crise financière de 2008 a marqué un tournant majeur pour l’économie européenne. L’UE, qui est l’une des zones éco s les plus riches au monde, a dû faire face à des défis importants pour maintenir son leadership face aux États-Unis et à la Chine.

Afin d’éviter un effondrement éco, elle a mis en place des dispositifs de surveillance budgétaire et d’intervention, notamment :

  • Le semestre européen, un mécanisme permettant de contrôler les budgets des États membres avant leur validation au niveau national.
  • Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), aussi appelé Pacte budgétaire européen, signé le 2 mars 2012, visant à renforcer la discipline budgétaire.
  • Le Mécanisme européen de stabilité (MES), instauré en décembre 2011, qui permet d’apporter une aide financière aux États en difficulté.
  • L’Union bancaire, mise en place pour recapitaliser les grandes banques européennes en échange d’un renforcement des contrôles sur les emprunts.

Ces mesures ont permis d’instaurer davantage de contrôle et de conférer un pouvoir accru aux institutions européennes dans la gestion des crises éco.

3. La problématique de la dette et du déficit public

Un des indicateurs clés du contexte éco européen est la dette publique, qui, selon les critères européens, ne doit pas dépasser 60 % du PIB. Pourtant, la moyenne actuelle dépasse 83 %, en grande partie à cause de la crise grecque et des dettes accumulées par d’autres pays comme l’Italie, la France, la Belgique et le Portugal.

Un autre facteur préoccupant est le déficit public, qui correspond aux dépenses annuelles excédant les recettes d’un État. Normalement, ce déficit ne devrait pas dépasser 3 % du PIB, mais il a explosé avec la crise du Covid-19, obligeant les États à réinvestir massivement dans leurs économies.

4. Une réponse européenne fondée sur les crises

Historiquement, l’UE avance souvent par réaction aux crises. Comme l’a souligné Jean Monnet : « L’Europe se fera dans les crises. » Ce sont ces périodes d’instabilité qui poussent les États membres à accepter davantage d’intégration européenne et de transferts de compétences. Toutefois, en dehors des moments de crise, les gouvernements restent réticents à céder de nouvelles prérogatives aux institutions européennes.

5. Un cadre juridique solide et appliqué

Contrairement aux turbulences éco, le droit de l’UE ne traverse pas de crise structurelle. Il s’applique aux États membres et est juridiquement contraignant, même s’il peut faire l’objet d’interprétations différentes.

Le cadre juridique européen repose sur l’acquis communautaire, qui comprend plus de 15 000 normes, dont environ 3 000 directives et 120 000 règlements. La majorité des règlements ont un caractère modificatif et s’adaptent aux évolutions de l’Union.

La Cour de justice de l’UE (CJUE) joue un rôle central dans l’application du droit européen, avec environ 1 500 affaires portées devant elle chaque année. Sa JP contribue à l’uniformisation et au renforcement de l’ordre juridique communautaire.

6. La gouvernance européenne et ses défis politiques

Sur le plan institutionnel, l’UE a connu des crises de visibilité et de gouvernance. En 2010, un secrétaire d’État américain s’interrogeait : « L’Europe, quel numéro dois-je appeler pour négocier ? », illustrant ainsi le manque de clarté dans l’organisation des institutions européennes.

Actuellement, les principales figures de l’UE sont :

  • Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
  • Antonio Costa, président du Conseil européen.
  • Roberta Metsola, présidente du Parlement européen.
  • La présidence tournante du Conseil de l’UE, actuellement assurée par la Pologne (change tous les six mois).

Seul le Parlement européen est élu au suffrage universel direct. Les autres institutions sont composées de représentants nommés par les États membres, ce qui nourrit parfois des critiques sur le déficit démocratique de l’UE.

Un autre défi institutionnel concerne la montée des gouvernements populistes et eurosceptiques dans certains États membres, notamment en Pologne et en Hongrie, où les autorités ont adopté des mesures remettant en cause l’indépendance de la justice et les principes de l’État de droit.

7. L’évolution de la justice internationale

Le cadre juridique international s’est construit progressivement, notamment après la Seconde Guerre mondiale avec la création des premiers tribunaux internationaux.

  • Le Tribunal de Nuremberg (Allemagne) et son équivalent pour le Japon ont marqué une première étape dans la répression des crimes de guerre.
  • La Cour internationale de justice (CIJ), organe judiciaire des Nations Unies, a été créée pour régler les différends entre États membres (193 pays).
  • Dans les années 1990, sous l’impulsion des États-Unis, des tribunaux pénaux internationaux (TPI) ont vu le jour pour juger les crimes de guerre, notamment en ex-Yougoslavie et au Rwanda.
  • La Cour pénale internationale (CPI), juridiction permanente créée par le Statut de Rome (1998), est chargée de juger les crimes contre l’humanité et les génocides. Toutefois, son pouvoir est limité, car certains pays influents comme les États-Unis, la Chine et la Russie n’ont pas ratifié ce traité.



4)Le contexte juridique de l’UE :


A.Crise institutionnelle de l’UE :

Sur le plan juridique, il n’existe pas de crise juridique à proprement parler. Le droit de l’UE est appliqué dans les États membres et, bien qu’il puisse être sujet à interprétation, il n’est pas contesté en tant que régime juridique.

Cependant, une crise institutionnelle est perceptible, notamment en raison d’un manque de leadership clair au sein des institutions européennes. L’UE est confrontée à la coexistence de quatre présidences différentes, ce qui rend difficile son identification à une seule voix :

  1. Le président du Conseil européen (Charles Michel) est désigné par les États membres et devrait être la principale figure politique de l’UE.
  2. La présidente de la Commission européenne (Ursula von der Leyen) dirige un exécutif fort, composé de 27 commissaires, ce qui lui permet aussi de revendiquer une légitimité politique.
  3. Le président du Parlement européen (Roberta Metsola) représente la seule institution européenne élue au suffrage universel direct (SUD). Bien que le Parlement soit une institution législative, il revendique parfois un rôle dans la représentation politique de l’UE.
  4. La présidence tournante du Conseil de l’UE, exercée tous les six mois par un État membre (actuellement la Pologne), influence l’agenda politique de l’Union.

Cette situation entraîne une rivalité institutionnelle, sans qu’aucune réforme ne soit envisagée pour désigner une seule figure de leadership européen.

L’UE souffre également d’un déficit démocratique, car son exécutif est désigné par un processus de suffrage universel indirect (SUI), contrairement aux démocraties nationales où l’exécutif est élu directement par les citoyens.

De plus, il n’existe pas de majorité politique unifiée au sein du Parlement européen. Celui-ci est fragmenté entre plusieurs groupes politiques (conservateurs, écologistes, sociaux-démocrates, libéraux…), empêchant l’émergence d’une coalition stable à la tête des institutions. La Commission européenne est donc issue d’un consensus permanent, et non d’un choix politique clair, ce qui distingue l’UE des systèmes démocratiques nationaux.

L’Union repose ainsi sur une conception spécifique de la démocratie, propre à son fonctionnement institutionnel.

B. Opposition de la Pologne et de la Hongrie au droit de l’UE

L’UE a également été confrontée à des tensions avec certains États membres, notamment la Pologne et la Hongrie, qui ont adopté des politiques en contradiction avec les principes européens.

L’arrêt de la CJUE du 16 février 2022 illustre cette opposition :

  • La Hongrie et la Pologne ont contesté la décision de la Commission européenne qui conditionne l’octroi des fonds européens au respect des valeurs de l’UE.
  • La CJUE a validé ce mécanisme, permettant de suspendre les financements en cas de non-respect des principes européens.

Dans la pratique, cependant, l’UE a relâché la pression sur la Pologne, notamment en raison de son rôle dans l’accueil des réfugiés ukrainiens. Concernant la Hongrie, des fonds européens ont été débloqués en échange de son soutien à l’armement de l’Ukraine.

Ces tensions illustrent les difficultés de l’UE à faire respecter ses règles, notamment face à des gouvernements eurosceptiques qui remettent en cause certaines décisions européennes.

B.L’absence de crise juridique de l’UE:


1. Les actes juridiques de l'UE

Réglement

Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans chaque État membre.

Directive

La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en lui laissant la compétence quant à la forme et aux moyens de sa mise en œuvre.

Décision

La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci.

2. L'acquis communautaire de l'UE

L'UE a adopté environ :

  • 3000 directives,
  • 12 000 règlements,
  • 30 à 50 directives par an,
  • 1000 décisions par an,
  • 1500 affaires devant la CJUE chaque année, soit un volume élevé par rapport à d'autres juridictions internationales.


3. Les juridictions internationales

Juridictions principales

  • Cour internationale de justice (CIJ),
  • Cour pénale internationale (CPI) (Statut de Rome, 1998),
  • Tribunaux pénaux internationaux.

La plupart des litiges internationaux sont tranchés par des juridictions nationales, sauf dans le cadre de l'UE où la Cour de justice de l’ UE (CJUE) tranche les conflits entre États membres, conformément à l'article 344 du TFUE.

JP importante

  • CJUE, 2006, Commission européenne contre Irlande : la Commission a sanctionné l'Irlande pour avoir soumis un litige à une juridiction autre que la CJUE, rappelant ainsi l'article 344 TFUE.
  • CJUE, 6 mars 2018, Achmea : les tribunaux arbitraux ne peuvent statuer sur un litige entre deux États membres de l'UE, cette compétence relevant exclusivement de la CJUE.


4. Les compétences de l’UE  

Compétences exclusives (article 3 TFUE)

L'UE légifère seule dans les domaines suivants :

  • Union douanière,
  • Règles de concurrence du marché intérieur,
  • Politique monétaire pour les États membres utilisant l'euro,
  • Conservation des ressources biologiques de la mer (politique commune de la pêche),
  • Politique commerciale commune.


Compétences partagées (articles 4 et 2 TFUE)

L'UE et les États membres partagent la compétence, mais l'État perd sa compétence lorsque l'UE l'exerce :

  • Marché intérieur, Politique sociale, Cohésion économique, sociale et territoriale,Agriculture et pêche (hors conservation des ressources biologiques de la mer), Environnement, Protection des consommateurs, Transports, Réseaux transeuropéens, Énergie, Espace de liberté, de sécurité et de justice, Enjeux communs de santé publique, Recherche, développement technologique, espace, Coopération au développement et aide humanitaire.

Compétences d'appui (article 6 TFUE)

L'UE peut soutenir les États mais sans harmonisation :

  • Protection et amélioration de la santé humaine,Industrie,Culture,Tourisme, Éducation, formation professionnelle, jeunesse et sport, Protection civile, Coopération administrative,Politiques économiques et sociales.

5. Hiérarchie des normes en droit de l'UE

Traités fondamentaux

  • Traité sur l'UE(TUE),
  • Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE).

Actes juridiques dérivés

Basés sur les traités, ils comprennent :

  • Règlements, Directives, Décisions.

=> pas de hiérarchie administrative entre les institutions de l'UE, seulement une séparat° des pvr. Il n'y a pas non plus de hiérarchie entre les institutions de l'UE et les EM, sauf dans des domaines spécifiques comme la concurrence, où la Commission européenne a un rôle important 

Administration européenne

L'administration de l'UE compte environ 40 000 fonctionnaires, un chiffre faible comparé aux 5 millions de fonctionnaires en France (soit 20 % de la population active). Ainsi, l'application du droit européen repose sur les administrations nationales, sous forte pression via la hiérarchie des normes pour garantir son respect.

Ce système repose sur l'innovation majeure de l'UE : un droit omniprésent mais appliqué par des administrations qui ne l'ont pas directement créé.

Principe d'autonomie procédurale et institutionnelle

L'harmonisation des institutions de l'UE est limitée par le principe de l'autonomie procédurale et institutionnelle des États membres (CJUE, 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor).



Enjeux : 

•Cohésion et unité d’interprétation et d’application de l’UE

•Connaissance du droit de l’Union par les personnes et autorités concernées. 



I/Application du droit de l’union par les autortiés compétentes des états membres :


A/Les autorités publiques nationales :


L’état membre, responsable des obligations européennes :

Le droit de l’UE doit être appliqué par les autorités publiques nationales, qui doivent respecter les obligations européennes. En France, c’est le président de la République qui signe et présente la ratification des traités internationaux, engageant ainsi le pays à respecter ses obligations européennes. Le recours au référendum pour valider un traité européen n’a eu lieu qu’à deux reprises : en 1993 pour le traité de Maastricht et en 2005 pour le Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TECE), qui a échoué en raison du refus de la France et des Pays-Bas.

Le Premier ministre est à la tête du gouvernement et dirige le pouvoir réglementaire. L’une des missions du gouvernement est d’assurer la coordination des engagements européens sur le territoire national. Pour cela, il s’appuie sur le Secrétariat général aux affaires européennes, un service chargé de transcrire le droit européen en droit national. Cette transcription distingue ce qui relève du pouvoir législatif ou réglementaire :

  • Pouvoir législatif : lorsqu’il s’agit de transposer une directive européenne en droit français.
  • Pouvoir réglementaire : les ministères concernés doivent appliquer directement les règlements européens et adopter les dispositions réglementaires nécessaires. Ils doivent également veiller à ce que les autorités qui en dépendent respectent ces obligations.

Il existe donc une chaîne de responsabilité, garantissant que toutes les autorités relevant du gouvernement prennent les mesures adéquates pour appliquer le droit européen.

Par exemple, selon l’article 72 de la Constitution, les autorités déconcentrées, comme les préfectures, ont l’obligation de veiller au respect des obligations européennes au niveau régional, départemental et communal. Si certaines autorités locales ne respectent pas ces obligations, les préfectures doivent prendre les mesures nécessaires pour y remédier.

Cependant, en cas de non-respect du droit de l’UE, c’est le gouvernement français qui est tenu responsable devant l’UE, et non les ministères ou les préfectures.

Un exemple notable est celui de la Pologne, qui a fait l’objet de nombreuses procédures de la part de la Commission européenne en raison de sa résistance au droit européen. Dans l’affaire CJUE, Commission européenne contre Pologne, 27 octobre 2021, la Pologne a été condamnée à une amende d’1 million d’euros par jour de retard tant qu’elle ne supprimait pas les chambres disciplinaires contrôlant les juges. Ces chambres avaient le pouvoir de sanctionner lourdement les juges ne rendant pas des décisions conformes aux attentes du gouvernement. Sous la pression de l’UE, la Pologne a fini par les supprimer.

Un autre exemple concerne la France. Dans l’affaire CJUE, France contre Commission européenne, 3 avril 2014, la France a été sanctionnée par la Commission européenne pour avoir accordé des aides financières à La Poste, une ancienne entreprise publique devenue une entreprise à capitaux publics, ce qui constituait une aide d’État contraire au droit de l’UE.

Les autorités décentralisées, autorités d’application du droit de l’UE :


Voici ton texte réécrit de manière plus fluide et accessible tout en conservant les détails et exemples :


Les autorités décentralisées et l’application du droit de l’UE

Les autorités décentralisées, telles que les régions, départements et communes, disposent de compétences propres et réglementaires, mais pas de compétences législatives. En pratique, elles appliquent les règlements édictés par le gouvernement français, qui sont eux-mêmes des transpositions du droit européen. Ces autorités ont donc peu de marge d’appréciation et sont soumises à un corps réglementaire strict.

Cependant, ces autorités sont souvent défaillantes dans l’application du droit de l’UE, en raison, notamment, de leur manque de moyens humains. Elles doivent donc fréquemment faire appel aux services préfectoraux pour être accompagnées dans l’application correcte des obligations européennes.

Exemples de contentieux concernant des autorités décentralisées :

  • Régions : Dans l’affaire CJUE, 7 septembre 2021, région de Klaipédia (Lituanie), une autorité régionale n’a pas respecté les règles européennes relatives à la gestion des déchets via les marchés publics.
  • Départements : Dans l’affaire CJUE, 26 septembre 2013, France contre Commission européenne, la Commission européenne a sanctionné la France pour une mauvaise gestion des fonds européens en Martinique. Bien que l’erreur ait été commise localement, la France est restée responsable des obligations européennes à l’échelle nationale.
  • Communes : Dans l’affaire CJUE, 13 janvier 2022, Ville de Paris et autres contre Commission européenne, la ville de Paris n’a pas respecté le droit européen en matière de régulation des locations de type Airbnb. En conséquence, la responsabilité nationale a été engagée pour non-conformité au droit de l’UE.

B/Les personnes privés :

Les personnes privées sont concernées par le droit de l’UE sur plusieurs aspects, notamment en ce qui concerne la liberté de circulation des services et des établissements au sein des États membres de l’UE.

A.Les personnes morales :

Les personnes morales (comme les entreprises) sont souvent concernées par les règles de l’UE, surtout lorsqu’elles offrent des services ou vendent des marchandises dans d’autres États membres de l’UE.

  • Services : Dans l’affaire CJUE, 8 septembre 2010, Markus Stoß e.a. contre Land Baden-Württemberg, une région allemande voulait interdire les paris sportifs organisés par Markus Stoß. La CJUE a validé cette interdiction, estimant qu’elle était justifiée par des raisons de santé publique pour lutter contre l’addiction au jeu.
  • Droit d’établissement : Dans l’affaire CJCE, 11 décembre 2007, Viking, la Cour a affirmé que le droit d’établissement permet à une société de l’UE de transférer son siège dans un autre pays de l’UE, et ce dans les mêmes conditions que les ressortissants nationaux. Cela représente une grande avancée pour l’UE, qui a pour objectif de réduire les discriminations, créant ainsi une zone de libre-échange efficace.
  • Marchandises : Dans l’affaire CJCE, 5 décembre 2000, Jean-Pierre Guimont, un producteur d’emmental voulait commercialiser son produit en France, mais les autorités françaises ont refusé en raison de la définition du produit dans un décret français. La CJUE a jugé que cette interdiction constituait une discrimination fondée sur l’origine du produit, car le contenu et les méthodes de fabrication de l’emmental respectaient les normes qualitatives.

Dans une affaire plus récente, CJUE, 19 novembre 2020, B S and C A contre Ministère public et Conseil national de l’ordre des pharmaciens, des sociétés souhaitaient commercialiser du CBD en France, après l'avoir vendu dans d’autres États de l’UE. La CJUE a validé cette commercialisation, estimant que la protection de la santé publique ne justifiait plus une interdiction, car les recherches scientifiques n’avaient pas démontré que le CBD était plus nocif que d’autres substances légales. Cela reflète une évolution sociétale récente.

Droit de la concurrence

Le droit de la concurrence de l’UE régule les pratiques anti-concurrentielles, comme les ententes, les abus de position dominante, les aides d’État et les concentrations. Voici quelques exemples :

  • Entente : Dans la décision Autorité de la Concurrence, Décision n°10-D-01 du 11 janvier 2010, l’Autorité a sanctionné des pratiques anticoncurrentielles dans la distribution des iPhones, notamment contre Orange (France Télécom).
  • Dans l’affaire CJUE, 6 octobre 2021, Sumal SL contre Mercedes Benz Trucks España SL, la Cour a évoqué la réparation des préjudices causés par une entente entre entreprises.
  • Abus de position dominante :
  • Dans l’affaire TPICE, 17 septembre 2007, Microsoft contre Commission européenne, Microsoft a été jugé coupable d’abus de position dominante.
  • Dans l’affaire Tribunal UE, 10 novembre 2021, Google et Alphabet contre Commission, Google a été condamné à une amende de 2,42 milliards d'euros pour abus de position dominante sur son marché.
  • Concentration : Dans l’affaire TPICE, 6 juillet 2010, Ryanair contre Commission, la Commission européenne a examiné le cas de la concentration entre Ryanair et une autre entreprise, en se préoccupant de l’impact sur la concurrence dans le secteur de l’aviation.


B.Les personnes physiques :


Les personnes physiques (individus) sont également protégées par les règles de l'UE, surtout concernant la libre circulation des personnes au sein de l’UE . Cela inclut le droit de vivre, de travailler et de se déplacer dans d'autres pays de l'UE.

Exemples :

  • CJCE, 7 septembre 2004, Michel Trojani contre Centre public d’aide sociale de Bruxelles : Un citoyen européen qui vivait en Belgique a eu son droit de circuler reconnu, même s'il était dans une situation difficile.
  • CJCE, 16 mars 2010, Olivier Bernard contre Olympique Lyonnais : Un joueur de football européen a eu le droit de jouer dans un autre club de l'UE, grâce à la liberté de circulation des travailleurs.
  • Non-discrimination : L’UE interdit la discrimination en raison de la nationalité, du sexe ou de l'âge.
  • CJCE, 22 novembre 2005, Mangold : La Cour a dit qu’il est interdit de discriminer les travailleurs en raison de leur âge.
  • CJCE, 19 janvier 2010, Seda Kücükdeveci : Cette décision a confirmé l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge dans les relations de travail.
  • Citoyenneté de l'Union :
  • CJUE, 8 mars 2011, Zambrano (affaire C-34/09) : La Cour a dit que les citoyens de l'UE peuvent bénéficier de droits pour leur famille, même s'ils ne sont pas citoyens d’un autre pays de l’UE.


  • Reconnaissance des diplômes :
  • CJUE, 17 décembre 2009, Angelo Rubino (affaire C-586/08) : Un diplôme obtenu dans un pays de l’UE doit être reconnu dans tous les autres pays de l’UE.
  • Protection des données personnelles :
  • CJUE, 24 novembre 2011, ASNEF : La Cour a rappelé que les informations personnelles doivent être protégées, même pour des services comme les crédits.
  • CJUE, 6 octobre 2015, Maximillian Schrems contre Data Protection Commissioner : Cette affaire a renforcé la protection des données personnelles des citoyens européens, notamment lorsqu’elles sont envoyées aux États-Unis.
  • Droit d'asile :
  • CJUE, 21 décembre 2011, NS contre Secretary of State for the Home Department : Cette décision concerne les droits des personnes demandant l'asile dans un autre pays de l’UE.
  • Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) :
  • CJCE, 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone, Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, Ordre des barreaux flamands, Ordre néerlandais des avocats du barreau de Bruxelles contre Conseil des ministres : L’UE doit respecter les droits définis dans la CEDH, qui protège les droits fondamentaux des individus.
  • Charte des droits fondamentaux de l'UE :
  • CJCE, 22 décembre 2010 : Cette décision a précisé le droit de tout individu d’accéder à un tribunal, ce qui garantit à chacun le droit d’obtenir justice.



C. Les juridictions nationales :


- Responsabilité des juridictions nationales de respecter le droit de l’UE


CJCE, 30 septembre 2003, Köbler

Un État membre peut être tenu responsable des dommages causés par une violation du droit de l’UE résultant d'une décision d'une juridiction suprême, si cette violation est suffisamment caractérisée et cause un préjudice direct.

CJUE, 25 juillet 2018 (mandat d’arrêt européen)

Les États doivent garantir aux justiciables un accès à un tribunal indépendant et impartial, y compris dans le cadre de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen.


1)  Les juridictions judiciaires :


Cour de cassation, Ch. mixte, 24 mai 1975, Administration des Douanes c. Ste Cafés Jacques Vabre

La Cour de cassation reconnaît la primauté du droit communautaire sur la loi nationale, en écartant une loi française contraire à un traité européen.


2)  Les juridictions administratives :


CE, 3 février 1989, Compagnie Alitalia

L'administration a l'obligation d’abroger un règlement contraire à une directive européenne non transposée dans les délais.

CE, 20 octobre 1989, Nicolo

Le Conseil d'État reconnaît la supériorité des traités européens sur les lois nationales et accepte de contrôler la compatibilité d’une loi française avec un traité.

CE, Ass., 28 février 1992, S.A. Rothmans International France et S.A. Philip Morris France

Le Conseil d'État consacre la primauté des directives européennes sur les lois françaises contraires.

CE, 30 octobre 2009, Mme Perreux

Tout justiciable peut invoquer directement une directive européenne non transposée, à condition qu'elle soit précise et inconditionnelle.

CJUE, 4 octobre 2018, Commission c. France

Une juridiction nationale doit saisir la CJUE d’une question préjudicielle lorsqu’il existe un doute sur l’interprétation du droit de l’UE.


II/Les principes du droit de l’UE :


Ces principes, dégagés par la JP, servent à interpréter le droit de l’UE lorsque les textes sont incomplets. Leur objectif est d’orienter les autorités publiques dans leurs décisions. La CJUE en a développé une quarantaine, certains étant intégrés aux traités. Une fois établis, ils s’imposent aux juridictions nationales pour harmoniser droit de l’UE et droit national.


A.Les principes généraux du droit de l’UE :


1.Les principes qualifiées de « valeurs » :



Article 2 TUE : Énonce les valeurs fondamentales de l’UE (liberté, démocratie, droits de l’homme). C’est une condition pour intégrer l’UE.

Article 7 TUE : Prévoit des sanctions en cas de violation de ces valeurs.

Exemples :

  • Hongrie (2015) : Installation de barbelés pour bloquer les migrants et opposition à leur relocalisation en Europe.
  • Pologne (2015) : Réforme judiciaire avec un contrôle disciplinaire des magistrats, compromettant l’indépendance de la justice → Condamnation par l’UE avec une sanction d’un million d’euros par jour.




2.Les PGD :


Ces principes, dérivés des droits fondamentaux, sont juridiquement contraignants et appliqués dans diverses politiques de l’UE, notamment contre les discriminations.

Article 10 TUE : Interdit toute discrimination fondée sur la nationalité.

📌 CJCE, 13 avril 2010, Nicolas Bressol

  • La Belgique a instauré un tirage au sort limitant l’accès aux universités de médecine pour les étudiants non belges.
  • La CJCE a jugé cela comme une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, contraire au droit de l’UE.

Article 157 TFUE : Garantie de l’égalité hommes-femmes dans l’accès à l’emploi.

📌 CJCE, 1986, Marguerite Johnston

  • Une policière britannique s’est vu refuser un poste avec arme en raison d’une loi nationale interdisant aux femmes de porter une arme.
  • La CJUE a condamné cette interdiction comme contraire au principe d’égalité.


B.Les principes transversaux du droit de l’UE :


1.Effet direct, primauté et applicabilité directe :


Effet direct du droit de l’UECJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos

Tout justiciable peut invoquer directement une norme de l’UE devant une juridiction nationale.

Primauté du droit de l’UECJCE, 15 juillet 1964, Costa c. ENEL

Ce principe établit que le droit de l’UE prévaut sur les droits nationaux des États membres, instaurant ainsi une hiérarchie des normes non explicitement prévue par les traités.

Droit à un contrôle juridictionnel effectifCJCE, 15 mai 1986, Johnston

Toute violation du droit de l’UE doit pouvoir être contestée devant un juge.

Principe de proportionnalitéCJCE, 1970, Internationale Handelsgesellschaft

Les mesures prises par les autorités doivent être adaptées aux objectifs poursuivis. L’administration ne dispose pas d’un pouvoir illimité et ses décisions doivent être proportionnées. Le juge peut contrôler l’adéquation entre les moyens utilisés et la finalité recherchée.

Responsabilité des États en cas de violation du droit de l’UECJCE, 1991, Francovich et Bonifaci & CJCE, 1996, Factortame

Si un État cause un préjudice en ne respectant pas ses obligations européennes, il doit indemniser les victimes. Dans l’affaire Factortame, le Royaume-Uni a dû compenser financièrement les pêcheurs espagnols.

Principe d’effectivitéCJCE, 1978, Simmenthal

Les autorités nationales doivent écarter toute norme nationale contraire au droit de l’UE, garantissant ainsi la pleine application du droit européen.

Principe d’égalitéArticle 4 §2 TUE & Article 18 TFUE

Fondement du principe de non-discrimination, notamment en matière de libre circulation des personnes.



3 principes liés aux relations entre les états :


  • Coopération loyaleArticle 4 §3 et Article 13 §2 du TUE
  • Les États membres doivent respecter leurs obligations européennes et coopérer sincèrement avec les institutions de l’UE.
  • Principe de subsidiaritéArticle 5 §3 du TUE
  • L’UE ne doit intervenir que si les objectifs ne peuvent être atteints efficacement au niveau national.
  • Principe d’attributionArticle 5 §2 du TUE
  • L’UE n’exerce que les compétences qui lui ont été expressément conférées par les traités.
  • Autonomie institutionnelle des États membresArticle 4 §2 du TUE
  • L’UE ne peut interférer dans l’organisation administrative interne des États membres. → CJCE, 1983, Deutsche Milchkontore
  • Principe de précaution
  • L’UE doit anticiper et prévenir les risques potentiels pour la santé et l’environnement avant même qu’un dommage ne soit scientifiquement prouvé.
  • CJCE, 2002, Pfizer Animal Health SA v. Council → interdiction d’importer certaines viandes par crainte de l’ESB (maladie de la vache folle).
  • CJUE, 25 juillet 2018, Confédération paysanne → application du principe de précaution aux OGM et au glyphosate.
  • Sécurité juridique et confiance légitime
  • Toute réglementation européenne doit être claire et prévisible.
  • Affaires : Luxembourg v. Commission (2010), EP v. Council (2015), Spain v. Council (2015)
  • Protection des données personnelles
  • Principe récent, garantissant le respect de la vie privée dans le traitement des données par l’UE.


Les affaires conclues par des sanctions des EM (sur la base du recours en manquement) :


Si un État ne respecte pas ses obligations, la Commission européenne peut :

  1. L’avertir et lui demander de se mettre en conformité.
  2. Si l’État ne répond pas de manière satisfaisante, la Commission émet un avis motivé.
  3. En dernier recours, elle saisit la CJUE pour constater le manquement.

Jusqu’en 2000, la CJUE se contentait de reconnaître les violations. Depuis l’affaire Commission c. Grèce, 4 juillet 2000, elle peut imposer des sanctions financières proportionnées à la gravité du manquement.

