La Politique Étrangère de l’Union Européenne (UE)
I. Évolution historique.
1. Origine de la politique étrangère européenne :
- Fin des années 60 : Décision des États européens de collaborer pour coordonner leur politique étrangère.
- Résultats : Quelques positions communes sur :
- Le conflit israélo-palestinien.
- L’Apartheid.
- La sécurité en Europe centrale.
2. Coopération Politique Européenne (CPE) :
-
1970
: Lancement de la CPE, considérée comme la première expérience de diplomatie collective européenne.
-
Objectifs
: Élaboration d’un cadre de concertation diplomatique, harmonisation des positions nationales, et mise en réseau de l’appareil diplomatique.
-
Contexte
: Relance de la construction européenne après le départ de De Gaulle (Sommet de La Haye, décembre 1969). Adoption du rapport d’Avignon (1970).
3. Traité de Maastricht (1993) :
-
Fondation d’une Union politique
appuyée sur la Politique Étrangère et de Sécurité Commune (PESC).
-
Objectifs
:
1. Sauvegarder les valeurs communes, intérêts fondamentaux et indépendance commune. 2. Renforcer la sécurité européenne sous toutes ses formes.
3. Maintenir la paix et la sécurité internationale.
4. Promouvoir la coopération internationale.
5. Développer et coordonner la démocratie, l’État de droit et les droits de l’Homme.
4. Traité de Lisbonne (2007) :
- Renforce le cadre institutionnel de la PESC.
- Confère à l’Union la
personnalité juridique
pour agir comme acteur global.
II. Définitions Clés
1. Qu’est-ce qu’un acteur international ? :
-
Définition générale
: Une entité politique ayant la capacité d’influencer le comportement d’autres entités politiques ou non.
-
Caractéristiques selon Marcel Merle (1988) :
1. Autorité.
2. Autonomie.
3. Cohérence.
-
Exemple
: L’UE n’a pas été un acteur cohérent pendant l’invasion de l’Irak (2003) ou la guerre en Syrie.
2. Reconnaissance internationale :
- Selon le Traité de Lisbonne, la reconnaissance internationale de l’UE comme acteur est liée au principe de personnalité juridique.
III. Actions et Outils de la Politique Étrangère Européenne.
1. Relations avec l’Iran :
- Depuis 1992, dialogue critique marqué par deux enjeux majeurs : - La question nucléaire.
- Les droits de l’Homme.
Intérêts réciproques :
- Stratégiques, économiques, énergétiques et sécuritaires.
-
L’Iran
: Accès aux marchés européens nécessaire pour sa reconstruction après la guerre Irak- Iran.
-
L’UE
: Intérêt pour les ressources énergétiques iraniennes et la stabilité régionale.
Conditions imposées par l’UE à l’Iran :
- Respect des droits de l’Homme.
- Renoncement au terrorisme (ex : soutien au Hezbollah, Hamas).
- Non-prolifération nucléaire (article 4 du TNP : droit au nucléaire pacifique). - Non-application de la fatwa contre Salman Rushdie.
- Non-opposition au processus de paix au Moyen-Orient.
Résultats
:
- 1992-1997
: Relations économiques efficaces mais échecs politiques (terrorisme, violations des
droits humains).
-
1998
: Reprise du dialogue sous la présidence réformatrice de Khatami (dialogue global).
Établissement d’un accord de coopération commerciale et culturelle.
Crises
:
- 1997 : Assassinat de dirigeants kurdes par des services iraniens, suspension temporaire des relations.
- 2002 : Découverte de sites nucléaires clandestins par des opposants iraniens.
2. Relations avec la Chine :
-
Économique
: La Chine est le 2e partenaire commercial de l’UE.
-
Conflits
: Non-respect des normes politiques européennes (ex : Ouïghours).
- Stratégie européenne
: Encourager la démocratisation politique via des réformes économiques.
