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PARTIE 1 : LES SOURCES DU DROIT ADMINISTRATIF

- Les sources du droit administratif : constitutionnelles, internationales, législatives, réglementaires, jurisprudentielles.  

- Sources affermies : Constitution et traités internationaux renforcés depuis 40 ans, au détriment des autres.


Chapitre 1 : Les Sources Affermies

Contexte historique : 

- Ancien Régime : Administration auto-régulée, règles internes non opposables.  

- XIXᵉ siècle : Lois et règlements officiels pour encadrer l’administration.  

- IIIᵉ République : Premiers droits fondamentaux opposables, renforcés après la Seconde Guerre mondiale par les principes généraux du droit (PGD).  


Renforcement constitutionnel et international : 

- Constitution et traités deviennent opposables à l’administration.  

- Résultat : Meilleure protection des individus contre l’administration.


Section 1 : Les Normes Constitutionnelles

Sous- section 1 : Normes constitutionnelles du droit administratif

A) Dispositions principales de la Constitution

  - Articles 34 et 37 : Répartition des compétences entre législatif et réglementaire. 

  - Articles 13 et 21 : Répartition des pouvoirs entre Président et Premier ministre. 

  - Article 1 : Principe d’égalité devant la loi et les actes réglementaires.  

  - Article 55: Supériorité des traités sur la loi.  

  - Article 72 : Libre administration des collectivités territoriales.  


B) Conseil d’État dans la Constitution

- Initialement organe consultatif (art. 37 al. 2, art. 38).  

- Reconnu comme organe juridictionnel en 2003 via l’article 61-1 (QPC).


2. Préambule de la Constitution

Références constitutionnelles :

- Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) 1789.  

- Préambule de la Constitution de 1946.  


Normativité confirmée :

- CE, Société Eky (1960) : Préambule a valeur constitutionnelle.  

- CC, Liberté d’association (1971) : Confirme cette valeur et élargit son champ.


Opposabilité :

- Critère : Précision des principes.  

  - Exemples : Alinéas 10 et 11 du préambule de 1946 (protection sociale) sont opposables ; alinéa 12 (calamités nationales) ne l’est pas.


Principes Clés Constitutionnels

A) Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC)

- Principe d’égalité : Articles 1, 6 (emplois publics), 13 (égalité fiscale).  

- Principe de liberté : Article 4 (libertés fondamentales, ex. aller et venir, religion, entreprendre).  

- Droit de propriété : Article 17, protégé mais encadré pour motifs d’intérêt général.  


B) Préambule de 1946

- Droits individuels : Égalité des sexes, droit d’asile, vie familiale normale.  

- Droits sociaux : Syndicalisation, grève, protection santé.


C) Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République (PFRLR)

- Identifiés par les juges à partir de lois républicaines antérieures à 1946.  

- Exemples :

  - Liberté d’association (CE, Amical des annamites, 1956, confirmé par CC 1971).  

  - Indépendance des juridictions administratives (CC, 1980).  

  - Interdiction d’extradition pour motifs politiques (CE, Koné, 1996).  


D) Charte de l’environnement (2005)

- Intégrée au bloc de constitutionnalité.  

- Principes opposables :

  - Article 5 : Principe de précaution.  

  - Article 7 : Droit à l’information et participation en matière environnementale. 


Conclusion

- Les sources constitutionnelles et internationales occupent une place centrale et renforcée dans le droit administratif.  

- Elles garantissent une protection accrue des droits individuels contre l’administration.



Sous section 2 : Le Respect des Normes Constitutionnelles en Droit Administratif  

- La valeur constitutionnelle des principes doit être opposable à l’administration pour être effective.  

- Obstacle historique : Primauté de la loin dans le système français, perçue comme intouchable en raison de son statut d’expression de la volonté générale, conduisant à la théorie de la loi écran.


1 : Le Recul Progressif de la Théorie de la Loi Écran

A. Origine et application de la théorie de la loi écran

- Le juge refusait de contrôler la constitutionnalité des lois au nom de :

  - La séparation des pouvoirs (le juge ne peut remettre en cause la volonté générale).  

  - Le rôle de la loi comme expression suprême de la volonté générale.  

- Résultat :

  - Si un acte administratif était conforme à une loi, même inconstitutionnelle, le recours était rejeté (CE, Arrighi, 1936).  

  - Le juge annulait parfois un acte administratif conforme à la Constitution mais contraire à une loi inconstitutionnelle.  


B. Évolutions et remise en cause de la théorie

1. Limites internes à la théorie de la loi écran :

   - Interprétation neutralisante : Le juge donne une interprétation de la loi conforme à la Constitution.  

   - Actes réglementaires autonomes : Pas concernés par la théorie, car sans fondement législatif.  

   - Écran transparent : Si la loi ne fait que renvoyer au pouvoir réglementaire ou si un acte réglementaire dépasse la réitération des termes législatifs (CE, Société Air Algérie, 2012).  

   - Loi antérieure à la norme constitutionnelle : La loi peut être considérée abrogée implicitement si elle est incompatible avec une norme constitutionnelle postérieure.  


2. Mécanismes de contournement :

   - Changement de norme de référence : Contrôle de la conventionnalité des lois depuis l'arrêt CE, Nicolo, 1989. Les requérants invoquent des traités internationaux pour contester indirectement la constitutionnalité d’une loi.  

   - Changement de juge : Introduction de la QPC (2008) permet de soulever une question de constitutionnalité, mais le juge ordinaire ne contrôle pas directement la loi. Le Conseil constitutionnel a seule compétence.


§2 : L’Interprétation de la Constitution

A. Qui peut interpréter la Constitution ?

- Tout juge ou autorité confrontée à une question constitutionnelle dans le cadre d’un litige :  

  - Ex. : Le juge administratif peut interpréter l’article 19 de la Constitution pour déterminer quels ministres doivent contresigner un décret.  

- La multiplicité des interprètes entraîne une divergence potentielle dans l’application des normes constitutionnelles.


B. Harmonisation des interprétations

- Les juridictions s’alignent parfois sur le Conseil constitutionnel (ex. : CE, Liberté d’association, 1956, confirmé par le CC en 1971).  

- Article 62 de la Constitution : 

  - Les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent aux pouvoirs publics et juridictions, mais seulement pour le dispositif (la décision finale).  

  - Les motifs (raisonnements) ne lient pas les juges, sauf s’ils sont indispensables au dispositif.


Conclusion

- La théorie de la loi écran subsiste, mais ses effets sont atténués grâce à des mécanismes d’interprétation, de contournement (QPC, contrôle conventionnalité) et de limites (écran transparent).  

- Les juges jouent un rôle clé dans l’application et l’interprétation des normes constitutionnelles, mais le Conseil constitutionnel reste l’arbitre ultime.



Section 2 : Les normes internationales 

Sous-section 1 : La notion de norme internationale 

- Importance croissante des normes internationales :  

  - ≈ 7 000 traités signés par la France.  

  - Depuis 1992, les normes issues de l’UE dépassent quantitativement les normes nationales françaises.  

- Ces normes couvrent des domaines variés liés au droit administratif (agriculture, fiscalité, environnement, droit des étrangers).  


§1 Définition

- Une norme internationale inclut un élément d’extranéité organique : 

  - Droit originaire : Adopté entre États (traités, conventions).  

  - Droit dérivé : Issu d’institutions internationales créées par des traités (ex. UE : règlements et directives).  

  - Coutume internationale : Règles non écrites, reconnues par le préambule de la Constitution de 1946.  


Exemples de droit dérivé :  

- Règlements européens : Directement applicables dans les États membres. 

- Directives européennes : Objectifs à atteindre, nécessitant une transposition par les États.


§2 Conditions de la normativité

1.Entrée en vigueur :  

   - Signé, ratifié ou approuvé par la France, puis publié au Journal Officiel (article 55 de la Constitution).  

   - Le juge administratif vérifie :

     - La signature, ratification et publication (CE, Blotzheim, 1998).  

     - La réciprocité d’application du traité (CE, Chériet-Benseghir, 2010).  


2. Effet direct :  

   - Un traité doit déployer des droits opposables par les particuliers :  

     - Critères négatifs et cumulatifs (CE, JISTI, 2012) :  

       - Ne concerne pas uniquement les relations interétatiques.  

       - Suffisamment précis pour ne pas nécessiter de règles internes d’application. 

   - Analyse basée sur :  

     - L’intention des parties.  

     - L’économie générale et les termes du traité.  


Conclusion

- Les normes internationales, notamment celles de l’UE, jouent un rôle central dans le droit administratif français.  

- Leur intégration dépend de conditions précises, comme leur entrée en vigueur et leur effet direct.  

- Le juge administratif joue un rôle clé pour garantir leur compatibilité avec l’ordre juridique français.


Sous-section 2 : La place des normes internationales en droit administratif

- Les États se répartissent en deux catégories selon la réception du droit international :  

  - États monistes : Droit international intégré directement après ratification et publication.  

  - États dualistes : Nécessitent une transposition nationale après ratification. 

- La France est un État moniste (article 55 de la Constitution).  

  - Article 55 : Les traités ratifiés ont une autorité supérieure aux lois, mais pas de précision sur leur position par rapport à la Constitution.  


§1 : La Place des Normes Internationales par Rapport à la Constitution

A. Dispositions constitutionnelles et jurisprudence

1. Dispositions constitutionnelles :

   - Préambule de 1946 : Conformité au droit public international, mais n’implique pas la subordination de la Constitution aux traités.  

   - Article 55 : Traités > lois, mais pas de mention de leur rapport à la Constitution. 

   - Article 54 : Contrôle préventif des traités ; si inconstitutionnels, la Constitution doit être révisée avant ratification.  

   - Article 61 : Contrôle a priori des lois de ratification des traités.  


2. Exemples jurisprudentiels :

   - Refus de ratifier la Charte européenne des langues régionales (inconstitutionnelle). 

   - Directive européenne : Obligation constitutionnelle de transposition (article 88-1), sauf si cela viole un principe inhérent à l’identité constitutionnelle française.  

     - Exemple de principe inhérent : Interdiction de déléguer des compétences de police générale à des personnes privées (CC, 2021).


§2 : La Jurisprudence Administrative

A. Constitution vs. traités internationaux

1. Primauté de la Constitution dans l’ordre interne :

   - CE, Koné (1996) : Interprétation des traités pour les rendre conformes à la Constitution.  

   - CE, Sarran (1998) : Constitution > traités en droit interne, mais cette primauté ne s’applique qu’au sein de l’ordre interne.  

   - CE, SNIP (2001) : Affirmation explicite de la supériorité de la Constitution sur les traités.  


2. Absence de contrôle direct de constitutionnalité des traités :

   - CE, Fédération nationale de la libre pensée (2010) : Le juge administratif n’est pas compétent pour juger de la constitutionnalité des traités.


B. Directives européennes et contrôle de constitutionnalité

1. Hypothèse d’une directive fidèle à une loi ou décret :

   - CE, Arcelor (2007) : Contrôle par double translation :

     - Vérification de l’équivalence entre le principe constitutionnel invoqué et un principe européen.  

     - Si incompatibilité avec un principe européen, renvoi à la CJUE.  


2. Cas spécifiques :

   - Si le décret ajoute des dispositions non prévues par la loi, il est contrôlé directement vis-à-vis de la Constitution (CE, Air Algérie, 2012).  

   - Si une loi de transposition est attaquée, elle peut être soumise à une QPC au Conseil constitutionnel.


3. Principes inhérents à l’identité constitutionnelle française :

   - Exemple : Refus de déléguer des compétences de police générale à des acteurs privés (CE, French Data Network, 2021).  


C. Résistance récente au droit européen

1. Réticence face aux directives européennes :

   - Développement du concept d’ultra vires dans d’autres pays (ex. : Allemagne, Danemark). 

   - Le CE refuse ce mécanisme mais impose des limites, notamment en matière de sécurité nationale.  


2. Exemple d’opposition :

   - CE, Bouillon (2021) : Refus de transposer une directive si elle heurte un principe inhérent à l’identité constitutionnelle française.  


Conclusion

- En droit français, la Constitution prime sur les traités dans l’ordre interne, mais le droit européen impose une primauté effective sur les normes nationales.  

- Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État adoptent des mécanismes pragmatiques (double translation, contrôle indirect) pour assurer la compatibilité avec le droit européen tout en maintenant la suprématie formelle de la Constitution.  



Superiorité a la loi : 

- Article 55 de la Constitution : Les traités régulièrement ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois.  

- Problématiques et limites :  

  - Ne s’applique pas à la coutume internationale (CE, Aquarone, 1997).  

  - Ne prime pas sur la Constitution (CE, Sarran, 1998).  


1. La portée limitée de l’article 55


A. Primauté des traités sur les lois et actes réglementaires

- Les traités priment sur les lois, mais l’article 55 n’est pas sanctionné par le Conseil constitutionnel.  

  - CC, décision IVG (1975) : Le Conseil constitutionnel refuse de vérifier la conformité des lois aux traités internationaux.  

  - Justification : Il est juge de la constitutionnalité, non de la conventionnalité.


B. Rôle des juges judiciaires et administratifs

- En l’absence de contrôle par le Conseil constitutionnel, les juges ordinaires ont pris le relais pour assurer le respect des traités par les lois françaises.


2. Les arguments du Conseil constitutionnel pour son refus

1. Compétence d’attribution stricte :

   - Le Conseil constitutionnel limite ses pouvoirs à la constitutionnalité des lois. 