Exemples de sanctions financières imposées à des États membres :

  • CJUE, 25 novembre 2003, Commission c. Espagne
  • → Non-respect des normes sur les eaux de baignade → astreinte de 624 150 € par an.
  • CJCE, 12 juillet 2005, Commission c. France
  • → Pêcheurs français refusant d’adopter une nouvelle taille de filet imposée par l’UE → astreinte de 57 millions € par semestre + 20 millions € forfaitaire.
  • CJCE, 9 décembre 2008, Commission c. France
  • → Non-transposition de la directive sur les OGM → condamnation à 10 millions €.
  • CJCE, 7 juillet 2009, Commission c. Grèce
  • → Aides d’État illégales à Olympic Airways → astreinte de 16 000 € par jour + 2 millions € forfaitaire.
  • CJUE, 2 décembre 2014, Commission c. Grèce
  • → Manquement sur la directive de 1975 sur l’élimination des déchets → astreinte de 14,52 millions € par semestre + 10 millions € forfaitaire.

Objectif des sanctions :

Dissuader les États membres de violer le droit de l’UE en leur imposant des sanctions financières lourdes en cas de manquement.

Titre 1 : Le marché intérieur et les libertés de circulation :


L’idée d’un marché intérieur prend naissance avec la déclaration Schuman du 9 mai 1950. Schuman y affirme que l’Europe ne se fera pas d’un coup, mais par « une réalisation concrète créant d’abord une solidarité de faits ». Conseillé par Jean Monnet, il défend l’idée que les États européens, autrefois empires coloniaux, sont devenus trop petits face aux grandes puissances comme les États-Unis, la Russie ou la Chine. Jean Monnet, dans ses mémoires de 1976, évoque un projet sérieux de rapprochement entre la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, estimant que seule l’union des économies européennes permettrait de peser à l’échelle mondiale.

1. L’organisation du commerce international après la Seconde Guerre mondiale

Le 22 juillet 1944, les accords de Bretton Woods, signés aux États-Unis, posent les bases du système monétaire international. Ils établissent un gold-exchange standard où le dollar américain devient la référence mondiale et créent la Banque mondiale et le FMI, institutions chargées de stabiliser l’économie mondiale.

Le 30 octobre 1947, l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) est adopté. Il fixe plusieurs règles visant à libéraliser les échanges internationaux :

  • Suppression des barrières douanières entre États.
  • Égalité de traitement entre produits nationaux et importés.
  • Mécanisme de règlement des différends commerciaux.
  • Toujours en vigueur, le GATT est ajd intégré à l’OMC, poursuivant la même logique de suppression des entraves aux échanges.

Dans ce contexte, les États-Unis mettent en place le plan Marshall (1947-1951), injectant plus de 13 milliards de dollars dans les économies européennes pour accélérer la reconstruction. En contrepartie, les États bénéficiaires doivent :

  • Appliquer la démocratie et exclure les régimes communistes.
  • Aligner leurs politiques éco sur les principes américains.

S’inscrivant dans cette logique, le Buy American Act impose aux États européens de favoriser les entreprises américaines, inscrivant ainsi une forme d’influence éco durable. Contrairement à l’URSS, qui impose un contrôle direct sur ses satellites, les États-Unis utilisent une approche éco pour asseoir leur influence.

2. La création de la CEE et l’affirmation du marché intérieur

Face à cette dépendance aux États-Unis, les pays européens cherchent à structurer leur propre marché. Ils créent la Communauté éco européenne (CEE) en s’inspirant des accords de Bretton Woods, mais avec des objectifs renforcés :

  • Suppression des droits de douane et des barrières commerciales.
  • Encadrement strict des règles éco par un droit supranational, interdisant toute interprétation nationale.

Dotée d’une personnalité juridique propre, la CEE peut adopter des normes directement applicables sans passer par une ratification nationale.

En 1986, le marché commun devient le marché intérieur, une simple modification de nom sans changement de concept. Dès le traité de Rome, il repose sur la garantie de la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux (article 26 §2 TFUE).

La gestion de cette politique est confiée à la Commission européenne, composée de 27 commissaires, chacun représentant un État membre. Les directions générales (DG), comparables à des ministères, sont chargées de mettre en œuvre ces politiques. Il en existe une quarantaine, certaines étant dirigées par un seul commissaire, d’autres regroupant plusieurs portefeuilles.

La direction générale du marché intérieur, la plus importante, est actuellement dirigée par Thierry Breton, commissaire français.

Chapitre 1 : La libre circulation des marchandises

Le traité CEE fixait un délai de 10 ans pour parvenir à une libéralisation totale des échanges de marchandises entre les États membres. Cet objectif a été atteint avec six mois d’avance :

➡️ Le 1er juillet 1968, les États membres déclarent avoir supprimé les droits de douane et les restrictions quantitatives entre eux. Désormais, toute entreprise implantée dans un État membre peut vendre ses produits librement au sein du marché européen, sans payer de droits de douane ni être soumise à des quotas. L’UE devient ainsi une zone de libre-échange.

Cependant, dès les années 1970 et surtout en 1985, la Commission européenne déplore que les États continuent de protéger près de 50 % de leur économie sous couvert de services publics (télécommunications, transports, énergies). Ces secteurs restent exclus des règles du marché intérieur et du droit de la concurrence, car les États membres y maintiennent des monopoles publics dans lesquels ils ont investi.

1. La Commission européenne et la volonté d’achever le marché intérieur

Le Livre blanc du 14 juin 1985 sur « l’achèvement du marché intérieur » dénonce cette situation. La Commission européenne souligne qu’il est incohérent de libéraliser le marché intérieur tout en conservant des secteurs protégés. Elle affirme que ces barrières tarifaires :

  • engendrent des coûts administratifs excessifs,
  • faussent les modes de production,
  • augmentent les coûts de stockage et les coûts unitaires,
  • découragent la coopération financière.

Elle considère que cette surprotection nationale va à l’encontre du modèle libéral européen et demande des moyens d’action plus efficaces pour achever la libéralisation du marché.

2. L’Acte unique européen et le passage à la majorité qualifiée

Au sein des institutions européennes, la prise de décision repose sur un équilibre délicat :

  • La Commission européenne fonctionne par consensus, sans vote interne.
  • Le Conseil de l’UE (où siègent les ministres des États membres) est l’organe décisionnel, et ses votes déterminent l’adoption des textes.

Pb: Jusqu’en 1986, la plupart des décisions du Conseil nécessitaient l’unanimité. Cela ne posait pas de difficulté à six États membres, mais avec 27 États ajd, un seul État peut facilement bloquer une réforme.

=>Pour éviter ces blocages, la Commission européenne réclame plus de pouvoirs afin d’accélérer la libéralisation du marché intérieur.

L’Acte unique européen de 1986 marque un tournant en introduisant le principe de la majorité qualifiée au Conseil de l’UE. Désormais, certaines décisions peuvent être adoptées sans nécessiter l’unanimité.

= L’article 114 du TFUE (ex-article 95 TCE) dispose que l’UE peut adopter, par procédure législative ordinaire, des mesures visant à harmoniser les législations nationales pour achever le marché intérieur.

=Conséquence : Cet article devient le fondement juridique principal permettant à l’UE d’intervenir dans une multitude de domaines. Il justifie l’harmonisation des législations et est utilisé dans de nombreuses directives et règlements européens.

3. La libéralisation progressive des services publics

Dès le début des années 1990, la Commission européenne impose progressivement la libéralisation des secteurs jusque-là protégés :

- Privatisation des monopoles publics (exemple : La Poste, le secteur aérien).

- Ouverture à la concurrence des télécommunications, de l’énergie et des transports.

= Ce processus prend une dizaine d’années, car chaque État doit adapter son cadre juridique et organiser la transition vers un marché concurrentiel.

Conclusion : L’intégration éco européenne s’est faite progressivement, en supprimant les obstacles au libre échange et en renforçant les pouvoirs de l’UE. L’article 114 TFUE est ajd un outil central pour l’uniformisation des règles du marché intérieur.

I/Les préalables à la libre circulation des marchandises :


I. Les conditions préalables à la libre circulation des marchandises :

A. L’union douanière :

L'union douanière est un principe fondamental du marché unique de l'UE, permettant la libre circulation des marchandises entre les États membres sans droits de douane ni restrictions quantitatives. Cependant, elle implique aussi l'application d'un tarif douanier commun (TDC) aux marchandises venant de pays extérieurs à l'UE.

  • Règles et application : Les articles 28 à 32 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’UE interdisent les droits de douane et les restrictions quantitatives sur les échanges de marchandises entre les États membres. Ces articles établissent le principe fondamental de la libre circulation des biens. L'Union douanière a pour objectif de créer une zone sans barrières commerciales internes tout en protégeant les économies des États membres contre les importations extérieures.
  • Tarif douanier commun (TDC) : Selon l'article 30 TFUE, un tarif douanier commun est appliqué par l'UE aux marchandises importées de pays non membres. Ce tarif vise à harmoniser la politique douanière et à assurer une égalité de traitement entre les États membres face aux importations extérieures.
  • Les exceptions : Certains territoires de l'UE ne font pas partie de l'union douanière, comme le Groenland ou les îles Féroé, bien que ces derniers soient liés par des accords spécifiques avec le Danemark. De même, les territoires d'outre-mer français, comme la Nouvelle-Calédonie ou Wallis-et-Futuna, ne sont pas soumis aux mêmes règles douanières que la France métropolitaine.

B. Le tarif douanier commun (TDC) :

Le tarif douanier commun (TDC) est un élément central de l'union douanière et régit les droits de douane appliqués sur les marchandises en provenance de pays tiers.

  • Fonctionnement du TDC : Le TDC est codifié dans le Règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987, qui établit une nomenclature des produits en fonction de leur nature et de leur provenance. Ce système de classification permet de déterminer les droits de douane applicables à chaque produit importé.
  • Politique douanière harmonisée : Bien que les États membres appliquent le TDC sur leur territoire, la Commission européenne veille à son application uniforme et supervise les contrôles douaniers. L'uniformité est essentielle pour éviter les divergences entre les États membres et garantir un marché intérieur efficace.
  • Recettes des droits de douane : Conformément à l'article 28 du TFUE, les recettes générées par les droits de douane sont collectées par les États membres, mais une part importante est transférée au budget de l'UE.

C. Les territoires exclus du droit douanier européen :

Certains territoires sont exclus ou bénéficient de règles douanières spécifiques. Par exemple, les îles Canaries ou les îles Féroé sont des territoires associés à des États membres (Espagne et Danemark), mais ils ne font pas partie de la zone douanière de l'UE.

  • Territoires d'outre-mer français : Des territoires comme la Guadeloupe, la Réunion, ou la Martinique font partie de la zone douanière de l'UE, tandis que d'autres, comme Saint-Pierre-et-Miquelon ou la Polynésie française, en sont exclus et bénéficient de régimes douaniers différents.

II. La politique commerciale commune de l’UE :

  1. Le rôle mondial de l’UE :

L'UE est une puissance commerciale majeure, représentant environ 18% du commerce mondial. Elle négocie des accords commerciaux en son nom propre, ce qui lui permet d'influencer largement le commerce international.

  • Les relations commerciales internes : Selon l'article 26 TFUE, environ 60% des échanges commerciaux au sein de l'UE se font entre ses États membres. Ce chiffre montre l'importance de la libre circulation des marchandises dans la dynamique éco interne de l'Union.
  • Les défis commerciaux mondiaux : Face à des puissances éco comme les États-Unis et la Chine, l'UE doit parfois adopter une position de défense, notamment par des mesures antidumping ou des droits de douane pour protéger certains secteurs éco.
  • Le rôle des accords commerciaux : L'UE négocie des accords bilatéraux avec des pays tiers, comme le CETA (accord avec le Canada), l'accord avec le Japon, ou le Mercosur en Amérique du Sud. Ces accords visent à abaisser les barrières commerciales et à harmoniser les normes dans des domaines comme la protection des droits de propriété intellectuelle ou les standards environnementaux.
  1. Les compétences de l’UE en matière commerciale :

La politique commerciale est de compétence exclusive de l'UE (cf. article 207 TFUE), ce qui signifie que seul l’Union a le droit de négocier et de conclure des accords commerciaux internationaux au nom de ses États membres.

  • Rôle de la Commission européenne : La Commission européenne, à travers son commissaire au commerce (actuellement Valdis Dombrovskis), est responsable de la négociation des accords commerciaux. Elle représente l'UE dans les discussions au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et dans les relations bilatérales avec des pays tiers.
  • Rôle du Parlement européen : Le Parlement européen joue également un rôle important en approuvant les accords commerciaux négociés par la Commission, comme cela a été le cas pour le CETA (accord UE-Canada) ou l'accord UE-Japon.

Les articles du TFUE :

  • Article 206 TFUE : Cet article souligne l'objectif de l'UE d'assurer une libre circulation des biens et des services, et de contribuer au développement harmonieux du commerce mondial en éliminant les obstacles douaniers et en réduisant les distorsions du commerce international.
  • Article 207 TFUE : L’article 207 est essentiel pour l'UE dans le cadre de sa politique commerciale. Il stipule que l'UE doit mener sa politique commerciale externe de manière unifiée. La Commission européenne, en coopération avec le Conseil de l'UE, négocie des accords avec des pays tiers en matière de commerce international.

 

II/La liberté de circulation des marchandises dans l’espace européen :


Le Titre II du TFUE (articles 28 à 37) prévoit la libéralisation des marchandises à l’importation et à l’exportation au sein de l’UE

  • Les marchandises en libre pratique dans les États membres (EM) de l’UE, ou celles provenant d'États tiers ayant rempli les formalités d'importation (respectant toutes les normes et formalités douanières), peuvent circuler librement une fois en libre pratique.
  • La JP définit la marchandise comme "tout bien appréciable en argent et susceptible de faire l’objet d’une transaction commerciale". La JP de principe est l'arrêt Van Gend en Loos, CJCE du 5 février 1963.

Les barrières qui peuvent entraver la circulation des marchandises se divisent en deux catégories principales : les barrières tarifaires et les barrières non tarifaires.

A/ Les obstacles tarifaires : les taxes d’effet équivalent à des droits de douane (TEEDD)

1) La notion de TEEDD

L’article 30 du TFUE stipule que "les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal".

  • Les droits de douane sont facilement identifiables, car ils portent le nom du producteur, et leur qualification ne pose pas de problème. Toutefois, les taxes d’effet équivalent (TEEDD), qui ne sont pas explicitement qualifiées comme telles, sont plus difficiles à repérer et à qualifier.
  • Une série de JP dans les années 60 a traité de ce sujet, par exemple :
  • CJCE, 14 décembre 1962, Commission contre Luxembourg et Belgique : La Cour a jugé qu’une taxe d’effet équivalent est un droit unilatéralement imposé, frappant spécifiquement un produit importé d’un autre État membre à l’exclusion des produits nationaux similaires, ce qui a un impact similaire à celui d’un droit de douane.
  • CJCE, 1er juillet 1969, Commission contre Italie : La Cour a précisé que "une charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, qui frappe les marchandises franchissant la frontière, constitue une taxe d’effet équivalent".

2) Distinction entre TEEDD et certaines mesures spécifiques

Les impôts, comme la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), ne sont pas considérés comme des TEEDD. Bien que la TVA puisse sembler similaire à une taxe d’effet équivalent, elle est en réalité une imposition intérieure prévue par l'article 118 du TFUE.

B/ Les obstacles non tarifaires : les MEERQ (Mesures d’Effet Équivalent à des Restrictions Quantitatives)

Les articles 34 et 35 du TFUE interdisent les restrictions quantitatives entre États membres. Les MEERQ (mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives) sont des obstacles non tarifaires plus complexes.

1) La notion de MEERQ

  • CJCE, 11 juillet 1974, Dassonville : Cette JP définit les MEERQ comme "toute réglementation commerciale des États membres susceptibles d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire".
  • Dans l'affaire Dassonville, un commerçant belge voulait vendre en Belgique des bouteilles de whisky venant de France et d'Écosse. Les autorités belges avaient exigé un certificat d'authenticité, ce qui a été jugé comme une MEERQ par la Cour, car la mesure entravait le commerce intracommunautaire sans justification valable.

2) Exemples contradictoires concernant la fixation du prix du livre

  • CJCE, 30 avril 2009, Handelsgesellschaft : Une réglementation nationale interdisant aux importateurs de livres en langue allemande de fixer un prix inférieur à celui fixé par l'éditeur a été considérée comme une MEERQ.

3) Justifications aux MEERQ

L’article 36 du TFUE permet des restrictions de la liberté de circulation des marchandises pour des raisons de :

  • moralité publique,
  • sécurité publique,
  • protection de la santé,
  • protection de la vie des personnes, des animaux, ou des végétaux,
  • protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique,
  • protection de la propriété industrielle et commerciale.

La CJUE a énuméré six conditions pour qu’une MEERQ soit justifiée :

  1. Le domaine n’a pas été harmonisé au niveau européen.
  2. La mesure poursuit un intérêt général.
  3. La mesure ne doit pas être discriminatoire.
  4. Elle doit être objectivement nécessaire.
  5. Elle doit être proportionnée.
  6. Elle doit tenir compte des exigences dans l'État d'origine des marchandises.
  • CJCE, 10 janvier 1985, Association des Centres distributeurs Édouard Leclerc : La Cour a justifié une MEERQ dans le cas de la loi sur le prix unique du livre en France, car il n’y avait pas de discrimination entre produits nationaux et étrangers.
  • CJCE, 19 juin 2003, Commission c. Italie (Red Bull) : Une législation nationale interdisant la commercialisation de certaines boissons énergétiques a été jugée disproportionnée et non justifiée, car aucune étude scientifique n'avait prouvé un risque pour la santé publique.

Conclusion :

La liberté de circulation des marchandises repose sur la reconnaissance mutuelle des réglementations nationales depuis 70 ans, garantissant que tout produit légalement commercialisé dans un État doit circuler librement dans l'UE (Cassie de Dijon). Depuis les années 60, l'UE a développé une approche harmonisée avec un système de labels normalisant les produits du marché intérieur. Chaque secteur doit respecter les normes spécifiques avant d'introduire ses produits sur le marché, avec des labels comme le NF en France, remplacé progressivement par le marquage CE. Les produits exportés vers l'UE doivent respecter les normes du CEN, et la tendance va vers le recyclage pour réduire les déchets.

Les produits du terroir, comme les AOC et AOP, sont protégés pour éviter la contrefaçon. L'UE protège certains produits traditionnels, avec des appellations reconnues en Europe, comme l'AOP pour la protection à l'échelle européenne. Un exemple est l'affaire CJUE (2021) contre l'Espagne, interdisant l'usage de "Champanillo" pour éviter la concurrence déloyale envers la France.

L'affaire Spanghero (2013) illustre l'absence de contrôle systématique des produits. Le scandale des lasagnes de cheval a révélé des failles dans les contrôles sanitaires, conduisant à une circulation de produits non conformes sans réglementation européenne stricte, laissant place à des fraudes.

Chapitre 2 : La libre circulation des personnes :


La crise du Covid a été un tournant pour la libre circulation des personnes. Dès que les impacts sanitaires ont été évidents, les États ont réintroduit rapidement des frontières physiques et des contrôles. Cela a montré que, même avec le marché intérieur, les frontières ne sont pas complètement abolies. En cas de crise, les États peuvent rétablir des contrôles, régulant les personnes et marchandises selon leurs critères nationaux. Ainsi, la gestion des frontières reste une compétence partagée entre l'UE et les États membres.

La libre circulation des personnes, inscrite dès 1957 dans le traité de Rome, s'est réalisée progressivement, plus lentement que pour les marchandises. Dès les années 60, le principe d'effet direct a été établi, notamment avec l'affaire Lynne Watson et Alessandro Belmann (CJCE, 16 juillet 1976), où la CJCE a affirmé que l'exigence de déclarer sa présence dans les 24 heures à la police était disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.

Un autre principe fondamental est celui de la non-discrimination en raison de la nationalité, inscrit dans les articles 2 et 3 du TUE, et les articles 18 et 19 du TUE pour la libre circulation des personnes. Cela a été confirmé dans l'affaire Roland Rutili (CJCE, 28 octobre 1975), qui a reconnu que tout citoyen d'un État membre pouvait se prévaloir de la libre circulation devant les juridictions nationales.

La mise en place de la libre circulation des personnes s'est faite en deux étapes :

  1. Première étape : Après la Seconde Guerre mondiale, la libre circulation des travailleurs a été favorisée pour répondre aux besoins de main-d'œuvre. Les directives ont permis aux travailleurs de circuler librement et d'y amener leur famille.
  2. Deuxième étape : Dans les années 80, la citoyenneté européenne a été introduite, avec la création de l'article 20 du TFUE. Cela a permis de garantir la libre circulation de tous les citoyens de l'UE, et non seulement des travailleurs.

La citoyenneté européenne, initialement symbolique, est devenue un droit fondamental, donnant accès à des droits comme :

  • Droit de circuler et séjourner librement (article 21 du TFUE)
  • Droit de vote et d'éligibilité aux élections européennes et municipales (article 22 du TFUE)
  • Protection diplomatique (article 23 du TFUE)
  • Droit de pétition au Parlement européen (article 24 du TFUE)

La CJUE, dans l'affaire Grzelczyk (20 septembre 2001), a renforcé ce statut, le qualifiant de fondamental pour l'accès aux droits, notamment celui de circuler et séjourner.

Avec cette évolution, quatre catégories de citoyens européens se sont formées :

  • Les touristes
  • Les travailleurs (salariés et non salariés)
  • Les étudiants (ayant la sécurité sociale et, progressivement, l'abolition des exigences financières)
  • Autres sans emploi (chômeurs et retraités), avec des problèmes liés au tourisme social.

I. La liberté d’aller et venir est un droit reconnu aux citoyens de l’Union

L'article 21 du TFUE garantit à tous les citoyens de l’UE le droit de circuler et de séjourner dans les États membres. La procédure législative ordinaire s’applique, sauf pour la sécurité sociale, où une procédure spéciale d'unanimité est requise. La directive 2004/38 codifie les droits des citoyens de l’UE et de leurs familles à circuler et séjourner librement dans les États membres.

A. Les bénéficiaires de la libre circulation

Les bénéficiaires sont les citoyens de l’UE, définis comme toute personne ayant la nationalité d’un État membre. Dans l'affaire CJUE, 5 septembre 2023, une personne née aux États-Unis et ayant obtenu la nationalité danoise a vu sa citoyenneté retirée par le Danemark. La CJUE a validé ce retrait si proportionné aux objectifs poursuivis.

Le regroupement familial, facilité par cette directive, concerne quatre catégories :

  1. Les conjoints (y compris les mariages homosexuels, CJUE, Coman, 2018).
  2. Les partenaires enregistrés (comme le PACS français, selon les législations nationales).
  3. Les descendants directs (moins de 21 ans, ou à charge), avec des clarifications sur le concept de "membres du ménage" (CJUE, 15 septembre 2022).
  4. Les ascendants directs à charge, comme dans l'affaire Zambrano (CJUE, 8 mars 2011), où l'expulsion des parents était liée à la situation légale de leurs enfants, protégés en tant que citoyens belges.

Cette évolution continue d’affiner les critères, comme l’a montré l’affaire Shirley McCarthy (CJUE, 5 mai 2011), où la CJUE a confirmé que la libre circulation nécessite le franchissement de frontières de l'UE pour en bénéficier.



2)Le droit de circuler et de séjourner dans un autre EM :


  1. Le droit de quitter et d’entrer dans un EM :

L'article 4 de la directive 2004/38/CE est fondamental ici. Il stipule que tout citoyen de l'UE, muni d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité, ainsi que ses membres de famille non ressortissants de l'UE, ont le droit de quitter l'État membre (EM) où ils résident et de se rendre dans un autre EM. Cette liberté de circulation et de séjour implique la suppression des contrôles de visas pour les ressortissants européens.

Les États membres, cependant, peuvent restreindre la sortie d'un ressortissant ou son entrée sur leur territoire pour des raisons d’ordre public ou de sécurité, mais ces mesures doivent être proportionnelles et justifiées par des circonstances précises.

La JP

  • CJUE, 17 novembre 2011, Hristo Gaydarov : La CJUE a validé l’interdiction de sortie du territoire bulgare pour un ressortissant bulgare, condamné en Serbie, au motif qu'il représentait une "menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société". La Cour a rappelé l'importance de deux principes : le principe de proportionnalité (la mesure doit être appropriée pour atteindre l'objectif) et le principe du contrôle juridictionnel effectif (la personne doit pouvoir saisir un juge pour vérifier la légalité de la mesure).
  • CJUE, 17 novembre 2011, Aladzhov : Cette affaire portait sur une restriction de la liberté de circulation liée à une dette fiscale non payée, illustrant que des considérations financières peuvent aussi justifier des restrictions de liberté de circulation.

B) Le droit de séjour dans un autre EM :

Les citoyens de l'UE peuvent séjourner dans un autre EM pendant 3 mois sans formalités particulières, à condition que leur carte d'identité ou passeport soit valide. Au-delà de 3 mois, trois conditions doivent être remplies :

  1. Le citoyen doit être travailleur salarié ou non salarié.
  2. Il doit disposer de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins.
  3. Il doit être inscrit dans un établissement d’enseignement et disposer d'une assurance maladie.

2) La JP sur la restriction du séjour

  • CJUE, 13 avril 2010, Bressol e.a. contre Gouvernement de la Communauté française de Belgique : Le gouvernement belge avait tenté de limiter l'accès des étudiants non résidents, en particulier les Français, aux études de médecine en imposant un tirage au sort. La CJUE a jugé que cette politique de restriction basée sur la résidence était une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, en contradiction avec la liberté de circulation.
  • CJUE, 11 juillet 2002, Marie-Nathalie D’Hoop contre l’ONEM : La Cour a jugé qu'un État membre ne peut refuser à un citoyen européen des allocations sociales sous prétexte que celui-ci a effectué ses études dans un autre EM. Refuser une telle allocation pour cette raison constituerait une discrimination fondée sur la nationalité.

Le droit de séjour permanent après 5 ans

À l'issue de 5 ans de séjour continu dans un autre EM, un ressortissant de l'UE acquiert un droit de séjour permanent. Cette règle est prévue par l'article 16 de la directive 2004/38/CE. Les membres de la famille d'un citoyen européen peuvent également prétendre à ce droit, même après des absences de plus de 6 mois par an, comme l’a confirmé la CJUE dans l'affaire CJUE, 21 juillet 2011, Secretary of State for Work and Pensions contre Maria Dias.

  • CJUE, 21 décembre 2011, Tomasz Ziolkowski contre Land Berlin : Cette décision a élargi l’interprétation du droit de séjour permanent, y compris pour les citoyens européens résidant dans un autre EM, même si leur résidence n’avait pas commencé immédiatement après leur arrivée.

3) Le tourisme social et les abus

Le tourisme social désigne la pratique de certaines personnes qui circulent dans l’UE uniquement pour bénéficier des prestations sociales dans d’autres États membres, sans véritablement y exercer une activité éco.

  • CJUE, 11 novembre 2014, Dano : Une ressortissante roumaine a cumulé des aides sociales en Roumanie et en Allemagne. La CJUE a confirmé que l’UE ne permet pas de cumuler ces prestations sociales entre États membres, même si la personne répondait aux critères d'éligibilité. Cette décision vise à éviter les abus.
  • CJUE, 15 septembre 2015, Jobcenter Berlin Neukölln contre Nazifa Alimanovic : De même, la Cour a restreint l'accès aux allocations sociales en soulignant qu'un citoyen européen ne pouvait pas prétendre à des prestations sociales dans un EM sans y avoir une réelle intégration (ex. : travail, études).

4) Les limitations à la libre circulation pour des raisons d’ordre public

L'article 27 de la directive 2004/38/CE permet aux États membres de limiter la liberté de circulation et de séjour pour des raisons d’ordre public, sécurité publique ou santé publique. Ces restrictions doivent respecter les principes de proportionnalité et de non-discrimination. Les États doivent justifier leur décision par des faits concrets et ne peuvent invoquer des raisons générales.

  • CJUE, 23 novembre 2010, Land Baden-Württemberg contre Panagiotis Tsakouridis : La Cour a précisé que les restrictions à la liberté de circulation pour des raisons de lutte contre le trafic de stupéfiants sont justifiées, mais doivent être évaluées au cas par cas.
  • CJUE, 5 décembre 2023, Affaire Nordique info BV : La CJUE a validé les restrictions temporaires à la libre circulation des personnes pendant la pandémie de COVID-19, en s’appuyant sur les raisons de santé publique et en soulignant que ces restrictions sont légales si elles sont proportionnelles et ne durent pas plus longtemps que nécessaire.

B/L’espace Schengen et l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’UE :

L’espace Schengen a été institué pour permettre la libre circulation des personnes sans contrôles aux frontières intérieures entre les États membres. Ce système est ajd appliqué par 27 États, dont 4 ne sont pas membres de l'UE (Suisse, Islande, Norvège, Liechtenstein).

Les principaux objectifs du Schengen sont :

  • Suppression des contrôles aux frontières intérieures.
  • Renforcement des contrôles aux frontières extérieures, gérés par Frontex (agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes).

En parallèle, l'espace de liberté, de sécurité et de justice a pour but de coordonner les politiques de sécurité, d’immigration et de justice entre les États membres. La coopération policière et judiciaire est renforcée par des agences comme Europol et Eurojust.

6) Les agences principales dans l'ELSJ

1) Europol (Agence européenne de police)

  • Mission : Facilite l'échange d'informations entre les forces de police des États membres pour lutter contre la criminalité transfrontalière (terrorisme, trafic de drogues, cybercriminalité).
  • Rôle : Soutient les enquêtes internationales, gère des bases de données et analyse les menaces criminelles.