3. Relations avec la Russie :
- Soutien passé de l’UE à la Russie pour son statut d’économie de marché.
- Conflits politiques : Régime autoritaire et tensions sur la scène internationale.
IV. Critères d’Adhésion à l’UE
1. Critères de Copenhague (1993) :
- Critères économiques, politiques et juridiques.
-
Impact
: Imposition de changements démocratiques dans des pays comme la Turquie et les Balkans.
V. Conflits avec les États-Unis
1. Approches divergentes :
- UE : Dialogue et coopération (vision libérale).
- États-Unis : Isolement et sanctions (réalisme offensif).
2.
Exemples
:
- Loi Damato (1996) : Sanctions contre les entreprises étrangères investissant en Iran.
- Retrait de l’accord nucléaire iranien (2018) sous Trump : Pressions économiques sur l’UE,
démontrant sa dépendance aux États-Unis.
VI. Limites de la PESC
1. Manque de cohérence interne :
- Exemples : Division sur l’Irak (2003), absence de stratégie commune en Syrie.
2. Dépendance économique et politique :
- Influence américaine sur les politiques européennes.
3. Conflits avec les valeurs de l’UE :
- Exemple : Contradiction entre commerce et droits de l’Homme avec la Chine et la Russie.
VII. Réussites de la Politique Étrangère de l’UE
1. Stabilisation régionale :
- Réformes démocratiques dans les Balkans et l’Europe de l’Est.
2. Puissance normative :
- Promotion des droits de l’Homme et de l’État de droit via les partenariats (ex : Iran, Chine).
3. Accords internationaux :
- Exemple : Accord nucléaire avec l’Iran (2015).
Conclusion
La politique étrangère de l’UE illustre des tensions entre ambition normative, cohérence interne et contraintes structurelles. Bien qu’elle ait réussi à influencer certains États via des normes et des partenariats, elle reste limitée par ses divisions internes et sa dépendance aux grandes puissances comme les États-Unis.
La Politique d’Élargissement de l’Union Européenne - Cas de la Turquie
I. Contexte Général de l’Élargissement de l’Union Européenne
1. Fondements de l’élargissement :
-
Déclaration Schuman
(1950) : Appel à une coopération économique pour renforcer la paix en Europe.
- Objectif : Construire une Europe unifiée, ouverte à tous les pays européens respectant des valeurs démocratiques.
2. Phases d’élargissement :
-
1957
: Fondation avec 6 pays (France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg). -
1981-1986
: Intégration de la Grèce, Espagne, Portugal après leur transition démocratique.
-
1995
: Entrée de l’Autriche, Suède et Finlande.
-
2004
: Adhésion massive des anciens pays communistes.
-
2007
: Bulgarie et Roumanie.
-
2013
: Croatie (dernier État membre).
3. Critères d’adhésion (Article 49, Critères de Copenhague) :
-
Politique
: Stabilité des institutions démocratiques, respect des droits de l’Homme et des minorités.
-
Économique
: Économie de marché viable, capacité de faire face à la concurrence.
-
Acquis communautaire
: Adoption des obligations européennes, dont l’union monétaire.
II. La Turquie : Une Candidature Singulière
1. Contexte historique :
-
Candidature ancienne
: Dépôt officiel en 1987, reconnue en 1997, ouverture des négociations en 2005.
-
Réformes d’Atatürk (1924-1938)
: Laïcité autoritaire, occidentalisation et modernisation de la société.
2. Dimensions spécifiques de la Turquie :
-
Géographique
: 5 % du territoire en Europe, majorité en Asie mineure.
-
Historique
: Héritage ottoman et domination partielle de l’Europe.
-
Religieuse
: Majoritairement musulmane mais système politique laïc (contrôle étatique de la
religion via la Direction des Affaires Religieuses).
3. Relations historiques avec l’Europe :
-
1952
: Membre de l’OTAN, rôle stratégique pendant la Guerre froide (opposition à l’URSS). -
1964
: Accord d’association avec la CEE pour préparer une éventuelle adhésion.