   - Pourtant, les juges administratifs et judiciaires effectuent ce contrôle, sans être davantage habilités.  


2. Différence de nature entre contrôle de constitutionnalité et de conventionnalité   :

  Constitutionnalité :  

     - Absolue : La Constitution s’impose à toutes les lois.  

     - Définitive : Le contrôle a priori interdit la promulgation des lois inconstitutionnelles.  

   Conventionnalité :  

     - Relative : Les traités ne s’imposent qu’aux lois dans leur champ d’application. 

     - Contingente : La primauté des traités dépend de la réciprocité (application effective par les autres États).  


3. Les évolutions depuis la décision IVG

- Révision constitutionnelle (articles 88-1, 88-2, 88-3) : Consentement à des transferts de compétence à l’UE.  

  - Exemples : Union économique et monétaire, mandat d’arrêt européen, droit de vote des ressortissants européens.  

  - Le Conseil constitutionnel vérifie la compatibilité des lois liées à ces questions spécifiques avec les traités européens.  


- QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) : 

  - N’a pas modifié le refus du Conseil constitutionnel de contrôler la conventionnalité des lois.  

  - Les juges ordinaires (judiciaires et administratifs) restent les seuls à effectuer ce contrôle.  


Conclusion

- L’article 55 garantit la supériorité des traités sur les lois, mais son application repose principalement sur les juges judiciaires et administratifs.  

- Le Conseil constitutionnel maintient son refus de contrôler la conventionnalité des lois, sauf dans des cas très spécifiques liés à la construction européenne.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sous-section 3 : Le respect des normes internationales en droit administratif

- Le juge administratif joue un rôle clé dans le respect des normes internationales, particulièrement pour écarter des actes administratifs contraires à ces normes.  

- Confrontation directe : Le juge admin contrôle les actes uniquement si aucune loi ne s’interpose (sinon, il doit examiner la conventionnalité de la loi).  


§1 : Le Respect des Actes Administratifs vis-à-vis des Normes Internationales

A. Respect du droit originaire (traités et accords internationaux)

1. Principes généraux :  

   - Le juge admin contrôle les actes administratifs pour garantir leur conformité aux traités internationaux depuis la IVᵉRépublique. 

   - Fondements :  

     - Article 26 de la Constitution de 1946.  

     - Article 55 de la Constitution de 1958.  

   - Jurisprudence clé :  

     - CE, Dame Kirkwood (1952) : Les actes administratifs doivent respecter les traités. 

     - CE, Belgacem (1991) : La coutume internationale, bien qu’inférieure aux lois, s’impose aux actes administratifs.


B. Respect du droit dérivé (droit de l’UE)  

1. Règlements européens :  

   - Effet direct : Intégrés immédiatement dans les ordres juridiques nationaux.  

   - Jurisprudence clé :  

     - CE, SA Fromagerie Philipona (1998) : Les actes administratifs doivent respecter les règlements européens.  


2. Directives européennes :  

   - Les directives nécessitent une transposition dans l’ordre juridique national. 

   - Distinction entre actes réglementaires et individuels :  


§2 : Opposabilité des Directives Européennes

A. Opposabilité aux actes réglementaires 

- Les directives s’adressent aux autorités normatives (législateur ou pouvoir réglementaire).  

- Jurisprudence clé :  

  - CE, Association ornithologique (1999) : Les directives peuvent être opposées aux actes réglementaires incompatibles.  

  - CE, Compagnie Alitalia (1989) : Obligation pour l’autorité réglementaire d’abroger tout acte réglementaire incompatible avec une directive.


B. Opposabilité aux actes individuels 

1. Refus initial :  

   - CE, Cohn-Bendit (1978) : Les directives ne peuvent être directement opposées aux actes individuels.  

     - Raisons : Les directives s’adressent aux États membres, pas aux particuliers.  

   - Contradiction avec la CJCE (Van Duyn, 1974) : La CJCE reconnaît l’opposabilité des directives précises et inconditionnelles aux actes individuels.


2. Contournements proposés par le CE :  

   - Exception d’illégalité : Une directive peut être opposée à un acte réglementaire sous-jacent à l’acte individuel.  

   - Vide juridique : Si une directive n’a pas été transposée, un acte individuel fondé sur ce vide est illégal.  


3. Évolutions progressives :  

   - Invocabilité d’exclusion : Les particuliers peuvent obtenir l’annulation d’un acte individuel contraire à une directive.  

   - Invocabilité de substitution : Les particuliers obtiennent directement le bénéfice des droits issus d’une directive précise et inconditionnelle.  

     - Jurisprudence clé :  

       - CE, Dame Perreux (2009) : Reconnaissance explicite de l’invocabilité de substitution pour les directives non transposées dans les délais.


Conclusion

- Le juge administratif garantit la conformité des actes administratifs aux normes internationales, en s’appuyant sur des mécanismes progressifs pour respecter les directives européennes.  

- Les évolutions jurisprudentielles, notamment Perreux, ont renforcé les droits des particuliers en cas de non-transposition des directives.



Respect des traités par les lois

- Article 55 C° : Supériorité des traités sur les lois, mais C. constitutionnel (DC 1975 IVG) refuse d’en être juge.

- Les juges ordinaires(administratifs et judiciaires) ont assumé cette compétence :

  - Initialement, le juge administratif évitait de s’impliquer directement.

  - Il a progressivement évolué vers un contrôle clair et assumé, avec des solutions spécifiques.


I) Moyens pour éviter d’affirmer la supériorité des traités

A) Interprétation des traités

- Harmonisation des textes : Donner un sens aux lois et traités pour les rendre compatibles.

- Refus initial du juge admin d’interpréter les traités (pas d’accès aux travaux préparatoires, risques diplomatiques).

- Évolution : 

  - CE Ass. 29 juin 1990, GISTI : Le CE décide d’interpréter lui-même les traités.

  - Particularité européenne : CJUE a compétence exclusive pour interpréter les traités de l’UE ; obligation de renvoi pour les juridictions suprêmes.

  - Théorie de l’acte clair : Le juge national peut éviter le renvoi en affirmant qu’il n’y a pas de difficulté d’interprétation.


B) Règles de conflits de lois dans le temps

- Application des principes : 

  - Lex posterior derogat priori : La loi postérieure prévaut sur la loi antérieure.

  - Loi spéciale > loi générale : Un traité peut être considéré comme loi spéciale, l’emportant sur une loi générale.

- Limite : Lorsque la loi postérieure et spéciale entre en conflit avec le traité, le CE doit reconnaître la supériorité des traités.


II) Sanction de la hiérarchie des normes

A) Refus initial du CE

- CE Sect. 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoule : 

  - Théorie de la loi écran : Le CE refuse de contrôler la conventionnalité d’une loi, estimant que cela revient au contrôle constitutionnel (réservé au C. const.).

- CE Ass. 22 octobre 1979, Union démocratique du travail : Confirmation malgré les pressions :

  - CCass (Jacques Vabre, 1975) : Veille à la conventionnalité.

  - CJUE (Simmenthal, 1978) : Oblige les juges nationaux à écarter les lois contraires au droit européen.


B) Revirement : Arrêt Nicolo (1989)

- CE Ass. 20 octobre 1989, Nicolo : 

  - Contrôle de compatibilité entre loi et traité, basé sur l’article 55 C°.

  - Portée étendue au-delà du droit européen (ex. : Pactes ONU, CEDH).


C) Conséquences

1. Portée des contrôles :

   - Droit originaire (traités) et dérivé (directives, règlements).

   - Exemple : 

     - CE 24 septembre 1990, Boisdet : Suprématie des règlements européens.

     - CE Ass. 28 février 1992, Rothmans : Suprématie des directives.

     - Limite : Pas de suprématie pour la coutume internationale (CE, Aquarone).


2. Effets sur l’administration :

   - L’administration n’a pas à appliquer une loi inconventionnelle (CE, 24 février 1999, Patients anthroposophiques).

   - La responsabilité de l’État peut être engagée en cas de préjudice dû à une loi incompatible.


3. Responsabilité de l’État :

   - CE Ass. 28 février 1992, Arizona Tobacco Products : L’inconventionnalité d’un acte réglementaire d’application entraîne la responsabilité de l’État.

   - CE Ass. 8 février 2007, Gardedieu : Reconnaissance d’une responsabilité sans faute lorsque la loi elle-même est à l’origine du préjudice.


Conclusion

- Le droit administratif garantit aujourd’hui la primauté des traités :

  - Veille au respect des normes internationales (lois, actes réglementaires, actes individuels).

  - Engendre la responsabilité de l’État en cas de non-respect. 

- Arrêt Nicolo : Moment fondateur, assurant l’articulation entre droit interne et international, tout en respectant les spécificités européennes (CJUE).


 

Chapitre 2 : Les sources affaiblies

Contexte :  

Les lois, règlements et jurisprudences sont affaiblis mécaniquement par le renforcement de la Constitution et des normes internationales, ainsi que par l'inflation normative. Cette dernière, bien que critiquée, persiste, ajoutant des normes qui compliquent leur application et leur compréhension.


Conséquences de l’inflation normative :  

1. Baisse de l’effectivité des règles de droit : Une multiplication excessive des textes entraîne confusion et non-respect des normes. 

2. Jurisprudence affectée : Les décisions se concentrent davantage sur l’articulation des normes que sur l’élaboration de principes fondamentaux.


Cependant, la hiérarchie des normes reste inchangée. La loi et les règlements conservent leur statut juridique malgré un prestige amoindri.



Section 1 : Les normes légales et réglementaires 


Perte de prestige de la loi :  

- La loi, autrefois symbole de la volonté générale (DDHC, Rousseau), a vu son prestige diminuer avec le contrôle de constitutionnalité (1958 a priori, 2010 a posteriori) et la conventionnalité (1989). 

- Les actes réglementaires, historiquement de rang inférieur, sont désormais soumis aux mêmes contrôles, consolidant l'idée d'une baisse de prestige générale.


Inflation normative :  

- Étude de 2020 : multiplication des textes (en moyenne 50 lois, 40 ordonnances, 1 500 décrets, et 85 000 arrêtés réglementaires par an).  

- Normes de plus en plus techniques, rapidement obsolètes, rendant leur compréhension et application complexes.


Codification :  

- Efforts de coordination des normes via des codes (~80), mais ceux-ci restent incomplets et nécessitent des modifications fréquentes


Sous-section 1 : Les domaines respectifs de la loi et du règlement


Régime normal de répartition des domaines  

Articles 34 et 37 de la Constitution de 1958 :  

- Article 34 : Domaine réservé au législateur (fixation des règles ou principes fondamentaux).  

- Article 37 : Tout ce qui n’est pas du domaine de la loi relève du règlement (pouvoir réglementaire autonome).  


Cependant, en pratique, la distinction est floue et la loi conserve une quasi-compétence illimitée.


Pratique et raisons :  

1. Articles 34 et 37 interprétés extensivement par le Conseil constitutionnel.  

2. Le législateur empiète sur le domaine réglementaire, souvent avec l’accord implicite ou explicite du gouvernement.  


Sanctions en cas de non-respect des domaines  

1. Protection du domaine réglementaire :  

   - Article 41 : Exception d’irrecevabilité (avant promulgation) pour dispositions empiétant sur le domaine réglementaire.  

   - Article 37 al. 2 : Procédure de délégalisation (après promulgation).  

   - Conseil constitutionnel refuse de censurer une loi empiétant sur le domaine réglementaire (décision 1982-143 DC).  


2. Protection du domaine législatif :  

   - Actes réglementaires empiétant sur le domaine législatif facilement sanctionnés par le Conseil d’État via un recours pour excès de pouvoir.  


Conclusion :  

Le schéma théorique de répartition des compétences entre la loi et le règlement est largement inefficace en pratique, la loi continuant à dominer.


I. Régimes exclus des régimes exceptionnels courants

1. Ordonnances de feu (article 92 de la Constitution de 1958) 

   - Disposition transitoire ayant permis au gouvernement, dans les trois mois suivant l’entrée en vigueur de la Constitution, d’organiser l’État.  

   - Ces ordonnances, bien que toujours en vigueur, sont considérées comme ayant valeur législative.  


2. Révision constitutionnelle de 2003 : Outre-mer (article 74-1 C°) 

   - Mécanisme permettant au gouvernement d’étendre par ordonnance des dispositifs législatifs applicables en métropole aux territoires ultramarins.


II. Ordonnances de l'article 38 de la Constitution

1. Habilitation du gouvernement

   - Le gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de prendre des ordonnances dans le domaine législatif (article 34) pour exécuter son programme.  

   - Conditions :

     a) La loi d’habilitation précise les matières et fixe deux délais :  

        - Délai pour prendre les ordonnances (souvent 1 à 18 mois).  

        - Délai pour présenter un projet de loi de ratification au Parlement.  

     b) Les ordonnances non ratifiées dans ce délai deviennent caduques.  

   - Les ordonnances sont des actes administratifs, adoptés en Conseil des ministres, après avis du Conseil d’État.  


2. Nature juridique des ordonnances    

   a)   Ordonnance non ratifiée    

   - Statut réglementaire, même si elle intervient dans le domaine législatif.  

   - Contentieux : recours devant le juge administratif (Conseil d’État) pour excès de pouvoir.  

   - Le Conseil d’État veille au respect des habilitations, des principes constitutionnels et des normes internationales.  