2) Eurojust (Agence de coopération judiciaire de l'UE)

  • Mission : Facilite la coopération judiciaire entre les États membres pour résoudre les crimes transfrontaliers.
  • Rôle : Coordonne les enquêtes judiciaires, facilite l'extradition et les mandats d'arrêt européens, aide à la collecte de preuves.

3) Frontex (Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes)

  • Mission : Gère les frontières extérieures de l'UE, soutient la gestion des flux migratoires et lutte contre la criminalité transfrontalière.
  • Rôle : Assure la surveillance des frontières, offre de la formation et du matériel aux autorités nationales, intervient en cas de crise migratoire.

4) L'OELAF (Office européen de lutte antifraude)

  • Mission : Lutte contre la fraude qui affecte les finances de l'UE (fraude fiscale, abus de fonds publics, corruption).
  • Rôle : Mène des enquêtes sur les fraudes, collabore avec les autorités nationales pour poursuivre les fraudeurs, récupère les fonds détournés.


5) L'Agence des droits fondamentaux de l'UE (FRA)

  • Mission : Collecter des données concernant les droits fondamentaux dans les États membres afin d'harmoniser et de garantir des informations fiables à l’échelle européenne.
  • Objectif : Fournir des conseils sur les questions relatives aux droits fondamentaux, renforcer la mise en œuvre des droits humains dans les politiques et législations européennes.


6) Le Parquet européen (EPPO)

  • Création : Fondé en 2017 sur la base de l'article 86 du TFUE, ce parquet a débuté ses activités le 1er juin 2021. Il est dirigé par Laura Kovesi.
  • Mission : Rechercher, poursuivre et juger les auteurs d'infractions portant atteinte au budget de l'UE, telles que la fraude, la corruption, et la fraude fiscale transnationale.
  • Ambition : Devenir un "super parquet", représentant les intérêts éco de l'UE et renforcer la protection des finances européennes.


Liberté de circulation des personnes et défis administratifs

Liberté de circulation : Le principe de liberté de circulation est respecté dans l'UE, mais un manque d'harmonisation administrative entre les États membres crée des tensions et des conflits, car le droit de l'UE repose encore principalement sur les autorités nationales.

Problème : L’absence d’une administration commune efficace engendre des obstacles pour la mise en œuvre uniforme des politiques européennes, créant des disparités dans l’application des règles.


Le droit du travail dans l'UE

Compétence nationale : Le droit du travail reste principalement une compétence des États membres. L'UE fixe un cadre de standards minimum et lutte contre les discriminations dans le travail, mais n'impose pas une législation uniforme sur l’ensemble du secteur.

Historique : Lors du Traité de Rome (1957), l'objectif était de créer un marché commun favorisant la libre circulation des travailleurs. Les années 60 ont vu une mise en œuvre rapide, avec des directives et règlements européens facilitant l'accès au marché de l'emploi.

Migration : Les mouvements migratoires au sein de l'UE ont notamment vu des travailleurs migrer du Sud (Italie, Espagne) vers le Nord (France, Allemagne) en raison de la demande de main-d’œuvre pendant la période des "30 Glorieuses".


Le Fonds Social Européen (FSE)

Mission : Financer des projets locaux pour favoriser l'emploi au niveau européen, avec un focus sur les initiatives de formation et d’insertion professionnelle.

Objectif : Soutenir les collectivités territoriales dans la mise en place de projets qui aident à l’emploi, la formation, et l’intégration des travailleurs.


Absence d’harmonisation du droit du travail européen

Divergences culturelles : Les États membres ont des cultures du travail différentes. Par exemple :

Pays latins (France, Espagne, Italie) : Plus enclins à instaurer des protections sociales fortes, telles que des heures de travail maximales et un salaire minimum.

Pays anglo-saxons (Royaume-Uni, Irlande) : Moins enclins à imposer des règles strictes de protection sociale.

Pays nordiques : Ont régulé leur droit du travail par des conventions collectives, c’est-à-dire des accords entre employeurs et syndicats sectoriels.

Conclusion : Une harmonisation complète du droit du travail au sein de l'UE reste impossible, en raison de ces différences culturelles et juridiques. Cela crée des divergences importantes dans les droits et conditions de travail d'un pays à l'autre.


Le chômage en Europe

Statistiques : Le taux de chômage moyen dans l’UE a atteint son plus bas niveau en 20 ans, avec une moyenne de 6% à l'échelle européenne. En France, ce taux est de 7,3%, ce qui est également un chiffre positif.

Signification : Ces données reflètent une amélioration notable de la situation de l'emploi en Europe.


A/La liberté d’exercer une activité dans un autre EM :


Tout citoyen d'un État membre (EM) de l'UE a le droit d'exercer un emploi sur le territoire d'un autre EM, dans le respect des règles définies par le droit européen. Cette liberté de circulation et d'emploi repose sur plusieurs principes énoncés dans le Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE).

1) Les conditions générales :

Article 45 du TFUE : Cet article prévoit la suppression de toute discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs des EM. Il vise à garantir l’égalité des citoyens de l’UE en matière d'emploi, de rémunération, et d’autres conditions de travail. Cela implique :

  • Le droit de répondre à des offres d'emplois dans d’autres EM,
  • Le droit de se déplacer librement sur le territoire des EM pour trouver un emploi,
  • Le droit de séjourner dans un EM pour y exercer une activité professionnelle, dans les conditions fixées par les lois nationales régissant l’emploi des travailleurs nationaux,
  • Le droit de demeurer dans l’EM après avoir occupé un emploi, sous réserve de respecter les conditions prévues par la législation nationale et européenne.

La notion de travailleur a été définie largement par la JP pour inclure toutes les situations nationales, en excluant les activités marginales. Elle se base sur trois critères :

  • Prestation éco : Il doit s'agir d’une activité rémunérée, excluant les bénévoles et les travailleurs non rémunérés.
  • Sous l’autorité d’un employeur : Le travailleur doit exercer son activité sous la direction d’une autre personne (hiérarchie).
  • Rémunération : Le travail doit être payé.

Exemple jurisprudentiel : L’affaire CJCE, 3 juillet 1986, Lawrie-Blum a précisé que même une période de formation préalable à l’exercice d’une profession (un stage préparatoire) est couverte par la protection des travailleurs. Dans cette affaire, une citoyenne britannique s’était vue refuser l’accès à un stage en Allemagne en raison de sa nationalité. La CJCE a jugé que cette période de formation était également protégée par la liberté de circulation des travailleurs de l’UE.

2) La réglementation européenne en faveur des travailleurs :

Depuis les années 1960, l’UE a adopté plusieurs directives et règlements facilitant la circulation des travailleurs. Le règlement principal de 2011 régit la libre circulation des travailleurs et impose des conditions minimales pour leur traitement équitable.

En ce qui concerne le temps de travail, une directive de 2003 a fixé une durée maximale de travail hebdomadaire à 48 heures. Cela a été un point de friction entre les États, notamment entre les pays latins, qui soutiennent une réduction de cette durée, et les pays anglo-saxons, où la flexibilité est plus courante. La réglementation européenne vise à instaurer des normes minimales pour éviter une dérégulation excessive des conditions de travail.

Directive 2004/38 : Elle permet à un citoyen de l’UE de séjourner jusqu'à 3 mois dans un autre EM sans justification particulière, et au-delà de cette période, sous certaines conditions (emploi, ressources suffisantes, ou études). Elle s’applique à tous les travailleurs européens, les protégeant contre les discriminations liées à leur statut.

3) L’égalité de traitement :

L’UE impose l’égalité de traitement entre travailleurs nationaux et travailleurs européens. L’article 45, paragraphe 2 du TFUE énonce clairement l’abolition des discriminations entre citoyens de l’UE dans les domaines de l’emploi, de la rémunération et des autres conditions de travail.

JP clé :

  • CJCE, 1986, Johnston : Cette décision de principe concernait une policière en Irlande du Nord qui se voyait interdire l’accès à un poste en raison d’une règle discriminatoire fondée sur le sexe. La CJCE a jugé que cette exclusion constituait une discrimination directe entre hommes et femmes.
  • CJCE, 11 juillet 2002, Marie Nathalie D’Hoop : La CJCE a jugé que la discrimination sur la base de la nationalité est incompatible avec le droit européen.

4) Lutte contre les discriminations liées à d’autres critères :

  • Discrimination liée à l’âge : CJUE, 2016, Commission contre Chypre : L’UE lutte contre la discrimination fondée sur l’âge, par exemple dans les recrutements.
  • Discrimination linguistique : Cette question concerne principalement des pays comme la Belgique, où l’exigence linguistique pour certains postes a été jugée discriminatoire par la CJUE.


B. La reconnaissance professionnelle au sein du marché intérieur :

La libre circulation des travailleurs ne signifie pas nécessairement la reconnaissance automatique des qualifications professionnelles acquises dans d’autres EM.

1) La reconnaissance des qualifications professionnelles :

L’UE a mis en place un système de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, particulièrement pour les professions réglementées (médecins, avocats, etc.). L’Article 53 du TFUE établit ce système de reconnaissance des qualifications professionnelles, complété par la directive de 2005, qui vise à faciliter l’accès aux professions réglementées au sein du marché intérieur de l’UE.

Exemple jurisprudentiel :

  • CJCE, 9 septembre 2003, Burbaud : Un cas dans le secteur médical, où la France a été condamnée pour ne pas avoir reconnu un titre professionnel acquis dans un autre EM de l'UE. Cela a permis d’ouvrir la voie à la reconnaissance des qualifications dans des secteurs très réglementés.
  • CJUE, 22 décembre 2010, Koller : Un cas dans lequel un étudiant espagnol avec un master d’avocat a obtenu la reconnaissance de son diplôme en Autriche, même si le système d’accès à la profession différait dans les deux pays.

2) Pour les sportifs :

La CJCE, 15 décembre 1995, Bosman a invalidé les quotas de joueurs nationaux imposés par certains clubs de football en raison de leur nationalité, jugeant qu'ils constituaient une discrimination entre les citoyens de l’UE.

CJUE, 21 décembre 2023 : La CJUE a réaffirmé le principe de proportionnalité concernant les quotas, permettant aux clubs de limiter le nombre de joueurs étrangers si cela vise à promouvoir l’embauche de joueurs locaux.


C. Les exceptions à la libre circulation des travailleurs dans les secteurs publics :

L’article 45, paragraphe 4 du TFUE prévoit des exceptions à la libre circulation des travailleurs, notamment pour les emplois publics. Cependant, cette exception n'est pas absolue et doit être justifiée par un intérêt public. Par exemple, la CJUE a restreint les exceptions pour des fonctions dans des secteurs sensibles comme la défense nationale, les affaires étrangères, ou les services de sécurité.

JP clé :

  • CJUE, Commission contre Belgique, Luxembourg, Grèce : L’approche restrictive a été affirmée par la CJUE, qui exigeait des États membres qu’ils justifient les critères nationaux appliqués dans les emplois publics.


Conclusion :

La liberté d'exercer une activité professionnelle dans un autre EM de l'UE a permis une réduction substantielle des barrières nationales et la création d'un véritable marché du travail intérieur. Toutefois, des exceptions existent dans certains secteurs, principalement en raison de la protection d’intérêts publics spécifiques. Le système européen continue d'évoluer pour garantir l'égalité de traitement et encourager la reconnaissance des qualifications professionnelles, tout en équilibrant les besoins de chaque État membre.





Chapitre 3 : La libre prestation de services :


L’UE est le plus grand marché de services au monde, rivalisant de près avec les États-Unis. En 2022, environ 1155 milliards d’euros ont été échangés en importations et exportations de services entre l'UE et des États tiers, avec une balance commerciale globalement positive. Cela représente 70 % de l’économie de l’UE, qui se concentre principalement sur des partenaires occidentaux.

2. La nature des services

Les services en question incluent des secteurs variés comme :

  • Les services financiers (par exemple, les virements bancaires)
  • Le BTP (ex : construction de bâtiments)
  • Les télécommunications

Le secteur des services relève d’une compétence partagée entre l'UE et les États membres (EM) : l’UE intervient pour harmoniser les règles, tandis que les États membres continuent de réguler certains domaines comme les contrats, les sociétés, et la fiscalité.

Cela engendre un paradoxe permanent : bien que l’UE vise à harmoniser le marché intérieur, il existe aussi une concurrence normative entre les EM pour attirer les entreprises et maximiser les recettes fiscales.

3. Distinction entre libre prestation de services et liberté d’établissement

Le droit de l’UE distingue deux régimes juridiques :

  • La liberté d’établissement : Permet à une entreprise de s’établir de manière stable dans un autre État membre (EM) pour y offrir des services en permanence.
  • La libre prestation de services (LPS) : Permet à une entreprise de fournir des services dans un autre EM sans y établir une présence stable (par exemple, les services en ligne comme les paris sportifs à distance).


JP Reinhard Gebhard= avocat allemand a voulu exercer en Italie sans être autorisé à comparaître devant les juridictions italiennes. Le conseil de l'ordre italien l’a poursuivi pour exercer sans passer un diplôme italien.La Cour a établi une distinction entre liberté d’établissement et libre prestation de services. L’avocat pouvait exercer en Italie à condition de ne pas se présenter devant les juridictions italiennes. Ce jugement a permis à de nombreux avocats européens de migrer pour exercer à l’internat°

5. Les principes généraux du droit (PGD) applicables

Les PGD, tels que l’interdiction de discrimination nationale et l'effet direct, s’appliquent à la libre circulation des services :

  • Effet direct : Les particuliers peuvent invoquer directement ces principes devant les juridictions nationales. Le rôle des juges nationaux est crucial pour appliquer ces principes, avec des exceptions pour des raisons impérieuses d’intérêt général.
  • Exemple : Affaire Van Binsbergen (3 décembre 1974) pour la LPS, et Reyners (21 juin 1974) pour la liberté d’établissement.

6. Liberté de prestation de services : Choix entre rester dans l’EM d’origine ou s’établir dans l’EM d’accueil ?

Lorsqu'une entreprise souhaite offrir des services dans un autre EM, elle doit choisir si elle reste dans son État d'origine pour offrir des services à distance ou si elle ouvre une société dans l'État d’accueil. Ce choix a des implications fiscales et juridiques importantes.

7. La directive Bolkestein (2006) et la flexibilisation des prestations de services

Le commissaire Bolkestein a proposé en 2006 une directive visant à flexibiliser la possibilité pour les entreprises de s'établir dans un pays et de fournir des services dans d'autres pays sans limites. Cependant, cette idée a été critiquée, car une entreprise pourrait s’établir dans un État où les charges sociales et fiscales sont faibles (ex : Pologne) et offrir des services dans des pays avec des normes plus élevées.

8. Directive du 12 décembre 2006

Cette directive vise à codifier les règles de la libre prestation de services dans l'UE. Elle a instauré un guichet unique pour la création d'entreprises, permettant aux entreprises de s'établir plus facilement dans n'importe quel EM, en centralisant toutes les démarches administratives via une plateforme électronique. En France, le guichet unique est désormais géré par l'INPI depuis janvier 2023.

9. Statuts des sociétés

Les statuts des sociétés restent régis par la législation nationale, bien que l’UE ait mis en place des mesures pour simplifier la création d’entreprises. En France, par exemple, des sociétés telles que l'EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée) ou la SARL (Société à Responsabilité Limitée) sont les formes les plus courantes.

10. Objectifs de la directive : Simplification et stimulation de l’économie

L’objectif principal des EM est de simplifier la création d’entreprises et d'encourager l'activité éco. Les réformes visent à réduire la complexité administrative, facilitant ainsi l’accès au marché intérieur et stimulant la compétitivité en Europe.


I/Le droit d’établissement au sein du marché intérieur :


A/Le champ d’application du droit d’établissement :


Le droit d’établissement permet aux citoyens et aux entreprises de l’UE de créer des entreprises dans d'autres États membres dans les mêmes conditions que les nationaux. Ce droit est garanti par l'article 49 du TFUE. L'article 54 du TFUE précise que les sociétés, qu'elles soient privées ou publiques, peuvent s'établir dans un autre pays de l'UE, sous réserve de respecter les règles du marché intérieur.

1)Les bénéficiaires du droit d’établissement :

Ce droit concerne aussi bien les personnes physiques que morales (les sociétés). Les entreprises peuvent ouvrir des filiales, des succursales ou des bureaux dans un autre pays de l'UE.

  • Filiale : Une entreprise séparée mais contrôlée par une société d'un autre pays.
  • Succursale : Une extension de l’entreprise dans un autre pays, avec des activités commerciales.
  • Bureau ou agence : Un simple point de contact, sans activité commerciale.

Les entreprises peuvent choisir de s’établir dans un autre pays de l’UE pour profiter d’avantages fiscaux, comme l’a montré l’affaire Cadbury Schweppes (2006), où une société a transféré ses bénéfices dans un pays à fiscalité plus avantageuse.

B. L’égalité de traitement des entreprises

Les entreprises de l’UE doivent être traitées de la même manière que les entreprises locales. Cela signifie qu’elles peuvent créer une société et exercer des activités commerciales dans d’autres pays de l’UE comme si elles étaient des entreprises nationales.

Exemples de décisions importantes :

  • Centros (1999) : Une société a pu s'enregistrer dans un autre pays de l'UE pour bénéficier de règles plus avantageuses, même si son activité se déroulait dans un autre pays.
  • Daily Mail (1988) : Le Royaume-Uni a été autorisé à limiter le transfert de siège d'une entreprise si celle-ci ne respectait pas certaines conditions nationales.

C. L’évolution vers une libre circulation des sociétés

Au fil du temps, la JP de la Cour de justice de l’UE a permis une libre circulation accrue des entreprises dans l’UE. Par exemple, dans l'affaire Überseering (2002), la Cour a décidé qu'une société immatriculée dans un autre pays de l'UE pouvait exercer des actions en justice dans un autre pays membre, même si son activité n'y était pas.

Les arrêts Viking (2007) et Laval (2007) ont montré que les entreprises peuvent transférer leur siège social dans un autre pays membre, même si cela affecte les droits des travailleurs. Cela renforce le principe de la libre circulation des entreprises tout en posant des questions sur les droits des travailleurs.

II/La libre prestation de services au sein de l’UE :


Le critère distinctif issu de la JP Ghébard :

Le critère qui découle de la JP Ghébard consiste à distinguer si la prestation de service est permanente ou temporaire, ce qui permet de déterminer quel régime juridique sera applicable. Cette distinction est essentielle pour la qualification des services, et pour l’application de la directive sur la libre prestation de services. Ce critère implique qu’une prestation de service, si elle est temporaire, bénéficie des avantages de la LPS et peut être exercée librement dans un autre État membre sans être soumis à la réglementation nationale de l’État d’accueil, à moins que celle-ci ne constitue une mesure proportionnée et nécessaire pour la protection de l’ordre public.

La JP Association Professionnelle Elite Taxi (2017) :

Dans l’affaire Association Professionnelle Elite Taxi, il y avait un conflit entre les chauffeurs de taxis à Barcelone et la société Uber Spain. Les chauffeurs de taxi étaient soumis à des régulations strictes, telles que l’obtention d’une licence, la formation et des examens pour exercer leur activité. En revanche, les chauffeurs Uber ne nécessitaient aucune licence professionnelle ou formation, ce qui créait une concurrence déloyale selon les taxis. Les taxis ont donc porté l’affaire devant les juridictions espagnoles pour demander l’interdiction de l’activité Uber.

La CJUE a jugé que le service fourni par Uber constituait un service de transport spécifique, et qu’il incombait aux autorités publiques d’organiser les conditions d’exercice de cette activité. En conséquence, les autorités espagnoles pouvaient interdire l’activité d’Uber à Barcelone, au motif qu’elle enfreignait les réglementations locales régissant le secteur du transport.

La JP Uber France SAS (2018) :

Dans une autre affaire, Uber France SAS a été confrontée à des chauffeurs non professionnels utilisant l’application UberPop, un service permettant à des particuliers non professionnels d’offrir des services de transport rémunérés. La CJUE a validé la législation française, spécifiquement la loi Thévenoud, qui imposait aux chauffeurs VTC de détenir une formation et une habilitation avant d’exercer.

Cette décision a souligné qu’un service de transport, même s’il est fourni par des non-professionnels, relève des règles nationales régissant la sécurité et l’ordre public. La CJUE a précisé que la directive services ne s’appliquait pas dans ce cas précis, car les règles de sécurité et de formation sont considérées comme des mesures justifiées dans l’intérêt public. La décision a donc restreint l’application de la libre prestation de services dans le secteur du transport.

L'impact des nouvelles technologies :

L'évolution technologique rend de plus en plus difficile la détermination du caractère transfrontalier de certaines prestations de services. Par exemple, des services comme ceux d’un avocat ou d’un architecte sont relativement faciles à géolocaliser, mais les services financiers ou électroniques, tels que les jeux de hasard en ligne, sont beaucoup plus difficiles à localiser. Cela complique l’application des règles sur la LPS et le droit applicable. Dans ce contexte, la CJUE s’efforce d’appliquer le critère du caractère transfrontalier, en fonction de la possibilité de transférer des services d'un État membre à un autre.

Conditions d’application de la LPS :

  1. Le caractère transfrontalier : Le service doit être temporaire et transfrontalier. L’appréciation de la durée, fréquence, périodicité et continuité de la prestation est déterminée à partir de la JP Ghebarte de 1995. Un service peut être temporaire même si l'opérateur établit une structure temporaire dans un autre État membre (par exemple, un bureau ou un cabinet d’études).
  2. L'interdiction générale de restrictions à la LPS : L'article 56 du TFUE interdit les restrictions à la LPS, sauf si celles-ci sont justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, ou de santé publique. En outre, l'article 57 du TFUE précise que les services doivent être fournis contre rémunération et ne sont pas soumis aux règles sur la libre circulation des personnes.

A. Le champ d’application de la LPS :

1) Les bénéficiaires de la LPS :

  • Les personnes physiques : La CJUE a élargi la notion de LPS à tous les citoyens européens. Par exemple, dans l’affaire Luisi et Carbone (1984), la CJUE a jugé que les transferts de devises entre États membres ne pouvaient être restreints. De même, les ressortissants européens doivent être libres de se déplacer pour des soins médicaux ou des études, comme le précise l'arrêt Cowan (1989).
  • Les personnes morales : L’application de la LPS est également étendue aux entreprises établies dans un État membre. Cela a été affirmé par la CJUE dans le cadre du droit d’établissement, où les restrictions qui empêchaient les entreprises de s’implanter dans un autre État membre étaient supprimées.
  • Les prestations dans le domaine médical : Un exemple important est celui du tourisme médical où un citoyen de l'UE peut se rendre dans un autre État membre pour se faire soigner. Cela soulève la question des régimes de sécurité sociale, chaque pays ayant un système propre. La CJUE a traité ce problème, en particulier dans l'affaire Commission c/ France (2010), où la France a été critiquée pour ses restrictions sur la prise en charge des soins médicaux à l’étranger. Cependant, la CJUE a validé certaines restrictions basées sur des raisons de planification budgétaire.

2) Les domaines de la LPS :

L'article 57 du TFUE énumère plusieurs domaines professionnels couverts par la LPS, tels que les activités industrielles, commerciales, artisanales, et les professions libérales.

Conditions de la LPS :

  • Un contrat entre le prestataire et son client.
  • Une activité éco fournie contre rémunération, comme confirmé dans la JP Jundt (2007).
  • L'activité doit concerner des prestations indépendantes.

La CJUE a confirmé cette approche dans des affaires comme Google Island (2020) où elle a souligné que la Hongrie ne pouvait pas imposer des amendes de manière abusive pour des services publicitaires internationaux.

Exceptions et activités exclues :

Les activités liées à l'exercice de l’autorité publique (par exemple, certaines activités sociales, éducatives et judiciaires) sont exclues de la LPS, conformément à l’article 51 du TFUE.

B. Le régime juridique de la LPS :

1) L’effet direct et le principe de non-discrimination :

L'effet direct de l'article 56 du TFUE est illustré par l’arrêt Van Binsbergen (1974), où la CJUE a appliqué les principes de la non-discrimination à l'égard des prestataires de services en raison de leur nationalité. Ce principe, combiné à l'interdiction de restrictions injustifiées à la LPS, constitue l'un des principes fondamentaux du marché intérieur européen.

2) Les restrictions justifiées par un intérêt général :

Dans des affaires comme Manfred Sager (1991) et Markus StoB (2010), la CJUE a rappelé que les restrictions à la LPS peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, comme la protection des consommateurs ou la lutte contre les dépendances au jeu. Cependant, ces restrictions doivent respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire que les mesures prises doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au but recherché.

Conclusion :

La libre prestation de services au sein de l’UE est un principe fondamental du marché intérieur, mais elle se heurte à des contraintes d’ordre public et de sécurité. L'évolution technologique et les nouvelles formes de services, comme ceux fournis par des plateformes numériques, posent de nouveaux défis pour l’application des règles existantes. Les décisions de la CJUE ont permis de clarifier ces questions, en équilibrant la liberté de prestation avec la nécessité de réguler certains secteurs pour protéger l’intérêt général.

Titre II : Le droit de la concurrence de l’UE :

Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont imposé un modèle éco libéral à l’Europe, notamment à travers le Plan Marshall. Ce modèle inspiré des États-Unis a conduit à l’introduction de règles de concurrence dans le Traité de Rome (1957), visant à établir un marché commun européen. Ces règles s’inspirent des législations antitrust américaines, dont :

  • Sherman Act (1890) : Interdiction des ententes entre entreprises qui restreignent la concurrence.
  • Clayton Act (1914) : Interdiction des discriminations concurrentielles entre États.
  • Webb-Pomerene Act (1918) : Application des règles de concurrence aux exportations.

Ces inspirations ont permis la création d'un droit européen de la concurrence autour de 4 pratiques principales :

  1. Les ententes (Article 101 TFUE) : Ce texte interdit les accords ou pratiques concertées qui faussent la concurrence. Cela inclut les cartels, les accords de prix fixes, ou les restrictions de production.
  2. Les abus de position dominante (Article 102 TFUE) : Toute entreprise en position dominante ne doit pas exploiter cette position pour nuire à la concurrence, par exemple, en imposant des prix excessifs ou en excluant des concurrents du marché.
  3. Les aides d’État (Article 107 TFUE) : Les aides accordées par les États membres aux entreprises doivent être compatibles avec le marché intérieur et ne pas fausser la concurrence.
  4. Les concentrations (Règlement n°139/2004) : Les fusions et acquisitions sont soumises à un contrôle pour éviter une concentration excessive qui nuirait à la concurrence.

1. La politique commerciale commune et l'intégration du marché intérieur

Les EM ont adopté une politique commerciale commune, en parallèle du marché unique, visant à ouvrir les marchés en favorisant l’exportation et l’importation de biens et de services. Ce transfert de souveraineté aux institutions communautaires a permis à l’UE d’adopter une politique + forte lors des négociations commerciales internat°. Le marché intérieur, créé par l’UE, repose sur l'idée que la concurrence doit être libre et non faussée, et la réglementation de la concurrence est essentielle pour maintenir l'équilibre du marché.

2. Les acteurs dominants et la régulation de la concurrence

Actuellement, des géants technologiques comme Google, Amazon, Facebook, Apple, et Microsoft sont dominants non seulement au niveau européen mais mondial. Ces entreprises sont des acteurs éco puissants, au point d’avoir des ressources comparables à celles des États. Elles exploitent des données massives et optimisent leurs situations fiscales, ce qui leur donne un pouvoir de marché considérable, qui peut nuire à la concurrence. L'UE a donc mis en place une régulation proactive de ces entreprises afin d'empêcher toute distorsion de la concurrence.

3. Application des principes de la concurrence par la CJUE

La CJUE a posé plusieurs principes clés du droit de la concurrence :

  • L’effet direct des règles de concurrence : Selon l'arrêt Courage Ltd c. Crehan (2001), toute entreprise, même un particulier, peut demander des réparations pour préjudices résultant de pratiques anticoncurrentielles, même si un contrat d'exclusivité avait été signé. Ce principe a été renforcé par l'arrêt Vincenzo Manfredi (2006), où la CJUE a souligné qu’un particulier peut revendiquer la nullité d’un contrat anticommunautaire et demander réparation devant une juridiction nationale.

Ces arrêts ont été intégrés dans le règlement n°1/2003, qui a renforcé les droits des particuliers dans la mise en œuvre des règles de la concurrence de l'UE.

4. Les autorités de régulation de la concurrence

Les autorités publiques responsables de la régulation de la concurrence sont les autorités de régulation. À l'échelle européenne, la Commission européenne est l’organe principal chargé de la politique de concurrence. La Direction générale de la concurrence, dirigée par la commissaire Margrethe Vestager, surveille le respect des règles de concurrence et engage des enquêtes en cas de violation. En France, c'est l'Autorité de la concurrence qui veille à l’application du droit national de la concurrence.

5. Le rôle des États membres dans la concurrence

L’article 3 du TFUE confère à l'UE une compétence exclusive en matière de concurrence, et les États membres ne peuvent adopter des mesures de concurrence qui affectent les relations avec d’autres États. L’article 120 du TFUE précise que les États membres doivent garantir une concurrence libre et non faussée. Cette compétence exclusive de l’UE fait en sorte que la concurrence reste libre dans le marché intérieur et évite les mesures protectionnistes.

6. La logique libérale du droit de la concurrence européen

Depuis le traité de Rome, l’UE a adopté une approche libérale en matière de concurrence, visant à éviter que des entités publiques ou privées n’interviennent pour fausser les conditions du marché. La libre concurrence est perçue comme un moteur de croissance éco et un moyen d’assurer une égalité des chances pour toutes les entreprises, qu'elles soient petites ou grandes.

Conclusion :

Le droit de la concurrence de l'UE vise un marché libre et non faussé, crucial face à la domination des grandes entreprises mondiales. La CJUE, par ses arrêts, renforce l'applicabilité des règles nationales et assure un contrôle strict des pratiques anticoncurrentielles via la Commission et les autorités nationales.


