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Sans titre

1. Introduction au Totalitarisme :

  • Origine du terme "totalitarisme" :
  • Prononcé par Mussolini : Le terme « totalitarisme » a été utilisé par Mussolini le 22 juin 1925 pour décrire la « volonté totalitaire » de son régime.
  • Giovanni Gentile (1875-1944) : Philosophe du fascisme, il systématise le concept avec sa théorie du Stato Totalitario (État totalitaire). Il conçoit l'État comme une entité spirituelle qui incarne la conscience de la nation et englobe toute la société civile.
  • Contextes d'utilisation :
  • Le terme devient plus courant avec l'ascension de Hitler dans les années 1930, utilisé par des auteurs allemands comme Carl Schmitt et Herbert Marcuse.
  • Hannah Arendt (1906-1975) : Philosophe qui, après la Seconde Guerre mondiale, affine la compréhension du totalitarisme dans son ouvrage majeur, "Les Origines du totalitarisme" (1951, 3 volumes).
  • Volume 1 & 2 : Analyse de l'antisémitisme politique moderne, de l'impérialisme colonial et des racines du totalitarisme.
  • Volume 3 : Interprétation des régimes totalitaires (nazisme, fascisme et stalinisme) et leur logique de fonctionnement.

2. Concepts clés du Totalitarisme :

  • L'atomisation de la société :
  • Processus de dilution des classes sociales traditionnelles et de la société civile.
  • Contexte économique : Après la Première Guerre mondiale, inflation, chômage et individualismeperturbent la société.
  • Résultat : Une masse indifférente à la politique, facilement séduite par des régimes charismatiques.
  • L'opposition à la démocratie libérale :
  • Les régimes totalitaires rejettent le libéralisme politique et économique, et voient le monde en termes de lutte entre amis et ennemis (théorie de Carl Schmitt).
  • La politique devient une simple opposition binaire, sans compromis, rejetant la pluralité des opinions.

3. Le Parti-État et la hiérarchie :

  • Parti unique : Dans les régimes totalitaires, le parti-État contrôle toutes les sphères de la société.
  • Le parti est très hiérarchisé et dirigé par un leader charismatique.
  • L'État et les institutions sont doublés par des organisations parallèles : SS, Gestapo, bureaucratie du NSDAP en Allemagne.
  • Endoctrinement et contrôle social :
  • Le parti contrôle les masses par un culte de la personnalité, le recrutement des élites et l'organisation de la jeunesse.
  • Création d'une idéologie officielle à laquelle chacun doit adhérer publiquement, même contre sa propre volonté.
  • Les "collatéraux" du parti :
  • Réseaux d’associations, d’organisations sportives et culturelles qui permettent de surveiller et contrôler les masses.

4. La Terreur et la Répression :

  • Mécanisme de domination par la peur :
  • Dénonciation des ennemis : Chaque citoyen doit dénoncer les opposants au régime.
  • Camps de concentration et extermination : Les régimes totalitaires, en particulier le nazisme et le stalinisme, utilisent les camps pour détruire physiquement les ennemis (politiques, raciaux, sociaux).
  • La terreur est institutionnalisée à travers les procès publics, créant une atmosphère de peur généralisée.
  • L'élimination physique des « individus superflus » :
  • Idée que certaines catégories d’individus (juifs, tziganes, handicapés, homosexuels, bolcheviks, etc.) sont incompatibles avec le projet du "nouvel homme" du régime.
  • Génocide et élimination de toute différence ou catégorie jugée non conforme à la pureté raciale ou à l'idéologie de classe.

5. L’Idéologie et la Vérité Unique :

  • Création d'une "idée-force" :
  • L'idéologie totalitaire impose une vérité unique et indiscutable, qui fournit une explication totale à tous les phénomènes sociaux, politiques et économiques.
  • Cette idée-force repose sur des concepts comme la lutte des classes (marxisme) ou la supériorité raciale(nazisme).
  • L’individu atomisé est contraint de s’identifier totalement à cette vérité et d’y consacrer une loyauté inconditionnelle.
  • Monopole sur l'expression publique :
  • La liberté de pensée et d’expression est abolie.
  • La propagande de masse (grands rassemblements, meetings) sert à montrer l'unité du peuple derrière l'idéologie imposée.

6. Auteurs supplémentaires et critiques :

  • Raymond Aron (1905-1983) : Dans "Démocratie et Totalitarisme" (1945), Aron distingue les régimes démocratiques des régimes totalitaires en se concentrant sur leur absence de pluralisme et la répression de toute opposition.
  • Carl Friedrich : Dans "Totalitarianism" (1954), Friedrich élargit la théorie en expliquant le contrôle total des sociétés sous ces régimes.
  • Bruneteau : Dans "Les Totalitarismes", il analyse les spécificités des régimes totalitaires en étudiant le rapport entre pouvoir et terreur.
  • Ian Kershaw (historien) : Dans son ouvrage "Qu'est-ce que le nazisme?", Kershaw critique l’idée selon laquelle le parti-État aurait complètement absorbé la société allemande, soulignant l’existence de poches de résistance même sous le IIIe Reich.

7. Conclusion :

Le totalitarisme se distingue des régimes autoritaires par son objectif de domination totale, tant idéologique que physique. Les régimes totalitaires veulent effacer toute opposition, en éliminant la pluralité des idées et en imposant une idéologie uniforme. L’atomisation sociale, l’utilisation de la terreur et la mise en place d’un parti-État unique, dirigé par un leader charismatique, permettent de contrôler la société dans son ensemble, jusqu'à son déclin en génocide et en répression systématique des "individus superflus".

Spécificités des régimes autoritaires

Les régimes autoritaires se distinguent des régimes démocratiques, mais aussi des régimes totalitaires, par leur nature moins idéologique et moins radicale. Voici un résumé des principales caractéristiques et distinctions des régimes autoritaires.


1. Caractéristiques générales des régimes autoritaires :

Les régimes autoritaires, comme ceux de Franco (Espagne, 1936-1977)Vichy (France, 1940-1944)Salazar (Portugal, 1933-1974)Jaruzelski (Pologne, 1981-1990) ou Amin Dada (Ouganda), partagent plusieurs traits fondamentaux :

  • Concentration du pouvoir : Le pouvoir est accaparé par un individu, une famille, un clan, ou un parti unique. Il n'y a généralement pas de séparation des pouvoirs ni de responsabilité politique devant des élections libres et transparentes.
  • Absence de démocratie pluraliste : Les élections existent souvent mais sont fausséesnon compétitives ou ressemblent à des plébiscites (ex. Saddam Hussein en 2002). Les résultats sont souvent manipulés ou irréalistes (par exemple, un score de 100% en faveur du dirigeant).
  • Absence de séparation des pouvoirs : Le pouvoir exécutif domine les autres branches du gouvernement (législatif et judiciaire) et n'est pas soumis à un État de droitLes droits fondamentaux sont souvent ignorés et la liberté de la presse est largement restreinte.
  • Répression des opposants : Les opposants politiquessyndicats et médias sont contrôlés, censurés ou réprimés.
  • Contrôle des ressources économiques : Le pouvoir exploite les richesses nationales à des fins personnelles ou familiales, créant une économie prédateur (exploitation des ressources de l'État comme un patrimoine personnel).