   - Limites : interdiction d’un renvoi excessif à des décrets d’exécution, considéré comme une prolongation illégitime du délai d’habilitation.  


   b)   Ordonnance ratifiée    

   - Perd son caractère réglementaire et acquiert rétroactivement la valeur de loi. 

   - Contrôles possibles :  

     -   Constitutionnalité :   via le Conseil constitutionnel (a priori ou par QPC).  

     -   Conventionnalité :   via les juridictions ordinaires.  

   - Modification : une fois ratifiée, elle ne peut être modifiée que par une loi ou, pour des dispositions réglementaires, par procédure de délégalisation validée par le Conseil constitutionnel.  


 Décisions importantes :    

-   CConst QPC 2020-843 : assimilent les dispositions législatives post-délai à des lois contestables uniquement par QPC.  

-   CE Ass. 16 déc. 2020, CFDT Finances :   reconnaît cette assimilation mais conserve son contrôle de conventionnalité.


   III. Article 16 de la Constitution  

  1. Pouvoirs exceptionnels conférés au Président de la République    

   - Le Président peut prendre des mesures législatives et réglementaires en cas de crise grave interrompant le fonctionnement régulier des institutions. 

   -   Conditions procédurales :    

     - Consultation préalable des hautes instances (Conseil constitutionnel, assemblées).  

     - Parlement réuni de plein droit et non dissoluble.  

     - Message adressé à la Nation.  

   -   Application unique :   De Gaulle (guerre d’Algérie, 1961).  


  2. Contrôle juridictionnel limité    

   -   Décision de mise en œuvre :   Acte de gouvernement, insusceptible de recours (CE,  Rubin de Servens , 1961).  

   -   Mesures prises :    

     - Pas de contrôle pour celles relevant du domaine législatif.  

     - Recours possible devant le juge administratif pour celles relevant du domaine réglementaire.  


Conclusion  

- L’article 38 offre un cadre relativement contrôlé, avec une implication notable du Parlement en début et fin de procédure. 

- L’article 16, plus large et moins encadré juridiquement, confère un pouvoir exceptionnel au Président, justifié uniquement par des circonstances extrêmes.



Sous-section 2 : L’autorité respective de la loi et du règlement 


-   Hiérarchie des normes : La loi reste subordonnée à la Constitution et aux normes internationales mais s’impose aux règlements, y compris les règlements autonomes. 

-   Autorité fragile : Longtemps incontestable, la loi est désormais soumise à :  

  - Contrôle   constitutionnel (a priori ou a posteriori via QPC).  

  - Contrôle   conventionnel (conformité aux normes internationales).  

-   Promulgation : Acte présidentiel essentiel qui valide son existence et impose son respect à tous.  


La loi reste fondamentale mais son autorité est limitée par les nombreux contrôles qui garantissent la primauté des normes supérieures.


L’Autorité des Actes Réglementaires  

1. Nature des actes réglementaires  

-   Définition :   Les actes réglementaires sont des actes administratifs à portée générale et impersonnelle, semblables à la loi mais émis par des autorités exécutives ou décentralisées.

-   Différence avec la loi :   Ils ne sont pas adoptés par le Parlement mais par des autorités du pouvoir exécutif (PR, PM) ou des autorités locales. 


2. Les titulaires du pouvoir réglementaire  

 A. Pouvoir national  

1.   Président de la République (PR) et Premier ministre (PM)  

   -   Pouvoir général (articles 13 et 21 C°) :  

     - Le PM détient par principe le pouvoir réglementaire général.

     - Le PR a une compétence attribuée par délibération en Conseil des ministres.

     - Jurisprudence importante :  CE Meyet (1992)  établit qu’un décret délibéré en Conseil des ministres relève exclusivement du PR.

   -   Pouvoir de police :   Reconnu par la jurisprudence ( CE Labonne, 1919 ), il permet au chef de l’exécutif de prendre des mesures rapides pour préserver l’ordre public.


2.   Les ministres 

   - Pas de pouvoir réglementaire général ( CE Brabant, 1969 ), mais :

     - Délégation possible du PM (art. 21 C°).

     - Pouvoir réglementaire des chefs de service ( CE Jamart, 1936 ).

     - Lignes directrices ( CE Crédits fonciers de France, 1970 ) pour encadrer les décisions administratives discrétionnaires.


3.   Autorités administratives indépendantes (AAI)  

   - Certaines AAI (ex. CNIL) disposent d’un pouvoir réglementaire limité, subordonné aux lois et décrets ( Cconst, 1989 ).


  B. Pouvoir local  

1.   Autorités déconcentrées :   Préfets et sous-préfets ont un pouvoir réglementaire (délégation, chef de service) et un pouvoir de police pour troubles dépassant une commune.

2.   Autorités décentralisées :   Collectivités locales (maires, conseils régionaux) exercent un pouvoir réglementaire subordonné (art. 72 al. 3 C°) pour adapter les normes nationales aux circonstances locales.


  C. Personnes privées  

- Si chargées d’un service public, elles peuvent disposer d’un pouvoir réglementaire pour exécuter leur mission, mais toujours subordonné aux normes supérieures.


4. Autorité et hiérarchie des actes réglementaires 

1.   Qualité des sources  

   - Seuls les actes réglementaires (pas les actes individuels ou les contrats) sont des sources de droit administratif, car ils s’adressent à des tiers et modifient l’ordonnancement juridique.

   - Exception : Les clauses réglementaires dans des contrats ont un effet sur les tiers, donc considérées comme source de droit.


2.   Hiérarchie des actes réglementaires  

   -   Autorité supérieure aux actes individuels :   Un règlement lie même son auteur tant qu’il n’est pas modifié ( CE Commune de Clamart, 1931 ).

   -   Hiérarchie interne :  

     - Entre décrets : les décrets en Conseil d’État > décrets simples.

     - Les actes réglementaires locaux et ceux des personnes privées sont subordonnés aux normes nationales (décrets PR, PM, etc.).

   -   Place dans l’ordre juridique :   Les actes réglementaires sont soumis à la Constitution, aux normes internationales, aux lois et principes jurisprudentiels.


Conclusion  

Les actes réglementaires, bien qu’inférieurs aux normes législatives et constitutionnelles, jouent un rôle essentiel en complétant et exécutant les lois. Leur autorité varie selon leur émetteur et leur nature, inscrivant une hiérarchie stricte dans le système juridique français.




Section 2 : les normes jurisprudentielles 

-   Droit administratif et jurisprudence   : Le droit administratif repose largement sur des principes créés par le juge, en particulier par le Conseil d'État (CE).

-   Codification moderne   : Bien que le droit administratif soit de plus en plus codifié avec des lois et des règlements, ces textes reposent souvent sur des principes jurisprudentiels déjà formulés par le juge administratif.

-   Exemple de création jurisprudentielle   : La notion de contrat administratif a été forgée par le juge, de même que de nombreux principes généraux du droit (PGD).




Sous-section 1 : L’élaboration des normes jurisprudentielles  

§1) Les auteurs des normes jurisprudentielles  

-   Le rôle principal du juge administratif   : 

  -   Conseil d'État (CE)   : Principal auteur des normes jurisprudentielles en droit administratif.

  -   Rôle du juge judiciaire   : Parfois, le juge judiciaire (ex. : Cour de cassation) intervient sur des questions administratives, bien que cela soit plus rare.

    -   Exemple   : Arrêt   BRGM   (1987) de la Cour de cassation, où le principe de l'insaisissabilité des biens des personnes publiques est posé et repris par le CE.

  -   Le Conseil constitutionnel (CConst)   peut aussi intervenir, comme dans l’arrêt   CConst 1984  , qui pose le principe de l’indépendance des professeurs d’université, repris ensuite par le CE.


§2) La méthode d’élaboration des normes jurisprudentielles  

-   Principe de séparation des pouvoirs   : En principe, le juge n’élabore pas de normes. Il doit se baser sur les textes existants, mais il peut intervenir en l’absence de règles claires.

  -   Article 4 du Code civil   : Obligation pour le juge de statuer, même en l’absence de texte précis, ce qui l’amène parfois à formuler des principes non écrits.

-   Techniques d’élaboration des normes   :

  -   Interprétation extensible   : Le juge peut interpréter un texte spécifique comme illustrant un principe général non écrit. Exemple :   CE Ass. Billard et Volle (1988)  .

  -   Principes supplétifs   : Le CE énonce des principes applicables à défaut de textes contraires, laissant ainsi la possibilité aux autorités administratives de déroger à ces principes si nécessaire.

  -   Modulation dans le temps   : Depuis l'arrêt   Tropic (2007)  , le CE peut limiter la rétroactivité de ses décisions jurisprudentielles, ce qui lui donne un pouvoir de modulation temporelle, typiquement réservé aux législateurs et autorités réglementaires.


Sous-section 2 : Le contenu des normes jurisprudentielles  

Principes généraux du droit (PGD)  

-   PGD et leur évolution :

  - Au départ, le juge administratif appliquait certains principes sans les énoncer explicitement. Ces principes étaient implicites dans ses décisions. 

  - Après la Seconde Guerre mondiale, les PGD ont été énoncés de manière explicite, en réponse aux atteintes aux libertés individuelles.

-   Exemples de PGD :

  -   Le respect des droits de la défense :   CE Ass. Aram (1945). Ce principe a été consacré même en l’absence de texte législatif spécifique.

  -   Principe d’égalité : Le CE a énoncé divers corollaires du principe d'égalité, notamment égalité devant le service public, égalité dans l’accès aux emplois publics, etc.

  -   Liberté d’aller et venir, liberté du commerce et de l’industrie,   droit de recours pour excès de pouvoir  .

  -   Interdiction de licencier une femme enceinte (1973).

  -   Rythme ralenti : Depuis les années 1990, les PGD sont parfois plus techniques. Exemples :

    -   1994 : Respect de la dignité de la personne après la mort.

    -   1998 : Liberté contractuelle.

    -   2006 : Principe de sécurité juridique.

  -   PGD techniques : Certaines décisions contemporaines concernent des principes plus techniques, comme l'indépendance des inspecteurs du travail ou le principe du libre choix.




Refus de certains principes  

-   Exemples de refus :

  -   Anonymat des copies dans l’enseignement supérieur : Le juge a refusé de consacrer un principe d’anonymat absolu des copies, car l’anonymat n'est pas nécessaire pour les examens oraux.

  -   Interdiction des souffrances pour les animaux : Le juge a rejeté l’idée d’un principe général interdisant les souffrances pour les animaux, en raison du contexte spécifique des législations.


-   Réticence du juge : Le juge administratif hésite parfois à consacrer certains principes en raison de l'importance et de l’autorité que ces normes acquièrent lorsqu'elles sont reconnues.


Sous-section 3 : L’autorité des normes jurisprudentielles  

§1) La valeur juridique  

-   Théorie de René Chapus : 

  - Chapus propose que les PGD, même s’ils sont inférieurs à la loi, ont une valeur supérieure aux décrets. Les juges administratifs se situent en-dessous du législateur dans la hiérarchie des normes, mais imposent le respect des PGD, y compris aux actes administratifs les plus élevés.

  -   PGD infra-législatifs mais supra-décrétaux : Les principes créés par la jurisprudence sont de valeur inférieure à la loi mais supérieure aux actes réglementaires.

  

§2) La conciliation avec la jurisprudence constitutionnelle  

-   Conflit entre PGD et principes constitutionnels :

  -   Problématique : Comment un même principe peut-il avoir une valeur infra-législative (PGD) et, en étant repris par le Conseil constitutionnel, devenir supra-législatif ?

  -   Solutions :

    1.   Ancrage textuel : Le Conseil constitutionnel trouve souvent une base textuelle dans la Constitution pour des principes déjà énoncés par le juge administratif. Une fois constitutionnalisé, le principe devient un principe constitutionnel, ce qui évite le conflit.

    2.   Principe de continuité des services publics : Ce principe, consacré par le CE, n’a pas de base textuelle mais est repris par le CConst sans référence explicite dans la Constitution, ce qui le maintient dans l’ordre des PGD avec une valeur supra-décrétale.


Conclusion : Bien que le Conseil constitutionnel puisse rendre un principe opposable à la loi, le juge administratif conserve son rôle de garantir le respect des normes administratives et décrets. Les PGD restent une source de droit, même si leur statut peut être complété ou modifié par le droit constitutionnel.


Conclusion générale  

Les normes jurisprudentielles, créées principalement par le juge administratif, jouent un rôle central en droit administratif. Leur autorité est reconnue, bien qu’elles se situent sous la loi dans la hiérarchie des normes, tout en étant supérieures aux actes réglementaires. Le juge administratif continue de modeler le droit en fonction des besoins de la société, tout en prenant soin de ne pas empiéter sur les prérogatives du législateur.







PARTIE 2 : L’ORGANISATION JURIDICTIONNELLE


Chapitre 1 : L’organisation de l’ordre juridictionnel 

-   Originalité de l'ordre juridictionnel administratif   :

  - Comparaison avec l'ordre judiciaire : L'ordre administratif a une structure et des relations particulières avec ses juges, héritées du passé.

  -   Rôle central du Conseil d'État (CE)   : Contrairement à la Cour de cassation (dans l'ordre judiciaire), le Conseil d'État occupe une place prépondérante dans la juridiction administrative.


Section 1 : L’administration et ses juges

-   Juges « naturels » : 

  - Les juges administratifs sont les juges « naturels » des affaires administratives, mais certains litiges peuvent relever du juge judiciaire.

  - Il ne s'agit pas d'une question procédurale, mais de l'organisation et du fonctionnement des juges administratifs dans leur quotidien.