Chapitre 1 : Les pratiques anti-concurrentielles opposables aux entreprises privées

1. Le cadre juridique de la concurrence en Europe

Le Règlement du 16 décembre 2002 est essentiel pour appliquer les règles de concurrence en Europe, définissant des principes généraux de droit (PGD) applicables aux États membres (EM).

2. Les notions clés des pratiques anti-concurrentielles

  • Entreprise et activité éco : L'entreprise selon la CJUE est une organisation poursuivant un but éco. Par exemple, une société et ses filiales peuvent être considérées comme une seule entité éco si elles partagent des objectifs communs. La question de l’autonomie juridique d’une filiale par rapport à sa maison mère est importante pour déterminer la responsabilité des pratiques anti-concurrentielles.
  • La CJUE dans l'affaire Mannesmann (1962) définit l'entreprise comme une organisation d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant un but éco.
  • L’affaire Itochu Corp (2009) a illustré comment une société mère et ses filiales peuvent être responsables ensemble des pratiques anti-concurrentielles (exemple du cloisonnement géographique des ventes de Nintendo).
  • Activité éco : Selon la CJUE (1988 et 1998), toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné est considérée comme une activité éco, indépendamment de la forme juridique de l'entité.
  • L'application du droit européen ne tient pas compte des statuts juridiques des entreprises, ni de leur situation géographique. Par exemple, le droit de la concurrence s'applique aux entreprises publiques et privées de manière égale.

3. Le marché pertinent et le pouvoir de marché

Le concept de marché pertinent détermine si une entreprise a un pouvoir de marché suffisant pour affecter la concurrence :

  • Marché pertinent : Dans l'affaire United Brands (1978), la CJUE a défini le marché pertinent en fonction du produit ou service concerné et de la zone géographique. Par exemple, la question dans l’affaire Coca-Cola était de savoir si le Coca-Cola faisait partie d'un marché plus large de sodas ou s'il constituait un marché à part.

4. Affectation du commerce entre États membres (EM)

  • Affectation du commerce : La CJCE, dans l'affaire Walt Wilhelm (1969), a établi que les pratiques anti-concurrentielles affectant le commerce entre États membres de l'UE peuvent être sanctionnées par le droit européen, même si elles n’ont pas d’impact immédiat sur tous les EM.


I. Le contrôle des ententes entre entreprises

Les ententes anti-concurrentielles sont souvent sanctionnées au niveau européen, avec des amendes lourdes. Par exemple, en 2021, plusieurs banques ont été condamnées pour s’être accordées sur les prix sur les marchés financiers.

Les ententes peuvent être horizontales ou verticales :

  • Ententes horizontales : Concernent des entreprises concurrentes qui se mettent d’accord sur leurs prix ou conditions commerciales (exemple : l’affaire Valve dans les jeux vidéo, où des éditeurs ont bloqué la vente transfrontalière de jeux).
  • Ententes verticales : Concernent des entreprises de niveaux différents (par exemple, entre producteurs et distributeurs). Ces ententes sont plus difficiles à détecter.

A. La qualification juridique des ententes

L’article 101 du TFUE interdit toutes les ententes entre entreprises qui affectent le commerce entre EM et faussent la concurrence. Cette interdiction concerne des pratiques comme :

  • La fixation des prix
  • Le contrôle de la production ou de l'approvisionnement
  • La répartition des marchés

B. La preuve de l’entente par les autorités de concurrence

Les autorités compétentes pour sanctionner les ententes sont la Commission européenne et, dans certains cas, les autorités nationales (comme l’Autorité de la concurrence en France). La Commission peut enquêter et sanctionner les pratiques anti-concurrentielles. Par exemple, si une entente concerne plusieurs pays, la Commission européenne intervient pour éviter la double sanction.


Les Abus de Position Dominante

Les Abus de Position Dominante : L'Affaire United Brands et sa JP

1. Introduction et contexte de l'affaire United Brands

L'affaire United Brands (14 février 1978) est un arrêt clé de la Cour de justice de l'UE(CJUE) qui a clarifié les critères de l'abus de position dominante en vertu de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE). Cette affaire concerne la société United Brands, désormais connue sous le nom de Chiquita, l'un des principaux producteurs et distributeurs mondiaux de bananes.

United Brands avait une position dominante sur le marché de la banane en Europe, ce qui lui permettait de fixer ses prix de manière indépendante et de dicter les conditions commerciales à ses clients, notamment ses distributeurs et revendeurs. Cette situation a été analysée sous l'angle de l'abus de position dominante, car l'entreprise a utilisé sa position pour imposer des conditions de vente inéquitables et discriminer certains de ses clients.

2. La position dominante et ses conséquences

Définition d'une position dominante

Une position dominante se définit comme une situation dans laquelle une entreprise détient un pouvoir de marché suffisant pour influencer ou restreindre la concurrence sur un marché donné, indépendamment des actions de ses concurrents. Ce pouvoir peut se traduire par la capacité d'une entreprise à dicter les prix, à exclure de nouveaux entrants ou à imposer des conditions contractuelles de manière déséquilibrée.

Dans l’affaire United Brands, la société détenait une position dominante sur le marché des bananes en raison de sa part de marché significative et de sa capacité à influencer le prix des bananes en Europe. Elle contrôlait une grande partie de la production et de la distribution de ce fruit, ce qui lui permettait de fixer des prix plus élevés que ceux du marché concurrentiel.

3. Le marché pertinent

Le marché pertinent est un concept clé dans l’analyse d’une position dominante. Il s’agit de la délimitation du marché sur lequel une entreprise exerce son pouvoir, en fonction des produits et de la zone géographique concernés. Dans l’affaire United Brands, la Commission européenne a d'abord dû déterminer si les bananes constituaient un marché distinct des autres fruits, comme les oranges ou les pommes.

La Commission a jugé que les bananes formaient un marché distinct, car elles ne sont pas facilement substituables par d'autres fruits dans les habitudes de consommation des Européens, ce qui a permis de qualifier la position dominante d'United Brands. Cette décision a établi un précédent important pour la qualification des marchés spécifiques dans le cadre de l’abus de position dominante.

4. Les pratiques anti-concurrentielles de United Brands

L'imposition de conditions de vente abusives

United Brands a été accusée d'avoir abusé de sa position dominante en imposant des prix excessifs et des conditions de vente désavantageuses à ses distributeurs et revendeurs. Par exemple, elle a imposé des prix fixes sur ses bananes et a exclu certains concurrents en pratiquant des conditions de vente discriminatoires. Ces pratiques ont nui à la concurrence, car elles ont empêché d'autres producteurs de bananes d'entrer sur le marché ou de rivaliser sur un pied d'égalité.

La société a également été accusée de vendre des bananes non mûres (à l'état vert) à ses distributeurs, obligeant ces derniers à les conserver jusqu'à maturité, ce qui leur imposait des coûts supplémentaires. Cette situation était particulièrement désavantageuse pour les petites entreprises et a renforcé le contrôle d'United Brands sur la chaîne d'approvisionnement des bananes en Europe.

La fixation de prix excessifs

En imposant des prix de vente au-dessus du niveau du marché, United Brands a restreint la concurrence en éliminant les petits producteurs et revendeurs, ce qui est caractéristique d'un abus de position dominante. Selon la JP de la CJUE, une entreprise en position dominante ne doit pas exploiter de manière excessive sa position pour imposer des prix injustifiés ou restreindre la concurrence.

5. La réaction de la Commission européenne

La Commission européenne, alertée par des plaintes de distributeurs et de concurrents, a ouvert une enquête contre United Brands en 1975. Elle a conclu que l'entreprise avait enfreint l'article 102 du TFUE en abusant de sa position dominante pour limiter la concurrence et imposer des conditions commerciales injustes.

En conséquence, la Commission a infligé à United Brands une amende pour violation des règles de la concurrence. L'affaire a été un tournant majeur pour la régulation des pratiques anti-concurrentielles au sein de l’UE , car elle a mis en lumière les abus possibles d'une position dominante sur un marché spécifique.

6. JP clé et l'influence de l'affaire United Brands

L'arrêt United Brands a posé plusieurs principes essentiels en matière de régulation des positions dominantes. D'abord, il a mis en évidence que le fait d'exercer une position dominante n'est pas illégal en soi, mais que l'abus de cette position est prohibé par la législation européenne. L'affaire a aussi élargi la notion de marché pertinent, en confirmant que certains produits, même s'ils font partie d'une catégorie plus large, peuvent être considérés comme des marchés distincts.

Cette JP a eu un impact sur d'autres affaires de concurrence, comme l'affaire Hoffmann-La Roche en 1979, où une entreprise active dans la production de vitamines a également été jugée coupable d'abus de position dominante.

7. La procédure de sanction pour abus de position dominante

L'enquête sur les abus de position dominante suit un cadre procédural rigoureux, tel qu'établi par le Règlement 1/2003. Lorsqu'une entreprise est soupçonnée d'abuser de sa position dominante, la Commission européenne peut engager une procédure d'enquête qui comprend des auditions, des consultations avec les parties prenantes et des analyses approfondies du marché. Si un abus est constaté, la Commission peut imposer des sanctions financières et ordonner la cessation de pratiques anticoncurrentielles.

Dans l'affaire United Brands, après une analyse détaillée du marché de la banane et des pratiques commerciales de l'entreprise, la Commission a décidé que United Brands abusait de sa position dominante et a prononcé une amende.

B/ La caractérisation de l’abus de position dominante

La qualification de position dominante ne signifie pas nécessairement qu'une entreprise a agi de manière abusive. Une entreprise peut être en position dominante sans être sanctionnée. Ce qui est sanctionné, c’est l’exploitation abusive de cette position dominante, caractérisée par des comportements commerciaux qui influencent la structure du marché et font obstacle au maintien d’un degré suffisant de concurrence. Dans ce cadre, la Commission Européenne (CE) a dû développer des critères afin d'identifier et prévenir ces comportements commerciaux agressifs. L’article 102 du TFUE distingue deux types d’abus : les abus d’exploitation et les abus d’éviction.

1) Les catégories d'abus de position dominante (APD)

Il existe une distinction entre deux catégories d'abus : les abus d’exploitation et les abus d’éviction. Ces abus sont caractérisés par des comportements commerciaux spécifiques et peuvent affecter la concurrence sur le marché.

A) Abus d’exploitation

Les abus d’exploitation sont relativement rares. Cela s’explique par le fait qu’ils découlent souvent d’une exploitation normale d’un secteur, sans pour autant conduire à l’éviction de la concurrence. En conséquence, il existe peu de JP sur ce type d’abus, car ils ne résultent généralement pas en un déséquilibre structurel du marché.

B) Abus d’éviction

Les abus d’éviction, en revanche, sont plus fréquents et concernent des pratiques commerciales agressives dont le but est d'évincer les concurrents d'un marché donné. Ces abus visent à éliminer la concurrence en utilisant des méthodes commerciales manipulatrices ou déloyales.

Exemples concrets d’abus d’éviction :

  1. Affaire Microsoft : Microsoft, leader mondial des logiciels, a été accusée par la Commission Européenne d’abus de position dominante en 2004. Le groupe a bloqué l'interopérabilité de son logiciel multimédia (Windows Media Player) avec d’autres logiciels concurrents. Microsoft exploitait sa position dominante sur le marché des systèmes d’exploitation pour favoriser son propre logiciel multimédia et empêcher les autres éditeurs d’être compatibles avec son système. En conséquence, la Commission Européenne a imposé une amende de près de 500 millions d'euros et a exigé que Microsoft rende publiques ses données d’interopérabilité. Cette décision a été confirmée par le Tribunal de l'UE en 2007. Cet exemple illustre l’exploitation abusive de la position dominante pour étouffer la concurrence.
  2. Affaire British Airways : British Airways (BA) a utilisé des pratiques commerciales agressives en offrant des primes aux agences de voyages pour vendre ses billets, afin de favoriser ses propres produits et écarter les concurrents. Ce comportement a été jugé comme un abus d’éviction.
  3. Affaire France Télécom : France Télécom a appliqué une stratégie de « prix de prédateur » en réduisant drastiquement ses prix lorsque le marché de la téléphonie s’est ouvert à la concurrence. Cette politique a pour but d'évincer les concurrents incapables de suivre ces tarifs bas. Une telle stratégie est également considérée comme un abus de position dominante.

2) Sanctions liées aux abus de position dominante

Les sanctions à l’encontre des abus de position dominante peuvent être administratives, mais la plupart des cas entraînent des sanctions financières, telles que des amendes ou des astreintes. Ces amendes sont calculées en fonction de la gravité de l’infraction et de sa durée. Elles ne peuvent dépasser 10% du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise incriminée, et la Commission Européenne peut ajouter des astreintes pour forcer l’entreprise à cesser son comportement abusif.

Exemples de sanctions financières :

  1. Google : Google a été sanctionné à trois reprises pour des pratiques anticoncurrentielles.
  • En 2017, la Commission Européenne a infligé à Google une amende record de 2,42 milliards d'euros pour avoir favorisé ses propres produits dans les résultats de son moteur de recherche via Google Shopping, au détriment de ses concurrents.
  • En 2018, Google a été à nouveau sanctionné pour un montant de 4,34 milliards d'euros pour des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des appareils Android, en imposant la préinstallation de ses applications sur les smartphones.
  • En 2019, une autre amende de 1,49 milliard d'euros a été infligée à Google pour avoir utilisé sa position dominante dans la publicité en ligne pour éliminer ses rivaux.

Ces amendes illustrent l'importance de la régulation des pratiques des entreprises dominantes sur le marché européen.

3) Le concept de « Brussels Effect »

Le "Brussels Effect" désigne la capacité de l'UE à imposer ses régulations aux entreprises, même en dehors de son territoire. Ana Bradford, dans son livre sur le sujet, explique comment l'UE exerce une pression importante sur les entreprises situées hors de son territoire, en raison de son marché attrayant et de sa réglementation stricte. Cette influence permet à l'UE de se distinguer des autres zones éco comme l’Asie ou l’Amérique du Nord. Par exemple, des entreprises comme Google, qui sont basées en dehors de l'UE, se voient contraintes de se conformer aux lois européennes sous peine de lourdes amendes. Cela démontre la puissance du droit de la concurrence de l'UE et son rôle central dans la régulation des pratiques commerciales des géants mondiaux.


L'affaire United Brands a défini l'abus de position dominante et influencé les décisions de la Commission européenne et de la CJUE. Elle reste une référence importante pour réguler les entreprises dominantes en Europe.


Chapitre 2 : Les pratiques anti-concurrentielles

Le droit de l’UE, selon les articles 119, paragraphes 1 et 2 du TFUE, impose le principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre. Ce principe de libre concurrence s’applique tant aux entreprises privées qu’aux entreprises publiques, conformément à l’article 106, paragraphe 1 du TFUE. Cette approche, instaurée dès le traité de Rome de 1957, a profondément influencé la conception des services publics au sein des États membres (EM). En effet, la majorité des EM disposaient de régimes juridiques spécifiques pour protéger leurs secteurs publics, ou du moins pour les soumettre à des règles distinctes du droit commun.

Jusqu’aux années 1980, la Cour européenne (CE) était relativement peu regardante sur l’application des règles de concurrence aux secteurs publics. Cependant, cette approche a changé progressivement après le Livre blanc du 14 juin 1985 sur le marché intérieur, où la CE a commencé à s’attaquer aux monopoles nationaux détenus par les EM, notamment dans des secteurs stratégiques comme les transports, les télécommunications et l’énergie. Cette période de transition, entre les années 1980 et 1990, a conduit à une privatisation massive de nombreuses entreprises publiques, suivie de la mise en concurrence de ces dernières.

Exemples de privatisation :

  • Air France, nationalisée en 1945, a été privatisée en 1999 (partiellement d'abord, puis intégralement avec la fusion avec KLM en 2004). L’État français conserve encore 28,6 % du capital, et l’État néerlandais est également un actionnaire important. Ainsi, les deux États demeurent les principaux actionnaires pour conserver un certain contrôle sur un secteur stratégique tel que l’aviation.
  • France Télécom (ajd Orange), est devenue une société anonyme en 1996. Son capital a été partiellement ouvert à d’autres actionnaires en 2004, mais l’État en conserve 26,9 %.
  • La Poste a été transformée en société anonyme en 2010, mais l’État détient toujours 100 % de son capital.
  • La SNCF est encore une entreprise publique, qui conserve un monopole national. Cependant, l’État se prépare progressivement à la concurrence dans le secteur ferroviaire, bien qu'il soit encore en situation de monopole. Le même constat s’applique à la RATP.

Ces exemples montrent que les EM de l’UE n’ont pas abandonné leurs secteurs stratégiques, mais ont simplement adapté la structure et le capital de leurs entreprises pour respecter les règles de concurrence imposées par la CE.

Le droit de la concurrence de l’UE repose avant tout sur la notion d’activité éco. La CJUE, dans son arrêt Höfner du 23 avril 1991, a précisé que la notion d'entreprise comprend "toute entité exerçant une activité éco, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement". Cette décision a concerné l’application des règles de concurrence à un office de l’emploi en Allemagne.


I. Les aides d’État au sein de l'UE :

Les aides d’État =soutiens financiers accordés par les autorités pblc nat° aux entreprises, qu'elles soient pblc ou pv, qui peuvent fausser la concu en produisant des effets protectionnistes. De telles aides sont donc contraires aux règles du marché intérieur de l’UE, où la concurrence doit être libre. Le contrôle de ces aides est essentiel pour maintenir l'intégrité du marché intérieur.

L’article 107 du TFUE pose le principe général de l’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, et l’UE met en place un système d’autorisation préalable. L’art 107/108 du TFUE, cependant, ne dispose pas d’un effet direct : il s’applique uniquement entre les EM et la CE, et les particuliers ne peuvent pas invoquer directement ces articles devant les juridictions nationales.

Depuis l’arrêt Altmark de la CJCE du 24 juillet 2003, des règles spécifiques sont appliquées aux aides d’État accordées dans le cadre des SIEG (Services d'Intérêt éco Général).


A. Le régime juridique des aides d'État :

  1. L’incompatibilité de principe des aides d’État :

L’article 107, paragraphe 1 du TFUE dispose : "Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions."

La notion d’aide d’État est donc définie de manière large, incluant "tout avantage, quel qu’en soit la forme (subvention, prêt, dispense de charges, réduction d’impôts)", dès lors que la mesure est d’origine étatique, que des ressources publiques sont mises en cause, et que cette aide bénéficie à une entreprise ou à une production spécifique.

Critères essentiels :

  • Il faut qu’il y ait un avantage financier.
  • Cet avantage doit provenir d’une autorité publique nationale.
  • L’avantage doit être accordé à une entreprise en faussant la concurrence.

Les aides publiques, qu’elles soient nationales, régionales ou locales, sont concernées par ces règles. Ces mesures peuvent fausser la concurrence et affecter les échanges communautaires, ce qui les rend incompatibles avec le marché intérieur.


JP :

  • CJCE, 13 mars 2001, PreussenElektra : Cette affaire concernait une obligation imposée par une réglementation étatique allemande qui obligeait les distributeurs d’électricité à acheter de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. La Cour a estimé qu’il ne s’agissait pas d’une aide d’État, car l’avantage éco n’était pas financé par des ressources publiques, ce qui restreint la définition des aides d’État.

Les entreprises doivent donc prouver que l’aide publique est nécessaire pour leur survie sur le marché et justifier que l’avantage éco qui leur est procuré n’aurait pas pu être obtenu dans des conditions normales de marché.

Le ctrl des aides d’État :

Depuis 1957, le traité fondateur a préparé le terrain pour un contrôle des aides d’État, en vertu de l’article 108 du TFUE. Les autorités pblc doivent notifier préalablement toute subvention accordée à la CE. Ce processus est connu sous le nom de procédure de notification, qui concerne les autorités nationales, régionales et locales. La Direction générale de la concurrence de la CE est responsable de ce contrôle, et elle rend une décision qui détermine la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide.

La CE dispose de plusieurs options :

  1. L’aide n’est pas considérée comme une aide d’État.
  2. L’aide est jugée incompatible et interdite.
  3. La CE autorise l’aide si elle est justifiée.

Les décisions de la CE peuvent être contestées par les entreprises concernées, notamment les entreprises lésées.


Ex=

  • Affaire France Télécom, 2011 : La CJUE a confirmé que l’obligation de notification des aides d’État était essentielle pour assurer leur légalité. En l'absence de notification, une aide d’État est considérée comme illégale et doit être récupérée. Dans cette affaire, France Télécom a dû rembourser à l'État français une aide jugée incompatible.
  • Affaire Apple, 2016 : La CE a ordonné à l’Irlande de récupérer une aide fiscale illégale accordée à Apple, à hauteur de 13 milliards d'euros. En 2020, le Tribunal de l’UE a annulé cette décision, jugeant que ces aides étaient compatibles. La CE a interjeté appel et attend actuellement la décision de la CJUE.


B/ Les aides d’État compatibles avec le marché intérieur

1) Les exemptions par catégorie

L'article 107§ 2 TFUE mentionne des types d'aides qui peuvent être compatibles avec le marché intérieur :

  • Les aides à caractère social : Cela concerne les aides destinées aux consommateurs individuels pour les aider à accéder à certains services ou produits essentiels.
  • Les aides pour des catastrophes naturelles : Par exemple, après la tempête Xynthia en France en 2010, la Commission européenne a autorisé l’utilisation de fonds pour soutenir les collectivités et entreprises touchées.
  • Les aides en période de crise, comme le COVID-19 : La Commission européenne a permis des aides massives entre 2020 et 2022 pour soutenir les économies face à la crise du COVID, notamment en autorisant 730 milliards d'euros d'aides pour les entreprises.

Ex juridiques :

  • Ryanair contre la Commission européenne (7 février 2024) : Ryanair contestait une aide de 3,4 milliards d’euros accordée à KLM sous forme de prêt bancaire. La Cour a annulé cette aide, estimant qu’elle n’était pas justifiée par la crise du COVID.
  • Ryanair contre la Commission européenne (20 décembre 2023) : Dans ce cas, Ryanair contestait une aide de 4 milliards d’euros accordée par la France à Air France/KLM, et la Cour a estimé que l’aide n’était pas directement liée à la crise sanitaire, mais à un soutien indirect pour des projets de capitalisation.

2) Autres catégories d’aides (Article 107, paragraphe 3)

Certaines aides peuvent aussi être autorisées selon des critères spécifiques, comme :

  • Aides pour les régions défavorisées : Aides pour les zones où le niveau de vie est bas ou où il y a beaucoup de chômage.
  • Aides pour des projets européens importants : Par exemple, pour des projets qui apportent un bénéfice à l’ensemble de l’UE
  • Aides à la culture et au patrimoine : Celles qui soutiennent la culture ou la conservation du patrimoine, tant qu’elles ne faussent pas la concurrence.
  • Autres catégories décidées par le Conseil européen : Cela inclut des aides pour certaines activités comme l’environnement, les PME, les femmes entrepreneures, la formation, ou encore des aides pour les travailleurs handicapés.

3) Aides de minimis

Ce sont des aides de faible montant, généralement inférieures à 300 000 euros sur trois ans. Elles ne sont pas considérées comme ayant un impact sur le marché intérieur et peuvent être données sans nécessiter une autorisation préalable de la Commission.

A. Le régime juridique des aides d’État

1) L’incompatibilité de principe des aides d’État

L’article 107, paragraphe 1 du TFUE stipule que, sauf exception, toutes les aides d’État sont incompatibles avec le marché intérieur si elles faussent la concurrence en favorisant certaines entreprises. En gros, si un gouvernement aide une entreprise d’une manière qui désavantage les autres entreprises européennes, cela peut être problématique.

2) Les compensations pour les services publics

Depuis 2003, la CJUE a précisé dans la JP Altmark (2003) que les subventions pour des services d’intérêt éco général (SIEG) sont autorisées, tant qu’elles respectent 4 critères de transparence. Par exemple, si un gouvernement soutient une entreprise qui fournit un service public (comme les transports publics), cela peut être légal si :

  1. Il y a bien une intervention de l’État.
  2. Cela peut affecter les échanges entre États membres.
  3. L’aide doit offrir un avantage à l'entreprise.
  4. Cela doit fausser la concurrence (ou le menacer).

3) Les critères pour les aides d’État aux services publics

Si ces critères sont remplis, l’aide peut être considérée comme une compensation pour l’obligation de fournir un service public. L’entreprise ne doit pas obtenir plus que ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts d’un service public, et les paramètres de compensation doivent être transparents.


II. La conception des services publics au niveau européen

L’UE ne définit pas clairement le service public. À la place, elle parle de SIEG. Cela permet de faire une distinction entre les services où la concurrence est autorisée (services marchands) et ceux où la concurrence ne s'applique pas (services non marchands).

Article 106, paragraphe 2 du TFUE : Cet article dit que les entreprises qui gèrent des services d’intérêt éco général doivent respecter les règles de concurrence, sauf si cela empêche de remplir leur mission spécifique. En d’autres termes, on peut limiter les règles de concurrence si cela est justifié par l’intérêt général.

Conclusion

  • Les monopoles publics, comme dans le secteur ferroviaire ou l’électricité, posent encore des problèmes de concurrence au niveau européen. Les États membres doivent réorganiser leurs monopoles pour que les entreprises nationales et européennes puissent accéder aux mêmes conditions de marché.
  • La CJUE protège certains services comme les assurances sociales, où les règles de concurrence ne s'appliquent pas toujours, comme l’a confirmé dans des affaires importantes (par exemple, Poucet et Pristre, 1993).
  • Il reste un manque de définition claire du service public au niveau européen, ce qui pourrait poser des problèmes à l'avenir. Mais pour l’instant, l’Union semble se concentrer sur des solutions pratiques pour concilier le marché unique et les services d’intérêt général.



Sans titre


                       Droit matériel de l’UE :


1) Le contexte historique de l’UE :

 

L’UE = projet né de siècles de conflits, d’expansion impérialiste et de tentatives d’unification visant à garantir paix + stabilité en Europe.

Antiquité et Expansion Impérialiste :

Histoire européenne commence avec conflits entre civilisations avec expansion de la Grèce au 2e siècle av. J.-C. sous l'Empire hellénistique. L’expansion grecque s’étend autour de la Méditerranée, influençant des régions comme l'Afrique du Nord et la Turquie.

=> période marque opposition idéologique entre civilisations grecques et latines, jugées « supérieures », et les peuples dits « barbares » (Celtes, Germains, Perses), légitimant donc des invasions + colonisations.

=> vision d’expansion impérialiste, justifiée par la « peur des barbares » (concept de Todorov), se perpétuera tout au long de l’histoire de l’Europe, justifiant les conquêtes et l’impérialisme.

Empire Romain et Pax Romana :

Empire romain (1er siècle ap. J.-C.) couvre large partie de l’Europe, du bassin méditerranéen à l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Sous Auguste, la Pax Romana garantit 2 siècles de paix intérieure, permettant la prospérité et les échanges commerciaux.

=> L’empire instaure des réformes admin et juridiques, comme l’Édit de Caracalla (212 ap. J.-C.=> accorde la citoyenneté romaine à tous les hommes libres)Mais après le 5e siècle, l’Empire romain se fragmente, marquant le début du M.A


Moyen Âge et Fragmentation :

Après chute Empire romain, l’Europe devient une mosaïque de royaumes rivaux. L’Empire carolingien de Charlemagne, fondé au 9e siècle, unifie une grande partie de l’Europe occidentale, mais après sa mort, l’empire se divise à nouveau.

Le Moyen Âge est marqué par guerres internes : ex: Guerre de Cent Ans (1337-1453) entre la France et l’Angleterre. Les croisades (11e-13e siècles) = tentatives de réunir l’Europe autour d’une idéologie chrétienne commune, mais échouent à instaurer une paix durable et exacerbent les divisions religieuses.

Renaissance, Réformes et Guerres Religieuses :

16e s marqué par la Renaissance, époque de grandes transformations culturelles et intellectuelles. La Réforme protestante de Martin Luther, qui divise l’Église chrétienne, engendre des guerres religieuses, comme la Guerre de Trente Ans (1618-1648), entre États catholiques et protestants.

Les tensions religieuses aggravent les divisions internes de l’Europe, avec des conflits prolongés, notamment dans le Saint-Empire romain germanique.



Les Lumières et les Révolutions :

Les 17e et 18e siècles marquent tournant avec l’émergence des idées des Lumières, qui remettent en cause l’absolutisme monarchique et appellent à des réformes démocratiques. Ces idées inspirent les révolutions, telles que la Révolution anglaise (1642) et la Révolution américaine (1776).

La Révolution française (1789) marque la fin de l’ancien régime et la naissance de la République en France, renforçant les idéaux de liberté, égalité et fraternité, qui influencent l’ensemble de l’Europe.

19e et 20e siècles : Unification et Guerres Mondiales :

=>19e siècle, de nv États nationaux émergent, comme l’unification de l’Italie sous Garibaldi et la formation de l’Empire allemand en 1871 après la guerre franco-prussienne. Ce processus renforce le nationalisme, mais engendre également des tensions avec les États voisins.

Le 20e siècle est marqué par deux guerres mondiales dévastatrices. La Première Guerre mondiale (1914-1918) et la 2e GM (1939-1945) entraînent des destructions massives, des pertes humaines et une réorganisation des frontières en Europe. La 2e GM laisse l’Europe en ruines et souligne l’urgence de la coopération pour éviter de futures guerres.

Après-Guerre et Construction Européenne :

Après la 2e GM, des leaders comme Jean Monnet et Robert Schuman proposent un projet ambitieux d’unité européenne. La création de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) en 1951 = premier pas vers l’intégration éco et politique des pays européens.