2. Différences avec les régimes totalitaires :

Les régimes autoritaires se distinguent des régimes totalitaires par plusieurs aspects :

  • Moins d'idéologie et de radicalité : Les régimes autoritaires ne cherchent pas à transformer radicalement la société. Ils se contentent généralement de maintenir l'obéissance passive de la population, sans chercher à « politiser » toute la société comme dans un régime totalitaire.
  • Absence de volonté totalisante : Contrairement aux régimes totalitaires, qui visent à imposer une idéologie dominante et à conquérir tous les cœurs et esprits (ex. régimes fascistes, nazis, stalinien), les régimes autoritaires ne cherchent pas à établir une osmose totale entre le dirigeant charismatique et la population.
  • Moins de violence systématique : Bien qu'il existe une répression, celle-ci est discriminée et ponctuelle, visant des groupes spécifiques jugés menaçants pour le régime, mais elle n'atteint pas l'ampleur systématique de la terreur totale comme dans les régimes totalitaires.

3. Trois types d'autoritarisme :

  • Autoritarisme patrimonial : Le pouvoir est utilisé pour l'enrichissement personnel et pour favoriser les intérêts des dirigeants ou de leur cercle proche. La privatisation des ressources publiques et leur utilisation à des fins privées sont des caractéristiques centrales. Ce type de régime crée une économie prédateur où le dirigeant considère les ressources de l'État comme ses biens personnels (exemples : République centrafricaine, Libye sous Kadhafi, Philippines sous Marcos).
  • Autoritarisme réactionnaire : Ce type de régime cherche à maintenir l'ordre traditionnel et à freiner la modernité. Il se caractérise par une idéologie conservatrice souvent liée à des valeurs nationalistesreligieuses et rurales. Ces régimes sont souvent hostiles à toute idée de modernisation ou de pluralisme.
  • Exemples : Le Portugal de Salazar (1933-1974) avec sa doctrine "Deus, Pátria, Família" et son rejet de l'influence étrangère, l'Espagne de Franco, où la société est fondée sur une idéologie national-catholique, ou le régime de Vichy (1940-1944), qui glorifie la France rurale et traditionnelle.
  • Autoritarisme réformiste : Ce type de régime émerge souvent lorsque l'autoritarisme réactionnaire rencontre des limites sociales et économiques, créant des tensions avec une population qui réclame des réformes face à des conditions de vie difficiles. Les réformes visent à moderniser le pays et à ouvrir l'économie, souvent en réponse à une révolte sociale.
  • Exemple : L'Espagne de Franco, après les années 1960, voit l'arrivée de technocrates qui prônent l'ouverture économique (tourisme, investissements étrangers, modernisation industrielle).

4. Pluralisme limité et répression sélective :

  • Pluralisme limité : Contrairement aux régimes totalitaires, certains régimes autoritaires tolèrent un certain pluralisme dans des secteurs spécifiques (armée, affaires, église, etc.), à condition que ces groupes ne s'opposent pas publiquement à l'idéologie dominante. Ce pluralisme est contrôlé et limité.
  • Exemple : En Espagne sous Franco, des organisations comme la Phalange (fascistes) et Opus Dei(mouvement catholique conservateur) coexistent dans un cadre étroit mais doivent respecter le silence sur les affaires politiques.
  • Répression discriminée : La répression dans les régimes autoritaires vise principalement les groupes opposantsles plus radicaux (intellectuels, ouvriers syndiqués, partis de gauche), mais elle épargne les groupes apolitiques. La terreur est discriminée et ciblée.
  • Exemples :
  • Chili de Pinochet : Environ 36 000 disparus et 3 000 morts sous la dictature militaire.
  • Espagne de Franco : 150 000 morts ou disparus, avec des fosses communes.
  • Argentine (dictature militaire) : Environ 30 000 disparus et 15 000 fusillés.
  • La répression s'applique particulièrement aux syndicats de gaucheétudiants politisés, et aux mouvements ouvriers considérés comme une menace pour le régime.

5. Exemples concrets de régimes autoritaires :

  • Franco (Espagne, 1936-1977) : Régime autoritaire marqué par une idéologie national-catholique, une répression des Basques et des Catalans (nationalismes régionaux) et une modernisation économique dans les années 1960.
  • Vichy (France, 1940-1944) : Régime de Révolution nationale, glorifiant la France rurale et traditionnelle face aux idéaux cosmopolites et libéraux.
  • Salazar (Portugal, 1933-1974) : Le "Estado Novo" basé sur des valeurs ruralesnationalistes et anti-démocratiques, rejetant l'influence extérieure et privilégiant l'autarcie.
  • Pinochet (Chili, 1973-1990) : Dictature militaire avec des répressions ciblées contre la gauche et les syndicats, menant à environ 36 000 disparus et une forte répression politique.
  • Amin Dada (Ouganda, 1971-1979) : Dictature militaire où les richesses du pays sont exploitées par le régime, avec un fort contrôle politique et une répression des opposants.

Conclusion :

Les régimes autoritaires se distinguent par leur absence d'idéologie totalisante et leur volonté de maintenir un contrôle politique et économique strict, mais sans les ambitions radicales des régimes totalitaires. Ils sont marqués par une répression sélective, un pluralisme limité et un accaparement des ressources nationales à des fins personnelles. Ces régimes ont souvent une structure patrimoniale et peuvent adopter des positions réactionnaires ou réformistes selon les évolutions économiques et sociales.

Les droits et les devoirs des citoyens

La citoyenneté, notion centrale dans la démocratie, implique des droits mais aussi des devoirs envers la collectivité. Elle représente le lien entre l'individu et la nation, et est souvent associée à la participation active à la vie publique, à la gestion des affaires de l'État et à la défense de l'intérêt général.

1. L'évolution historique de la citoyenneté

La citoyenneté est liée à la participation à la Res Publica (la chose publique), c'est-à-dire à la gestion des affaires de l'État. Le terme « citoyen » provient du latin civis, celui qui possède le droit de cité, qui a une place active dans la vie politique.