  

-   Statut constitutionnel de la justice administrative   : 

  -   Avant la Ve République   : La justice administrative n’avait pas de statut constitutionnel direct. Le   Conseil d'État   était mentionné dans la Constitution de manière consultative, mais non en tant que juge.

  

-   Émergence du statut constitutionnel de la justice administrative   :

  -   Décision du Conseil constitutionnel (80-119 DC, 22 juillet 1980)   :

    - Le   PRFLR   (principe fondamental reconnu par les lois de la République) de l'indépendance de la justice administrative vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif est établi.

    - Le CE devient une juridiction pleinement indépendante, compétente pour rendre justice au nom du peuple français.

    - Jusqu'alors, la justice était « retenue » par l'État (le juge administratif était limité dans ses prérogatives).

    -   Implicite reconnaissance de l’existence de la justice administrative   : La décision consacre son existence et son indépendance, soustraite à la volonté du législateur.


-   Constitutionnalisation de la justice administrative   :

  -   Décision du Conseil constitutionnel (2009, 795 DC, 3 décembre 2009)   :

    - Le Conseil d'État et la Cour de cassation sont désormais reconnus comme les juridictions suprêmes de chacun des deux ordres de juridiction (administratif et judiciaire).

    - Le Conseil d'État est reconnu comme l'autorité suprême de la juridiction administrative.

  

  -   Éléments textuels inscrits dans la Constitution   :

    -   Article 74 de la Constitution   : Mention du rôle du Conseil d'État dans le contentieux relatif aux lois de pays outre-mer (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie).

    -   Article 61-1 (QPC)   : Le Conseil d'État, avec la Cour de cassation, a désormais un pouvoir de filtrage des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).

  

-   Compétence constitutionnelle des juridictions administratives   :

  -   Décision du Conseil constitutionnel (86-224 DC, 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence)   :

    - Le Conseil constitutionnel établit un nouveau   PRFLR   relatif à la compétence constitutionnelle des juridictions administratives, spécifiquement en ce qui concerne le contentieux des actes des personnes publiques exerçant des prérogatives de puissance publique (PPP).

    - Ce domaine devient un   noyau constitutionnel   de la compétence des juridictions administratives.

  

-   Limites de ce noyau constitutionnel   :

  -   Évacuation des matières réservées à l'autorité judiciaire   : Certaines matières sont exclues de la compétence des juridictions administratives, mais la dénomination de ces matières est floue. Cela soulève des questions sur les domaines réservés au juge judiciaire.

  -   Possibilité de dérogation par le législateur   : Bien que ce noyau de compétence soit constitutionnel, le législateur peut déroger à ce principe pour créer des blocs de compétence, notamment pour éviter un émiettement des compétences.

  - Peu de cas de mise en œuvre de cette dérogation législative, mais elle demeure possible.


Conclusion : 

-   Émergence et reconnaissance de la justice administrative   : La constitutionnalisation de la justice administrative a été un processus long et progressif, notamment par l'intermédiaire de décisions du Conseil constitutionnel.

-   Indépendance et existence   : Le Conseil d'État joue un rôle central, non seulement en tant que conseiller du gouvernement, mais aussi comme juridiction indépendante avec un rôle constitutionnel reconnu. Son existence et sa compétence sont désormais ancrées dans le bloc de constitutionnalité.

-   Compétence et limites   : Les juridictions administratives ont une compétence constitutionnelle, principalement en matière de prérogatives de puissance publique, mais cette compétence est sujette à des exceptions et dérogations possibles par le législateur.


Section 1 : Les juges de l’administration

§1) La séparation organique

-   Séparation initiale   : Textes révolutionnaires interdisent aux juridictions judiciaires de traiter les litiges administratifs. L’administration doit juger ses propres litiges.

-   Création des institutions   : Sous le Consulat et l'Empire, création du CE et des conseils de préfecture, sans séparation organique avec l’administration.

-   Théorie du ministre-juge   : Ministres juges de droit commun jusqu’à 1889, CE juge d’appel et de cassation.

-   Évolution au XIXe siècle   : Mouvements libéraux des années 1820-1830 dénoncent la confusion des rôles. Juridictionnalisation progressive des conseils de préfecture.

-   Trois étapes de séparation   :  

  1.   Loi 24 mai 1872   : CE devient une juridiction autonome.

  2.   Arrêt Cadot (1889)   : Fin de la théorie du ministre-juge, récupération de la compétence de droit commun par le CE.

  3.   Décret-loi de 1926   : Les préfets perdent la présidence des conseils de préfecture, autonomie organique acquise.


§2) Les liens fonctionnels

-   Juge administrateur   : CE cumule les fonctions de juge et de conseiller. Consulte le gouvernement sur les projets de loi, d’ordonnances, et de décrets.

-   Consultation obligatoire   : Gouvernement doit consulter le CE avant de prendre certaines décisions administratives sous peine de vice de procédure.

-   Fonction consultative importante   : CE considère la consultation comme essentielle à son rôle, renforce sa place dans l'administration.

-   Administrateur juge   : Depuis 40 ans, certaines sanctions administratives doivent respecter des principes juridictionnels (légalité, nécessité, non-rétroactivité).


Sous-section 2 : La notion de juridiction administrative

-   Juridictions administratives classiques   : CE, tribunaux administratifs, cours administratives d’appel (CAA) sont des juridictions administratives avec compétence générale.

-   Juridictions administratives spéciales   : Certaines institutions administratives peuvent être considérées comme juridictionnelles, même sans être qualifiées de juridictions explicites.

-   Critère de la juridiction   : Une institution est une juridiction si elle résout un litige en appliquant des règles de droit. Critères supplémentaires : composition, procédure suivie.

-   Distinction avec le judiciaire   : Juridictions administratives tranchent des questions de droit public, juridictions judiciaires du droit privé. Critères procéduraux utilisés pour faire la distinction.

-   Qualité de juridiction administrative   : Selon l’arrêt   D’Aillières (1947)  , une juridiction administrative tranche des questions de droit public.


Section 2 : Les juges de l’administration

Sous-section 1 : Les juridictions compétentes

  §1) Le Conseil d’Etat  

-   Rôle dual du CE   : À la fois organe de l'administration et juge administratif suprême (équivalent de la Cour de cassation dans l'ordre administratif).

-   Attributions du CE   : Statuer en dernier ressort sur toutes les décisions des juridictions administratives via appel ou pourvoi en cassation.

-   Section du contentieux   : Compte environ 10-12k décisions par an. Elle est subdivisée en 10 chambres spécialisées.

-   Formations de jugement   : Assemblée du contentieux (décisions majeures, 4-5 par an), section du contentieux, chambres réunies ou seules.

-   Organisation interne   : Vice-président préside, environ 300 membres (certains à l’extérieur comme hauts fonctionnaires).

-   Recrutement   : Via ENA (INSP) ou par nominations extérieures. Les membres sont affectés aux sections administratives et contentieuses.

-   Indépendance   : Tradition d'inamovibilité et avancement par ancienneté, mais les membres du CE ne sont pas des magistrats (arrêt Beausse, 1962).


 §2) Les tribunaux administratifs (TA) et les cours administratives d’appel (CAA)  

-   Héritage des conseils de préfecture   : Les TA sont les héritiers des conseils de préfecture créés en 1800.

-   Compétence des TA   : Juge administratif de droit commun en premier ressort. 42 tribunaux sur le territoire, chacun avec un ressort territorial spécifique.

-   Rôle consultatif des TA   : Peu sollicité, mais certains exercent une fonction de médiation.

-   Création des CAA (1987)   : 9 CAA qui jugent en appel les décisions des TA. Les membres des CAA sont des magistrats et bénéficient de garanties d’indépendance.

-   Recrutement des membres des TA et CAA   : Par concours ou par INSP.


  §3) Les juridictions administratives spéciales  

-   Caractéristiques   : Plus de 900 juridictions administratives spéciales (divers domaines comme le disciplinaire ou la comptabilité publique).

-   Composition   : Parfois composée de magistrats professionnels, de juges non professionnels ou d’échevins (juges professionnels et non professionnels).

-   Appel et cassation   : Certaines sont susceptibles d’appel devant une autre juridiction administrative spéciale, puis cassation devant le CE.





Sous-section 2 : La compétence des juridictions

-   Compétence matérielle   : Détermine quelle juridiction administrative est compétente en fonction de l’objet du litige. Le CE est compétent pour certains cas spécifiques en premier ressort.

-   Compétence territoriale   : Définit quel tribunal administratif est compétent géographiquement. Règle de base : le tribunal du ressort de l’autorité ayant pris la décision contestée.


  §1) Le premier ressort  

-   Compétence des TA   : Depuis 1953, les TA sont compétents en premier ressort par défaut, sauf pour les litiges spécifiques attribués à d'autres juridictions administratives.

-   Exceptions   : Certaines juridictions administratives spéciales ou le CE peuvent être compétents en premier ressort.


  §2) L’appel  

-   Rôle des CAA   : Les CAA jugent les appels des décisions des TA. Cependant, certains jugements sont rendus en premier et dernier ressort, sans appel possible.

-   Limite et exception   : Les litiges de faible enjeu financier ne peuvent être appelés. Certaines matières, comme les litiges électoraux, sont directement appelées par le CE.


  §3) La cassation  

-   Rôle du CE en cassation   : Le CE est le seul juge de cassation pour les décisions administratives. Il vérifie le respect des règles de droit, mais pas des faits.

-   Fonction de renvoi   : En cas de cassation, le CE peut renvoyer l’affaire à une CAA ou, exceptionnellement, juger l’affaire lui-même.

-   Avis contentieux   : Introduits par la loi de 1987, les TA et CAA peuvent demander un avis du CE sur des questions juridiques complexes, permettant un règlement plus rapide des contentieux administratifs.




Chapitre 2 : Les recours juridictionnels

Les recours juridictionnels en droit administratif permettent de mieux comprendre les décisions des juges administratifs, ce qu'ils peuvent décider et les implications implicites de leurs jugements. Parfois, ce qu’ils ne disent pas peut être la solution la plus intéressante.


Section 1 : La distinction des recours

Section 1 : La distinction des recours

Dans le contentieux administratif, il existe plusieurs catégories de recours, qui forment une distinction dans les types de contentieux. Cela implique qu'une action doit être adaptée à un type de recours spécifique.


Historiquement, Edouard Laferrière a proposé une première classification des recours administratifs en fonction des pouvoirs du juge. Il distingue :

1.   Le plein contentieux   : Le juge dispose de tous les pouvoirs, y compris l'annulation, la réforme, la modification des décisions administratives, et parfois même l'indemnisation.

2.   Le contentieux de l’annulation   : Le juge peut uniquement annuler une décision administrative.

3.   Le contentieux de la déclaration   : Le juge déclare quelque chose sans annuler l’acte.

4.   Le contentieux répressif   : Le juge administratif peut prononcer une sanction (par exemple une amende).


Léon Duguit a proposé une autre classification plus intellectuellement intéressante basée sur la question posée au juge : soit une question de droit objectif (respect de la légalité), soit une question de droits subjectifs (reconnaissance de droits particuliers). Cette classification a peu été retenue, mais elle apparaît sous forme d'une distinction entre le contentieux objectif et subjectif.


D’autres classifications s’intéressent à l’objet du litige : 

-   Contentieux des actes   : Recours concernant la légalité des actes administratifs.

-   Contentieux des personnes   : Protection des droits subjectifs des individus.


Sous-section 1 : Les contentieux des actes

Le droit administratif français permet facilement aux citoyens de contester la légalité des actes administratifs. Le Conseil d'État a qualifié cette possibilité de « règle fondamentale du droit public », affirmant que les décisions administratives sont exécutoires, mais peuvent être contestées devant un juge.


Les principaux recours contre les actes administratifs sont :

1.   L’annulation   : La plus courante, permet au juge d'annuler un acte administratif illégal.

2.   La déclaration d’inexistence   : Le juge peut déclarer qu'un acte administratif n'a jamais existé juridiquement en raison de son illégalité radicale.

3.   L’appréciation de légalité   : Le juge déclare la légalité ou l’illégalité d'un acte sans annuler celui-ci, surtout en cas de litige entre juridictions administratives et judiciaires.

4.   L’interprétation   : Le juge clarifie le sens d’un acte administratif, sans se prononcer sur sa légalité.


§1) L’annulation

L’annultion d’un acte est le pouvoir de base des juges administratifs, qui peut se faire par   excès de pouvoir  . Le juge examine la légalité de la décision au moment où elle a été prise, avec des exceptions comme la décision   CE Ass. 19 juillet 2019  , où le juge peut se placer à la date où il statue. L’effet de l’annulation est rétroactif, ce qui peut perturber l’ordre juridique, d’où l’introduction d’une possibilité d’annulation à compter de la date de la décision par   CE Ass. 11 mai 2004  .


L’annulation est également   erga omnes  , c’est-à-dire qu’elle bénéficie à tous, pas seulement au requérant.


§2) La déclaration

Le recours en   déclaration d’inexistence   permet de déclarer qu’un acte n’a pas d’existence juridique, car trop illégal. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une annulation, cela a des effets similaires, notamment en termes de droits de recours.


Le recours en   appréciation de légalité   permet de vérifier la légalité d’un acte sans que celui-ci soit annulé, souvent dans un contexte judiciaire où la légalité d’un acte administratif est une question préjudicielle.