En 1957, le Traité de Rome établit la Communauté éco européenne (CEE), qui vise à renforcer les liens éco, favoriser la coopération et garantir une paix durable à travers la coopération supranationale.

=> Ajd, l'UE repose sur l'idée de coopération pour maintenir la paix et favoriser les échanges éco et culturels, tout en respectant la diversité des cultures et des identités nationales, garantissant ainsi une stabilité durable pour l’Europe.


2)Le contexte politique de l’UE :


L'UE a été façonnée par des crises, des conflits et des tentatives de coopération, influencée à la fois par des acteurs européens et l'influence extérieure des États-Unis.

  • Les premières initiatives sous l'impulsion des US :
  • Après 2e GM, l'Europe est dévastée. Les US, par le Plan Marshall, soutiennent la reconstruction éco et politique de l'Europe. La création du Conseil de l’Europe (1949), de l’OTAN (1949) et de l’OCDE (1961) sous influence américaine vise à renforcer la défense collective et à promouvoir la coopération éco. Ces initiatives ont été perçues comme des solutions imposées mais ont consolidé la stabilité européenne.
  • Le Royaume-Uni et l'idée de rapprochement européen :
  • Winston Churchill et d’autres leaders britanniques ont proposé une UE basée sur des valeurs démocratiques et éco, mais ces projets ont été perçus par certains comme une tentative d’imposition. La France et l'Allemagne, soucieuses de reprendre le contrôle, ont lancé le processus de coopération plus profonde, initié par le discours de Robert Schuman en 1950, aboutissant à la création de la CECA (1951) et de la CEE (1957).
  • Les ambitions fédéralistes des années 1950 :
  • Les pères fondateurs, influencés par des figures comme Victor Hugo et Winston Churchill, imaginaient une Europe fédérale (« États-Unis d’Europe »). L'objectif était de garantir la paix par des liens éco et politiques solides. Cependant, face aux résistances politiques, éco et à la peur de perdre la souveraineté, cette idée fédéraliste a perdu de son élan avec le temps, bien que l’UE soit restée supranationale.
  • L'évolution institutionnelle de l'UE :
  • Au fil des décennies, l'UE a mis en place une structure institutionnelle et des traités (comme le Traité de Lisbonne de 2009) permettant une coopération approfondie dans des domaines tels que le commerce, la justice et l'environnement. L’UE est devenue une organisation intergouvernementale, où les États conservent une grande part de souveraineté tout en collaborant dans certains domaines. Elle n’a toutefois jamais été un État fédéral.
  • Les crises récurrentes :
  • L'UE a fait face à plusieurs crises qui ont testé son unité et son intégration :
  • Crise financière de 2008 : Elle a renforcé la gouvernance éco européenne, avec des réformes comme des mécanismes de surveillance budgétaire plus stricts.
  • Crise migratoire de 2011 : Provoquée par les révolutions arabes, elle a divisé l'Europe sur la gestion des flux migratoires.
  • Crise de la Covid-19 : Elle a nécessité une réponse coordonnée en matière de santé publique et de soutien éco, avec des mécanismes de financement pour les États membres.
  • Brexit (2016) : La décision du Royaume-Uni de quitter l'UE a révélé des tensions internes, notamment sur la question de la souveraineté nationale et a renforcé les mouvements populistes en Europe.
  • => Ces crises ont, malgré leurs impacts, renforcé la résilience de l'UE, l'amenant à réagir plus


3)Le contexte économique de l’UE 

  • Un acteur éco majeur en perte de vitesse

L’ UE demeure l’un des acteurs les plus influents de l’économie mondiale, rivalisant avec les États-Unis et la Chine en matière d’échanges commerciaux. Son marché unique et son intégration éco en font une puissance incontournable. Cependant, depuis une vingtaine d’années, elle subit un décrochage progressif face à ces deux superpuissances, suscitant des craintes quant à sa capacité à maintenir son influence.

Pour contrer ce phénomène, l’UE a mis en place différentes stratégies décennales, telles que Europe 2020, le Green Deal et Horizon 2030, visant à renforcer sa compétitivité et assurer une transition éco durable.

2. La crise de 2008 et ses conséquences

La crise financière de 2008 a marqué un tournant majeur pour l’économie européenne. L’UE, qui est l’une des zones éco s les plus riches au monde, a dû faire face à des défis importants pour maintenir son leadership face aux États-Unis et à la Chine.

Afin d’éviter un effondrement éco, elle a mis en place des dispositifs de surveillance budgétaire et d’intervention, notamment :

  • Le semestre européen, un mécanisme permettant de contrôler les budgets des États membres avant leur validation au niveau national.
  • Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), aussi appelé Pacte budgétaire européen, signé le 2 mars 2012, visant à renforcer la discipline budgétaire.
  • Le Mécanisme européen de stabilité (MES), instauré en décembre 2011, qui permet d’apporter une aide financière aux États en difficulté.
  • L’Union bancaire, mise en place pour recapitaliser les grandes banques européennes en échange d’un renforcement des contrôles sur les emprunts.

Ces mesures ont permis d’instaurer davantage de contrôle et de conférer un pouvoir accru aux institutions européennes dans la gestion des crises éco.

3. La problématique de la dette et du déficit public

Un des indicateurs clés du contexte éco européen est la dette publique, qui, selon les critères européens, ne doit pas dépasser 60 % du PIB. Pourtant, la moyenne actuelle dépasse 83 %, en grande partie à cause de la crise grecque et des dettes accumulées par d’autres pays comme l’Italie, la France, la Belgique et le Portugal.

Un autre facteur préoccupant est le déficit public, qui correspond aux dépenses annuelles excédant les recettes d’un État. Normalement, ce déficit ne devrait pas dépasser 3 % du PIB, mais il a explosé avec la crise du Covid-19, obligeant les États à réinvestir massivement dans leurs économies.

4. Une réponse européenne fondée sur les crises

Historiquement, l’UE avance souvent par réaction aux crises. Comme l’a souligné Jean Monnet : « L’Europe se fera dans les crises. » Ce sont ces périodes d’instabilité qui poussent les États membres à accepter davantage d’intégration européenne et de transferts de compétences. Toutefois, en dehors des moments de crise, les gouvernements restent réticents à céder de nouvelles prérogatives aux institutions européennes.

5. Un cadre juridique solide et appliqué

Contrairement aux turbulences éco, le droit de l’UE ne traverse pas de crise structurelle. Il s’applique aux États membres et est juridiquement contraignant, même s’il peut faire l’objet d’interprétations différentes.

Le cadre juridique européen repose sur l’acquis communautaire, qui comprend plus de 15 000 normes, dont environ 3 000 directives et 120 000 règlements. La majorité des règlements ont un caractère modificatif et s’adaptent aux évolutions de l’Union.

La Cour de justice de l’UE (CJUE) joue un rôle central dans l’application du droit européen, avec environ 1 500 affaires portées devant elle chaque année. Sa JP contribue à l’uniformisation et au renforcement de l’ordre juridique communautaire.

6. La gouvernance européenne et ses défis politiques

Sur le plan institutionnel, l’UE a connu des crises de visibilité et de gouvernance. En 2010, un secrétaire d’État américain s’interrogeait : « L’Europe, quel numéro dois-je appeler pour négocier ? », illustrant ainsi le manque de clarté dans l’organisation des institutions européennes.

Actuellement, les principales figures de l’UE sont :

  • Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
  • Antonio Costa, président du Conseil européen.
  • Roberta Metsola, présidente du Parlement européen.
  • La présidence tournante du Conseil de l’UE, actuellement assurée par la Pologne (change tous les six mois).

Seul le Parlement européen est élu au suffrage universel direct. Les autres institutions sont composées de représentants nommés par les États membres, ce qui nourrit parfois des critiques sur le déficit démocratique de l’UE.

Un autre défi institutionnel concerne la montée des gouvernements populistes et eurosceptiques dans certains États membres, notamment en Pologne et en Hongrie, où les autorités ont adopté des mesures remettant en cause l’indépendance de la justice et les principes de l’État de droit.

7. L’évolution de la justice internationale

Le cadre juridique international s’est construit progressivement, notamment après la Seconde Guerre mondiale avec la création des premiers tribunaux internationaux.

  • Le Tribunal de Nuremberg (Allemagne) et son équivalent pour le Japon ont marqué une première étape dans la répression des crimes de guerre.
  • La Cour internationale de justice (CIJ), organe judiciaire des Nations Unies, a été créée pour régler les différends entre États membres (193 pays).
  • Dans les années 1990, sous l’impulsion des États-Unis, des tribunaux pénaux internationaux (TPI) ont vu le jour pour juger les crimes de guerre, notamment en ex-Yougoslavie et au Rwanda.
  • La Cour pénale internationale (CPI), juridiction permanente créée par le Statut de Rome (1998), est chargée de juger les crimes contre l’humanité et les génocides. Toutefois, son pouvoir est limité, car certains pays influents comme les États-Unis, la Chine et la Russie n’ont pas ratifié ce traité.



4)Le contexte juridique de l’UE :


A.Crise institutionnelle de l’UE :

Sur le plan juridique, il n’existe pas de crise juridique à proprement parler. Le droit de l’UE est appliqué dans les États membres et, bien qu’il puisse être sujet à interprétation, il n’est pas contesté en tant que régime juridique.

Cependant, une crise institutionnelle est perceptible, notamment en raison d’un manque de leadership clair au sein des institutions européennes. L’UE est confrontée à la coexistence de quatre présidences différentes, ce qui rend difficile son identification à une seule voix :

  1. Le président du Conseil européen (Charles Michel) est désigné par les États membres et devrait être la principale figure politique de l’UE.
  2. La présidente de la Commission européenne (Ursula von der Leyen) dirige un exécutif fort, composé de 27 commissaires, ce qui lui permet aussi de revendiquer une légitimité politique.
  3. Le président du Parlement européen (Roberta Metsola) représente la seule institution européenne élue au suffrage universel direct (SUD). Bien que le Parlement soit une institution législative, il revendique parfois un rôle dans la représentation politique de l’UE.
  4. La présidence tournante du Conseil de l’UE, exercée tous les six mois par un État membre (actuellement la Pologne), influence l’agenda politique de l’Union.

Cette situation entraîne une rivalité institutionnelle, sans qu’aucune réforme ne soit envisagée pour désigner une seule figure de leadership européen.

L’UE souffre également d’un déficit démocratique, car son exécutif est désigné par un processus de suffrage universel indirect (SUI), contrairement aux démocraties nationales où l’exécutif est élu directement par les citoyens.

De plus, il n’existe pas de majorité politique unifiée au sein du Parlement européen. Celui-ci est fragmenté entre plusieurs groupes politiques (conservateurs, écologistes, sociaux-démocrates, libéraux…), empêchant l’émergence d’une coalition stable à la tête des institutions. La Commission européenne est donc issue d’un consensus permanent, et non d’un choix politique clair, ce qui distingue l’UE des systèmes démocratiques nationaux.

L’Union repose ainsi sur une conception spécifique de la démocratie, propre à son fonctionnement institutionnel.

B. Opposition de la Pologne et de la Hongrie au droit de l’UE

L’UE a également été confrontée à des tensions avec certains États membres, notamment la Pologne et la Hongrie, qui ont adopté des politiques en contradiction avec les principes européens.

L’arrêt de la CJUE du 16 février 2022 illustre cette opposition :

  • La Hongrie et la Pologne ont contesté la décision de la Commission européenne qui conditionne l’octroi des fonds européens au respect des valeurs de l’UE.
  • La CJUE a validé ce mécanisme, permettant de suspendre les financements en cas de non-respect des principes européens.

Dans la pratique, cependant, l’UE a relâché la pression sur la Pologne, notamment en raison de son rôle dans l’accueil des réfugiés ukrainiens. Concernant la Hongrie, des fonds européens ont été débloqués en échange de son soutien à l’armement de l’Ukraine.

Ces tensions illustrent les difficultés de l’UE à faire respecter ses règles, notamment face à des gouvernements eurosceptiques qui remettent en cause certaines décisions européennes.

B.L’absence de crise juridique de l’UE:


1. Les actes juridiques de l'UE

Réglement

Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans chaque État membre.

Directive

La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en lui laissant la compétence quant à la forme et aux moyens de sa mise en œuvre.

Décision

La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci.

2. L'acquis communautaire de l'UE

L'UE a adopté environ :

  • 3000 directives,
  • 12 000 règlements,
  • 30 à 50 directives par an,
  • 1000 décisions par an,
  • 1500 affaires devant la CJUE chaque année, soit un volume élevé par rapport à d'autres juridictions internationales.


3. Les juridictions internationales

Juridictions principales

  • Cour internationale de justice (CIJ),
  • Cour pénale internationale (CPI) (Statut de Rome, 1998),
  • Tribunaux pénaux internationaux.

La plupart des litiges internationaux sont tranchés par des juridictions nationales, sauf dans le cadre de l'UE où la Cour de justice de l’ UE (CJUE) tranche les conflits entre États membres, conformément à l'article 344 du TFUE.

JP importante

  • CJUE, 2006, Commission européenne contre Irlande : la Commission a sanctionné l'Irlande pour avoir soumis un litige à une juridiction autre que la CJUE, rappelant ainsi l'article 344 TFUE.
  • CJUE, 6 mars 2018, Achmea : les tribunaux arbitraux ne peuvent statuer sur un litige entre deux États membres de l'UE, cette compétence relevant exclusivement de la CJUE.


4. Les compétences de l’UE  

Compétences exclusives (article 3 TFUE)

L'UE légifère seule dans les domaines suivants :

  • Union douanière,
  • Règles de concurrence du marché intérieur,
  • Politique monétaire pour les États membres utilisant l'euro,
  • Conservation des ressources biologiques de la mer (politique commune de la pêche),
  • Politique commerciale commune.


Compétences partagées (articles 4 et 2 TFUE)

L'UE et les États membres partagent la compétence, mais l'État perd sa compétence lorsque l'UE l'exerce :

  • Marché intérieur, Politique sociale, Cohésion économique, sociale et territoriale,Agriculture et pêche (hors conservation des ressources biologiques de la mer), Environnement, Protection des consommateurs, Transports, Réseaux transeuropéens, Énergie, Espace de liberté, de sécurité et de justice, Enjeux communs de santé publique, Recherche, développement technologique, espace, Coopération au développement et aide humanitaire.

Compétences d'appui (article 6 TFUE)

L'UE peut soutenir les États mais sans harmonisation :

  • Protection et amélioration de la santé humaine,Industrie,Culture,Tourisme, Éducation, formation professionnelle, jeunesse et sport, Protection civile, Coopération administrative,Politiques économiques et sociales.

5. Hiérarchie des normes en droit de l'UE

Traités fondamentaux

  • Traité sur l'UE(TUE),
  • Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE).

Actes juridiques dérivés

Basés sur les traités, ils comprennent :

  • Règlements, Directives, Décisions.

=> pas de hiérarchie administrative entre les institutions de l'UE, seulement une séparat° des pvr. Il n'y a pas non plus de hiérarchie entre les institutions de l'UE et les EM, sauf dans des domaines spécifiques comme la concurrence, où la Commission européenne a un rôle important 

Administration européenne

L'administration de l'UE compte environ 40 000 fonctionnaires, un chiffre faible comparé aux 5 millions de fonctionnaires en France (soit 20 % de la population active). Ainsi, l'application du droit européen repose sur les administrations nationales, sous forte pression via la hiérarchie des normes pour garantir son respect.

Ce système repose sur l'innovation majeure de l'UE : un droit omniprésent mais appliqué par des administrations qui ne l'ont pas directement créé.

Principe d'autonomie procédurale et institutionnelle

L'harmonisation des institutions de l'UE est limitée par le principe de l'autonomie procédurale et institutionnelle des États membres (CJUE, 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor).



Enjeux : 

•Cohésion et unité d’interprétation et d’application de l’UE

•Connaissance du droit de l’Union par les personnes et autorités concernées. 



I/Application du droit de l’union par les autortiés compétentes des états membres :


A/Les autorités publiques nationales :


L’état membre, responsable des obligations européennes :

Le droit de l’UE doit être appliqué par les autorités publiques nationales, qui doivent respecter les obligations européennes. En France, c’est le président de la République qui signe et présente la ratification des traités internationaux, engageant ainsi le pays à respecter ses obligations européennes. Le recours au référendum pour valider un traité européen n’a eu lieu qu’à deux reprises : en 1993 pour le traité de Maastricht et en 2005 pour le Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TECE), qui a échoué en raison du refus de la France et des Pays-Bas.

Le Premier ministre est à la tête du gouvernement et dirige le pouvoir réglementaire. L’une des missions du gouvernement est d’assurer la coordination des engagements européens sur le territoire national. Pour cela, il s’appuie sur le Secrétariat général aux affaires européennes, un service chargé de transcrire le droit européen en droit national. Cette transcription distingue ce qui relève du pouvoir législatif ou réglementaire :

  • Pouvoir législatif : lorsqu’il s’agit de transposer une directive européenne en droit français.
  • Pouvoir réglementaire : les ministères concernés doivent appliquer directement les règlements européens et adopter les dispositions réglementaires nécessaires. Ils doivent également veiller à ce que les autorités qui en dépendent respectent ces obligations.

Il existe donc une chaîne de responsabilité, garantissant que toutes les autorités relevant du gouvernement prennent les mesures adéquates pour appliquer le droit européen.

Par exemple, selon l’article 72 de la Constitution, les autorités déconcentrées, comme les préfectures, ont l’obligation de veiller au respect des obligations européennes au niveau régional, départemental et communal. Si certaines autorités locales ne respectent pas ces obligations, les préfectures doivent prendre les mesures nécessaires pour y remédier.

Cependant, en cas de non-respect du droit de l’UE, c’est le gouvernement français qui est tenu responsable devant l’UE, et non les ministères ou les préfectures.

Un exemple notable est celui de la Pologne, qui a fait l’objet de nombreuses procédures de la part de la Commission européenne en raison de sa résistance au droit européen. Dans l’affaire CJUE, Commission européenne contre Pologne, 27 octobre 2021, la Pologne a été condamnée à une amende d’1 million d’euros par jour de retard tant qu’elle ne supprimait pas les chambres disciplinaires contrôlant les juges. Ces chambres avaient le pouvoir de sanctionner lourdement les juges ne rendant pas des décisions conformes aux attentes du gouvernement. Sous la pression de l’UE, la Pologne a fini par les supprimer.

Un autre exemple concerne la France. Dans l’affaire CJUE, France contre Commission européenne, 3 avril 2014, la France a été sanctionnée par la Commission européenne pour avoir accordé des aides financières à La Poste, une ancienne entreprise publique devenue une entreprise à capitaux publics, ce qui constituait une aide d’État contraire au droit de l’UE.

Les autorités décentralisées, autorités d’application du droit de l’UE :


Voici ton texte réécrit de manière plus fluide et accessible tout en conservant les détails et exemples :


Les autorités décentralisées et l’application du droit de l’UE

Les autorités décentralisées, telles que les régions, départements et communes, disposent de compétences propres et réglementaires, mais pas de compétences législatives. En pratique, elles appliquent les règlements édictés par le gouvernement français, qui sont eux-mêmes des transpositions du droit européen. Ces autorités ont donc peu de marge d’appréciation et sont soumises à un corps réglementaire strict.

Cependant, ces autorités sont souvent défaillantes dans l’application du droit de l’UE, en raison, notamment, de leur manque de moyens humains. Elles doivent donc fréquemment faire appel aux services préfectoraux pour être accompagnées dans l’application correcte des obligations européennes.

Exemples de contentieux concernant des autorités décentralisées :

  • Régions : Dans l’affaire CJUE, 7 septembre 2021, région de Klaipédia (Lituanie), une autorité régionale n’a pas respecté les règles européennes relatives à la gestion des déchets via les marchés publics.
  • Départements : Dans l’affaire CJUE, 26 septembre 2013, France contre Commission européenne, la Commission européenne a sanctionné la France pour une mauvaise gestion des fonds européens en Martinique. Bien que l’erreur ait été commise localement, la France est restée responsable des obligations européennes à l’échelle nationale.
  • Communes : Dans l’affaire CJUE, 13 janvier 2022, Ville de Paris et autres contre Commission européenne, la ville de Paris n’a pas respecté le droit européen en matière de régulation des locations de type Airbnb. En conséquence, la responsabilité nationale a été engagée pour non-conformité au droit de l’UE.

B/Les personnes privés :

Les personnes privées sont concernées par le droit de l’UE sur plusieurs aspects, notamment en ce qui concerne la liberté de circulation des services et des établissements au sein des États membres de l’UE.

A.Les personnes morales :

Les personnes morales (comme les entreprises) sont souvent concernées par les règles de l’UE, surtout lorsqu’elles offrent des services ou vendent des marchandises dans d’autres États membres de l’UE.

  • Services : Dans l’affaire CJUE, 8 septembre 2010, Markus Stoß e.a. contre Land Baden-Württemberg, une région allemande voulait interdire les paris sportifs organisés par Markus Stoß. La CJUE a validé cette interdiction, estimant qu’elle était justifiée par des raisons de santé publique pour lutter contre l’addiction au jeu.
  • Droit d’établissement : Dans l’affaire CJCE, 11 décembre 2007, Viking, la Cour a affirmé que le droit d’établissement permet à une société de l’UE de transférer son siège dans un autre pays de l’UE, et ce dans les mêmes conditions que les ressortissants nationaux. Cela représente une grande avancée pour l’UE, qui a pour objectif de réduire les discriminations, créant ainsi une zone de libre-échange efficace.
  • Marchandises : Dans l’affaire CJCE, 5 décembre 2000, Jean-Pierre Guimont, un producteur d’emmental voulait commercialiser son produit en France, mais les autorités françaises ont refusé en raison de la définition du produit dans un décret français. La CJUE a jugé que cette interdiction constituait une discrimination fondée sur l’origine du produit, car le contenu et les méthodes de fabrication de l’emmental respectaient les normes qualitatives.

Dans une affaire plus récente, CJUE, 19 novembre 2020, B S and C A contre Ministère public et Conseil national de l’ordre des pharmaciens, des sociétés souhaitaient commercialiser du CBD en France, après l'avoir vendu dans d’autres États de l’UE. La CJUE a validé cette commercialisation, estimant que la protection de la santé publique ne justifiait plus une interdiction, car les recherches scientifiques n’avaient pas démontré que le CBD était plus nocif que d’autres substances légales. Cela reflète une évolution sociétale récente.

Droit de la concurrence

Le droit de la concurrence de l’UE régule les pratiques anti-concurrentielles, comme les ententes, les abus de position dominante, les aides d’État et les concentrations. Voici quelques exemples :

  • Entente : Dans la décision Autorité de la Concurrence, Décision n°10-D-01 du 11 janvier 2010, l’Autorité a sanctionné des pratiques anticoncurrentielles dans la distribution des iPhones, notamment contre Orange (France Télécom).
  • Dans l’affaire CJUE, 6 octobre 2021, Sumal SL contre Mercedes Benz Trucks España SL, la Cour a évoqué la réparation des préjudices causés par une entente entre entreprises.
  • Abus de position dominante :
  • Dans l’affaire TPICE, 17 septembre 2007, Microsoft contre Commission européenne, Microsoft a été jugé coupable d’abus de position dominante.
  • Dans l’affaire Tribunal UE, 10 novembre 2021, Google et Alphabet contre Commission, Google a été condamné à une amende de 2,42 milliards d'euros pour abus de position dominante sur son marché.
  • Concentration : Dans l’affaire TPICE, 6 juillet 2010, Ryanair contre Commission, la Commission européenne a examiné le cas de la concentration entre Ryanair et une autre entreprise, en se préoccupant de l’impact sur la concurrence dans le secteur de l’aviation.


B.Les personnes physiques :


Les personnes physiques (individus) sont également protégées par les règles de l'UE, surtout concernant la libre circulation des personnes au sein de l’UE . Cela inclut le droit de vivre, de travailler et de se déplacer dans d'autres pays de l'UE.

Exemples :

  • CJCE, 7 septembre 2004, Michel Trojani contre Centre public d’aide sociale de Bruxelles : Un citoyen européen qui vivait en Belgique a eu son droit de circuler reconnu, même s'il était dans une situation difficile.
  • CJCE, 16 mars 2010, Olivier Bernard contre Olympique Lyonnais : Un joueur de football européen a eu le droit de jouer dans un autre club de l'UE, grâce à la liberté de circulation des travailleurs.
  • Non-discrimination : L’UE interdit la discrimination en raison de la nationalité, du sexe ou de l'âge.
  • CJCE, 22 novembre 2005, Mangold : La Cour a dit qu’il est interdit de discriminer les travailleurs en raison de leur âge.
  • CJCE, 19 janvier 2010, Seda Kücükdeveci : Cette décision a confirmé l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge dans les relations de travail.
  • Citoyenneté de l'Union :
  • CJUE, 8 mars 2011, Zambrano (affaire C-34/09) : La Cour a dit que les citoyens de l'UE peuvent bénéficier de droits pour leur famille, même s'ils ne sont pas citoyens d’un autre pays de l’UE.


  • Reconnaissance des diplômes :
  • CJUE, 17 décembre 2009, Angelo Rubino (affaire C-586/08) : Un diplôme obtenu dans un pays de l’UE doit être reconnu dans tous les autres pays de l’UE.
  • Protection des données personnelles :
  • CJUE, 24 novembre 2011, ASNEF : La Cour a rappelé que les informations personnelles doivent être protégées, même pour des services comme les crédits.
  • CJUE, 6 octobre 2015, Maximillian Schrems contre Data Protection Commissioner : Cette affaire a renforcé la protection des données personnelles des citoyens européens, notamment lorsqu’elles sont envoyées aux États-Unis.
  • Droit d'asile :
  • CJUE, 21 décembre 2011, NS contre Secretary of State for the Home Department : Cette décision concerne les droits des personnes demandant l'asile dans un autre pays de l’UE.
  • Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) :
  • CJCE, 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone, Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, Ordre des barreaux flamands, Ordre néerlandais des avocats du barreau de Bruxelles contre Conseil des ministres : L’UE doit respecter les droits définis dans la CEDH, qui protège les droits fondamentaux des individus.
  • Charte des droits fondamentaux de l'UE :
  • CJCE, 22 décembre 2010 : Cette décision a précisé le droit de tout individu d’accéder à un tribunal, ce qui garantit à chacun le droit d’obtenir justice.



C. Les juridictions nationales :


- Responsabilité des juridictions nationales de respecter le droit de l’UE


CJCE, 30 septembre 2003, Köbler

Un État membre peut être tenu responsable des dommages causés par une violation du droit de l’UE résultant d'une décision d'une juridiction suprême, si cette violation est suffisamment caractérisée et cause un préjudice direct.

CJUE, 25 juillet 2018 (mandat d’arrêt européen)

Les États doivent garantir aux justiciables un accès à un tribunal indépendant et impartial, y compris dans le cadre de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen.


1)  Les juridictions judiciaires :


Cour de cassation, Ch. mixte, 24 mai 1975, Administration des Douanes c. Ste Cafés Jacques Vabre

La Cour de cassation reconnaît la primauté du droit communautaire sur la loi nationale, en écartant une loi française contraire à un traité européen.


2)  Les juridictions administratives :


CE, 3 février 1989, Compagnie Alitalia

L'administration a l'obligation d’abroger un règlement contraire à une directive européenne non transposée dans les délais.

CE, 20 octobre 1989, Nicolo

Le Conseil d'État reconnaît la supériorité des traités européens sur les lois nationales et accepte de contrôler la compatibilité d’une loi française avec un traité.

CE, Ass., 28 février 1992, S.A. Rothmans International France et S.A. Philip Morris France

Le Conseil d'État consacre la primauté des directives européennes sur les lois françaises contraires.

CE, 30 octobre 2009, Mme Perreux

Tout justiciable peut invoquer directement une directive européenne non transposée, à condition qu'elle soit précise et inconditionnelle.

CJUE, 4 octobre 2018, Commission c. France

Une juridiction nationale doit saisir la CJUE d’une question préjudicielle lorsqu’il existe un doute sur l’interprétation du droit de l’UE.


II/Les principes du droit de l’UE :


Ces principes, dégagés par la JP, servent à interpréter le droit de l’UE lorsque les textes sont incomplets. Leur objectif est d’orienter les autorités publiques dans leurs décisions. La CJUE en a développé une quarantaine, certains étant intégrés aux traités. Une fois établis, ils s’imposent aux juridictions nationales pour harmoniser droit de l’UE et droit national.


A.Les principes généraux du droit de l’UE :


1.Les principes qualifiées de « valeurs » :



Article 2 TUE : Énonce les valeurs fondamentales de l’UE (liberté, démocratie, droits de l’homme). C’est une condition pour intégrer l’UE.

Article 7 TUE : Prévoit des sanctions en cas de violation de ces valeurs.

Exemples :

  • Hongrie (2015) : Installation de barbelés pour bloquer les migrants et opposition à leur relocalisation en Europe.
  • Pologne (2015) : Réforme judiciaire avec un contrôle disciplinaire des magistrats, compromettant l’indépendance de la justice → Condamnation par l’UE avec une sanction d’un million d’euros par jour.




2.Les PGD :


Ces principes, dérivés des droits fondamentaux, sont juridiquement contraignants et appliqués dans diverses politiques de l’UE, notamment contre les discriminations.

Article 10 TUE : Interdit toute discrimination fondée sur la nationalité.

📌 CJCE, 13 avril 2010, Nicolas Bressol

  • La Belgique a instauré un tirage au sort limitant l’accès aux universités de médecine pour les étudiants non belges.
  • La CJCE a jugé cela comme une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, contraire au droit de l’UE.

Article 157 TFUE : Garantie de l’égalité hommes-femmes dans l’accès à l’emploi.

📌 CJCE, 1986, Marguerite Johnston

  • Une policière britannique s’est vu refuser un poste avec arme en raison d’une loi nationale interdisant aux femmes de porter une arme.
  • La CJUE a condamné cette interdiction comme contraire au principe d’égalité.