  • Antiquité : La notion de citoyenneté apparaît déjà dans les cités grecques, comme Athènes, où le citoyen était celui qui avait le droit de participer directement à la prise de décision. Ce droit était réservé à un nombre restreint d'individus, souvent excluant les femmes, les esclaves et les étrangers.
  • Période monarchique : Sous l'Ancien Régime, la citoyenneté disparaît dans la mesure où le pouvoir appartient au monarque, qui incarne la volonté divine sur terre. La prise de décision politique est centralisée et exclut les citoyens du processus politique.
  • Renaissance des idées politiques (XVI-XVIIe siècles) : Des philosophes comme Jean Bodin et Thomas Hobbescommencent à réintroduire la notion de citoyenneté dans leurs théories politiques. Ils examinent le rôle de l'individu au sein de la société et l'importance de la souveraineté populaire.
  • XVIIIe siècle : Révolutions américaine et française : C'est avec ces révolutions que la citoyenneté revient sur le devant de la scène, lier à la nation et à la démocratie. La Révolution française en particulier, avec des documents comme la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, établit les bases d'une citoyenneté moderne fondée sur des droits individuels et égaux.

2. L'évolution des droits des citoyens

Au fil des siècles, les droits conférés aux citoyens ont évolué en fonction des transformations politiques et sociales.

  • XVIIIe siècle : Les droits civils : L'accent est mis sur les libertés individuelles comme la liberté de conscience, d'expression, de religion, ainsi que le droit à la propriété et à la justice. Ces droits sont considérés comme des droits naturels, que l'État doit garantir.
  • XIXe siècle : Les droits politiques : Avec l'avènement de la démocratie représentative, les citoyens obtiennent de nouveaux droits politiques, notamment le droit de vote et le droit d'être élu. Cela marque le début de la participation populaire à l'exercice du pouvoir, avec des élections libres et régulières.
  • XXe siècle : Les droits économiques et sociaux : Avec l'émergence de l'État-providence, des droits nouveaux sont créés pour garantir un niveau de vie décent à tous les citoyens. Cela comprend des droits liés à la santé, au logement, à l'éducation, au travail et à la sécurité sociale. Ces droits, appelés droits-créances, imposent à l'État une obligation de régulation et de redistribution des ressources pour assurer le bien-être des citoyens.
  • Fin XXe et début XXIe siècle : La citoyenneté supranationale : Avec la citoyenneté européenne (depuis le traité de Maastricht en 1992), les citoyens des États membres de l'Union européenne ont désormais des droits qui dépassent les frontières nationales. Ces droits incluent le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans un autre pays de l'UE, le droit de déposer une plainte auprès du médiateur européen, et le droit de pétition auprès du Parlement européen.

3. Les devoirs des citoyens

La citoyenneté implique également des devoirs envers l'État et la collectivité. Ces devoirs permettent à la démocratie de fonctionner correctement et de garantir la justice sociale. Voici quelques exemples des principaux devoirs :

  • Le devoir de voter : Le vote est un devoir civique et un droit fondamental dans une démocratie. L'article 3 de la Constitution française de 1958 stipule que la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants et par référendum. Dans certains pays, comme la Belgique, l'Australie et le Brésil, le vote est obligatoire. Cela fait partie d'une vision de l'électorat comme une fonction nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie.
  • Le devoir de payer des impôts : L'impôt est un devoir fondamental pour garantir le fonctionnement des services publics et la redistribution des ressources. L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 précise que "une contribution commune est indispensable" pour financer les dépenses de l'État. Chaque citoyen doit contribuer à cette charge en fonction de ses capacités.
  • Le devoir de conscription : Bien que la conscription (service militaire obligatoire) ait été abolie dans la plupart des pays, elle reste une illustration importante de la manière dont les citoyens sont appelés à défendre la nation. En France, la levée en masse de 1793 a mobilisé des centaines de milliers de citoyens pour défendre la République face aux menaces extérieures. Le concept a évolué avec des formes de service civique ou de service national universel (comme le projet de Macron), destiné à renforcer la cohésion sociale et la citoyenneté, en impliquant les jeunes dans des activités au service de la collectivité.
  • Le devoir de s'engager dans la vie publique : La participation active à la vie politique est essentielle pour la démocratie. Cela inclut non seulement le vote, mais aussi l'engagement dans des associations, des mouvements sociaux, et d'autres formes de participation citoyenne. Le devoir civique englobe aussi la possibilité de se manifester, de défendre des idées et de participer aux débats publics.

4. Citoyenneté et intégration sociale

La citoyenneté n'est pas seulement un ensemble de droits et de devoirs juridiques, mais aussi une expérience sociale. L'engagement civique et l'intégration dans la vie publique sont des dimensions essentielles de la citoyenneté.

  • Le service civique : En France, le service civique permet aux jeunes de 16 à 25 ans (voire 30 ans pour les jeunes en situation de handicap) de s'engager pour une mission d'intérêt général. C'est un moyen d'encourager la mixité sociale et de promouvoir des valeurs républicaines.
  • Le service national universel : Le projet du service national universel (SNU) lancé par Emmanuel Macron vise à renforcer la cohésion républicaine en impliquant les jeunes dans des missions de service public. Le SNU pourrait se décliner en deux phases : une phase de cohésion (séjour de quelques semaines dans un centre pour des activités civiques et citoyennes) et une phase de mission d’intérêt général (volontariat ou service militaire). L'objectif est de renforcer le sentiment d'appartenance à la nation et de promouvoir les valeurs de solidarité et de responsabilité.

Conclusion : La citoyenneté, entre droits et devoirs

La citoyenneté est au cœur de la démocratie. Elle implique des droits fondamentaux mais aussi des devoirs civiques qui permettent d'assurer la cohésion sociale et de maintenir l'ordre démocratique. L'évolution de la citoyenneté au fil des siècles, des droits civils aux droits économiques et sociaux, ainsi que l'émergence de nouvelles formes de citoyenneté supranationale, montre l'importance d'une participation active des citoyens à la vie publique. Le respect des devoirs, comme voter, payer des impôts et défendre la nation, est essentiel pour garantir le bon fonctionnement de l'État et pour promouvoir l'intérêt général.

B - Le modèle de citoyenneté « à la française »

L'individualisme et l'universalisme dans le modèle de citoyenneté français

Le modèle de citoyenneté français repose sur deux principes fondamentaux : l'individualisme et l'universalisme.