Le recours en   interprétation   permet de clarifier le sens d’un acte administratif sans en juger la légalité.


§3) La réformation

Dans certaines situations, le juge administratif peut   réformer   une décision de l’administration, ce qui dépasse l'annulation. Ce cas concerne surtout des matières spécifiques comme :

-   Le contentieux fiscal   : Le juge peut modifier l’imposition d’un contribuable.

-   Le contentieux électoral   : Le juge peut modifier un résultat électoral si nécessaire.

-   Le contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement   : Le juge peut ajuster les conditions d’exploitation.

-   Le contentieux des édifices menaçant ruine   : Le juge peut imposer des modifications dans les travaux à réaliser.


Sous-section 2 : Les contentieux des personnes

Les   contentieux des personnes   se concentrent sur la protection des droits subjectifs des individus. Ce sont des recours de pleine juridiction, visant à obtenir réparation pour des atteintes aux droits individuels, parfois par l’annulation d’un acte administratif.


1.   La protection des droits   : Lorsqu’un individu voit ses droits méconnus par l’administration, il peut demander au juge administratif de les rétablir, souvent dans un cadre de responsabilité extracontractuelle.

2.   La répression des infractions   : Dans des cas exceptionnels, le juge administratif exerce une fonction répressive, notamment pour les contraventions de grande voirie, les manquements aux règles financières par des agents publics, ou encore dans les affaires disciplinaires.



Section 2 : L’exercice des recours 

-   Ordre des questions pour le juge administratif   :

  - Vérifier la compétence :

    - Déterminer si le juge administratif est compétent ou si c’est le juge judiciaire (ou aucun des deux).

    - Vérifier si le juge administratif saisi est bien celui compétent.

    - C'est une question d'ordre public, que le juge doit vérifier d'office.

  - Vérifier la recevabilité :

    - La recevabilité est aussi une question d'ordre public.

    - Le juge doit relever d'office l'irrecevabilité mais certains motifs peuvent être régularisés.

  - Examiner le fond du litige :

    - Une fois compétence et recevabilité vérifiées, le juge peut se prononcer sur le fond.


-   Ordre logique des étapes   : compétence, recevabilité, fond.


-   Exceptions à cet ordre   :

  - Parfois, le juge rejette le recours sur le fond sans vérifier la recevabilité.

  - Cela ne pose pas de problème si le recours est rejeté au fond, mais il serait inacceptable de déclarer un recours fondé sans vérifier sa recevabilité.


-   Raisons pour cette pratique   :

  1.   Pour le justiciable   : Préférence à savoir que le recours échoue sur le fond plutôt que pour un problème de recevabilité.

  2.   Complexité de la recevabilité   : Parfois, il est plus facile de rejeter au fond que de traiter des questions complexes de recevabilité.



Section 3 : L’examen des recours 

-   Examen des recours   : 

  - Il s'agit de la manière dont le juge examine les recours, avec les règles qui régissent cette procédure.

  - Améliorations depuis les années 1990 : réformes permettant un jugement plus rapide (référé, juge unique, création des CAA, etc.).

  - Délai moyen : environ 1 an, mais certaines affaires prennent plus de temps.

  - Indemnisation possible si une affaire prend trop de temps, en raison de l'exigence du délai raisonnable.


  Sous-section 1 : Les recours avant le jugement  

-   Référé   : 

  - Jusqu’au 1er janvier 2001, système de référé inefficace.

  - Depuis la réforme, le juge des référés est en général un juge unique (parfois collégial si l’affaire est complexe).

  

-   Suspension des actes administratifs   :

  - Principe du « privilège du préalable » : L'administration impose unilatéralement sa volonté, qui doit être exécutée immédiatement.

  - Recours de suspension (article L.521-1 CJA) permet de suspendre une décision administrative si :

    - Urgence et doute sérieux sur la légalité de l’acte.

    - Le juge suspend si l'acte semble probablement illégal.

    - Si la décision est annulée, l’exécution est suspendue, sinon elle reprend si le recours est rejeté.


-   Autres procédures de référé   :

  -   Référé-provision   : Obtenir une provision pour une somme demandée à l’administration avant jugement.

  -   Référé-conservatoire   : Demander des mesures utiles sans empêcher l’exécution de la décision administrative.

  -   Référé-liberté   : Permet de protéger une liberté fondamentale menacée par l’administration.

  -   Référé-instruction   : Permet d’obtenir des éléments pour mieux préparer le procès.


  Sous-section 2 : Les jugements avant le recours  

-   Caractéristiques des recours devant les juridictions administratives   :

  - Procédure principalement écrite.

  - De type inquisitorial : Le juge mène la procédure et ordonne des mesures, contrairement à la procédure accusatoire (en civil).

  - Procédure contradictoire : Les parties échangent des arguments et observations.


-   L’audience   : 

  - Rarement des audiences publiques, souvent une procédure écrite.

  - Trois étapes : 

    - Rapporteur présente les écritures des parties.

    - Parties peuvent s’exprimer.

    - Rapporteur public donne son avis (anciennement commissaire du gouvernement), sans participer au délibéré.


-   Le jugement   :

  - Après délibéré, la décision est rendue.

  - Autorité relative de la chose jugée : la décision s’applique à l’affaire jugée, mais peut être étendue dans certains cas (annulation d’un acte administratif).

  - L'annulation d'un acte implique l’administration doit l’appliquer immédiatement ou refaire une décision.


-   Injonctions   : 

  - Depuis 1995, les juges administratifs peuvent enjoindre l’administration à agir ou prendre une nouvelle décision après annulation d'un acte.


  Sous-section 3 : Les recours contre le jugement  

-   Types de recours   : 

  -   Voies de rétractation   : Ressaisir le même juge pour revenir sur sa décision.

  -   Voies de réformation   : Faire appel à un juge supérieur pour réformer une décision.


-   L’appel   : 

  - Possible contre les jugements en premier ressort.

  - Permet un double examen du litige (en droit et en fait).

  - Le juge d’appel peut annuler le jugement et revoir le fond de l’affaire.


-   La cassation   : 

  - Permet de saisir le Conseil d'État pour vérifier la régularité de la procédure et l’application correcte du droit.

  - Le Conseil d'État peut casser un jugement et renvoyer l’affaire ou juger directement en appel si nécessaire.



PARTIE 3 : LA COMPÉTENCE DE L’ORDRE JURIDICTIONNEL ADMINISTRATIF


La compétence de l'ordre juridictionnel administratif a été façonnée par des événements historiques, rendant complexe l'identification des litiges relevant du juge administratif. La distinction entre le juge administratif et judiciaire est souvent floue et basée principalement sur des décisions jurisprudentielles, avec une importante intervention du Tribunal des conflits, parfois aussi du législateur.


Chapitre 1 : Les litiges mettant en cause le principe de séparation des pouvoirs 

 

Section 1 : Les pouvoirs traditionnels 


Sous-section 1 : Le pouvoir judiciaire

1.   La participation du pouvoir exécutif au pouvoir judiciaire    

   Selon Montesquieu, le pouvoir judiciaire était distinct, mais dans la réalité, le pouvoir exécutif joue un rôle dans ce domaine (ex : ministre de la Justice). Cela soulève des questions de compétence pour le juge administratif, bien qu'il ne soit jamais compétent pour juger des décisions des juridictions judiciaires (par exemple, un appel ou une cassation).


2.   La répartition des compétences entre le juge administratif et judiciaire    

   L’idée de base est que le juge administratif est compétent sur les questions touchant à l’organisation de la justice judiciaire, mais que le fonctionnement de celle-ci relève du juge judiciaire.


   -   Organisation de la justice judiciaire   : Exemples, tels que les décisions concernant le ressort des tribunaux, qui peuvent relever du juge administratif.  

   -   Fonctionnement de la justice judiciaire   : En règle générale, tout ce qui concerne le fonctionnement de la justice judiciaire, comme une décision de poursuite pénale, relève du juge judiciaire.


   Cependant, il existe des exceptions où le juge administratif intervient, par exemple, dans le cadre de l'exécution de décisions judiciaires ou de sanctions administratives imposées aux magistrats.


Sous-section 2 : Les pouvoirs législatif et exécutif

1.   Le pouvoir législatif    

   Le juge administratif ne peut normalement pas juger des actes législatifs, mais il existe des exceptions. Par exemple, il peut être impliqué dans l'examen de la compatibilité des lois avec des normes supérieures internationales (contrôle de la conventionnalité).


2.   Les actes des services parlementaires    

   Les actes administratifs des services parlementaires sont généralement hors de la compétence du juge administratif. Toutefois, il y a des exceptions, notamment pour les litiges individuels concernant les agents parlementaires ou les dommages causés par le fonctionnement des assemblées parlementaires.


3.   La compétence à l’égard du pouvoir exécutif    

   Bien que le pouvoir exécutif s'engage dans des activités diverses (administratives, gouvernementales, etc.), les actes de gouvernement échappent à la compétence du juge administratif. Ce principe est fondé sur une notion d'immunité juridictionnelle pour les actes de nature politique.


Conclusion

La frontière entre les juridictions administratives et judiciaires est souvent subtile et fluctue selon les circonstances et les décisions du Tribunal des conflits. Le juge administratif intervient principalement sur des questions liées à l'administration et à l'organisation des pouvoirs publics, mais ses compétences peuvent s'étendre ou se restreindre en fonction des contextes spécifiques des litiges, notamment en matière de relations entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.





Sans titre

PARTIE 1 : LES SOURCES DU DROIT ADMINISTRATIF

- Les sources du droit administratif : constitutionnelles, internationales, législatives, réglementaires, jurisprudentielles.  

- Sources affermies : Constitution et traités internationaux renforcés depuis 40 ans, au détriment des autres.


Chapitre 1 : Les Sources Affermies

Contexte historique : 

- Ancien Régime : Administration auto-régulée, règles internes non opposables.  

- XIXᵉ siècle : Lois et règlements officiels pour encadrer l’administration.  

- IIIᵉ République : Premiers droits fondamentaux opposables, renforcés après la Seconde Guerre mondiale par les principes généraux du droit (PGD).  


Renforcement constitutionnel et international : 

- Constitution et traités deviennent opposables à l’administration.  

- Résultat : Meilleure protection des individus contre l’administration.


Section 1 : Les Normes Constitutionnelles

Sous- section 1 : Normes constitutionnelles du droit administratif

A) Dispositions principales de la Constitution

  - Articles 34 et 37 : Répartition des compétences entre législatif et réglementaire. 

  - Articles 13 et 21 : Répartition des pouvoirs entre Président et Premier ministre. 

  - Article 1 : Principe d’égalité devant la loi et les actes réglementaires.  

  - Article 55: Supériorité des traités sur la loi.  

  - Article 72 : Libre administration des collectivités territoriales.  


B) Conseil d’État dans la Constitution

- Initialement organe consultatif (art. 37 al. 2, art. 38).  

- Reconnu comme organe juridictionnel en 2003 via l’article 61-1 (QPC).


2. Préambule de la Constitution

Références constitutionnelles :

- Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) 1789.  

- Préambule de la Constitution de 1946.  


Normativité confirmée :

- CE, Société Eky (1960) : Préambule a valeur constitutionnelle.  

- CC, Liberté d’association (1971) : Confirme cette valeur et élargit son champ.


Opposabilité :

- Critère : Précision des principes.  

  - Exemples : Alinéas 10 et 11 du préambule de 1946 (protection sociale) sont opposables ; alinéa 12 (calamités nationales) ne l’est pas.


Principes Clés Constitutionnels

A) Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC)

- Principe d’égalité : Articles 1, 6 (emplois publics), 13 (égalité fiscale).  

- Principe de liberté : Article 4 (libertés fondamentales, ex. aller et venir, religion, entreprendre).  

- Droit de propriété : Article 17, protégé mais encadré pour motifs d’intérêt général.  


B) Préambule de 1946

- Droits individuels : Égalité des sexes, droit d’asile, vie familiale normale.  

- Droits sociaux : Syndicalisation, grève, protection santé.


C) Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République (PFRLR)

- Identifiés par les juges à partir de lois républicaines antérieures à 1946.  

- Exemples :

  - Liberté d’association (CE, Amical des annamites, 1956, confirmé par CC 1971).  

  - Indépendance des juridictions administratives (CC, 1980).  

  - Interdiction d’extradition pour motifs politiques (CE, Koné, 1996).  


D) Charte de l’environnement (2005)

- Intégrée au bloc de constitutionnalité.  

- Principes opposables :

  - Article 5 : Principe de précaution.  

  - Article 7 : Droit à l’information et participation en matière environnementale. 


Conclusion

- Les sources constitutionnelles et internationales occupent une place centrale et renforcée dans le droit administratif.  

- Elles garantissent une protection accrue des droits individuels contre l’administration.



Sous section 2 : Le Respect des Normes Constitutionnelles en Droit Administratif  

- La valeur constitutionnelle des principes doit être opposable à l’administration pour être effective.  

- Obstacle historique : Primauté de la loin dans le système français, perçue comme intouchable en raison de son statut d’expression de la volonté générale, conduisant à la théorie de la loi écran.


1 : Le Recul Progressif de la Théorie de la Loi Écran

A. Origine et application de la théorie de la loi écran

- Le juge refusait de contrôler la constitutionnalité des lois au nom de :

  - La séparation des pouvoirs (le juge ne peut remettre en cause la volonté générale).  

  - Le rôle de la loi comme expression suprême de la volonté générale.  