-
1995
: Union douanière avec l’UE, suppression des droits de douane pour les produits
manufacturés.
III. Défis de l’Adhésion de la Turquie
1. Critères politiques (Critères de Copenhague) :
- Problèmes avec les
droits de l’Homme
, la
liberté des minorités
(notamment les Kurdes), et le
rôle de l’armée dans la vie politique.
- Restrictions sur la liberté d’expression et de la presse.
- Répression des opposants politiques, notamment après la tentative de coup d’État de 2016.
2. Critères culturels et religieux :
- Débat sur l’appartenance culturelle de la Turquie à l’Europe.
- Montée de l’
Islam politique
(parti AKP) inquiète certains pays européens.
3. Critères économiques :
- Économie de marché libérale mais défis sur le respect de la concurrence et des standards économiques européens.
4. Relations avec des membres de l’UE :
-
Conflit chypriote
: Non-reconnaissance de la République de Chypre (membre de l’UE). -
Relations tendues avec la Grèce
: Désaccords sur les frontières maritimes.
IV. Évolution des Relations Turquie-UE
1. Guerre froide :
- Rôle stratégique face à l’URSS, collaboration sécuritaire via l’OTAN.
- Développement économique limité par l’instabilité politique et les interventions militaires (trois coups d’État entre 1970-1990).
2. Post-Guerre froide :
- Perte de l’importance stratégique de la Turquie avec la chute de l’URSS.
- Montée en puissance des préoccupations liées aux droits de l’Homme et aux minorités.
3. Années 2000 :
-
2004
: L’UE donne son aval pour l’ouverture des négociations après des réformes initiales. -
2005
: Début officiel des négociations pour une éventuelle adhésion.
-
2011
: Tournant dans la politique étrangère turque, marquée par des tensions croissantes.
V. Enjeux de la Nouvelle Politique Étrangère de la Turquie
1. Politique étrangère multidimensionnelle (AKP, depuis 2002) :
- Influence du concept de "
profondeur stratégique
" d’Ahmet Davutoğlu : - Reconquête des zones d’influence ottomanes via le
soft power
.
- Relations renforcées avec le Moyen-Orient, l’Asie centrale et l’Afrique.
- Conflits avec l’UE :
- Désaccords sur la gestion de la crise syrienne.
- Achat de systèmes militaires russes malgré son appartenance à l’OTAN. - Répression des Kurdes en Syrie et Irak (violation du droit international).
2. Relations conflictuelles avec l’UE :
-
2016
: Tentative de coup d’État en Turquie, renforcement de l’autoritarisme.
-
Migration
: Accord UE-Turquie (2016) sur la gestion des flux migratoires, utilisé par la Turquie comme levier politique.
VI. Résultats et Perspectives
1. Progrès limités dans le processus d’adhésion :
- Réformes initiales satisfaisantes mais dérives autoritaires ultérieures.
- Opposition croissante de l’opinion publique européenne à l’intégration turque.
2. Impact de l’UE sur la Turquie :
-
Puissance normative
: Influence partielle sur les réformes politiques et économiques. - Modernisation économique grâce à l’union douanière.
3. Obstacles persistants :
- Problèmes internes en Turquie : violations des droits de l’Homme, restrictions démocratiques.
- Divergences géopolitiques : alignement de la Turquie avec des puissances non européennes (Russie, Iran).
4. Perspectives futures :
- Stagnation des négociations.
- Possibilité d’un partenariat privilégié à défaut d’une adhésion complète.
Conclusion :
L’adhésion de la Turquie à l’Union européenne est un cas complexe, marqué par des avancées économiques, des tensions culturelles, et des défis politiques. Malgré son engagement initial envers les valeurs européennes, la Turquie reste à ce jour éloignée des critères d’adhésion, rendant son intégration peu probable à court terme.