  1. L'individualisme : En France, chaque citoyen est perçu avant tout comme un individu autonome doté de droits qui lui sont conférés personnellement. L'individu est donc reconnu indépendamment de ses appartenances communautaires (ethniques, religieuses, ou sociales). Cette approche privilégie une citoyenneté universelle, où tous les citoyens sont égaux devant la loi, sans distinction d'origine ou de croyances.
  2. L'universalisme : L'idée que les droits doivent être reconnus à tous les individus sur un pied d'égalité, sans considérer les particularismes. En vertu de ce principe, les citoyens sont politiquement égaux, ce qui est explicitement stipulé par l'article 1 de la Constitution de 1958, qui interdit toute distinction entre citoyens en fonction de leur origine, religion ou appartenance raciale. Cela repose sur le principe de laïcité, qui garantit la séparation de l'État et des religions, affirmant que les questions religieuses relèvent de la sphère privée.

Dans ce modèle, l'État est fort, souverain, et cherche à maintenir une unicité culturelle et politique de la nation. L'objectif est d'intégrer tous les citoyens dans une communauté politique unifiée, ce qui implique un processus d'intégration qui transcende les particularismes.

Le modèle de citoyenneté « à la française » vs. les modèles libéraux

Le modèle français s'oppose à certains dispositifs des modèles libéraux, comme l'affirmative action (discrimination positive), qui visent à corriger des inégalités historiques ou sociales en favorisant certains groupes, tels que les minorités raciales ou ethniques, dans l'accès à l'éducation ou à l'emploi.

Cependant, ce type de politique peut provoquer des effets stigmatisants. En privilégiant l'appartenance à un groupe ou une catégorie plutôt que la compétence individuelle, ces politiques peuvent engendrer des sentiments de rancœur, voire de haine, particulièrement si des individus compétents sont écartés au profit d'autres moins qualifiés mais appartenant à des groupes « favorisés ». De ce fait, cela peut renforcer le communautarisme et mener à des tensions entre groupes, ce qui va à l'encontre du modèle d'égalité républicaine et de citoyenneté universelle défendu en France.


Section 2 : Le rapport des citoyens à la politique

A - Socialisation politique, politisation et compétence politique

La socialisation politique désigne le processus par lequel les individus acquièrent une culture politique, c’est-à-dire une connaissance et une compréhension des institutions, des valeurs et des normes politiques, ainsi que des mécanismes de participation citoyenne. Cette socialisation se fait à travers plusieurs agents sociaux, tels que la famille, l’école, les médias, et les pairs.

  1. La socialisation politique chez les jeunes :
  2. Selon Annick Percheron dans son ouvrage La socialisation politique, ce processus commence dès l'enfance. Avant l'âge de 10 ans, les jeunes acquièrent des mots et des concepts politiques qu'ils entendent dans leur environnement (famille, école, médias). À partir de 12-13 ans, ils développent un raisonnement critique qui leur permet de comprendre les conflits sociaux et politiques, et de commencer à interpréter les enjeux politiques.
  3. La famille joue un rôle majeur dans la socialisation politique, en transmettant des valeurs politiques, des préférences électorales, et une vision du monde. L'école est également cruciale, car elle permet de structurer et d’approfondir cette socialisation en enseignant les principes fondamentaux de la République, les institutions, et les processus démocratiques.
  4. L'influence des médias :
  5. Paul Lazarsfeld, dans son étude The People’s Choice, montre que l'impact des médias de masse (comme la radio à l’époque) sur les choix électoraux est relativement faible. Selon lui, les individus ont une approche sélective des messages politiques : ils choisissent de s'exposer principalement à ceux qui correspondent à leurs prédispositions politiques. Cela montre que la socialisation politique est souvent façonnée par des facteurs sociaux (comme la classe sociale) et l’entourage proche, et non pas simplement par l’exposition à la propagande médiatique.
  6. Les individus ont tendance à consommer des informations politiques qui confirment leurs opinions et à ignorer celles qui les contredisent. Cela suggère que les comportements électoraux sont largement déterminés par des caractéristiques sociales plutôt que par l’exposition à des messages politiques neutres ou objectifs.
  7. Les défis de la socialisation politique :
  8. Les recherches sur la socialisation politique se heurtent à des complexités considérables. En effet, il existe de nombreux facteurs influents, comme la position sociale, l’éducation, et la disposition psychologique des individus. De plus, les agents de socialisation (famille, école, médias) ne jouent pas le même rôle pour tous les citoyens en fonction de leur contexte social.
  9. La socialisation politique des citoyens est également influencée par l’accessibilité à l’information, qui varie selon les moyens de communication (presse, télévision, internet), et l’implication des individus dans la vie politique. Le CEVIPOF (Centre de recherche politique de Sciences Po) montre que l'intérêt des citoyens pour la politique a tendance à diminuer. Les Français se montrent de plus en plus désengagés, et de nombreuses personnes refusent de se situer clairement sur un axe politique traditionnel gauche-droite.

B - La compétence politique

La compétence politique fait référence à la capacité d'un individu à comprendre et à évaluer les enjeux politiques. Cela inclut une maîtrise du fonctionnement politique, des connaissances des acteurs politiques (partis, institutions), et des critères d'évaluation des politiques publiques.

  1. Le savoir politique :
  2. Le sociologue Daniel Gaxie aborde la question de la compétence politique dans son ouvrage Le Cens caché, soulignant que la compétence politique est liée à un savoir technique sur l’univers politique, ses institutions, et ses acteurs. Cette compétence permet aux individus de s’orienter dans le champ politique, d'évaluer les offres politiques et d'analyser les débats publics à partir de critères politiques précis.
  3. Par exemple, des enquêtes sur les connaissances politiques des citoyens tentent de mesurer dans quelle mesure ils maîtrisent des éléments essentiels, comme les institutions, les partis politiques, et les enjeux clés.
  4. Mesurer la compétence politique :
  5. Les indicateurs de compétence sont utilisés pour évaluer le degré de savoir des citoyens en matière politique. Ils incluent la connaissance des débats politiques majeurs, la capacité à classer les acteurs politiques, et la compréhension des enjeux sociétaux.
  6. Ces indicateurs sont souvent mesurés à travers des enquêtes qui tentent de déterminer à quel point les individus maîtrisent non seulement les faits politiques, mais aussi les langages politiques et les enjeux de société. Le but est de mesurer la capacité des citoyens à naviguer dans l'univers politique, à comprendre les discours des partis, et à prendre des décisions éclairées lors des élections.

Conclusion

La citoyenneté en France repose sur des principes d'égalité universelle et d'individualisme, où chaque citoyen est perçu comme un acteur autonome dans la société, au-delà de ses appartenances communautaires. Ce modèle a des implications profondes, notamment en termes de socialisation politique et de compétence politique. Cependant, dans un monde de plus en plus globalisé, avec des citoyens de plus en plus déconnectés de la politique et des débats publics, le défi consiste à encourager un engagement civique éclairé et à renforcer la compétence politique des individus, tout en équilibrant les droits et devoirs au sein de la citoyenneté moderne.