- Résultat :

  - Si un acte administratif était conforme à une loi, même inconstitutionnelle, le recours était rejeté (CE, Arrighi, 1936).  

  - Le juge annulait parfois un acte administratif conforme à la Constitution mais contraire à une loi inconstitutionnelle.  


B. Évolutions et remise en cause de la théorie

1. Limites internes à la théorie de la loi écran :

   - Interprétation neutralisante : Le juge donne une interprétation de la loi conforme à la Constitution.  

   - Actes réglementaires autonomes : Pas concernés par la théorie, car sans fondement législatif.  

   - Écran transparent : Si la loi ne fait que renvoyer au pouvoir réglementaire ou si un acte réglementaire dépasse la réitération des termes législatifs (CE, Société Air Algérie, 2012).  

   - Loi antérieure à la norme constitutionnelle : La loi peut être considérée abrogée implicitement si elle est incompatible avec une norme constitutionnelle postérieure.  


2. Mécanismes de contournement :

   - Changement de norme de référence : Contrôle de la conventionnalité des lois depuis l'arrêt CE, Nicolo, 1989. Les requérants invoquent des traités internationaux pour contester indirectement la constitutionnalité d’une loi.  

   - Changement de juge : Introduction de la QPC (2008) permet de soulever une question de constitutionnalité, mais le juge ordinaire ne contrôle pas directement la loi. Le Conseil constitutionnel a seule compétence.


§2 : L’Interprétation de la Constitution

A. Qui peut interpréter la Constitution ?

- Tout juge ou autorité confrontée à une question constitutionnelle dans le cadre d’un litige :  

  - Ex. : Le juge administratif peut interpréter l’article 19 de la Constitution pour déterminer quels ministres doivent contresigner un décret.  

- La multiplicité des interprètes entraîne une divergence potentielle dans l’application des normes constitutionnelles.


B. Harmonisation des interprétations

- Les juridictions s’alignent parfois sur le Conseil constitutionnel (ex. : CE, Liberté d’association, 1956, confirmé par le CC en 1971).  

- Article 62 de la Constitution : 

  - Les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent aux pouvoirs publics et juridictions, mais seulement pour le dispositif (la décision finale).  

  - Les motifs (raisonnements) ne lient pas les juges, sauf s’ils sont indispensables au dispositif.


Conclusion

- La théorie de la loi écran subsiste, mais ses effets sont atténués grâce à des mécanismes d’interprétation, de contournement (QPC, contrôle conventionnalité) et de limites (écran transparent).  

- Les juges jouent un rôle clé dans l’application et l’interprétation des normes constitutionnelles, mais le Conseil constitutionnel reste l’arbitre ultime.



Section 2 : Les normes internationales 

Sous-section 1 : La notion de norme internationale 

- Importance croissante des normes internationales :  

  - ≈ 7 000 traités signés par la France.  

  - Depuis 1992, les normes issues de l’UE dépassent quantitativement les normes nationales françaises.  

- Ces normes couvrent des domaines variés liés au droit administratif (agriculture, fiscalité, environnement, droit des étrangers).  


§1 Définition

- Une norme internationale inclut un élément d’extranéité organique : 

  - Droit originaire : Adopté entre États (traités, conventions).  

  - Droit dérivé : Issu d’institutions internationales créées par des traités (ex. UE : règlements et directives).  

  - Coutume internationale : Règles non écrites, reconnues par le préambule de la Constitution de 1946.  


Exemples de droit dérivé :  

- Règlements européens : Directement applicables dans les États membres. 

- Directives européennes : Objectifs à atteindre, nécessitant une transposition par les États.


§2 Conditions de la normativité

1.Entrée en vigueur :  

   - Signé, ratifié ou approuvé par la France, puis publié au Journal Officiel (article 55 de la Constitution).  

   - Le juge administratif vérifie :

     - La signature, ratification et publication (CE, Blotzheim, 1998).  

     - La réciprocité d’application du traité (CE, Chériet-Benseghir, 2010).  


2. Effet direct :  

   - Un traité doit déployer des droits opposables par les particuliers :  

     - Critères négatifs et cumulatifs (CE, JISTI, 2012) :  

       - Ne concerne pas uniquement les relations interétatiques.  

       - Suffisamment précis pour ne pas nécessiter de règles internes d’application. 

   - Analyse basée sur :  

     - L’intention des parties.  

     - L’économie générale et les termes du traité.  


Conclusion

- Les normes internationales, notamment celles de l’UE, jouent un rôle central dans le droit administratif français.  

- Leur intégration dépend de conditions précises, comme leur entrée en vigueur et leur effet direct.  

- Le juge administratif joue un rôle clé pour garantir leur compatibilité avec l’ordre juridique français.


Sous-section 2 : La place des normes internationales en droit administratif

- Les États se répartissent en deux catégories selon la réception du droit international :  

  - États monistes : Droit international intégré directement après ratification et publication.  

  - États dualistes : Nécessitent une transposition nationale après ratification. 

- La France est un État moniste (article 55 de la Constitution).  

  - Article 55 : Les traités ratifiés ont une autorité supérieure aux lois, mais pas de précision sur leur position par rapport à la Constitution.  


§1 : La Place des Normes Internationales par Rapport à la Constitution

A. Dispositions constitutionnelles et jurisprudence

1. Dispositions constitutionnelles :

   - Préambule de 1946 : Conformité au droit public international, mais n’implique pas la subordination de la Constitution aux traités.  

   - Article 55 : Traités > lois, mais pas de mention de leur rapport à la Constitution. 

   - Article 54 : Contrôle préventif des traités ; si inconstitutionnels, la Constitution doit être révisée avant ratification.  

   - Article 61 : Contrôle a priori des lois de ratification des traités.  


2. Exemples jurisprudentiels :

   - Refus de ratifier la Charte européenne des langues régionales (inconstitutionnelle). 

   - Directive européenne : Obligation constitutionnelle de transposition (article 88-1), sauf si cela viole un principe inhérent à l’identité constitutionnelle française.  

     - Exemple de principe inhérent : Interdiction de déléguer des compétences de police générale à des personnes privées (CC, 2021).


§2 : La Jurisprudence Administrative

A. Constitution vs. traités internationaux

1. Primauté de la Constitution dans l’ordre interne :

   - CE, Koné (1996) : Interprétation des traités pour les rendre conformes à la Constitution.  

   - CE, Sarran (1998) : Constitution > traités en droit interne, mais cette primauté ne s’applique qu’au sein de l’ordre interne.  

   - CE, SNIP (2001) : Affirmation explicite de la supériorité de la Constitution sur les traités.  


2. Absence de contrôle direct de constitutionnalité des traités :

   - CE, Fédération nationale de la libre pensée (2010) : Le juge administratif n’est pas compétent pour juger de la constitutionnalité des traités.


B. Directives européennes et contrôle de constitutionnalité

1. Hypothèse d’une directive fidèle à une loi ou décret :

   - CE, Arcelor (2007) : Contrôle par double translation :

     - Vérification de l’équivalence entre le principe constitutionnel invoqué et un principe européen.  

     - Si incompatibilité avec un principe européen, renvoi à la CJUE.  


2. Cas spécifiques :

   - Si le décret ajoute des dispositions non prévues par la loi, il est contrôlé directement vis-à-vis de la Constitution (CE, Air Algérie, 2012).  

   - Si une loi de transposition est attaquée, elle peut être soumise à une QPC au Conseil constitutionnel.


3. Principes inhérents à l’identité constitutionnelle française :

   - Exemple : Refus de déléguer des compétences de police générale à des acteurs privés (CE, French Data Network, 2021).  


C. Résistance récente au droit européen

1. Réticence face aux directives européennes :

   - Développement du concept d’ultra vires dans d’autres pays (ex. : Allemagne, Danemark). 

   - Le CE refuse ce mécanisme mais impose des limites, notamment en matière de sécurité nationale.  


2. Exemple d’opposition :

   - CE, Bouillon (2021) : Refus de transposer une directive si elle heurte un principe inhérent à l’identité constitutionnelle française.  


Conclusion

- En droit français, la Constitution prime sur les traités dans l’ordre interne, mais le droit européen impose une primauté effective sur les normes nationales.  

- Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État adoptent des mécanismes pragmatiques (double translation, contrôle indirect) pour assurer la compatibilité avec le droit européen tout en maintenant la suprématie formelle de la Constitution.  



Superiorité a la loi : 

- Article 55 de la Constitution : Les traités régulièrement ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois.  

- Problématiques et limites :  

  - Ne s’applique pas à la coutume internationale (CE, Aquarone, 1997).  

  - Ne prime pas sur la Constitution (CE, Sarran, 1998).  


1. La portée limitée de l’article 55


A. Primauté des traités sur les lois et actes réglementaires

- Les traités priment sur les lois, mais l’article 55 n’est pas sanctionné par le Conseil constitutionnel.  

  - CC, décision IVG (1975) : Le Conseil constitutionnel refuse de vérifier la conformité des lois aux traités internationaux.  

  - Justification : Il est juge de la constitutionnalité, non de la conventionnalité.


B. Rôle des juges judiciaires et administratifs

- En l’absence de contrôle par le Conseil constitutionnel, les juges ordinaires ont pris le relais pour assurer le respect des traités par les lois françaises.


2. Les arguments du Conseil constitutionnel pour son refus

1. Compétence d’attribution stricte :

   - Le Conseil constitutionnel limite ses pouvoirs à la constitutionnalité des lois. 

   - Pourtant, les juges administratifs et judiciaires effectuent ce contrôle, sans être davantage habilités.  


2. Différence de nature entre contrôle de constitutionnalité et de conventionnalité   :

  Constitutionnalité :  

     - Absolue : La Constitution s’impose à toutes les lois.  

     - Définitive : Le contrôle a priori interdit la promulgation des lois inconstitutionnelles.  

   Conventionnalité :  

     - Relative : Les traités ne s’imposent qu’aux lois dans leur champ d’application. 

     - Contingente : La primauté des traités dépend de la réciprocité (application effective par les autres États).  


3. Les évolutions depuis la décision IVG

- Révision constitutionnelle (articles 88-1, 88-2, 88-3) : Consentement à des transferts de compétence à l’UE.  

  - Exemples : Union économique et monétaire, mandat d’arrêt européen, droit de vote des ressortissants européens.  

  - Le Conseil constitutionnel vérifie la compatibilité des lois liées à ces questions spécifiques avec les traités européens.  


- QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) : 

  - N’a pas modifié le refus du Conseil constitutionnel de contrôler la conventionnalité des lois.  

  - Les juges ordinaires (judiciaires et administratifs) restent les seuls à effectuer ce contrôle.  


Conclusion

- L’article 55 garantit la supériorité des traités sur les lois, mais son application repose principalement sur les juges judiciaires et administratifs.  

- Le Conseil constitutionnel maintient son refus de contrôler la conventionnalité des lois, sauf dans des cas très spécifiques liés à la construction européenne.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sous-section 3 : Le respect des normes internationales en droit administratif

- Le juge administratif joue un rôle clé dans le respect des normes internationales, particulièrement pour écarter des actes administratifs contraires à ces normes.  

- Confrontation directe : Le juge admin contrôle les actes uniquement si aucune loi ne s’interpose (sinon, il doit examiner la conventionnalité de la loi).  


§1 : Le Respect des Actes Administratifs vis-à-vis des Normes Internationales

A. Respect du droit originaire (traités et accords internationaux)

1. Principes généraux :  

   - Le juge admin contrôle les actes administratifs pour garantir leur conformité aux traités internationaux depuis la IVᵉRépublique. 

   - Fondements :  

     - Article 26 de la Constitution de 1946.  

     - Article 55 de la Constitution de 1958.  

   - Jurisprudence clé :  

     - CE, Dame Kirkwood (1952) : Les actes administratifs doivent respecter les traités. 

     - CE, Belgacem (1991) : La coutume internationale, bien qu’inférieure aux lois, s’impose aux actes administratifs.


B. Respect du droit dérivé (droit de l’UE)  

1. Règlements européens :  

   - Effet direct : Intégrés immédiatement dans les ordres juridiques nationaux.  

   - Jurisprudence clé :  

     - CE, SA Fromagerie Philipona (1998) : Les actes administratifs doivent respecter les règlements européens.  


2. Directives européennes :  

   - Les directives nécessitent une transposition dans l’ordre juridique national. 

   - Distinction entre actes réglementaires et individuels :  


§2 : Opposabilité des Directives Européennes

A. Opposabilité aux actes réglementaires 

- Les directives s’adressent aux autorités normatives (législateur ou pouvoir réglementaire).  

- Jurisprudence clé :  

  - CE, Association ornithologique (1999) : Les directives peuvent être opposées aux actes réglementaires incompatibles.  

  - CE, Compagnie Alitalia (1989) : Obligation pour l’autorité réglementaire d’abroger tout acte réglementaire incompatible avec une directive.


B. Opposabilité aux actes individuels 

1. Refus initial :  

   - CE, Cohn-Bendit (1978) : Les directives ne peuvent être directement opposées aux actes individuels.  

     - Raisons : Les directives s’adressent aux États membres, pas aux particuliers.  

   - Contradiction avec la CJCE (Van Duyn, 1974) : La CJCE reconnaît l’opposabilité des directives précises et inconditionnelles aux actes individuels.


2. Contournements proposés par le CE :  

   - Exception d’illégalité : Une directive peut être opposée à un acte réglementaire sous-jacent à l’acte individuel.  