B.Les principes transversaux du droit de l’UE :


1.Effet direct, primauté et applicabilité directe :


Effet direct du droit de l’UECJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos

Tout justiciable peut invoquer directement une norme de l’UE devant une juridiction nationale.

Primauté du droit de l’UECJCE, 15 juillet 1964, Costa c. ENEL

Ce principe établit que le droit de l’UE prévaut sur les droits nationaux des États membres, instaurant ainsi une hiérarchie des normes non explicitement prévue par les traités.

Droit à un contrôle juridictionnel effectifCJCE, 15 mai 1986, Johnston

Toute violation du droit de l’UE doit pouvoir être contestée devant un juge.

Principe de proportionnalitéCJCE, 1970, Internationale Handelsgesellschaft

Les mesures prises par les autorités doivent être adaptées aux objectifs poursuivis. L’administration ne dispose pas d’un pouvoir illimité et ses décisions doivent être proportionnées. Le juge peut contrôler l’adéquation entre les moyens utilisés et la finalité recherchée.

Responsabilité des États en cas de violation du droit de l’UECJCE, 1991, Francovich et Bonifaci & CJCE, 1996, Factortame

Si un État cause un préjudice en ne respectant pas ses obligations européennes, il doit indemniser les victimes. Dans l’affaire Factortame, le Royaume-Uni a dû compenser financièrement les pêcheurs espagnols.

Principe d’effectivitéCJCE, 1978, Simmenthal

Les autorités nationales doivent écarter toute norme nationale contraire au droit de l’UE, garantissant ainsi la pleine application du droit européen.

Principe d’égalitéArticle 4 §2 TUE & Article 18 TFUE

Fondement du principe de non-discrimination, notamment en matière de libre circulation des personnes.



3 principes liés aux relations entre les états :


  • Coopération loyaleArticle 4 §3 et Article 13 §2 du TUE
  • Les États membres doivent respecter leurs obligations européennes et coopérer sincèrement avec les institutions de l’UE.
  • Principe de subsidiaritéArticle 5 §3 du TUE
  • L’UE ne doit intervenir que si les objectifs ne peuvent être atteints efficacement au niveau national.
  • Principe d’attributionArticle 5 §2 du TUE
  • L’UE n’exerce que les compétences qui lui ont été expressément conférées par les traités.
  • Autonomie institutionnelle des États membresArticle 4 §2 du TUE
  • L’UE ne peut interférer dans l’organisation administrative interne des États membres. → CJCE, 1983, Deutsche Milchkontore
  • Principe de précaution
  • L’UE doit anticiper et prévenir les risques potentiels pour la santé et l’environnement avant même qu’un dommage ne soit scientifiquement prouvé.
  • CJCE, 2002, Pfizer Animal Health SA v. Council → interdiction d’importer certaines viandes par crainte de l’ESB (maladie de la vache folle).
  • CJUE, 25 juillet 2018, Confédération paysanne → application du principe de précaution aux OGM et au glyphosate.
  • Sécurité juridique et confiance légitime
  • Toute réglementation européenne doit être claire et prévisible.
  • Affaires : Luxembourg v. Commission (2010), EP v. Council (2015), Spain v. Council (2015)
  • Protection des données personnelles
  • Principe récent, garantissant le respect de la vie privée dans le traitement des données par l’UE.


Les affaires conclues par des sanctions des EM (sur la base du recours en manquement) :


Si un État ne respecte pas ses obligations, la Commission européenne peut :

  1. L’avertir et lui demander de se mettre en conformité.
  2. Si l’État ne répond pas de manière satisfaisante, la Commission émet un avis motivé.
  3. En dernier recours, elle saisit la CJUE pour constater le manquement.

Jusqu’en 2000, la CJUE se contentait de reconnaître les violations. Depuis l’affaire Commission c. Grèce, 4 juillet 2000, elle peut imposer des sanctions financières proportionnées à la gravité du manquement.

Exemples de sanctions financières imposées à des États membres :

  • CJUE, 25 novembre 2003, Commission c. Espagne
  • → Non-respect des normes sur les eaux de baignade → astreinte de 624 150 € par an.
  • CJCE, 12 juillet 2005, Commission c. France
  • → Pêcheurs français refusant d’adopter une nouvelle taille de filet imposée par l’UE → astreinte de 57 millions € par semestre + 20 millions € forfaitaire.
  • CJCE, 9 décembre 2008, Commission c. France
  • → Non-transposition de la directive sur les OGM → condamnation à 10 millions €.
  • CJCE, 7 juillet 2009, Commission c. Grèce
  • → Aides d’État illégales à Olympic Airways → astreinte de 16 000 € par jour + 2 millions € forfaitaire.
  • CJUE, 2 décembre 2014, Commission c. Grèce
  • → Manquement sur la directive de 1975 sur l’élimination des déchets → astreinte de 14,52 millions € par semestre + 10 millions € forfaitaire.

Objectif des sanctions :

Dissuader les États membres de violer le droit de l’UE en leur imposant des sanctions financières lourdes en cas de manquement.

Titre 1 : Le marché intérieur et les libertés de circulation :


L’idée d’un marché intérieur prend naissance avec la déclaration Schuman du 9 mai 1950. Schuman y affirme que l’Europe ne se fera pas d’un coup, mais par « une réalisation concrète créant d’abord une solidarité de faits ». Conseillé par Jean Monnet, il défend l’idée que les États européens, autrefois empires coloniaux, sont devenus trop petits face aux grandes puissances comme les États-Unis, la Russie ou la Chine. Jean Monnet, dans ses mémoires de 1976, évoque un projet sérieux de rapprochement entre la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, estimant que seule l’union des économies européennes permettrait de peser à l’échelle mondiale.

1. L’organisation du commerce international après la Seconde Guerre mondiale

Le 22 juillet 1944, les accords de Bretton Woods, signés aux États-Unis, posent les bases du système monétaire international. Ils établissent un gold-exchange standard où le dollar américain devient la référence mondiale et créent la Banque mondiale et le FMI, institutions chargées de stabiliser l’économie mondiale.

Le 30 octobre 1947, l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) est adopté. Il fixe plusieurs règles visant à libéraliser les échanges internationaux :

  • Suppression des barrières douanières entre États.
  • Égalité de traitement entre produits nationaux et importés.
  • Mécanisme de règlement des différends commerciaux.
  • Toujours en vigueur, le GATT est ajd intégré à l’OMC, poursuivant la même logique de suppression des entraves aux échanges.

Dans ce contexte, les États-Unis mettent en place le plan Marshall (1947-1951), injectant plus de 13 milliards de dollars dans les économies européennes pour accélérer la reconstruction. En contrepartie, les États bénéficiaires doivent :

  • Appliquer la démocratie et exclure les régimes communistes.
  • Aligner leurs politiques éco sur les principes américains.

S’inscrivant dans cette logique, le Buy American Act impose aux États européens de favoriser les entreprises américaines, inscrivant ainsi une forme d’influence éco durable. Contrairement à l’URSS, qui impose un contrôle direct sur ses satellites, les États-Unis utilisent une approche éco pour asseoir leur influence.

2. La création de la CEE et l’affirmation du marché intérieur

Face à cette dépendance aux États-Unis, les pays européens cherchent à structurer leur propre marché. Ils créent la Communauté éco européenne (CEE) en s’inspirant des accords de Bretton Woods, mais avec des objectifs renforcés :

  • Suppression des droits de douane et des barrières commerciales.
  • Encadrement strict des règles éco par un droit supranational, interdisant toute interprétation nationale.

Dotée d’une personnalité juridique propre, la CEE peut adopter des normes directement applicables sans passer par une ratification nationale.

En 1986, le marché commun devient le marché intérieur, une simple modification de nom sans changement de concept. Dès le traité de Rome, il repose sur la garantie de la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux (article 26 §2 TFUE).

La gestion de cette politique est confiée à la Commission européenne, composée de 27 commissaires, chacun représentant un État membre. Les directions générales (DG), comparables à des ministères, sont chargées de mettre en œuvre ces politiques. Il en existe une quarantaine, certaines étant dirigées par un seul commissaire, d’autres regroupant plusieurs portefeuilles.

La direction générale du marché intérieur, la plus importante, est actuellement dirigée par Thierry Breton, commissaire français.

Chapitre 1 : La libre circulation des marchandises

Le traité CEE fixait un délai de 10 ans pour parvenir à une libéralisation totale des échanges de marchandises entre les États membres. Cet objectif a été atteint avec six mois d’avance :

➡️ Le 1er juillet 1968, les États membres déclarent avoir supprimé les droits de douane et les restrictions quantitatives entre eux. Désormais, toute entreprise implantée dans un État membre peut vendre ses produits librement au sein du marché européen, sans payer de droits de douane ni être soumise à des quotas. L’UE devient ainsi une zone de libre-échange.

Cependant, dès les années 1970 et surtout en 1985, la Commission européenne déplore que les États continuent de protéger près de 50 % de leur économie sous couvert de services publics (télécommunications, transports, énergies). Ces secteurs restent exclus des règles du marché intérieur et du droit de la concurrence, car les États membres y maintiennent des monopoles publics dans lesquels ils ont investi.

1. La Commission européenne et la volonté d’achever le marché intérieur

Le Livre blanc du 14 juin 1985 sur « l’achèvement du marché intérieur » dénonce cette situation. La Commission européenne souligne qu’il est incohérent de libéraliser le marché intérieur tout en conservant des secteurs protégés. Elle affirme que ces barrières tarifaires :

  • engendrent des coûts administratifs excessifs,
  • faussent les modes de production,
  • augmentent les coûts de stockage et les coûts unitaires,
  • découragent la coopération financière.

Elle considère que cette surprotection nationale va à l’encontre du modèle libéral européen et demande des moyens d’action plus efficaces pour achever la libéralisation du marché.

2. L’Acte unique européen et le passage à la majorité qualifiée

Au sein des institutions européennes, la prise de décision repose sur un équilibre délicat :

  • La Commission européenne fonctionne par consensus, sans vote interne.
  • Le Conseil de l’UE (où siègent les ministres des États membres) est l’organe décisionnel, et ses votes déterminent l’adoption des textes.

Pb: Jusqu’en 1986, la plupart des décisions du Conseil nécessitaient l’unanimité. Cela ne posait pas de difficulté à six États membres, mais avec 27 États ajd, un seul État peut facilement bloquer une réforme.

=>Pour éviter ces blocages, la Commission européenne réclame plus de pouvoirs afin d’accélérer la libéralisation du marché intérieur.

L’Acte unique européen de 1986 marque un tournant en introduisant le principe de la majorité qualifiée au Conseil de l’UE. Désormais, certaines décisions peuvent être adoptées sans nécessiter l’unanimité.

= L’article 114 du TFUE (ex-article 95 TCE) dispose que l’UE peut adopter, par procédure législative ordinaire, des mesures visant à harmoniser les législations nationales pour achever le marché intérieur.

=Conséquence : Cet article devient le fondement juridique principal permettant à l’UE d’intervenir dans une multitude de domaines. Il justifie l’harmonisation des législations et est utilisé dans de nombreuses directives et règlements européens.

3. La libéralisation progressive des services publics

Dès le début des années 1990, la Commission européenne impose progressivement la libéralisation des secteurs jusque-là protégés :

- Privatisation des monopoles publics (exemple : La Poste, le secteur aérien).

- Ouverture à la concurrence des télécommunications, de l’énergie et des transports.

= Ce processus prend une dizaine d’années, car chaque État doit adapter son cadre juridique et organiser la transition vers un marché concurrentiel.

Conclusion : L’intégration éco européenne s’est faite progressivement, en supprimant les obstacles au libre échange et en renforçant les pouvoirs de l’UE. L’article 114 TFUE est ajd un outil central pour l’uniformisation des règles du marché intérieur.

I/Les préalables à la libre circulation des marchandises :


I. Les conditions préalables à la libre circulation des marchandises :

A. L’union douanière :

L'union douanière est un principe fondamental du marché unique de l'UE, permettant la libre circulation des marchandises entre les États membres sans droits de douane ni restrictions quantitatives. Cependant, elle implique aussi l'application d'un tarif douanier commun (TDC) aux marchandises venant de pays extérieurs à l'UE.

  • Règles et application : Les articles 28 à 32 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’UE interdisent les droits de douane et les restrictions quantitatives sur les échanges de marchandises entre les États membres. Ces articles établissent le principe fondamental de la libre circulation des biens. L'Union douanière a pour objectif de créer une zone sans barrières commerciales internes tout en protégeant les économies des États membres contre les importations extérieures.
  • Tarif douanier commun (TDC) : Selon l'article 30 TFUE, un tarif douanier commun est appliqué par l'UE aux marchandises importées de pays non membres. Ce tarif vise à harmoniser la politique douanière et à assurer une égalité de traitement entre les États membres face aux importations extérieures.
  • Les exceptions : Certains territoires de l'UE ne font pas partie de l'union douanière, comme le Groenland ou les îles Féroé, bien que ces derniers soient liés par des accords spécifiques avec le Danemark. De même, les territoires d'outre-mer français, comme la Nouvelle-Calédonie ou Wallis-et-Futuna, ne sont pas soumis aux mêmes règles douanières que la France métropolitaine.

B. Le tarif douanier commun (TDC) :

Le tarif douanier commun (TDC) est un élément central de l'union douanière et régit les droits de douane appliqués sur les marchandises en provenance de pays tiers.

  • Fonctionnement du TDC : Le TDC est codifié dans le Règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987, qui établit une nomenclature des produits en fonction de leur nature et de leur provenance. Ce système de classification permet de déterminer les droits de douane applicables à chaque produit importé.
  • Politique douanière harmonisée : Bien que les États membres appliquent le TDC sur leur territoire, la Commission européenne veille à son application uniforme et supervise les contrôles douaniers. L'uniformité est essentielle pour éviter les divergences entre les États membres et garantir un marché intérieur efficace.
  • Recettes des droits de douane : Conformément à l'article 28 du TFUE, les recettes générées par les droits de douane sont collectées par les États membres, mais une part importante est transférée au budget de l'UE.

C. Les territoires exclus du droit douanier européen :

Certains territoires sont exclus ou bénéficient de règles douanières spécifiques. Par exemple, les îles Canaries ou les îles Féroé sont des territoires associés à des États membres (Espagne et Danemark), mais ils ne font pas partie de la zone douanière de l'UE.

  • Territoires d'outre-mer français : Des territoires comme la Guadeloupe, la Réunion, ou la Martinique font partie de la zone douanière de l'UE, tandis que d'autres, comme Saint-Pierre-et-Miquelon ou la Polynésie française, en sont exclus et bénéficient de régimes douaniers différents.

II. La politique commerciale commune de l’UE :

  1. Le rôle mondial de l’UE :

L'UE est une puissance commerciale majeure, représentant environ 18% du commerce mondial. Elle négocie des accords commerciaux en son nom propre, ce qui lui permet d'influencer largement le commerce international.

  • Les relations commerciales internes : Selon l'article 26 TFUE, environ 60% des échanges commerciaux au sein de l'UE se font entre ses États membres. Ce chiffre montre l'importance de la libre circulation des marchandises dans la dynamique éco interne de l'Union.
  • Les défis commerciaux mondiaux : Face à des puissances éco comme les États-Unis et la Chine, l'UE doit parfois adopter une position de défense, notamment par des mesures antidumping ou des droits de douane pour protéger certains secteurs éco.
  • Le rôle des accords commerciaux : L'UE négocie des accords bilatéraux avec des pays tiers, comme le CETA (accord avec le Canada), l'accord avec le Japon, ou le Mercosur en Amérique du Sud. Ces accords visent à abaisser les barrières commerciales et à harmoniser les normes dans des domaines comme la protection des droits de propriété intellectuelle ou les standards environnementaux.
  1. Les compétences de l’UE en matière commerciale :

La politique commerciale est de compétence exclusive de l'UE (cf. article 207 TFUE), ce qui signifie que seul l’Union a le droit de négocier et de conclure des accords commerciaux internationaux au nom de ses États membres.

  • Rôle de la Commission européenne : La Commission européenne, à travers son commissaire au commerce (actuellement Valdis Dombrovskis), est responsable de la négociation des accords commerciaux. Elle représente l'UE dans les discussions au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et dans les relations bilatérales avec des pays tiers.
  • Rôle du Parlement européen : Le Parlement européen joue également un rôle important en approuvant les accords commerciaux négociés par la Commission, comme cela a été le cas pour le CETA (accord UE-Canada) ou l'accord UE-Japon.

Les articles du TFUE :

  • Article 206 TFUE : Cet article souligne l'objectif de l'UE d'assurer une libre circulation des biens et des services, et de contribuer au développement harmonieux du commerce mondial en éliminant les obstacles douaniers et en réduisant les distorsions du commerce international.
  • Article 207 TFUE : L’article 207 est essentiel pour l'UE dans le cadre de sa politique commerciale. Il stipule que l'UE doit mener sa politique commerciale externe de manière unifiée. La Commission européenne, en coopération avec le Conseil de l'UE, négocie des accords avec des pays tiers en matière de commerce international.

 

II/La liberté de circulation des marchandises dans l’espace européen :


Le Titre II du TFUE (articles 28 à 37) prévoit la libéralisation des marchandises à l’importation et à l’exportation au sein de l’UE

  • Les marchandises en libre pratique dans les États membres (EM) de l’UE, ou celles provenant d'États tiers ayant rempli les formalités d'importation (respectant toutes les normes et formalités douanières), peuvent circuler librement une fois en libre pratique.
  • La JP définit la marchandise comme "tout bien appréciable en argent et susceptible de faire l’objet d’une transaction commerciale". La JP de principe est l'arrêt Van Gend en Loos, CJCE du 5 février 1963.

Les barrières qui peuvent entraver la circulation des marchandises se divisent en deux catégories principales : les barrières tarifaires et les barrières non tarifaires.

A/ Les obstacles tarifaires : les taxes d’effet équivalent à des droits de douane (TEEDD)

1) La notion de TEEDD

L’article 30 du TFUE stipule que "les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal".

  • Les droits de douane sont facilement identifiables, car ils portent le nom du producteur, et leur qualification ne pose pas de problème. Toutefois, les taxes d’effet équivalent (TEEDD), qui ne sont pas explicitement qualifiées comme telles, sont plus difficiles à repérer et à qualifier.
  • Une série de JP dans les années 60 a traité de ce sujet, par exemple :
  • CJCE, 14 décembre 1962, Commission contre Luxembourg et Belgique : La Cour a jugé qu’une taxe d’effet équivalent est un droit unilatéralement imposé, frappant spécifiquement un produit importé d’un autre État membre à l’exclusion des produits nationaux similaires, ce qui a un impact similaire à celui d’un droit de douane.
  • CJCE, 1er juillet 1969, Commission contre Italie : La Cour a précisé que "une charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, qui frappe les marchandises franchissant la frontière, constitue une taxe d’effet équivalent".

2) Distinction entre TEEDD et certaines mesures spécifiques

Les impôts, comme la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), ne sont pas considérés comme des TEEDD. Bien que la TVA puisse sembler similaire à une taxe d’effet équivalent, elle est en réalité une imposition intérieure prévue par l'article 118 du TFUE.

B/ Les obstacles non tarifaires : les MEERQ (Mesures d’Effet Équivalent à des Restrictions Quantitatives)

Les articles 34 et 35 du TFUE interdisent les restrictions quantitatives entre États membres. Les MEERQ (mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives) sont des obstacles non tarifaires plus complexes.

1) La notion de MEERQ

  • CJCE, 11 juillet 1974, Dassonville : Cette JP définit les MEERQ comme "toute réglementation commerciale des États membres susceptibles d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire".
  • Dans l'affaire Dassonville, un commerçant belge voulait vendre en Belgique des bouteilles de whisky venant de France et d'Écosse. Les autorités belges avaient exigé un certificat d'authenticité, ce qui a été jugé comme une MEERQ par la Cour, car la mesure entravait le commerce intracommunautaire sans justification valable.

2) Exemples contradictoires concernant la fixation du prix du livre

  • CJCE, 30 avril 2009, Handelsgesellschaft : Une réglementation nationale interdisant aux importateurs de livres en langue allemande de fixer un prix inférieur à celui fixé par l'éditeur a été considérée comme une MEERQ.

3) Justifications aux MEERQ

L’article 36 du TFUE permet des restrictions de la liberté de circulation des marchandises pour des raisons de :

  • moralité publique,
  • sécurité publique,
  • protection de la santé,
  • protection de la vie des personnes, des animaux, ou des végétaux,
  • protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique,
  • protection de la propriété industrielle et commerciale.

La CJUE a énuméré six conditions pour qu’une MEERQ soit justifiée :

  1. Le domaine n’a pas été harmonisé au niveau européen.
  2. La mesure poursuit un intérêt général.
  3. La mesure ne doit pas être discriminatoire.
  4. Elle doit être objectivement nécessaire.
  5. Elle doit être proportionnée.
  6. Elle doit tenir compte des exigences dans l'État d'origine des marchandises.
  • CJCE, 10 janvier 1985, Association des Centres distributeurs Édouard Leclerc : La Cour a justifié une MEERQ dans le cas de la loi sur le prix unique du livre en France, car il n’y avait pas de discrimination entre produits nationaux et étrangers.
  • CJCE, 19 juin 2003, Commission c. Italie (Red Bull) : Une législation nationale interdisant la commercialisation de certaines boissons énergétiques a été jugée disproportionnée et non justifiée, car aucune étude scientifique n'avait prouvé un risque pour la santé publique.

Conclusion :

La liberté de circulation des marchandises repose sur la reconnaissance mutuelle des réglementations nationales depuis 70 ans, garantissant que tout produit légalement commercialisé dans un État doit circuler librement dans l'UE (Cassie de Dijon). Depuis les années 60, l'UE a développé une approche harmonisée avec un système de labels normalisant les produits du marché intérieur. Chaque secteur doit respecter les normes spécifiques avant d'introduire ses produits sur le marché, avec des labels comme le NF en France, remplacé progressivement par le marquage CE. Les produits exportés vers l'UE doivent respecter les normes du CEN, et la tendance va vers le recyclage pour réduire les déchets.

Les produits du terroir, comme les AOC et AOP, sont protégés pour éviter la contrefaçon. L'UE protège certains produits traditionnels, avec des appellations reconnues en Europe, comme l'AOP pour la protection à l'échelle européenne. Un exemple est l'affaire CJUE (2021) contre l'Espagne, interdisant l'usage de "Champanillo" pour éviter la concurrence déloyale envers la France.

L'affaire Spanghero (2013) illustre l'absence de contrôle systématique des produits. Le scandale des lasagnes de cheval a révélé des failles dans les contrôles sanitaires, conduisant à une circulation de produits non conformes sans réglementation européenne stricte, laissant place à des fraudes.

Chapitre 2 : La libre circulation des personnes :


La crise du Covid a été un tournant pour la libre circulation des personnes. Dès que les impacts sanitaires ont été évidents, les États ont réintroduit rapidement des frontières physiques et des contrôles. Cela a montré que, même avec le marché intérieur, les frontières ne sont pas complètement abolies. En cas de crise, les États peuvent rétablir des contrôles, régulant les personnes et marchandises selon leurs critères nationaux. Ainsi, la gestion des frontières reste une compétence partagée entre l'UE et les États membres.

La libre circulation des personnes, inscrite dès 1957 dans le traité de Rome, s'est réalisée progressivement, plus lentement que pour les marchandises. Dès les années 60, le principe d'effet direct a été établi, notamment avec l'affaire Lynne Watson et Alessandro Belmann (CJCE, 16 juillet 1976), où la CJCE a affirmé que l'exigence de déclarer sa présence dans les 24 heures à la police était disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.

Un autre principe fondamental est celui de la non-discrimination en raison de la nationalité, inscrit dans les articles 2 et 3 du TUE, et les articles 18 et 19 du TUE pour la libre circulation des personnes. Cela a été confirmé dans l'affaire Roland Rutili (CJCE, 28 octobre 1975), qui a reconnu que tout citoyen d'un État membre pouvait se prévaloir de la libre circulation devant les juridictions nationales.

La mise en place de la libre circulation des personnes s'est faite en deux étapes :

  1. Première étape : Après la Seconde Guerre mondiale, la libre circulation des travailleurs a été favorisée pour répondre aux besoins de main-d'œuvre. Les directives ont permis aux travailleurs de circuler librement et d'y amener leur famille.
  2. Deuxième étape : Dans les années 80, la citoyenneté européenne a été introduite, avec la création de l'article 20 du TFUE. Cela a permis de garantir la libre circulation de tous les citoyens de l'UE, et non seulement des travailleurs.

La citoyenneté européenne, initialement symbolique, est devenue un droit fondamental, donnant accès à des droits comme :

  • Droit de circuler et séjourner librement (article 21 du TFUE)
  • Droit de vote et d'éligibilité aux élections européennes et municipales (article 22 du TFUE)
  • Protection diplomatique (article 23 du TFUE)
  • Droit de pétition au Parlement européen (article 24 du TFUE)

La CJUE, dans l'affaire Grzelczyk (20 septembre 2001), a renforcé ce statut, le qualifiant de fondamental pour l'accès aux droits, notamment celui de circuler et séjourner.

Avec cette évolution, quatre catégories de citoyens européens se sont formées :

  • Les touristes
  • Les travailleurs (salariés et non salariés)
  • Les étudiants (ayant la sécurité sociale et, progressivement, l'abolition des exigences financières)
  • Autres sans emploi (chômeurs et retraités), avec des problèmes liés au tourisme social.

I. La liberté d’aller et venir est un droit reconnu aux citoyens de l’Union

L'article 21 du TFUE garantit à tous les citoyens de l’UE le droit de circuler et de séjourner dans les États membres. La procédure législative ordinaire s’applique, sauf pour la sécurité sociale, où une procédure spéciale d'unanimité est requise. La directive 2004/38 codifie les droits des citoyens de l’UE et de leurs familles à circuler et séjourner librement dans les États membres.

A. Les bénéficiaires de la libre circulation

Les bénéficiaires sont les citoyens de l’UE, définis comme toute personne ayant la nationalité d’un État membre. Dans l'affaire CJUE, 5 septembre 2023, une personne née aux États-Unis et ayant obtenu la nationalité danoise a vu sa citoyenneté retirée par le Danemark. La CJUE a validé ce retrait si proportionné aux objectifs poursuivis.

Le regroupement familial, facilité par cette directive, concerne quatre catégories :

  1. Les conjoints (y compris les mariages homosexuels, CJUE, Coman, 2018).
  2. Les partenaires enregistrés (comme le PACS français, selon les législations nationales).
  3. Les descendants directs (moins de 21 ans, ou à charge), avec des clarifications sur le concept de "membres du ménage" (CJUE, 15 septembre 2022).
  4. Les ascendants directs à charge, comme dans l'affaire Zambrano (CJUE, 8 mars 2011), où l'expulsion des parents était liée à la situation légale de leurs enfants, protégés en tant que citoyens belges.

Cette évolution continue d’affiner les critères, comme l’a montré l’affaire Shirley McCarthy (CJUE, 5 mai 2011), où la CJUE a confirmé que la libre circulation nécessite le franchissement de frontières de l'UE pour en bénéficier.



2)Le droit de circuler et de séjourner dans un autre EM :


  1. Le droit de quitter et d’entrer dans un EM :

L'article 4 de la directive 2004/38/CE est fondamental ici. Il stipule que tout citoyen de l'UE, muni d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité, ainsi que ses membres de famille non ressortissants de l'UE, ont le droit de quitter l'État membre (EM) où ils résident et de se rendre dans un autre EM. Cette liberté de circulation et de séjour implique la suppression des contrôles de visas pour les ressortissants européens.

Les États membres, cependant, peuvent restreindre la sortie d'un ressortissant ou son entrée sur leur territoire pour des raisons d’ordre public ou de sécurité, mais ces mesures doivent être proportionnelles et justifiées par des circonstances précises.

La JP

  • CJUE, 17 novembre 2011, Hristo Gaydarov : La CJUE a validé l’interdiction de sortie du territoire bulgare pour un ressortissant bulgare, condamné en Serbie, au motif qu'il représentait une "menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société". La Cour a rappelé l'importance de deux principes : le principe de proportionnalité (la mesure doit être appropriée pour atteindre l'objectif) et le principe du contrôle juridictionnel effectif (la personne doit pouvoir saisir un juge pour vérifier la légalité de la mesure).
  • CJUE, 17 novembre 2011, Aladzhov : Cette affaire portait sur une restriction de la liberté de circulation liée à une dette fiscale non payée, illustrant que des considérations financières peuvent aussi justifier des restrictions de liberté de circulation.

B) Le droit de séjour dans un autre EM :

Les citoyens de l'UE peuvent séjourner dans un autre EM pendant 3 mois sans formalités particulières, à condition que leur carte d'identité ou passeport soit valide. Au-delà de 3 mois, trois conditions doivent être remplies :

  1. Le citoyen doit être travailleur salarié ou non salarié.
  2. Il doit disposer de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins.
  3. Il doit être inscrit dans un établissement d’enseignement et disposer d'une assurance maladie.

2) La JP sur la restriction du séjour

  • CJUE, 13 avril 2010, Bressol e.a. contre Gouvernement de la Communauté française de Belgique : Le gouvernement belge avait tenté de limiter l'accès des étudiants non résidents, en particulier les Français, aux études de médecine en imposant un tirage au sort. La CJUE a jugé que cette politique de restriction basée sur la résidence était une discrimination indirecte fondée sur la nationalité, en contradiction avec la liberté de circulation.
  • CJUE, 11 juillet 2002, Marie-Nathalie D’Hoop contre l’ONEM : La Cour a jugé qu'un État membre ne peut refuser à un citoyen européen des allocations sociales sous prétexte que celui-ci a effectué ses études dans un autre EM. Refuser une telle allocation pour cette raison constituerait une discrimination fondée sur la nationalité.