Sans titre

1. Introduction au Totalitarisme :

  • Origine du terme "totalitarisme" :
  • Prononcé par Mussolini : Le terme « totalitarisme » a été utilisé par Mussolini le 22 juin 1925 pour décrire la « volonté totalitaire » de son régime.
  • Giovanni Gentile (1875-1944) : Philosophe du fascisme, il systématise le concept avec sa théorie du Stato Totalitario (État totalitaire). Il conçoit l'État comme une entité spirituelle qui incarne la conscience de la nation et englobe toute la société civile.
  • Contextes d'utilisation :
  • Le terme devient plus courant avec l'ascension de Hitler dans les années 1930, utilisé par des auteurs allemands comme Carl Schmitt et Herbert Marcuse.
  • Hannah Arendt (1906-1975) : Philosophe qui, après la Seconde Guerre mondiale, affine la compréhension du totalitarisme dans son ouvrage majeur, "Les Origines du totalitarisme" (1951, 3 volumes).
  • Volume 1 & 2 : Analyse de l'antisémitisme politique moderne, de l'impérialisme colonial et des racines du totalitarisme.
  • Volume 3 : Interprétation des régimes totalitaires (nazisme, fascisme et stalinisme) et leur logique de fonctionnement.

2. Concepts clés du Totalitarisme :

  • L'atomisation de la société :
  • Processus de dilution des classes sociales traditionnelles et de la société civile.
  • Contexte économique : Après la Première Guerre mondiale, inflation, chômage et individualismeperturbent la société.
  • Résultat : Une masse indifférente à la politique, facilement séduite par des régimes charismatiques.
  • L'opposition à la démocratie libérale :
  • Les régimes totalitaires rejettent le libéralisme politique et économique, et voient le monde en termes de lutte entre amis et ennemis (théorie de Carl Schmitt).
  • La politique devient une simple opposition binaire, sans compromis, rejetant la pluralité des opinions.

3. Le Parti-État et la hiérarchie :

  • Parti unique : Dans les régimes totalitaires, le parti-État contrôle toutes les sphères de la société.
  • Le parti est très hiérarchisé et dirigé par un leader charismatique.
  • L'État et les institutions sont doublés par des organisations parallèles : SS, Gestapo, bureaucratie du NSDAP en Allemagne.
  • Endoctrinement et contrôle social :
  • Le parti contrôle les masses par un culte de la personnalité, le recrutement des élites et l'organisation de la jeunesse.
  • Création d'une idéologie officielle à laquelle chacun doit adhérer publiquement, même contre sa propre volonté.
  • Les "collatéraux" du parti :
  • Réseaux d’associations, d’organisations sportives et culturelles qui permettent de surveiller et contrôler les masses.

4. La Terreur et la Répression :

  • Mécanisme de domination par la peur :
  • Dénonciation des ennemis : Chaque citoyen doit dénoncer les opposants au régime.
  • Camps de concentration et extermination : Les régimes totalitaires, en particulier le nazisme et le stalinisme, utilisent les camps pour détruire physiquement les ennemis (politiques, raciaux, sociaux).
  • La terreur est institutionnalisée à travers les procès publics, créant une atmosphère de peur généralisée.
  • L'élimination physique des « individus superflus » :
  • Idée que certaines catégories d’individus (juifs, tziganes, handicapés, homosexuels, bolcheviks, etc.) sont incompatibles avec le projet du "nouvel homme" du régime.
  • Génocide et élimination de toute différence ou catégorie jugée non conforme à la pureté raciale ou à l'idéologie de classe.

5. L’Idéologie et la Vérité Unique :

  • Création d'une "idée-force" :
  • L'idéologie totalitaire impose une vérité unique et indiscutable, qui fournit une explication totale à tous les phénomènes sociaux, politiques et économiques.
  • Cette idée-force repose sur des concepts comme la lutte des classes (marxisme) ou la supériorité raciale(nazisme).
  • L’individu atomisé est contraint de s’identifier totalement à cette vérité et d’y consacrer une loyauté inconditionnelle.
  • Monopole sur l'expression publique :
  • La liberté de pensée et d’expression est abolie.
  • La propagande de masse (grands rassemblements, meetings) sert à montrer l'unité du peuple derrière l'idéologie imposée.

6. Auteurs supplémentaires et critiques :

  • Raymond Aron (1905-1983) : Dans "Démocratie et Totalitarisme" (1945), Aron distingue les régimes démocratiques des régimes totalitaires en se concentrant sur leur absence de pluralisme et la répression de toute opposition.
  • Carl Friedrich : Dans "Totalitarianism" (1954), Friedrich élargit la théorie en expliquant le contrôle total des sociétés sous ces régimes.
  • Bruneteau : Dans "Les Totalitarismes", il analyse les spécificités des régimes totalitaires en étudiant le rapport entre pouvoir et terreur.
  • Ian Kershaw (historien) : Dans son ouvrage "Qu'est-ce que le nazisme?", Kershaw critique l’idée selon laquelle le parti-État aurait complètement absorbé la société allemande, soulignant l’existence de poches de résistance même sous le IIIe Reich.

7. Conclusion :

Le totalitarisme se distingue des régimes autoritaires par son objectif de domination totale, tant idéologique que physique. Les régimes totalitaires veulent effacer toute opposition, en éliminant la pluralité des idées et en imposant une idéologie uniforme. L’atomisation sociale, l’utilisation de la terreur et la mise en place d’un parti-État unique, dirigé par un leader charismatique, permettent de contrôler la société dans son ensemble, jusqu'à son déclin en génocide et en répression systématique des "individus superflus".

Spécificités des régimes autoritaires

Les régimes autoritaires se distinguent des régimes démocratiques, mais aussi des régimes totalitaires, par leur nature moins idéologique et moins radicale. Voici un résumé des principales caractéristiques et distinctions des régimes autoritaires.


1. Caractéristiques générales des régimes autoritaires :

Les régimes autoritaires, comme ceux de Franco (Espagne, 1936-1977)Vichy (France, 1940-1944)Salazar (Portugal, 1933-1974)Jaruzelski (Pologne, 1981-1990) ou Amin Dada (Ouganda), partagent plusieurs traits fondamentaux :

  • Concentration du pouvoir : Le pouvoir est accaparé par un individu, une famille, un clan, ou un parti unique. Il n'y a généralement pas de séparation des pouvoirs ni de responsabilité politique devant des élections libres et transparentes.
  • Absence de démocratie pluraliste : Les élections existent souvent mais sont fausséesnon compétitives ou ressemblent à des plébiscites (ex. Saddam Hussein en 2002). Les résultats sont souvent manipulés ou irréalistes (par exemple, un score de 100% en faveur du dirigeant).
  • Absence de séparation des pouvoirs : Le pouvoir exécutif domine les autres branches du gouvernement (législatif et judiciaire) et n'est pas soumis à un État de droitLes droits fondamentaux sont souvent ignorés et la liberté de la presse est largement restreinte.
  • Répression des opposants : Les opposants politiquessyndicats et médias sont contrôlés, censurés ou réprimés.
  • Contrôle des ressources économiques : Le pouvoir exploite les richesses nationales à des fins personnelles ou familiales, créant une économie prédateur (exploitation des ressources de l'État comme un patrimoine personnel).