   - Vide juridique : Si une directive n’a pas été transposée, un acte individuel fondé sur ce vide est illégal.  


3. Évolutions progressives :  

   - Invocabilité d’exclusion : Les particuliers peuvent obtenir l’annulation d’un acte individuel contraire à une directive.  

   - Invocabilité de substitution : Les particuliers obtiennent directement le bénéfice des droits issus d’une directive précise et inconditionnelle.  

     - Jurisprudence clé :  

       - CE, Dame Perreux (2009) : Reconnaissance explicite de l’invocabilité de substitution pour les directives non transposées dans les délais.


Conclusion

- Le juge administratif garantit la conformité des actes administratifs aux normes internationales, en s’appuyant sur des mécanismes progressifs pour respecter les directives européennes.  

- Les évolutions jurisprudentielles, notamment Perreux, ont renforcé les droits des particuliers en cas de non-transposition des directives.



Respect des traités par les lois

- Article 55 C° : Supériorité des traités sur les lois, mais C. constitutionnel (DC 1975 IVG) refuse d’en être juge.

- Les juges ordinaires(administratifs et judiciaires) ont assumé cette compétence :

  - Initialement, le juge administratif évitait de s’impliquer directement.

  - Il a progressivement évolué vers un contrôle clair et assumé, avec des solutions spécifiques.


I) Moyens pour éviter d’affirmer la supériorité des traités

A) Interprétation des traités

- Harmonisation des textes : Donner un sens aux lois et traités pour les rendre compatibles.

- Refus initial du juge admin d’interpréter les traités (pas d’accès aux travaux préparatoires, risques diplomatiques).

- Évolution : 

  - CE Ass. 29 juin 1990, GISTI : Le CE décide d’interpréter lui-même les traités.

  - Particularité européenne : CJUE a compétence exclusive pour interpréter les traités de l’UE ; obligation de renvoi pour les juridictions suprêmes.

  - Théorie de l’acte clair : Le juge national peut éviter le renvoi en affirmant qu’il n’y a pas de difficulté d’interprétation.


B) Règles de conflits de lois dans le temps

- Application des principes : 

  - Lex posterior derogat priori : La loi postérieure prévaut sur la loi antérieure.

  - Loi spéciale > loi générale : Un traité peut être considéré comme loi spéciale, l’emportant sur une loi générale.

- Limite : Lorsque la loi postérieure et spéciale entre en conflit avec le traité, le CE doit reconnaître la supériorité des traités.


II) Sanction de la hiérarchie des normes

A) Refus initial du CE

- CE Sect. 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoule : 

  - Théorie de la loi écran : Le CE refuse de contrôler la conventionnalité d’une loi, estimant que cela revient au contrôle constitutionnel (réservé au C. const.).

- CE Ass. 22 octobre 1979, Union démocratique du travail : Confirmation malgré les pressions :

  - CCass (Jacques Vabre, 1975) : Veille à la conventionnalité.

  - CJUE (Simmenthal, 1978) : Oblige les juges nationaux à écarter les lois contraires au droit européen.


B) Revirement : Arrêt Nicolo (1989)

- CE Ass. 20 octobre 1989, Nicolo : 

  - Contrôle de compatibilité entre loi et traité, basé sur l’article 55 C°.

  - Portée étendue au-delà du droit européen (ex. : Pactes ONU, CEDH).


C) Conséquences

1. Portée des contrôles :

   - Droit originaire (traités) et dérivé (directives, règlements).

   - Exemple : 

     - CE 24 septembre 1990, Boisdet : Suprématie des règlements européens.

     - CE Ass. 28 février 1992, Rothmans : Suprématie des directives.

     - Limite : Pas de suprématie pour la coutume internationale (CE, Aquarone).


2. Effets sur l’administration :

   - L’administration n’a pas à appliquer une loi inconventionnelle (CE, 24 février 1999, Patients anthroposophiques).

   - La responsabilité de l’État peut être engagée en cas de préjudice dû à une loi incompatible.


3. Responsabilité de l’État :

   - CE Ass. 28 février 1992, Arizona Tobacco Products : L’inconventionnalité d’un acte réglementaire d’application entraîne la responsabilité de l’État.

   - CE Ass. 8 février 2007, Gardedieu : Reconnaissance d’une responsabilité sans faute lorsque la loi elle-même est à l’origine du préjudice.


Conclusion

- Le droit administratif garantit aujourd’hui la primauté des traités :

  - Veille au respect des normes internationales (lois, actes réglementaires, actes individuels).

  - Engendre la responsabilité de l’État en cas de non-respect. 

- Arrêt Nicolo : Moment fondateur, assurant l’articulation entre droit interne et international, tout en respectant les spécificités européennes (CJUE).


 

Chapitre 2 : Les sources affaiblies

Contexte :  

Les lois, règlements et jurisprudences sont affaiblis mécaniquement par le renforcement de la Constitution et des normes internationales, ainsi que par l'inflation normative. Cette dernière, bien que critiquée, persiste, ajoutant des normes qui compliquent leur application et leur compréhension.


Conséquences de l’inflation normative :  

1. Baisse de l’effectivité des règles de droit : Une multiplication excessive des textes entraîne confusion et non-respect des normes. 

2. Jurisprudence affectée : Les décisions se concentrent davantage sur l’articulation des normes que sur l’élaboration de principes fondamentaux.


Cependant, la hiérarchie des normes reste inchangée. La loi et les règlements conservent leur statut juridique malgré un prestige amoindri.



Section 1 : Les normes légales et réglementaires 


Perte de prestige de la loi :  

- La loi, autrefois symbole de la volonté générale (DDHC, Rousseau), a vu son prestige diminuer avec le contrôle de constitutionnalité (1958 a priori, 2010 a posteriori) et la conventionnalité (1989). 

- Les actes réglementaires, historiquement de rang inférieur, sont désormais soumis aux mêmes contrôles, consolidant l'idée d'une baisse de prestige générale.


Inflation normative :  

- Étude de 2020 : multiplication des textes (en moyenne 50 lois, 40 ordonnances, 1 500 décrets, et 85 000 arrêtés réglementaires par an).  

- Normes de plus en plus techniques, rapidement obsolètes, rendant leur compréhension et application complexes.


Codification :  

- Efforts de coordination des normes via des codes (~80), mais ceux-ci restent incomplets et nécessitent des modifications fréquentes


Sous-section 1 : Les domaines respectifs de la loi et du règlement


Régime normal de répartition des domaines  

Articles 34 et 37 de la Constitution de 1958 :  

- Article 34 : Domaine réservé au législateur (fixation des règles ou principes fondamentaux).  

- Article 37 : Tout ce qui n’est pas du domaine de la loi relève du règlement (pouvoir réglementaire autonome).  


Cependant, en pratique, la distinction est floue et la loi conserve une quasi-compétence illimitée.


Pratique et raisons :  

1. Articles 34 et 37 interprétés extensivement par le Conseil constitutionnel.  

2. Le législateur empiète sur le domaine réglementaire, souvent avec l’accord implicite ou explicite du gouvernement.  


Sanctions en cas de non-respect des domaines  

1. Protection du domaine réglementaire :  

   - Article 41 : Exception d’irrecevabilité (avant promulgation) pour dispositions empiétant sur le domaine réglementaire.  

   - Article 37 al. 2 : Procédure de délégalisation (après promulgation).  

   - Conseil constitutionnel refuse de censurer une loi empiétant sur le domaine réglementaire (décision 1982-143 DC).  


2. Protection du domaine législatif :  

   - Actes réglementaires empiétant sur le domaine législatif facilement sanctionnés par le Conseil d’État via un recours pour excès de pouvoir.  


Conclusion :  

Le schéma théorique de répartition des compétences entre la loi et le règlement est largement inefficace en pratique, la loi continuant à dominer.


I. Régimes exclus des régimes exceptionnels courants

1. Ordonnances de feu (article 92 de la Constitution de 1958) 

   - Disposition transitoire ayant permis au gouvernement, dans les trois mois suivant l’entrée en vigueur de la Constitution, d’organiser l’État.  

   - Ces ordonnances, bien que toujours en vigueur, sont considérées comme ayant valeur législative.  


2. Révision constitutionnelle de 2003 : Outre-mer (article 74-1 C°) 

   - Mécanisme permettant au gouvernement d’étendre par ordonnance des dispositifs législatifs applicables en métropole aux territoires ultramarins.


II. Ordonnances de l'article 38 de la Constitution

1. Habilitation du gouvernement

   - Le gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de prendre des ordonnances dans le domaine législatif (article 34) pour exécuter son programme.  

   - Conditions :

     a) La loi d’habilitation précise les matières et fixe deux délais :  

        - Délai pour prendre les ordonnances (souvent 1 à 18 mois).  

        - Délai pour présenter un projet de loi de ratification au Parlement.  

     b) Les ordonnances non ratifiées dans ce délai deviennent caduques.  

   - Les ordonnances sont des actes administratifs, adoptés en Conseil des ministres, après avis du Conseil d’État.  


2. Nature juridique des ordonnances    

   a)   Ordonnance non ratifiée    

   - Statut réglementaire, même si elle intervient dans le domaine législatif.  

   - Contentieux : recours devant le juge administratif (Conseil d’État) pour excès de pouvoir.  

   - Le Conseil d’État veille au respect des habilitations, des principes constitutionnels et des normes internationales.  

   - Limites : interdiction d’un renvoi excessif à des décrets d’exécution, considéré comme une prolongation illégitime du délai d’habilitation.  


   b)   Ordonnance ratifiée    

   - Perd son caractère réglementaire et acquiert rétroactivement la valeur de loi. 

   - Contrôles possibles :  

     -   Constitutionnalité :   via le Conseil constitutionnel (a priori ou par QPC).  

     -   Conventionnalité :   via les juridictions ordinaires.  

   - Modification : une fois ratifiée, elle ne peut être modifiée que par une loi ou, pour des dispositions réglementaires, par procédure de délégalisation validée par le Conseil constitutionnel.  


 Décisions importantes :    

-   CConst QPC 2020-843 : assimilent les dispositions législatives post-délai à des lois contestables uniquement par QPC.  

-   CE Ass. 16 déc. 2020, CFDT Finances :   reconnaît cette assimilation mais conserve son contrôle de conventionnalité.


   III. Article 16 de la Constitution  

  1. Pouvoirs exceptionnels conférés au Président de la République    

   - Le Président peut prendre des mesures législatives et réglementaires en cas de crise grave interrompant le fonctionnement régulier des institutions. 

   -   Conditions procédurales :    

     - Consultation préalable des hautes instances (Conseil constitutionnel, assemblées).  

     - Parlement réuni de plein droit et non dissoluble.  

     - Message adressé à la Nation.  

   -   Application unique :   De Gaulle (guerre d’Algérie, 1961).  


  2. Contrôle juridictionnel limité    

   -   Décision de mise en œuvre :   Acte de gouvernement, insusceptible de recours (CE,  Rubin de Servens , 1961).  

   -   Mesures prises :    

     - Pas de contrôle pour celles relevant du domaine législatif.  

     - Recours possible devant le juge administratif pour celles relevant du domaine réglementaire.  


Conclusion  

- L’article 38 offre un cadre relativement contrôlé, avec une implication notable du Parlement en début et fin de procédure. 

- L’article 16, plus large et moins encadré juridiquement, confère un pouvoir exceptionnel au Président, justifié uniquement par des circonstances extrêmes.



Sous-section 2 : L’autorité respective de la loi et du règlement 


-   Hiérarchie des normes : La loi reste subordonnée à la Constitution et aux normes internationales mais s’impose aux règlements, y compris les règlements autonomes. 

-   Autorité fragile : Longtemps incontestable, la loi est désormais soumise à :  

  - Contrôle   constitutionnel (a priori ou a posteriori via QPC).  

  - Contrôle   conventionnel (conformité aux normes internationales).  

-   Promulgation : Acte présidentiel essentiel qui valide son existence et impose son respect à tous.  


La loi reste fondamentale mais son autorité est limitée par les nombreux contrôles qui garantissent la primauté des normes supérieures.


L’Autorité des Actes Réglementaires  

1. Nature des actes réglementaires  

-   Définition :   Les actes réglementaires sont des actes administratifs à portée générale et impersonnelle, semblables à la loi mais émis par des autorités exécutives ou décentralisées.

-   Différence avec la loi :   Ils ne sont pas adoptés par le Parlement mais par des autorités du pouvoir exécutif (PR, PM) ou des autorités locales. 


2. Les titulaires du pouvoir réglementaire  

 A. Pouvoir national  

1.   Président de la République (PR) et Premier ministre (PM)  

   -   Pouvoir général (articles 13 et 21 C°) :  

     - Le PM détient par principe le pouvoir réglementaire général.

     - Le PR a une compétence attribuée par délibération en Conseil des ministres.

     - Jurisprudence importante :  CE Meyet (1992)  établit qu’un décret délibéré en Conseil des ministres relève exclusivement du PR.

   -   Pouvoir de police :   Reconnu par la jurisprudence ( CE Labonne, 1919 ), il permet au chef de l’exécutif de prendre des mesures rapides pour préserver l’ordre public.


2.   Les ministres 

   - Pas de pouvoir réglementaire général ( CE Brabant, 1969 ), mais :

     - Délégation possible du PM (art. 21 C°).

     - Pouvoir réglementaire des chefs de service ( CE Jamart, 1936 ).

     - Lignes directrices ( CE Crédits fonciers de France, 1970 ) pour encadrer les décisions administratives discrétionnaires.