Le droit de séjour permanent après 5 ans

À l'issue de 5 ans de séjour continu dans un autre EM, un ressortissant de l'UE acquiert un droit de séjour permanent. Cette règle est prévue par l'article 16 de la directive 2004/38/CE. Les membres de la famille d'un citoyen européen peuvent également prétendre à ce droit, même après des absences de plus de 6 mois par an, comme l’a confirmé la CJUE dans l'affaire CJUE, 21 juillet 2011, Secretary of State for Work and Pensions contre Maria Dias.

  • CJUE, 21 décembre 2011, Tomasz Ziolkowski contre Land Berlin : Cette décision a élargi l’interprétation du droit de séjour permanent, y compris pour les citoyens européens résidant dans un autre EM, même si leur résidence n’avait pas commencé immédiatement après leur arrivée.

3) Le tourisme social et les abus

Le tourisme social désigne la pratique de certaines personnes qui circulent dans l’UE uniquement pour bénéficier des prestations sociales dans d’autres États membres, sans véritablement y exercer une activité éco.

  • CJUE, 11 novembre 2014, Dano : Une ressortissante roumaine a cumulé des aides sociales en Roumanie et en Allemagne. La CJUE a confirmé que l’UE ne permet pas de cumuler ces prestations sociales entre États membres, même si la personne répondait aux critères d'éligibilité. Cette décision vise à éviter les abus.
  • CJUE, 15 septembre 2015, Jobcenter Berlin Neukölln contre Nazifa Alimanovic : De même, la Cour a restreint l'accès aux allocations sociales en soulignant qu'un citoyen européen ne pouvait pas prétendre à des prestations sociales dans un EM sans y avoir une réelle intégration (ex. : travail, études).

4) Les limitations à la libre circulation pour des raisons d’ordre public

L'article 27 de la directive 2004/38/CE permet aux États membres de limiter la liberté de circulation et de séjour pour des raisons d’ordre public, sécurité publique ou santé publique. Ces restrictions doivent respecter les principes de proportionnalité et de non-discrimination. Les États doivent justifier leur décision par des faits concrets et ne peuvent invoquer des raisons générales.

  • CJUE, 23 novembre 2010, Land Baden-Württemberg contre Panagiotis Tsakouridis : La Cour a précisé que les restrictions à la liberté de circulation pour des raisons de lutte contre le trafic de stupéfiants sont justifiées, mais doivent être évaluées au cas par cas.
  • CJUE, 5 décembre 2023, Affaire Nordique info BV : La CJUE a validé les restrictions temporaires à la libre circulation des personnes pendant la pandémie de COVID-19, en s’appuyant sur les raisons de santé publique et en soulignant que ces restrictions sont légales si elles sont proportionnelles et ne durent pas plus longtemps que nécessaire.

B/L’espace Schengen et l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’UE :

L’espace Schengen a été institué pour permettre la libre circulation des personnes sans contrôles aux frontières intérieures entre les États membres. Ce système est ajd appliqué par 27 États, dont 4 ne sont pas membres de l'UE (Suisse, Islande, Norvège, Liechtenstein).

Les principaux objectifs du Schengen sont :

  • Suppression des contrôles aux frontières intérieures.
  • Renforcement des contrôles aux frontières extérieures, gérés par Frontex (agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes).

En parallèle, l'espace de liberté, de sécurité et de justice a pour but de coordonner les politiques de sécurité, d’immigration et de justice entre les États membres. La coopération policière et judiciaire est renforcée par des agences comme Europol et Eurojust.

6) Les agences principales dans l'ELSJ

1) Europol (Agence européenne de police)

  • Mission : Facilite l'échange d'informations entre les forces de police des États membres pour lutter contre la criminalité transfrontalière (terrorisme, trafic de drogues, cybercriminalité).
  • Rôle : Soutient les enquêtes internationales, gère des bases de données et analyse les menaces criminelles.

2) Eurojust (Agence de coopération judiciaire de l'UE)

  • Mission : Facilite la coopération judiciaire entre les États membres pour résoudre les crimes transfrontaliers.
  • Rôle : Coordonne les enquêtes judiciaires, facilite l'extradition et les mandats d'arrêt européens, aide à la collecte de preuves.

3) Frontex (Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes)

  • Mission : Gère les frontières extérieures de l'UE, soutient la gestion des flux migratoires et lutte contre la criminalité transfrontalière.
  • Rôle : Assure la surveillance des frontières, offre de la formation et du matériel aux autorités nationales, intervient en cas de crise migratoire.

4) L'OELAF (Office européen de lutte antifraude)

  • Mission : Lutte contre la fraude qui affecte les finances de l'UE (fraude fiscale, abus de fonds publics, corruption).
  • Rôle : Mène des enquêtes sur les fraudes, collabore avec les autorités nationales pour poursuivre les fraudeurs, récupère les fonds détournés.


5) L'Agence des droits fondamentaux de l'UE (FRA)

  • Mission : Collecter des données concernant les droits fondamentaux dans les États membres afin d'harmoniser et de garantir des informations fiables à l’échelle européenne.
  • Objectif : Fournir des conseils sur les questions relatives aux droits fondamentaux, renforcer la mise en œuvre des droits humains dans les politiques et législations européennes.


6) Le Parquet européen (EPPO)

  • Création : Fondé en 2017 sur la base de l'article 86 du TFUE, ce parquet a débuté ses activités le 1er juin 2021. Il est dirigé par Laura Kovesi.
  • Mission : Rechercher, poursuivre et juger les auteurs d'infractions portant atteinte au budget de l'UE, telles que la fraude, la corruption, et la fraude fiscale transnationale.
  • Ambition : Devenir un "super parquet", représentant les intérêts éco de l'UE et renforcer la protection des finances européennes.


Liberté de circulation des personnes et défis administratifs

Liberté de circulation : Le principe de liberté de circulation est respecté dans l'UE, mais un manque d'harmonisation administrative entre les États membres crée des tensions et des conflits, car le droit de l'UE repose encore principalement sur les autorités nationales.

Problème : L’absence d’une administration commune efficace engendre des obstacles pour la mise en œuvre uniforme des politiques européennes, créant des disparités dans l’application des règles.


Le droit du travail dans l'UE

Compétence nationale : Le droit du travail reste principalement une compétence des États membres. L'UE fixe un cadre de standards minimum et lutte contre les discriminations dans le travail, mais n'impose pas une législation uniforme sur l’ensemble du secteur.

Historique : Lors du Traité de Rome (1957), l'objectif était de créer un marché commun favorisant la libre circulation des travailleurs. Les années 60 ont vu une mise en œuvre rapide, avec des directives et règlements européens facilitant l'accès au marché de l'emploi.

Migration : Les mouvements migratoires au sein de l'UE ont notamment vu des travailleurs migrer du Sud (Italie, Espagne) vers le Nord (France, Allemagne) en raison de la demande de main-d’œuvre pendant la période des "30 Glorieuses".


Le Fonds Social Européen (FSE)

Mission : Financer des projets locaux pour favoriser l'emploi au niveau européen, avec un focus sur les initiatives de formation et d’insertion professionnelle.

Objectif : Soutenir les collectivités territoriales dans la mise en place de projets qui aident à l’emploi, la formation, et l’intégration des travailleurs.


Absence d’harmonisation du droit du travail européen

Divergences culturelles : Les États membres ont des cultures du travail différentes. Par exemple :

Pays latins (France, Espagne, Italie) : Plus enclins à instaurer des protections sociales fortes, telles que des heures de travail maximales et un salaire minimum.

Pays anglo-saxons (Royaume-Uni, Irlande) : Moins enclins à imposer des règles strictes de protection sociale.

Pays nordiques : Ont régulé leur droit du travail par des conventions collectives, c’est-à-dire des accords entre employeurs et syndicats sectoriels.

Conclusion : Une harmonisation complète du droit du travail au sein de l'UE reste impossible, en raison de ces différences culturelles et juridiques. Cela crée des divergences importantes dans les droits et conditions de travail d'un pays à l'autre.


Le chômage en Europe

Statistiques : Le taux de chômage moyen dans l’UE a atteint son plus bas niveau en 20 ans, avec une moyenne de 6% à l'échelle européenne. En France, ce taux est de 7,3%, ce qui est également un chiffre positif.

Signification : Ces données reflètent une amélioration notable de la situation de l'emploi en Europe.


A/La liberté d’exercer une activité dans un autre EM :


Tout citoyen d'un État membre (EM) de l'UE a le droit d'exercer un emploi sur le territoire d'un autre EM, dans le respect des règles définies par le droit européen. Cette liberté de circulation et d'emploi repose sur plusieurs principes énoncés dans le Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE).

1) Les conditions générales :

Article 45 du TFUE : Cet article prévoit la suppression de toute discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs des EM. Il vise à garantir l’égalité des citoyens de l’UE en matière d'emploi, de rémunération, et d’autres conditions de travail. Cela implique :

  • Le droit de répondre à des offres d'emplois dans d’autres EM,
  • Le droit de se déplacer librement sur le territoire des EM pour trouver un emploi,
  • Le droit de séjourner dans un EM pour y exercer une activité professionnelle, dans les conditions fixées par les lois nationales régissant l’emploi des travailleurs nationaux,
  • Le droit de demeurer dans l’EM après avoir occupé un emploi, sous réserve de respecter les conditions prévues par la législation nationale et européenne.

La notion de travailleur a été définie largement par la JP pour inclure toutes les situations nationales, en excluant les activités marginales. Elle se base sur trois critères :

  • Prestation éco : Il doit s'agir d’une activité rémunérée, excluant les bénévoles et les travailleurs non rémunérés.
  • Sous l’autorité d’un employeur : Le travailleur doit exercer son activité sous la direction d’une autre personne (hiérarchie).
  • Rémunération : Le travail doit être payé.

Exemple jurisprudentiel : L’affaire CJCE, 3 juillet 1986, Lawrie-Blum a précisé que même une période de formation préalable à l’exercice d’une profession (un stage préparatoire) est couverte par la protection des travailleurs. Dans cette affaire, une citoyenne britannique s’était vue refuser l’accès à un stage en Allemagne en raison de sa nationalité. La CJCE a jugé que cette période de formation était également protégée par la liberté de circulation des travailleurs de l’UE.

2) La réglementation européenne en faveur des travailleurs :

Depuis les années 1960, l’UE a adopté plusieurs directives et règlements facilitant la circulation des travailleurs. Le règlement principal de 2011 régit la libre circulation des travailleurs et impose des conditions minimales pour leur traitement équitable.

En ce qui concerne le temps de travail, une directive de 2003 a fixé une durée maximale de travail hebdomadaire à 48 heures. Cela a été un point de friction entre les États, notamment entre les pays latins, qui soutiennent une réduction de cette durée, et les pays anglo-saxons, où la flexibilité est plus courante. La réglementation européenne vise à instaurer des normes minimales pour éviter une dérégulation excessive des conditions de travail.

Directive 2004/38 : Elle permet à un citoyen de l’UE de séjourner jusqu'à 3 mois dans un autre EM sans justification particulière, et au-delà de cette période, sous certaines conditions (emploi, ressources suffisantes, ou études). Elle s’applique à tous les travailleurs européens, les protégeant contre les discriminations liées à leur statut.

3) L’égalité de traitement :

L’UE impose l’égalité de traitement entre travailleurs nationaux et travailleurs européens. L’article 45, paragraphe 2 du TFUE énonce clairement l’abolition des discriminations entre citoyens de l’UE dans les domaines de l’emploi, de la rémunération et des autres conditions de travail.

JP clé :

  • CJCE, 1986, Johnston : Cette décision de principe concernait une policière en Irlande du Nord qui se voyait interdire l’accès à un poste en raison d’une règle discriminatoire fondée sur le sexe. La CJCE a jugé que cette exclusion constituait une discrimination directe entre hommes et femmes.
  • CJCE, 11 juillet 2002, Marie Nathalie D’Hoop : La CJCE a jugé que la discrimination sur la base de la nationalité est incompatible avec le droit européen.

4) Lutte contre les discriminations liées à d’autres critères :

  • Discrimination liée à l’âge : CJUE, 2016, Commission contre Chypre : L’UE lutte contre la discrimination fondée sur l’âge, par exemple dans les recrutements.
  • Discrimination linguistique : Cette question concerne principalement des pays comme la Belgique, où l’exigence linguistique pour certains postes a été jugée discriminatoire par la CJUE.


B. La reconnaissance professionnelle au sein du marché intérieur :

La libre circulation des travailleurs ne signifie pas nécessairement la reconnaissance automatique des qualifications professionnelles acquises dans d’autres EM.

1) La reconnaissance des qualifications professionnelles :

L’UE a mis en place un système de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, particulièrement pour les professions réglementées (médecins, avocats, etc.). L’Article 53 du TFUE établit ce système de reconnaissance des qualifications professionnelles, complété par la directive de 2005, qui vise à faciliter l’accès aux professions réglementées au sein du marché intérieur de l’UE.

Exemple jurisprudentiel :

  • CJCE, 9 septembre 2003, Burbaud : Un cas dans le secteur médical, où la France a été condamnée pour ne pas avoir reconnu un titre professionnel acquis dans un autre EM de l'UE. Cela a permis d’ouvrir la voie à la reconnaissance des qualifications dans des secteurs très réglementés.
  • CJUE, 22 décembre 2010, Koller : Un cas dans lequel un étudiant espagnol avec un master d’avocat a obtenu la reconnaissance de son diplôme en Autriche, même si le système d’accès à la profession différait dans les deux pays.

2) Pour les sportifs :

La CJCE, 15 décembre 1995, Bosman a invalidé les quotas de joueurs nationaux imposés par certains clubs de football en raison de leur nationalité, jugeant qu'ils constituaient une discrimination entre les citoyens de l’UE.

CJUE, 21 décembre 2023 : La CJUE a réaffirmé le principe de proportionnalité concernant les quotas, permettant aux clubs de limiter le nombre de joueurs étrangers si cela vise à promouvoir l’embauche de joueurs locaux.


C. Les exceptions à la libre circulation des travailleurs dans les secteurs publics :

L’article 45, paragraphe 4 du TFUE prévoit des exceptions à la libre circulation des travailleurs, notamment pour les emplois publics. Cependant, cette exception n'est pas absolue et doit être justifiée par un intérêt public. Par exemple, la CJUE a restreint les exceptions pour des fonctions dans des secteurs sensibles comme la défense nationale, les affaires étrangères, ou les services de sécurité.

JP clé :

  • CJUE, Commission contre Belgique, Luxembourg, Grèce : L’approche restrictive a été affirmée par la CJUE, qui exigeait des États membres qu’ils justifient les critères nationaux appliqués dans les emplois publics.


Conclusion :

La liberté d'exercer une activité professionnelle dans un autre EM de l'UE a permis une réduction substantielle des barrières nationales et la création d'un véritable marché du travail intérieur. Toutefois, des exceptions existent dans certains secteurs, principalement en raison de la protection d’intérêts publics spécifiques. Le système européen continue d'évoluer pour garantir l'égalité de traitement et encourager la reconnaissance des qualifications professionnelles, tout en équilibrant les besoins de chaque État membre.





Chapitre 3 : La libre prestation de services :


L’UE est le plus grand marché de services au monde, rivalisant de près avec les États-Unis. En 2022, environ 1155 milliards d’euros ont été échangés en importations et exportations de services entre l'UE et des États tiers, avec une balance commerciale globalement positive. Cela représente 70 % de l’économie de l’UE, qui se concentre principalement sur des partenaires occidentaux.

2. La nature des services

Les services en question incluent des secteurs variés comme :

  • Les services financiers (par exemple, les virements bancaires)
  • Le BTP (ex : construction de bâtiments)
  • Les télécommunications

Le secteur des services relève d’une compétence partagée entre l'UE et les États membres (EM) : l’UE intervient pour harmoniser les règles, tandis que les États membres continuent de réguler certains domaines comme les contrats, les sociétés, et la fiscalité.

Cela engendre un paradoxe permanent : bien que l’UE vise à harmoniser le marché intérieur, il existe aussi une concurrence normative entre les EM pour attirer les entreprises et maximiser les recettes fiscales.

3. Distinction entre libre prestation de services et liberté d’établissement

Le droit de l’UE distingue deux régimes juridiques :

  • La liberté d’établissement : Permet à une entreprise de s’établir de manière stable dans un autre État membre (EM) pour y offrir des services en permanence.
  • La libre prestation de services (LPS) : Permet à une entreprise de fournir des services dans un autre EM sans y établir une présence stable (par exemple, les services en ligne comme les paris sportifs à distance).


JP Reinhard Gebhard= avocat allemand a voulu exercer en Italie sans être autorisé à comparaître devant les juridictions italiennes. Le conseil de l'ordre italien l’a poursuivi pour exercer sans passer un diplôme italien.La Cour a établi une distinction entre liberté d’établissement et libre prestation de services. L’avocat pouvait exercer en Italie à condition de ne pas se présenter devant les juridictions italiennes. Ce jugement a permis à de nombreux avocats européens de migrer pour exercer à l’internat°

5. Les principes généraux du droit (PGD) applicables

Les PGD, tels que l’interdiction de discrimination nationale et l'effet direct, s’appliquent à la libre circulation des services :

  • Effet direct : Les particuliers peuvent invoquer directement ces principes devant les juridictions nationales. Le rôle des juges nationaux est crucial pour appliquer ces principes, avec des exceptions pour des raisons impérieuses d’intérêt général.
  • Exemple : Affaire Van Binsbergen (3 décembre 1974) pour la LPS, et Reyners (21 juin 1974) pour la liberté d’établissement.

6. Liberté de prestation de services : Choix entre rester dans l’EM d’origine ou s’établir dans l’EM d’accueil ?

Lorsqu'une entreprise souhaite offrir des services dans un autre EM, elle doit choisir si elle reste dans son État d'origine pour offrir des services à distance ou si elle ouvre une société dans l'État d’accueil. Ce choix a des implications fiscales et juridiques importantes.

7. La directive Bolkestein (2006) et la flexibilisation des prestations de services

Le commissaire Bolkestein a proposé en 2006 une directive visant à flexibiliser la possibilité pour les entreprises de s'établir dans un pays et de fournir des services dans d'autres pays sans limites. Cependant, cette idée a été critiquée, car une entreprise pourrait s’établir dans un État où les charges sociales et fiscales sont faibles (ex : Pologne) et offrir des services dans des pays avec des normes plus élevées.

8. Directive du 12 décembre 2006

Cette directive vise à codifier les règles de la libre prestation de services dans l'UE. Elle a instauré un guichet unique pour la création d'entreprises, permettant aux entreprises de s'établir plus facilement dans n'importe quel EM, en centralisant toutes les démarches administratives via une plateforme électronique. En France, le guichet unique est désormais géré par l'INPI depuis janvier 2023.

9. Statuts des sociétés

Les statuts des sociétés restent régis par la législation nationale, bien que l’UE ait mis en place des mesures pour simplifier la création d’entreprises. En France, par exemple, des sociétés telles que l'EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée) ou la SARL (Société à Responsabilité Limitée) sont les formes les plus courantes.

10. Objectifs de la directive : Simplification et stimulation de l’économie

L’objectif principal des EM est de simplifier la création d’entreprises et d'encourager l'activité éco. Les réformes visent à réduire la complexité administrative, facilitant ainsi l’accès au marché intérieur et stimulant la compétitivité en Europe.


I/Le droit d’établissement au sein du marché intérieur :


A/Le champ d’application du droit d’établissement :


Le droit d’établissement permet aux citoyens et aux entreprises de l’UE de créer des entreprises dans d'autres États membres dans les mêmes conditions que les nationaux. Ce droit est garanti par l'article 49 du TFUE. L'article 54 du TFUE précise que les sociétés, qu'elles soient privées ou publiques, peuvent s'établir dans un autre pays de l'UE, sous réserve de respecter les règles du marché intérieur.

1)Les bénéficiaires du droit d’établissement :

Ce droit concerne aussi bien les personnes physiques que morales (les sociétés). Les entreprises peuvent ouvrir des filiales, des succursales ou des bureaux dans un autre pays de l'UE.

  • Filiale : Une entreprise séparée mais contrôlée par une société d'un autre pays.
  • Succursale : Une extension de l’entreprise dans un autre pays, avec des activités commerciales.
  • Bureau ou agence : Un simple point de contact, sans activité commerciale.

Les entreprises peuvent choisir de s’établir dans un autre pays de l’UE pour profiter d’avantages fiscaux, comme l’a montré l’affaire Cadbury Schweppes (2006), où une société a transféré ses bénéfices dans un pays à fiscalité plus avantageuse.

B. L’égalité de traitement des entreprises

Les entreprises de l’UE doivent être traitées de la même manière que les entreprises locales. Cela signifie qu’elles peuvent créer une société et exercer des activités commerciales dans d’autres pays de l’UE comme si elles étaient des entreprises nationales.

Exemples de décisions importantes :

  • Centros (1999) : Une société a pu s'enregistrer dans un autre pays de l'UE pour bénéficier de règles plus avantageuses, même si son activité se déroulait dans un autre pays.
  • Daily Mail (1988) : Le Royaume-Uni a été autorisé à limiter le transfert de siège d'une entreprise si celle-ci ne respectait pas certaines conditions nationales.

C. L’évolution vers une libre circulation des sociétés

Au fil du temps, la JP de la Cour de justice de l’UE a permis une libre circulation accrue des entreprises dans l’UE. Par exemple, dans l'affaire Überseering (2002), la Cour a décidé qu'une société immatriculée dans un autre pays de l'UE pouvait exercer des actions en justice dans un autre pays membre, même si son activité n'y était pas.

Les arrêts Viking (2007) et Laval (2007) ont montré que les entreprises peuvent transférer leur siège social dans un autre pays membre, même si cela affecte les droits des travailleurs. Cela renforce le principe de la libre circulation des entreprises tout en posant des questions sur les droits des travailleurs.

II/La libre prestation de services au sein de l’UE :


Le critère distinctif issu de la JP Ghébard :

Le critère qui découle de la JP Ghébard consiste à distinguer si la prestation de service est permanente ou temporaire, ce qui permet de déterminer quel régime juridique sera applicable. Cette distinction est essentielle pour la qualification des services, et pour l’application de la directive sur la libre prestation de services. Ce critère implique qu’une prestation de service, si elle est temporaire, bénéficie des avantages de la LPS et peut être exercée librement dans un autre État membre sans être soumis à la réglementation nationale de l’État d’accueil, à moins que celle-ci ne constitue une mesure proportionnée et nécessaire pour la protection de l’ordre public.

La JP Association Professionnelle Elite Taxi (2017) :

Dans l’affaire Association Professionnelle Elite Taxi, il y avait un conflit entre les chauffeurs de taxis à Barcelone et la société Uber Spain. Les chauffeurs de taxi étaient soumis à des régulations strictes, telles que l’obtention d’une licence, la formation et des examens pour exercer leur activité. En revanche, les chauffeurs Uber ne nécessitaient aucune licence professionnelle ou formation, ce qui créait une concurrence déloyale selon les taxis. Les taxis ont donc porté l’affaire devant les juridictions espagnoles pour demander l’interdiction de l’activité Uber.

La CJUE a jugé que le service fourni par Uber constituait un service de transport spécifique, et qu’il incombait aux autorités publiques d’organiser les conditions d’exercice de cette activité. En conséquence, les autorités espagnoles pouvaient interdire l’activité d’Uber à Barcelone, au motif qu’elle enfreignait les réglementations locales régissant le secteur du transport.

La JP Uber France SAS (2018) :

Dans une autre affaire, Uber France SAS a été confrontée à des chauffeurs non professionnels utilisant l’application UberPop, un service permettant à des particuliers non professionnels d’offrir des services de transport rémunérés. La CJUE a validé la législation française, spécifiquement la loi Thévenoud, qui imposait aux chauffeurs VTC de détenir une formation et une habilitation avant d’exercer.

Cette décision a souligné qu’un service de transport, même s’il est fourni par des non-professionnels, relève des règles nationales régissant la sécurité et l’ordre public. La CJUE a précisé que la directive services ne s’appliquait pas dans ce cas précis, car les règles de sécurité et de formation sont considérées comme des mesures justifiées dans l’intérêt public. La décision a donc restreint l’application de la libre prestation de services dans le secteur du transport.

L'impact des nouvelles technologies :

L'évolution technologique rend de plus en plus difficile la détermination du caractère transfrontalier de certaines prestations de services. Par exemple, des services comme ceux d’un avocat ou d’un architecte sont relativement faciles à géolocaliser, mais les services financiers ou électroniques, tels que les jeux de hasard en ligne, sont beaucoup plus difficiles à localiser. Cela complique l’application des règles sur la LPS et le droit applicable. Dans ce contexte, la CJUE s’efforce d’appliquer le critère du caractère transfrontalier, en fonction de la possibilité de transférer des services d'un État membre à un autre.

Conditions d’application de la LPS :

  1. Le caractère transfrontalier : Le service doit être temporaire et transfrontalier. L’appréciation de la durée, fréquence, périodicité et continuité de la prestation est déterminée à partir de la JP Ghebarte de 1995. Un service peut être temporaire même si l'opérateur établit une structure temporaire dans un autre État membre (par exemple, un bureau ou un cabinet d’études).
  2. L'interdiction générale de restrictions à la LPS : L'article 56 du TFUE interdit les restrictions à la LPS, sauf si celles-ci sont justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, ou de santé publique. En outre, l'article 57 du TFUE précise que les services doivent être fournis contre rémunération et ne sont pas soumis aux règles sur la libre circulation des personnes.

A. Le champ d’application de la LPS :

1) Les bénéficiaires de la LPS :

  • Les personnes physiques : La CJUE a élargi la notion de LPS à tous les citoyens européens. Par exemple, dans l’affaire Luisi et Carbone (1984), la CJUE a jugé que les transferts de devises entre États membres ne pouvaient être restreints. De même, les ressortissants européens doivent être libres de se déplacer pour des soins médicaux ou des études, comme le précise l'arrêt Cowan (1989).
  • Les personnes morales : L’application de la LPS est également étendue aux entreprises établies dans un État membre. Cela a été affirmé par la CJUE dans le cadre du droit d’établissement, où les restrictions qui empêchaient les entreprises de s’implanter dans un autre État membre étaient supprimées.
  • Les prestations dans le domaine médical : Un exemple important est celui du tourisme médical où un citoyen de l'UE peut se rendre dans un autre État membre pour se faire soigner. Cela soulève la question des régimes de sécurité sociale, chaque pays ayant un système propre. La CJUE a traité ce problème, en particulier dans l'affaire Commission c/ France (2010), où la France a été critiquée pour ses restrictions sur la prise en charge des soins médicaux à l’étranger. Cependant, la CJUE a validé certaines restrictions basées sur des raisons de planification budgétaire.

2) Les domaines de la LPS :

L'article 57 du TFUE énumère plusieurs domaines professionnels couverts par la LPS, tels que les activités industrielles, commerciales, artisanales, et les professions libérales.

Conditions de la LPS :

  • Un contrat entre le prestataire et son client.
  • Une activité éco fournie contre rémunération, comme confirmé dans la JP Jundt (2007).
  • L'activité doit concerner des prestations indépendantes.

La CJUE a confirmé cette approche dans des affaires comme Google Island (2020) où elle a souligné que la Hongrie ne pouvait pas imposer des amendes de manière abusive pour des services publicitaires internationaux.

Exceptions et activités exclues :

Les activités liées à l'exercice de l’autorité publique (par exemple, certaines activités sociales, éducatives et judiciaires) sont exclues de la LPS, conformément à l’article 51 du TFUE.

B. Le régime juridique de la LPS :

1) L’effet direct et le principe de non-discrimination :

L'effet direct de l'article 56 du TFUE est illustré par l’arrêt Van Binsbergen (1974), où la CJUE a appliqué les principes de la non-discrimination à l'égard des prestataires de services en raison de leur nationalité. Ce principe, combiné à l'interdiction de restrictions injustifiées à la LPS, constitue l'un des principes fondamentaux du marché intérieur européen.

2) Les restrictions justifiées par un intérêt général :

Dans des affaires comme Manfred Sager (1991) et Markus StoB (2010), la CJUE a rappelé que les restrictions à la LPS peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, comme la protection des consommateurs ou la lutte contre les dépendances au jeu. Cependant, ces restrictions doivent respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire que les mesures prises doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au but recherché.

Conclusion :

La libre prestation de services au sein de l’UE est un principe fondamental du marché intérieur, mais elle se heurte à des contraintes d’ordre public et de sécurité. L'évolution technologique et les nouvelles formes de services, comme ceux fournis par des plateformes numériques, posent de nouveaux défis pour l’application des règles existantes. Les décisions de la CJUE ont permis de clarifier ces questions, en équilibrant la liberté de prestation avec la nécessité de réguler certains secteurs pour protéger l’intérêt général.

Titre II : Le droit de la concurrence de l’UE :

Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont imposé un modèle éco libéral à l’Europe, notamment à travers le Plan Marshall. Ce modèle inspiré des États-Unis a conduit à l’introduction de règles de concurrence dans le Traité de Rome (1957), visant à établir un marché commun européen. Ces règles s’inspirent des législations antitrust américaines, dont :

  • Sherman Act (1890) : Interdiction des ententes entre entreprises qui restreignent la concurrence.
  • Clayton Act (1914) : Interdiction des discriminations concurrentielles entre États.
  • Webb-Pomerene Act (1918) : Application des règles de concurrence aux exportations.