2. Différences avec les régimes totalitaires :

Les régimes autoritaires se distinguent des régimes totalitaires par plusieurs aspects :

  • Moins d'idéologie et de radicalité : Les régimes autoritaires ne cherchent pas à transformer radicalement la société. Ils se contentent généralement de maintenir l'obéissance passive de la population, sans chercher à « politiser » toute la société comme dans un régime totalitaire.
  • Absence de volonté totalisante : Contrairement aux régimes totalitaires, qui visent à imposer une idéologie dominante et à conquérir tous les cœurs et esprits (ex. régimes fascistes, nazis, stalinien), les régimes autoritaires ne cherchent pas à établir une osmose totale entre le dirigeant charismatique et la population.
  • Moins de violence systématique : Bien qu'il existe une répression, celle-ci est discriminée et ponctuelle, visant des groupes spécifiques jugés menaçants pour le régime, mais elle n'atteint pas l'ampleur systématique de la terreur totale comme dans les régimes totalitaires.

3. Trois types d'autoritarisme :

  • Autoritarisme patrimonial : Le pouvoir est utilisé pour l'enrichissement personnel et pour favoriser les intérêts des dirigeants ou de leur cercle proche. La privatisation des ressources publiques et leur utilisation à des fins privées sont des caractéristiques centrales. Ce type de régime crée une économie prédateur où le dirigeant considère les ressources de l'État comme ses biens personnels (exemples : République centrafricaine, Libye sous Kadhafi, Philippines sous Marcos).
  • Autoritarisme réactionnaire : Ce type de régime cherche à maintenir l'ordre traditionnel et à freiner la modernité. Il se caractérise par une idéologie conservatrice souvent liée à des valeurs nationalistesreligieuses et rurales. Ces régimes sont souvent hostiles à toute idée de modernisation ou de pluralisme.
  • Exemples : Le Portugal de Salazar (1933-1974) avec sa doctrine "Deus, Pátria, Família" et son rejet de l'influence étrangère, l'Espagne de Franco, où la société est fondée sur une idéologie national-catholique, ou le régime de Vichy (1940-1944), qui glorifie la France rurale et traditionnelle.
  • Autoritarisme réformiste : Ce type de régime émerge souvent lorsque l'autoritarisme réactionnaire rencontre des limites sociales et économiques, créant des tensions avec une population qui réclame des réformes face à des conditions de vie difficiles. Les réformes visent à moderniser le pays et à ouvrir l'économie, souvent en réponse à une révolte sociale.
  • Exemple : L'Espagne de Franco, après les années 1960, voit l'arrivée de technocrates qui prônent l'ouverture économique (tourisme, investissements étrangers, modernisation industrielle).

4. Pluralisme limité et répression sélective :

  • Pluralisme limité : Contrairement aux régimes totalitaires, certains régimes autoritaires tolèrent un certain pluralisme dans des secteurs spécifiques (armée, affaires, église, etc.), à condition que ces groupes ne s'opposent pas publiquement à l'idéologie dominante. Ce pluralisme est contrôlé et limité.
  • Exemple : En Espagne sous Franco, des organisations comme la Phalange (fascistes) et Opus Dei(mouvement catholique conservateur) coexistent dans un cadre étroit mais doivent respecter le silence sur les affaires politiques.
  • Répression discriminée : La répression dans les régimes autoritaires vise principalement les groupes opposantsles plus radicaux (intellectuels, ouvriers syndiqués, partis de gauche), mais elle épargne les groupes apolitiques. La terreur est discriminée et ciblée.
  • Exemples :
  • Chili de Pinochet : Environ 36 000 disparus et 3 000 morts sous la dictature militaire.
  • Espagne de Franco : 150 000 morts ou disparus, avec des fosses communes.
  • Argentine (dictature militaire) : Environ 30 000 disparus et 15 000 fusillés.
  • La répression s'applique particulièrement aux syndicats de gaucheétudiants politisés, et aux mouvements ouvriers considérés comme une menace pour le régime.

5. Exemples concrets de régimes autoritaires :

  • Franco (Espagne, 1936-1977) : Régime autoritaire marqué par une idéologie national-catholique, une répression des Basques et des Catalans (nationalismes régionaux) et une modernisation économique dans les années 1960.
  • Vichy (France, 1940-1944) : Régime de Révolution nationale, glorifiant la France rurale et traditionnelle face aux idéaux cosmopolites et libéraux.
  • Salazar (Portugal, 1933-1974) : Le "Estado Novo" basé sur des valeurs ruralesnationalistes et anti-démocratiques, rejetant l'influence extérieure et privilégiant l'autarcie.
  • Pinochet (Chili, 1973-1990) : Dictature militaire avec des répressions ciblées contre la gauche et les syndicats, menant à environ 36 000 disparus et une forte répression politique.
  • Amin Dada (Ouganda, 1971-1979) : Dictature militaire où les richesses du pays sont exploitées par le régime, avec un fort contrôle politique et une répression des opposants.

Conclusion :

Les régimes autoritaires se distinguent par leur absence d'idéologie totalisante et leur volonté de maintenir un contrôle politique et économique strict, mais sans les ambitions radicales des régimes totalitaires. Ils sont marqués par une répression sélective, un pluralisme limité et un accaparement des ressources nationales à des fins personnelles. Ces régimes ont souvent une structure patrimoniale et peuvent adopter des positions réactionnaires ou réformistes selon les évolutions économiques et sociales.

Les droits et les devoirs des citoyens

La citoyenneté, notion centrale dans la démocratie, implique des droits mais aussi des devoirs envers la collectivité. Elle représente le lien entre l'individu et la nation, et est souvent associée à la participation active à la vie publique, à la gestion des affaires de l'État et à la défense de l'intérêt général.

1. L'évolution historique de la citoyenneté

La citoyenneté est liée à la participation à la Res Publica (la chose publique), c'est-à-dire à la gestion des affaires de l'État. Le terme « citoyen » provient du latin civis, celui qui possède le droit de cité, qui a une place active dans la vie politique.

  • Antiquité : La notion de citoyenneté apparaît déjà dans les cités grecques, comme Athènes, où le citoyen était celui qui avait le droit de participer directement à la prise de décision. Ce droit était réservé à un nombre restreint d'individus, souvent excluant les femmes, les esclaves et les étrangers.
  • Période monarchique : Sous l'Ancien Régime, la citoyenneté disparaît dans la mesure où le pouvoir appartient au monarque, qui incarne la volonté divine sur terre. La prise de décision politique est centralisée et exclut les citoyens du processus politique.
  • Renaissance des idées politiques (XVI-XVIIe siècles) : Des philosophes comme Jean Bodin et Thomas Hobbescommencent à réintroduire la notion de citoyenneté dans leurs théories politiques. Ils examinent le rôle de l'individu au sein de la société et l'importance de la souveraineté populaire.
  • XVIIIe siècle : Révolutions américaine et française : C'est avec ces révolutions que la citoyenneté revient sur le devant de la scène, lier à la nation et à la démocratie. La Révolution française en particulier, avec des documents comme la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, établit les bases d'une citoyenneté moderne fondée sur des droits individuels et égaux.

2. L'évolution des droits des citoyens

Au fil des siècles, les droits conférés aux citoyens ont évolué en fonction des transformations politiques et sociales.

  • XVIIIe siècle : Les droits civils : L'accent est mis sur les libertés individuelles comme la liberté de conscience, d'expression, de religion, ainsi que le droit à la propriété et à la justice. Ces droits sont considérés comme des droits naturels, que l'État doit garantir.
  • XIXe siècle : Les droits politiques : Avec l'avènement de la démocratie représentative, les citoyens obtiennent de nouveaux droits politiques, notamment le droit de vote et le droit d'être élu. Cela marque le début de la participation populaire à l'exercice du pouvoir, avec des élections libres et régulières.
  • XXe siècle : Les droits économiques et sociaux : Avec l'émergence de l'État-providence, des droits nouveaux sont créés pour garantir un niveau de vie décent à tous les citoyens. Cela comprend des droits liés à la santé, au logement, à l'éducation, au travail et à la sécurité sociale. Ces droits, appelés droits-créances, imposent à l'État une obligation de régulation et de redistribution des ressources pour assurer le bien-être des citoyens.
  • Fin XXe et début XXIe siècle : La citoyenneté supranationale : Avec la citoyenneté européenne (depuis le traité de Maastricht en 1992), les citoyens des États membres de l'Union européenne ont désormais des droits qui dépassent les frontières nationales. Ces droits incluent le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans un autre pays de l'UE, le droit de déposer une plainte auprès du médiateur européen, et le droit de pétition auprès du Parlement européen.

3. Les devoirs des citoyens

La citoyenneté implique également des devoirs envers l'État et la collectivité. Ces devoirs permettent à la démocratie de fonctionner correctement et de garantir la justice sociale. Voici quelques exemples des principaux devoirs :

  • Le devoir de voter : Le vote est un devoir civique et un droit fondamental dans une démocratie. L'article 3 de la Constitution française de 1958 stipule que la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants et par référendum. Dans certains pays, comme la Belgique, l'Australie et le Brésil, le vote est obligatoire. Cela fait partie d'une vision de l'électorat comme une fonction nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie.
  • Le devoir de payer des impôts : L'impôt est un devoir fondamental pour garantir le fonctionnement des services publics et la redistribution des ressources. L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 précise que "une contribution commune est indispensable" pour financer les dépenses de l'État. Chaque citoyen doit contribuer à cette charge en fonction de ses capacités.
  • Le devoir de conscription : Bien que la conscription (service militaire obligatoire) ait été abolie dans la plupart des pays, elle reste une illustration importante de la manière dont les citoyens sont appelés à défendre la nation. En France, la levée en masse de 1793 a mobilisé des centaines de milliers de citoyens pour défendre la République face aux menaces extérieures. Le concept a évolué avec des formes de service civique ou de service national universel (comme le projet de Macron), destiné à renforcer la cohésion sociale et la citoyenneté, en impliquant les jeunes dans des activités au service de la collectivité.
  • Le devoir de s'engager dans la vie publique : La participation active à la vie politique est essentielle pour la démocratie. Cela inclut non seulement le vote, mais aussi l'engagement dans des associations, des mouvements sociaux, et d'autres formes de participation citoyenne. Le devoir civique englobe aussi la possibilité de se manifester, de défendre des idées et de participer aux débats publics.

4. Citoyenneté et intégration sociale

La citoyenneté n'est pas seulement un ensemble de droits et de devoirs juridiques, mais aussi une expérience sociale. L'engagement civique et l'intégration dans la vie publique sont des dimensions essentielles de la citoyenneté.

  • Le service civique : En France, le service civique permet aux jeunes de 16 à 25 ans (voire 30 ans pour les jeunes en situation de handicap) de s'engager pour une mission d'intérêt général. C'est un moyen d'encourager la mixité sociale et de promouvoir des valeurs républicaines.
  • Le service national universel : Le projet du service national universel (SNU) lancé par Emmanuel Macron vise à renforcer la cohésion républicaine en impliquant les jeunes dans des missions de service public. Le SNU pourrait se décliner en deux phases : une phase de cohésion (séjour de quelques semaines dans un centre pour des activités civiques et citoyennes) et une phase de mission d’intérêt général (volontariat ou service militaire). L'objectif est de renforcer le sentiment d'appartenance à la nation et de promouvoir les valeurs de solidarité et de responsabilité.

Conclusion : La citoyenneté, entre droits et devoirs

La citoyenneté est au cœur de la démocratie. Elle implique des droits fondamentaux mais aussi des devoirs civiques qui permettent d'assurer la cohésion sociale et de maintenir l'ordre démocratique. L'évolution de la citoyenneté au fil des siècles, des droits civils aux droits économiques et sociaux, ainsi que l'émergence de nouvelles formes de citoyenneté supranationale, montre l'importance d'une participation active des citoyens à la vie publique. Le respect des devoirs, comme voter, payer des impôts et défendre la nation, est essentiel pour garantir le bon fonctionnement de l'État et pour promouvoir l'intérêt général.

B - Le modèle de citoyenneté « à la française »

L'individualisme et l'universalisme dans le modèle de citoyenneté français

Le modèle de citoyenneté français repose sur deux principes fondamentaux : l'individualisme et l'universalisme.