Ces inspirations ont permis la création d'un droit européen de la concurrence autour de 4 pratiques principales :

  1. Les ententes (Article 101 TFUE) : Ce texte interdit les accords ou pratiques concertées qui faussent la concurrence. Cela inclut les cartels, les accords de prix fixes, ou les restrictions de production.
  2. Les abus de position dominante (Article 102 TFUE) : Toute entreprise en position dominante ne doit pas exploiter cette position pour nuire à la concurrence, par exemple, en imposant des prix excessifs ou en excluant des concurrents du marché.
  3. Les aides d’État (Article 107 TFUE) : Les aides accordées par les États membres aux entreprises doivent être compatibles avec le marché intérieur et ne pas fausser la concurrence.
  4. Les concentrations (Règlement n°139/2004) : Les fusions et acquisitions sont soumises à un contrôle pour éviter une concentration excessive qui nuirait à la concurrence.

1. La politique commerciale commune et l'intégration du marché intérieur

Les EM ont adopté une politique commerciale commune, en parallèle du marché unique, visant à ouvrir les marchés en favorisant l’exportation et l’importation de biens et de services. Ce transfert de souveraineté aux institutions communautaires a permis à l’UE d’adopter une politique + forte lors des négociations commerciales internat°. Le marché intérieur, créé par l’UE, repose sur l'idée que la concurrence doit être libre et non faussée, et la réglementation de la concurrence est essentielle pour maintenir l'équilibre du marché.

2. Les acteurs dominants et la régulation de la concurrence

Actuellement, des géants technologiques comme Google, Amazon, Facebook, Apple, et Microsoft sont dominants non seulement au niveau européen mais mondial. Ces entreprises sont des acteurs éco puissants, au point d’avoir des ressources comparables à celles des États. Elles exploitent des données massives et optimisent leurs situations fiscales, ce qui leur donne un pouvoir de marché considérable, qui peut nuire à la concurrence. L'UE a donc mis en place une régulation proactive de ces entreprises afin d'empêcher toute distorsion de la concurrence.

3. Application des principes de la concurrence par la CJUE

La CJUE a posé plusieurs principes clés du droit de la concurrence :

  • L’effet direct des règles de concurrence : Selon l'arrêt Courage Ltd c. Crehan (2001), toute entreprise, même un particulier, peut demander des réparations pour préjudices résultant de pratiques anticoncurrentielles, même si un contrat d'exclusivité avait été signé. Ce principe a été renforcé par l'arrêt Vincenzo Manfredi (2006), où la CJUE a souligné qu’un particulier peut revendiquer la nullité d’un contrat anticommunautaire et demander réparation devant une juridiction nationale.

Ces arrêts ont été intégrés dans le règlement n°1/2003, qui a renforcé les droits des particuliers dans la mise en œuvre des règles de la concurrence de l'UE.

4. Les autorités de régulation de la concurrence

Les autorités publiques responsables de la régulation de la concurrence sont les autorités de régulation. À l'échelle européenne, la Commission européenne est l’organe principal chargé de la politique de concurrence. La Direction générale de la concurrence, dirigée par la commissaire Margrethe Vestager, surveille le respect des règles de concurrence et engage des enquêtes en cas de violation. En France, c'est l'Autorité de la concurrence qui veille à l’application du droit national de la concurrence.

5. Le rôle des États membres dans la concurrence

L’article 3 du TFUE confère à l'UE une compétence exclusive en matière de concurrence, et les États membres ne peuvent adopter des mesures de concurrence qui affectent les relations avec d’autres États. L’article 120 du TFUE précise que les États membres doivent garantir une concurrence libre et non faussée. Cette compétence exclusive de l’UE fait en sorte que la concurrence reste libre dans le marché intérieur et évite les mesures protectionnistes.

6. La logique libérale du droit de la concurrence européen

Depuis le traité de Rome, l’UE a adopté une approche libérale en matière de concurrence, visant à éviter que des entités publiques ou privées n’interviennent pour fausser les conditions du marché. La libre concurrence est perçue comme un moteur de croissance éco et un moyen d’assurer une égalité des chances pour toutes les entreprises, qu'elles soient petites ou grandes.

Conclusion :

Le droit de la concurrence de l'UE vise un marché libre et non faussé, crucial face à la domination des grandes entreprises mondiales. La CJUE, par ses arrêts, renforce l'applicabilité des règles nationales et assure un contrôle strict des pratiques anticoncurrentielles via la Commission et les autorités nationales.


Chapitre 1 : Les pratiques anti-concurrentielles opposables aux entreprises privées

1. Le cadre juridique de la concurrence en Europe

Le Règlement du 16 décembre 2002 est essentiel pour appliquer les règles de concurrence en Europe, définissant des principes généraux de droit (PGD) applicables aux États membres (EM).

2. Les notions clés des pratiques anti-concurrentielles

  • Entreprise et activité éco : L'entreprise selon la CJUE est une organisation poursuivant un but éco. Par exemple, une société et ses filiales peuvent être considérées comme une seule entité éco si elles partagent des objectifs communs. La question de l’autonomie juridique d’une filiale par rapport à sa maison mère est importante pour déterminer la responsabilité des pratiques anti-concurrentielles.
  • La CJUE dans l'affaire Mannesmann (1962) définit l'entreprise comme une organisation d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant un but éco.
  • L’affaire Itochu Corp (2009) a illustré comment une société mère et ses filiales peuvent être responsables ensemble des pratiques anti-concurrentielles (exemple du cloisonnement géographique des ventes de Nintendo).
  • Activité éco : Selon la CJUE (1988 et 1998), toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné est considérée comme une activité éco, indépendamment de la forme juridique de l'entité.
  • L'application du droit européen ne tient pas compte des statuts juridiques des entreprises, ni de leur situation géographique. Par exemple, le droit de la concurrence s'applique aux entreprises publiques et privées de manière égale.

3. Le marché pertinent et le pouvoir de marché

Le concept de marché pertinent détermine si une entreprise a un pouvoir de marché suffisant pour affecter la concurrence :

  • Marché pertinent : Dans l'affaire United Brands (1978), la CJUE a défini le marché pertinent en fonction du produit ou service concerné et de la zone géographique. Par exemple, la question dans l’affaire Coca-Cola était de savoir si le Coca-Cola faisait partie d'un marché plus large de sodas ou s'il constituait un marché à part.

4. Affectation du commerce entre États membres (EM)

  • Affectation du commerce : La CJCE, dans l'affaire Walt Wilhelm (1969), a établi que les pratiques anti-concurrentielles affectant le commerce entre États membres de l'UE peuvent être sanctionnées par le droit européen, même si elles n’ont pas d’impact immédiat sur tous les EM.


I. Le contrôle des ententes entre entreprises

Les ententes anti-concurrentielles sont souvent sanctionnées au niveau européen, avec des amendes lourdes. Par exemple, en 2021, plusieurs banques ont été condamnées pour s’être accordées sur les prix sur les marchés financiers.

Les ententes peuvent être horizontales ou verticales :

  • Ententes horizontales : Concernent des entreprises concurrentes qui se mettent d’accord sur leurs prix ou conditions commerciales (exemple : l’affaire Valve dans les jeux vidéo, où des éditeurs ont bloqué la vente transfrontalière de jeux).
  • Ententes verticales : Concernent des entreprises de niveaux différents (par exemple, entre producteurs et distributeurs). Ces ententes sont plus difficiles à détecter.

A. La qualification juridique des ententes

L’article 101 du TFUE interdit toutes les ententes entre entreprises qui affectent le commerce entre EM et faussent la concurrence. Cette interdiction concerne des pratiques comme :

  • La fixation des prix
  • Le contrôle de la production ou de l'approvisionnement
  • La répartition des marchés

B. La preuve de l’entente par les autorités de concurrence

Les autorités compétentes pour sanctionner les ententes sont la Commission européenne et, dans certains cas, les autorités nationales (comme l’Autorité de la concurrence en France). La Commission peut enquêter et sanctionner les pratiques anti-concurrentielles. Par exemple, si une entente concerne plusieurs pays, la Commission européenne intervient pour éviter la double sanction.


Les Abus de Position Dominante

Les Abus de Position Dominante : L'Affaire United Brands et sa JP

1. Introduction et contexte de l'affaire United Brands

L'affaire United Brands (14 février 1978) est un arrêt clé de la Cour de justice de l'UE(CJUE) qui a clarifié les critères de l'abus de position dominante en vertu de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE). Cette affaire concerne la société United Brands, désormais connue sous le nom de Chiquita, l'un des principaux producteurs et distributeurs mondiaux de bananes.

United Brands avait une position dominante sur le marché de la banane en Europe, ce qui lui permettait de fixer ses prix de manière indépendante et de dicter les conditions commerciales à ses clients, notamment ses distributeurs et revendeurs. Cette situation a été analysée sous l'angle de l'abus de position dominante, car l'entreprise a utilisé sa position pour imposer des conditions de vente inéquitables et discriminer certains de ses clients.

2. La position dominante et ses conséquences

Définition d'une position dominante

Une position dominante se définit comme une situation dans laquelle une entreprise détient un pouvoir de marché suffisant pour influencer ou restreindre la concurrence sur un marché donné, indépendamment des actions de ses concurrents. Ce pouvoir peut se traduire par la capacité d'une entreprise à dicter les prix, à exclure de nouveaux entrants ou à imposer des conditions contractuelles de manière déséquilibrée.

Dans l’affaire United Brands, la société détenait une position dominante sur le marché des bananes en raison de sa part de marché significative et de sa capacité à influencer le prix des bananes en Europe. Elle contrôlait une grande partie de la production et de la distribution de ce fruit, ce qui lui permettait de fixer des prix plus élevés que ceux du marché concurrentiel.

3. Le marché pertinent

Le marché pertinent est un concept clé dans l’analyse d’une position dominante. Il s’agit de la délimitation du marché sur lequel une entreprise exerce son pouvoir, en fonction des produits et de la zone géographique concernés. Dans l’affaire United Brands, la Commission européenne a d'abord dû déterminer si les bananes constituaient un marché distinct des autres fruits, comme les oranges ou les pommes.

La Commission a jugé que les bananes formaient un marché distinct, car elles ne sont pas facilement substituables par d'autres fruits dans les habitudes de consommation des Européens, ce qui a permis de qualifier la position dominante d'United Brands. Cette décision a établi un précédent important pour la qualification des marchés spécifiques dans le cadre de l’abus de position dominante.

4. Les pratiques anti-concurrentielles de United Brands

L'imposition de conditions de vente abusives

United Brands a été accusée d'avoir abusé de sa position dominante en imposant des prix excessifs et des conditions de vente désavantageuses à ses distributeurs et revendeurs. Par exemple, elle a imposé des prix fixes sur ses bananes et a exclu certains concurrents en pratiquant des conditions de vente discriminatoires. Ces pratiques ont nui à la concurrence, car elles ont empêché d'autres producteurs de bananes d'entrer sur le marché ou de rivaliser sur un pied d'égalité.

La société a également été accusée de vendre des bananes non mûres (à l'état vert) à ses distributeurs, obligeant ces derniers à les conserver jusqu'à maturité, ce qui leur imposait des coûts supplémentaires. Cette situation était particulièrement désavantageuse pour les petites entreprises et a renforcé le contrôle d'United Brands sur la chaîne d'approvisionnement des bananes en Europe.

La fixation de prix excessifs

En imposant des prix de vente au-dessus du niveau du marché, United Brands a restreint la concurrence en éliminant les petits producteurs et revendeurs, ce qui est caractéristique d'un abus de position dominante. Selon la JP de la CJUE, une entreprise en position dominante ne doit pas exploiter de manière excessive sa position pour imposer des prix injustifiés ou restreindre la concurrence.

5. La réaction de la Commission européenne

La Commission européenne, alertée par des plaintes de distributeurs et de concurrents, a ouvert une enquête contre United Brands en 1975. Elle a conclu que l'entreprise avait enfreint l'article 102 du TFUE en abusant de sa position dominante pour limiter la concurrence et imposer des conditions commerciales injustes.

En conséquence, la Commission a infligé à United Brands une amende pour violation des règles de la concurrence. L'affaire a été un tournant majeur pour la régulation des pratiques anti-concurrentielles au sein de l’UE , car elle a mis en lumière les abus possibles d'une position dominante sur un marché spécifique.

6. JP clé et l'influence de l'affaire United Brands

L'arrêt United Brands a posé plusieurs principes essentiels en matière de régulation des positions dominantes. D'abord, il a mis en évidence que le fait d'exercer une position dominante n'est pas illégal en soi, mais que l'abus de cette position est prohibé par la législation européenne. L'affaire a aussi élargi la notion de marché pertinent, en confirmant que certains produits, même s'ils font partie d'une catégorie plus large, peuvent être considérés comme des marchés distincts.

Cette JP a eu un impact sur d'autres affaires de concurrence, comme l'affaire Hoffmann-La Roche en 1979, où une entreprise active dans la production de vitamines a également été jugée coupable d'abus de position dominante.

7. La procédure de sanction pour abus de position dominante

L'enquête sur les abus de position dominante suit un cadre procédural rigoureux, tel qu'établi par le Règlement 1/2003. Lorsqu'une entreprise est soupçonnée d'abuser de sa position dominante, la Commission européenne peut engager une procédure d'enquête qui comprend des auditions, des consultations avec les parties prenantes et des analyses approfondies du marché. Si un abus est constaté, la Commission peut imposer des sanctions financières et ordonner la cessation de pratiques anticoncurrentielles.

Dans l'affaire United Brands, après une analyse détaillée du marché de la banane et des pratiques commerciales de l'entreprise, la Commission a décidé que United Brands abusait de sa position dominante et a prononcé une amende.

B/ La caractérisation de l’abus de position dominante

La qualification de position dominante ne signifie pas nécessairement qu'une entreprise a agi de manière abusive. Une entreprise peut être en position dominante sans être sanctionnée. Ce qui est sanctionné, c’est l’exploitation abusive de cette position dominante, caractérisée par des comportements commerciaux qui influencent la structure du marché et font obstacle au maintien d’un degré suffisant de concurrence. Dans ce cadre, la Commission Européenne (CE) a dû développer des critères afin d'identifier et prévenir ces comportements commerciaux agressifs. L’article 102 du TFUE distingue deux types d’abus : les abus d’exploitation et les abus d’éviction.

1) Les catégories d'abus de position dominante (APD)

Il existe une distinction entre deux catégories d'abus : les abus d’exploitation et les abus d’éviction. Ces abus sont caractérisés par des comportements commerciaux spécifiques et peuvent affecter la concurrence sur le marché.

A) Abus d’exploitation

Les abus d’exploitation sont relativement rares. Cela s’explique par le fait qu’ils découlent souvent d’une exploitation normale d’un secteur, sans pour autant conduire à l’éviction de la concurrence. En conséquence, il existe peu de JP sur ce type d’abus, car ils ne résultent généralement pas en un déséquilibre structurel du marché.

B) Abus d’éviction

Les abus d’éviction, en revanche, sont plus fréquents et concernent des pratiques commerciales agressives dont le but est d'évincer les concurrents d'un marché donné. Ces abus visent à éliminer la concurrence en utilisant des méthodes commerciales manipulatrices ou déloyales.

Exemples concrets d’abus d’éviction :

  1. Affaire Microsoft : Microsoft, leader mondial des logiciels, a été accusée par la Commission Européenne d’abus de position dominante en 2004. Le groupe a bloqué l'interopérabilité de son logiciel multimédia (Windows Media Player) avec d’autres logiciels concurrents. Microsoft exploitait sa position dominante sur le marché des systèmes d’exploitation pour favoriser son propre logiciel multimédia et empêcher les autres éditeurs d’être compatibles avec son système. En conséquence, la Commission Européenne a imposé une amende de près de 500 millions d'euros et a exigé que Microsoft rende publiques ses données d’interopérabilité. Cette décision a été confirmée par le Tribunal de l'UE en 2007. Cet exemple illustre l’exploitation abusive de la position dominante pour étouffer la concurrence.
  2. Affaire British Airways : British Airways (BA) a utilisé des pratiques commerciales agressives en offrant des primes aux agences de voyages pour vendre ses billets, afin de favoriser ses propres produits et écarter les concurrents. Ce comportement a été jugé comme un abus d’éviction.
  3. Affaire France Télécom : France Télécom a appliqué une stratégie de « prix de prédateur » en réduisant drastiquement ses prix lorsque le marché de la téléphonie s’est ouvert à la concurrence. Cette politique a pour but d'évincer les concurrents incapables de suivre ces tarifs bas. Une telle stratégie est également considérée comme un abus de position dominante.

2) Sanctions liées aux abus de position dominante

Les sanctions à l’encontre des abus de position dominante peuvent être administratives, mais la plupart des cas entraînent des sanctions financières, telles que des amendes ou des astreintes. Ces amendes sont calculées en fonction de la gravité de l’infraction et de sa durée. Elles ne peuvent dépasser 10% du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise incriminée, et la Commission Européenne peut ajouter des astreintes pour forcer l’entreprise à cesser son comportement abusif.

Exemples de sanctions financières :

  1. Google : Google a été sanctionné à trois reprises pour des pratiques anticoncurrentielles.
  • En 2017, la Commission Européenne a infligé à Google une amende record de 2,42 milliards d'euros pour avoir favorisé ses propres produits dans les résultats de son moteur de recherche via Google Shopping, au détriment de ses concurrents.
  • En 2018, Google a été à nouveau sanctionné pour un montant de 4,34 milliards d'euros pour des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des appareils Android, en imposant la préinstallation de ses applications sur les smartphones.
  • En 2019, une autre amende de 1,49 milliard d'euros a été infligée à Google pour avoir utilisé sa position dominante dans la publicité en ligne pour éliminer ses rivaux.

Ces amendes illustrent l'importance de la régulation des pratiques des entreprises dominantes sur le marché européen.

3) Le concept de « Brussels Effect »

Le "Brussels Effect" désigne la capacité de l'UE à imposer ses régulations aux entreprises, même en dehors de son territoire. Ana Bradford, dans son livre sur le sujet, explique comment l'UE exerce une pression importante sur les entreprises situées hors de son territoire, en raison de son marché attrayant et de sa réglementation stricte. Cette influence permet à l'UE de se distinguer des autres zones éco comme l’Asie ou l’Amérique du Nord. Par exemple, des entreprises comme Google, qui sont basées en dehors de l'UE, se voient contraintes de se conformer aux lois européennes sous peine de lourdes amendes. Cela démontre la puissance du droit de la concurrence de l'UE et son rôle central dans la régulation des pratiques commerciales des géants mondiaux.


L'affaire United Brands a défini l'abus de position dominante et influencé les décisions de la Commission européenne et de la CJUE. Elle reste une référence importante pour réguler les entreprises dominantes en Europe.


Chapitre 2 : Les pratiques anti-concurrentielles

Le droit de l’UE, selon les articles 119, paragraphes 1 et 2 du TFUE, impose le principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre. Ce principe de libre concurrence s’applique tant aux entreprises privées qu’aux entreprises publiques, conformément à l’article 106, paragraphe 1 du TFUE. Cette approche, instaurée dès le traité de Rome de 1957, a profondément influencé la conception des services publics au sein des États membres (EM). En effet, la majorité des EM disposaient de régimes juridiques spécifiques pour protéger leurs secteurs publics, ou du moins pour les soumettre à des règles distinctes du droit commun.

Jusqu’aux années 1980, la Cour européenne (CE) était relativement peu regardante sur l’application des règles de concurrence aux secteurs publics. Cependant, cette approche a changé progressivement après le Livre blanc du 14 juin 1985 sur le marché intérieur, où la CE a commencé à s’attaquer aux monopoles nationaux détenus par les EM, notamment dans des secteurs stratégiques comme les transports, les télécommunications et l’énergie. Cette période de transition, entre les années 1980 et 1990, a conduit à une privatisation massive de nombreuses entreprises publiques, suivie de la mise en concurrence de ces dernières.

Exemples de privatisation :

  • Air France, nationalisée en 1945, a été privatisée en 1999 (partiellement d'abord, puis intégralement avec la fusion avec KLM en 2004). L’État français conserve encore 28,6 % du capital, et l’État néerlandais est également un actionnaire important. Ainsi, les deux États demeurent les principaux actionnaires pour conserver un certain contrôle sur un secteur stratégique tel que l’aviation.
  • France Télécom (ajd Orange), est devenue une société anonyme en 1996. Son capital a été partiellement ouvert à d’autres actionnaires en 2004, mais l’État en conserve 26,9 %.
  • La Poste a été transformée en société anonyme en 2010, mais l’État détient toujours 100 % de son capital.
  • La SNCF est encore une entreprise publique, qui conserve un monopole national. Cependant, l’État se prépare progressivement à la concurrence dans le secteur ferroviaire, bien qu'il soit encore en situation de monopole. Le même constat s’applique à la RATP.

Ces exemples montrent que les EM de l’UE n’ont pas abandonné leurs secteurs stratégiques, mais ont simplement adapté la structure et le capital de leurs entreprises pour respecter les règles de concurrence imposées par la CE.

Le droit de la concurrence de l’UE repose avant tout sur la notion d’activité éco. La CJUE, dans son arrêt Höfner du 23 avril 1991, a précisé que la notion d'entreprise comprend "toute entité exerçant une activité éco, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement". Cette décision a concerné l’application des règles de concurrence à un office de l’emploi en Allemagne.


I. Les aides d’État au sein de l'UE :

Les aides d’État =soutiens financiers accordés par les autorités pblc nat° aux entreprises, qu'elles soient pblc ou pv, qui peuvent fausser la concu en produisant des effets protectionnistes. De telles aides sont donc contraires aux règles du marché intérieur de l’UE, où la concurrence doit être libre. Le contrôle de ces aides est essentiel pour maintenir l'intégrité du marché intérieur.

L’article 107 du TFUE pose le principe général de l’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, et l’UE met en place un système d’autorisation préalable. L’art 107/108 du TFUE, cependant, ne dispose pas d’un effet direct : il s’applique uniquement entre les EM et la CE, et les particuliers ne peuvent pas invoquer directement ces articles devant les juridictions nationales.

Depuis l’arrêt Altmark de la CJCE du 24 juillet 2003, des règles spécifiques sont appliquées aux aides d’État accordées dans le cadre des SIEG (Services d'Intérêt éco Général).


A. Le régime juridique des aides d'État :

  1. L’incompatibilité de principe des aides d’État :

L’article 107, paragraphe 1 du TFUE dispose : "Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions."

La notion d’aide d’État est donc définie de manière large, incluant "tout avantage, quel qu’en soit la forme (subvention, prêt, dispense de charges, réduction d’impôts)", dès lors que la mesure est d’origine étatique, que des ressources publiques sont mises en cause, et que cette aide bénéficie à une entreprise ou à une production spécifique.

Critères essentiels :

  • Il faut qu’il y ait un avantage financier.
  • Cet avantage doit provenir d’une autorité publique nationale.
  • L’avantage doit être accordé à une entreprise en faussant la concurrence.

Les aides publiques, qu’elles soient nationales, régionales ou locales, sont concernées par ces règles. Ces mesures peuvent fausser la concurrence et affecter les échanges communautaires, ce qui les rend incompatibles avec le marché intérieur.


JP :

  • CJCE, 13 mars 2001, PreussenElektra : Cette affaire concernait une obligation imposée par une réglementation étatique allemande qui obligeait les distributeurs d’électricité à acheter de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. La Cour a estimé qu’il ne s’agissait pas d’une aide d’État, car l’avantage éco n’était pas financé par des ressources publiques, ce qui restreint la définition des aides d’État.

Les entreprises doivent donc prouver que l’aide publique est nécessaire pour leur survie sur le marché et justifier que l’avantage éco qui leur est procuré n’aurait pas pu être obtenu dans des conditions normales de marché.

Le ctrl des aides d’État :

Depuis 1957, le traité fondateur a préparé le terrain pour un contrôle des aides d’État, en vertu de l’article 108 du TFUE. Les autorités pblc doivent notifier préalablement toute subvention accordée à la CE. Ce processus est connu sous le nom de procédure de notification, qui concerne les autorités nationales, régionales et locales. La Direction générale de la concurrence de la CE est responsable de ce contrôle, et elle rend une décision qui détermine la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide.

La CE dispose de plusieurs options :

  1. L’aide n’est pas considérée comme une aide d’État.
  2. L’aide est jugée incompatible et interdite.
  3. La CE autorise l’aide si elle est justifiée.

Les décisions de la CE peuvent être contestées par les entreprises concernées, notamment les entreprises lésées.


Ex=

  • Affaire France Télécom, 2011 : La CJUE a confirmé que l’obligation de notification des aides d’État était essentielle pour assurer leur légalité. En l'absence de notification, une aide d’État est considérée comme illégale et doit être récupérée. Dans cette affaire, France Télécom a dû rembourser à l'État français une aide jugée incompatible.
  • Affaire Apple, 2016 : La CE a ordonné à l’Irlande de récupérer une aide fiscale illégale accordée à Apple, à hauteur de 13 milliards d'euros. En 2020, le Tribunal de l’UE a annulé cette décision, jugeant que ces aides étaient compatibles. La CE a interjeté appel et attend actuellement la décision de la CJUE.


B/ Les aides d’État compatibles avec le marché intérieur

1) Les exemptions par catégorie

L'article 107§ 2 TFUE mentionne des types d'aides qui peuvent être compatibles avec le marché intérieur :

  • Les aides à caractère social : Cela concerne les aides destinées aux consommateurs individuels pour les aider à accéder à certains services ou produits essentiels.
  • Les aides pour des catastrophes naturelles : Par exemple, après la tempête Xynthia en France en 2010, la Commission européenne a autorisé l’utilisation de fonds pour soutenir les collectivités et entreprises touchées.
  • Les aides en période de crise, comme le COVID-19 : La Commission européenne a permis des aides massives entre 2020 et 2022 pour soutenir les économies face à la crise du COVID, notamment en autorisant 730 milliards d'euros d'aides pour les entreprises.

Ex juridiques :

  • Ryanair contre la Commission européenne (7 février 2024) : Ryanair contestait une aide de 3,4 milliards d’euros accordée à KLM sous forme de prêt bancaire. La Cour a annulé cette aide, estimant qu’elle n’était pas justifiée par la crise du COVID.
  • Ryanair contre la Commission européenne (20 décembre 2023) : Dans ce cas, Ryanair contestait une aide de 4 milliards d’euros accordée par la France à Air France/KLM, et la Cour a estimé que l’aide n’était pas directement liée à la crise sanitaire, mais à un soutien indirect pour des projets de capitalisation.

2) Autres catégories d’aides (Article 107, paragraphe 3)

Certaines aides peuvent aussi être autorisées selon des critères spécifiques, comme :

  • Aides pour les régions défavorisées : Aides pour les zones où le niveau de vie est bas ou où il y a beaucoup de chômage.
  • Aides pour des projets européens importants : Par exemple, pour des projets qui apportent un bénéfice à l’ensemble de l’UE
  • Aides à la culture et au patrimoine : Celles qui soutiennent la culture ou la conservation du patrimoine, tant qu’elles ne faussent pas la concurrence.
  • Autres catégories décidées par le Conseil européen : Cela inclut des aides pour certaines activités comme l’environnement, les PME, les femmes entrepreneures, la formation, ou encore des aides pour les travailleurs handicapés.

3) Aides de minimis

Ce sont des aides de faible montant, généralement inférieures à 300 000 euros sur trois ans. Elles ne sont pas considérées comme ayant un impact sur le marché intérieur et peuvent être données sans nécessiter une autorisation préalable de la Commission.

A. Le régime juridique des aides d’État

1) L’incompatibilité de principe des aides d’État

L’article 107, paragraphe 1 du TFUE stipule que, sauf exception, toutes les aides d’État sont incompatibles avec le marché intérieur si elles faussent la concurrence en favorisant certaines entreprises. En gros, si un gouvernement aide une entreprise d’une manière qui désavantage les autres entreprises européennes, cela peut être problématique.

2) Les compensations pour les services publics

Depuis 2003, la CJUE a précisé dans la JP Altmark (2003) que les subventions pour des services d’intérêt éco général (SIEG) sont autorisées, tant qu’elles respectent 4 critères de transparence. Par exemple, si un gouvernement soutient une entreprise qui fournit un service public (comme les transports publics), cela peut être légal si :

  1. Il y a bien une intervention de l’État.
  2. Cela peut affecter les échanges entre États membres.
  3. L’aide doit offrir un avantage à l'entreprise.
  4. Cela doit fausser la concurrence (ou le menacer).

3) Les critères pour les aides d’État aux services publics

Si ces critères sont remplis, l’aide peut être considérée comme une compensation pour l’obligation de fournir un service public. L’entreprise ne doit pas obtenir plus que ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts d’un service public, et les paramètres de compensation doivent être transparents.


II. La conception des services publics au niveau européen

L’UE ne définit pas clairement le service public. À la place, elle parle de SIEG. Cela permet de faire une distinction entre les services où la concurrence est autorisée (services marchands) et ceux où la concurrence ne s'applique pas (services non marchands).

Article 106, paragraphe 2 du TFUE : Cet article dit que les entreprises qui gèrent des services d’intérêt éco général doivent respecter les règles de concurrence, sauf si cela empêche de remplir leur mission spécifique. En d’autres termes, on peut limiter les règles de concurrence si cela est justifié par l’intérêt général.

Conclusion

  • Les monopoles publics, comme dans le secteur ferroviaire ou l’électricité, posent encore des problèmes de concurrence au niveau européen. Les États membres doivent réorganiser leurs monopoles pour que les entreprises nationales et européennes puissent accéder aux mêmes conditions de marché.
  • La CJUE protège certains services comme les assurances sociales, où les règles de concurrence ne s'appliquent pas toujours, comme l’a confirmé dans des affaires importantes (par exemple, Poucet et Pristre, 1993).
  • Il reste un manque de définition claire du service public au niveau européen, ce qui pourrait poser des problèmes à l'avenir. Mais pour l’instant, l’Union semble se concentrer sur des solutions pratiques pour concilier le marché unique et les services d’intérêt général.


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