  1. L'individualisme : En France, chaque citoyen est perçu avant tout comme un individu autonome doté de droits qui lui sont conférés personnellement. L'individu est donc reconnu indépendamment de ses appartenances communautaires (ethniques, religieuses, ou sociales). Cette approche privilégie une citoyenneté universelle, où tous les citoyens sont égaux devant la loi, sans distinction d'origine ou de croyances.
  2. L'universalisme : L'idée que les droits doivent être reconnus à tous les individus sur un pied d'égalité, sans considérer les particularismes. En vertu de ce principe, les citoyens sont politiquement égaux, ce qui est explicitement stipulé par l'article 1 de la Constitution de 1958, qui interdit toute distinction entre citoyens en fonction de leur origine, religion ou appartenance raciale. Cela repose sur le principe de laïcité, qui garantit la séparation de l'État et des religions, affirmant que les questions religieuses relèvent de la sphère privée.

Dans ce modèle, l'État est fort, souverain, et cherche à maintenir une unicité culturelle et politique de la nation. L'objectif est d'intégrer tous les citoyens dans une communauté politique unifiée, ce qui implique un processus d'intégration qui transcende les particularismes.

Le modèle de citoyenneté « à la française » vs. les modèles libéraux

Le modèle français s'oppose à certains dispositifs des modèles libéraux, comme l'affirmative action (discrimination positive), qui visent à corriger des inégalités historiques ou sociales en favorisant certains groupes, tels que les minorités raciales ou ethniques, dans l'accès à l'éducation ou à l'emploi.

Cependant, ce type de politique peut provoquer des effets stigmatisants. En privilégiant l'appartenance à un groupe ou une catégorie plutôt que la compétence individuelle, ces politiques peuvent engendrer des sentiments de rancœur, voire de haine, particulièrement si des individus compétents sont écartés au profit d'autres moins qualifiés mais appartenant à des groupes « favorisés ». De ce fait, cela peut renforcer le communautarisme et mener à des tensions entre groupes, ce qui va à l'encontre du modèle d'égalité républicaine et de citoyenneté universelle défendu en France.


Section 2 : Le rapport des citoyens à la politique

A - Socialisation politique, politisation et compétence politique

La socialisation politique désigne le processus par lequel les individus acquièrent une culture politique, c’est-à-dire une connaissance et une compréhension des institutions, des valeurs et des normes politiques, ainsi que des mécanismes de participation citoyenne. Cette socialisation se fait à travers plusieurs agents sociaux, tels que la famille, l’école, les médias, et les pairs.

  1. La socialisation politique chez les jeunes :
  2. Selon Annick Percheron dans son ouvrage La socialisation politique, ce processus commence dès l'enfance. Avant l'âge de 10 ans, les jeunes acquièrent des mots et des concepts politiques qu'ils entendent dans leur environnement (famille, école, médias). À partir de 12-13 ans, ils développent un raisonnement critique qui leur permet de comprendre les conflits sociaux et politiques, et de commencer à interpréter les enjeux politiques.
  3. La famille joue un rôle majeur dans la socialisation politique, en transmettant des valeurs politiques, des préférences électorales, et une vision du monde. L'école est également cruciale, car elle permet de structurer et d’approfondir cette socialisation en enseignant les principes fondamentaux de la République, les institutions, et les processus démocratiques.
  4. L'influence des médias :
  5. Paul Lazarsfeld, dans son étude The People’s Choice, montre que l'impact des médias de masse (comme la radio à l’époque) sur les choix électoraux est relativement faible. Selon lui, les individus ont une approche sélective des messages politiques : ils choisissent de s'exposer principalement à ceux qui correspondent à leurs prédispositions politiques. Cela montre que la socialisation politique est souvent façonnée par des facteurs sociaux (comme la classe sociale) et l’entourage proche, et non pas simplement par l’exposition à la propagande médiatique.
  6. Les individus ont tendance à consommer des informations politiques qui confirment leurs opinions et à ignorer celles qui les contredisent. Cela suggère que les comportements électoraux sont largement déterminés par des caractéristiques sociales plutôt que par l’exposition à des messages politiques neutres ou objectifs.
  7. Les défis de la socialisation politique :
  8. Les recherches sur la socialisation politique se heurtent à des complexités considérables. En effet, il existe de nombreux facteurs influents, comme la position sociale, l’éducation, et la disposition psychologique des individus. De plus, les agents de socialisation (famille, école, médias) ne jouent pas le même rôle pour tous les citoyens en fonction de leur contexte social.
  9. La socialisation politique des citoyens est également influencée par l’accessibilité à l’information, qui varie selon les moyens de communication (presse, télévision, internet), et l’implication des individus dans la vie politique. Le CEVIPOF (Centre de recherche politique de Sciences Po) montre que l'intérêt des citoyens pour la politique a tendance à diminuer. Les Français se montrent de plus en plus désengagés, et de nombreuses personnes refusent de se situer clairement sur un axe politique traditionnel gauche-droite.

B - La compétence politique

La compétence politique fait référence à la capacité d'un individu à comprendre et à évaluer les enjeux politiques. Cela inclut une maîtrise du fonctionnement politique, des connaissances des acteurs politiques (partis, institutions), et des critères d'évaluation des politiques publiques.

  1. Le savoir politique :
  2. Le sociologue Daniel Gaxie aborde la question de la compétence politique dans son ouvrage Le Cens caché, soulignant que la compétence politique est liée à un savoir technique sur l’univers politique, ses institutions, et ses acteurs. Cette compétence permet aux individus de s’orienter dans le champ politique, d'évaluer les offres politiques et d'analyser les débats publics à partir de critères politiques précis.
  3. Par exemple, des enquêtes sur les connaissances politiques des citoyens tentent de mesurer dans quelle mesure ils maîtrisent des éléments essentiels, comme les institutions, les partis politiques, et les enjeux clés.
  4. Mesurer la compétence politique :
  5. Les indicateurs de compétence sont utilisés pour évaluer le degré de savoir des citoyens en matière politique. Ils incluent la connaissance des débats politiques majeurs, la capacité à classer les acteurs politiques, et la compréhension des enjeux sociétaux.
  6. Ces indicateurs sont souvent mesurés à travers des enquêtes qui tentent de déterminer à quel point les individus maîtrisent non seulement les faits politiques, mais aussi les langages politiques et les enjeux de société. Le but est de mesurer la capacité des citoyens à naviguer dans l'univers politique, à comprendre les discours des partis, et à prendre des décisions éclairées lors des élections.

Conclusion

La citoyenneté en France repose sur des principes d'égalité universelle et d'individualisme, où chaque citoyen est perçu comme un acteur autonome dans la société, au-delà de ses appartenances communautaires. Ce modèle a des implications profondes, notamment en termes de socialisation politique et de compétence politique. Cependant, dans un monde de plus en plus globalisé, avec des citoyens de plus en plus déconnectés de la politique et des débats publics, le défi consiste à encourager un engagement civique éclairé et à renforcer la compétence politique des individus, tout en équilibrant les droits et devoirs au sein de la citoyenneté moderne.

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