3.   Autorités administratives indépendantes (AAI)  

   - Certaines AAI (ex. CNIL) disposent d’un pouvoir réglementaire limité, subordonné aux lois et décrets ( Cconst, 1989 ).


  B. Pouvoir local  

1.   Autorités déconcentrées :   Préfets et sous-préfets ont un pouvoir réglementaire (délégation, chef de service) et un pouvoir de police pour troubles dépassant une commune.

2.   Autorités décentralisées :   Collectivités locales (maires, conseils régionaux) exercent un pouvoir réglementaire subordonné (art. 72 al. 3 C°) pour adapter les normes nationales aux circonstances locales.


  C. Personnes privées  

- Si chargées d’un service public, elles peuvent disposer d’un pouvoir réglementaire pour exécuter leur mission, mais toujours subordonné aux normes supérieures.


4. Autorité et hiérarchie des actes réglementaires 

1.   Qualité des sources  

   - Seuls les actes réglementaires (pas les actes individuels ou les contrats) sont des sources de droit administratif, car ils s’adressent à des tiers et modifient l’ordonnancement juridique.

   - Exception : Les clauses réglementaires dans des contrats ont un effet sur les tiers, donc considérées comme source de droit.


2.   Hiérarchie des actes réglementaires  

   -   Autorité supérieure aux actes individuels :   Un règlement lie même son auteur tant qu’il n’est pas modifié ( CE Commune de Clamart, 1931 ).

   -   Hiérarchie interne :  

     - Entre décrets : les décrets en Conseil d’État > décrets simples.

     - Les actes réglementaires locaux et ceux des personnes privées sont subordonnés aux normes nationales (décrets PR, PM, etc.).

   -   Place dans l’ordre juridique :   Les actes réglementaires sont soumis à la Constitution, aux normes internationales, aux lois et principes jurisprudentiels.


Conclusion  

Les actes réglementaires, bien qu’inférieurs aux normes législatives et constitutionnelles, jouent un rôle essentiel en complétant et exécutant les lois. Leur autorité varie selon leur émetteur et leur nature, inscrivant une hiérarchie stricte dans le système juridique français.




Section 2 : les normes jurisprudentielles 

-   Droit administratif et jurisprudence   : Le droit administratif repose largement sur des principes créés par le juge, en particulier par le Conseil d'État (CE).

-   Codification moderne   : Bien que le droit administratif soit de plus en plus codifié avec des lois et des règlements, ces textes reposent souvent sur des principes jurisprudentiels déjà formulés par le juge administratif.

-   Exemple de création jurisprudentielle   : La notion de contrat administratif a été forgée par le juge, de même que de nombreux principes généraux du droit (PGD).




Sous-section 1 : L’élaboration des normes jurisprudentielles  

§1) Les auteurs des normes jurisprudentielles  

-   Le rôle principal du juge administratif   : 

  -   Conseil d'État (CE)   : Principal auteur des normes jurisprudentielles en droit administratif.

  -   Rôle du juge judiciaire   : Parfois, le juge judiciaire (ex. : Cour de cassation) intervient sur des questions administratives, bien que cela soit plus rare.

    -   Exemple   : Arrêt   BRGM   (1987) de la Cour de cassation, où le principe de l'insaisissabilité des biens des personnes publiques est posé et repris par le CE.

  -   Le Conseil constitutionnel (CConst)   peut aussi intervenir, comme dans l’arrêt   CConst 1984  , qui pose le principe de l’indépendance des professeurs d’université, repris ensuite par le CE.


§2) La méthode d’élaboration des normes jurisprudentielles  

-   Principe de séparation des pouvoirs   : En principe, le juge n’élabore pas de normes. Il doit se baser sur les textes existants, mais il peut intervenir en l’absence de règles claires.

  -   Article 4 du Code civil   : Obligation pour le juge de statuer, même en l’absence de texte précis, ce qui l’amène parfois à formuler des principes non écrits.

-   Techniques d’élaboration des normes   :

  -   Interprétation extensible   : Le juge peut interpréter un texte spécifique comme illustrant un principe général non écrit. Exemple :   CE Ass. Billard et Volle (1988)  .

  -   Principes supplétifs   : Le CE énonce des principes applicables à défaut de textes contraires, laissant ainsi la possibilité aux autorités administratives de déroger à ces principes si nécessaire.

  -   Modulation dans le temps   : Depuis l'arrêt   Tropic (2007)  , le CE peut limiter la rétroactivité de ses décisions jurisprudentielles, ce qui lui donne un pouvoir de modulation temporelle, typiquement réservé aux législateurs et autorités réglementaires.


Sous-section 2 : Le contenu des normes jurisprudentielles  

Principes généraux du droit (PGD)  

-   PGD et leur évolution :

  - Au départ, le juge administratif appliquait certains principes sans les énoncer explicitement. Ces principes étaient implicites dans ses décisions. 

  - Après la Seconde Guerre mondiale, les PGD ont été énoncés de manière explicite, en réponse aux atteintes aux libertés individuelles.

-   Exemples de PGD :

  -   Le respect des droits de la défense :   CE Ass. Aram (1945). Ce principe a été consacré même en l’absence de texte législatif spécifique.

  -   Principe d’égalité : Le CE a énoncé divers corollaires du principe d'égalité, notamment égalité devant le service public, égalité dans l’accès aux emplois publics, etc.

  -   Liberté d’aller et venir, liberté du commerce et de l’industrie,   droit de recours pour excès de pouvoir  .

  -   Interdiction de licencier une femme enceinte (1973).

  -   Rythme ralenti : Depuis les années 1990, les PGD sont parfois plus techniques. Exemples :

    -   1994 : Respect de la dignité de la personne après la mort.

    -   1998 : Liberté contractuelle.

    -   2006 : Principe de sécurité juridique.

  -   PGD techniques : Certaines décisions contemporaines concernent des principes plus techniques, comme l'indépendance des inspecteurs du travail ou le principe du libre choix.




Refus de certains principes  

-   Exemples de refus :

  -   Anonymat des copies dans l’enseignement supérieur : Le juge a refusé de consacrer un principe d’anonymat absolu des copies, car l’anonymat n'est pas nécessaire pour les examens oraux.

  -   Interdiction des souffrances pour les animaux : Le juge a rejeté l’idée d’un principe général interdisant les souffrances pour les animaux, en raison du contexte spécifique des législations.


-   Réticence du juge : Le juge administratif hésite parfois à consacrer certains principes en raison de l'importance et de l’autorité que ces normes acquièrent lorsqu'elles sont reconnues.


Sous-section 3 : L’autorité des normes jurisprudentielles  

§1) La valeur juridique  

-   Théorie de René Chapus : 

  - Chapus propose que les PGD, même s’ils sont inférieurs à la loi, ont une valeur supérieure aux décrets. Les juges administratifs se situent en-dessous du législateur dans la hiérarchie des normes, mais imposent le respect des PGD, y compris aux actes administratifs les plus élevés.

  -   PGD infra-législatifs mais supra-décrétaux : Les principes créés par la jurisprudence sont de valeur inférieure à la loi mais supérieure aux actes réglementaires.

  

§2) La conciliation avec la jurisprudence constitutionnelle  

-   Conflit entre PGD et principes constitutionnels :

  -   Problématique : Comment un même principe peut-il avoir une valeur infra-législative (PGD) et, en étant repris par le Conseil constitutionnel, devenir supra-législatif ?

  -   Solutions :

    1.   Ancrage textuel : Le Conseil constitutionnel trouve souvent une base textuelle dans la Constitution pour des principes déjà énoncés par le juge administratif. Une fois constitutionnalisé, le principe devient un principe constitutionnel, ce qui évite le conflit.

    2.   Principe de continuité des services publics : Ce principe, consacré par le CE, n’a pas de base textuelle mais est repris par le CConst sans référence explicite dans la Constitution, ce qui le maintient dans l’ordre des PGD avec une valeur supra-décrétale.


Conclusion : Bien que le Conseil constitutionnel puisse rendre un principe opposable à la loi, le juge administratif conserve son rôle de garantir le respect des normes administratives et décrets. Les PGD restent une source de droit, même si leur statut peut être complété ou modifié par le droit constitutionnel.


Conclusion générale  

Les normes jurisprudentielles, créées principalement par le juge administratif, jouent un rôle central en droit administratif. Leur autorité est reconnue, bien qu’elles se situent sous la loi dans la hiérarchie des normes, tout en étant supérieures aux actes réglementaires. Le juge administratif continue de modeler le droit en fonction des besoins de la société, tout en prenant soin de ne pas empiéter sur les prérogatives du législateur.







PARTIE 2 : L’ORGANISATION JURIDICTIONNELLE


Chapitre 1 : L’organisation de l’ordre juridictionnel 

-   Originalité de l'ordre juridictionnel administratif   :

  - Comparaison avec l'ordre judiciaire : L'ordre administratif a une structure et des relations particulières avec ses juges, héritées du passé.

  -   Rôle central du Conseil d'État (CE)   : Contrairement à la Cour de cassation (dans l'ordre judiciaire), le Conseil d'État occupe une place prépondérante dans la juridiction administrative.


Section 1 : L’administration et ses juges

-   Juges « naturels » : 

  - Les juges administratifs sont les juges « naturels » des affaires administratives, mais certains litiges peuvent relever du juge judiciaire.

  - Il ne s'agit pas d'une question procédurale, mais de l'organisation et du fonctionnement des juges administratifs dans leur quotidien.

  

-   Statut constitutionnel de la justice administrative   : 

  -   Avant la Ve République   : La justice administrative n’avait pas de statut constitutionnel direct. Le   Conseil d'État   était mentionné dans la Constitution de manière consultative, mais non en tant que juge.

  

-   Émergence du statut constitutionnel de la justice administrative   :

  -   Décision du Conseil constitutionnel (80-119 DC, 22 juillet 1980)   :

    - Le   PRFLR   (principe fondamental reconnu par les lois de la République) de l'indépendance de la justice administrative vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif est établi.

    - Le CE devient une juridiction pleinement indépendante, compétente pour rendre justice au nom du peuple français.

    - Jusqu'alors, la justice était « retenue » par l'État (le juge administratif était limité dans ses prérogatives).

    -   Implicite reconnaissance de l’existence de la justice administrative   : La décision consacre son existence et son indépendance, soustraite à la volonté du législateur.


-   Constitutionnalisation de la justice administrative   :

  -   Décision du Conseil constitutionnel (2009, 795 DC, 3 décembre 2009)   :

    - Le Conseil d'État et la Cour de cassation sont désormais reconnus comme les juridictions suprêmes de chacun des deux ordres de juridiction (administratif et judiciaire).

    - Le Conseil d'État est reconnu comme l'autorité suprême de la juridiction administrative.

  

  -   Éléments textuels inscrits dans la Constitution   :

    -   Article 74 de la Constitution   : Mention du rôle du Conseil d'État dans le contentieux relatif aux lois de pays outre-mer (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie).

    -   Article 61-1 (QPC)   : Le Conseil d'État, avec la Cour de cassation, a désormais un pouvoir de filtrage des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).

  

-   Compétence constitutionnelle des juridictions administratives   :

  -   Décision du Conseil constitutionnel (86-224 DC, 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence)   :

    - Le Conseil constitutionnel établit un nouveau   PRFLR   relatif à la compétence constitutionnelle des juridictions administratives, spécifiquement en ce qui concerne le contentieux des actes des personnes publiques exerçant des prérogatives de puissance publique (PPP).

    - Ce domaine devient un   noyau constitutionnel   de la compétence des juridictions administratives.

  

-   Limites de ce noyau constitutionnel   :

  -   Évacuation des matières réservées à l'autorité judiciaire   : Certaines matières sont exclues de la compétence des juridictions administratives, mais la dénomination de ces matières est floue. Cela soulève des questions sur les domaines réservés au juge judiciaire.

  -   Possibilité de dérogation par le législateur   : Bien que ce noyau de compétence soit constitutionnel, le législateur peut déroger à ce principe pour créer des blocs de compétence, notamment pour éviter un émiettement des compétences.

  - Peu de cas de mise en œuvre de cette dérogation législative, mais elle demeure possible.


Conclusion : 

-   Émergence et reconnaissance de la justice administrative   : La constitutionnalisation de la justice administrative a été un processus long et progressif, notamment par l'intermédiaire de décisions du Conseil constitutionnel.

-   Indépendance et existence   : Le Conseil d'État joue un rôle central, non seulement en tant que conseiller du gouvernement, mais aussi comme juridiction indépendante avec un rôle constitutionnel reconnu. Son existence et sa compétence sont désormais ancrées dans le bloc de constitutionnalité.

-   Compétence et limites   : Les juridictions administratives ont une compétence constitutionnelle, principalement en matière de prérogatives de puissance publique, mais cette compétence est sujette à des exceptions et dérogations possibles par le législateur.


Section 1 : Les juges de l’administration

§1) La séparation organique

-   Séparation initiale   : Textes révolutionnaires interdisent aux juridictions judiciaires de traiter les litiges administratifs. L’administration doit juger ses propres litiges.

-   Création des institutions   : Sous le Consulat et l'Empire, création du CE et des conseils de préfecture, sans séparation organique avec l’administration.

-   Théorie du ministre-juge   : Ministres juges de droit commun jusqu’à 1889, CE juge d’appel et de cassation.

-   Évolution au XIXe siècle   : Mouvements libéraux des années 1820-1830 dénoncent la confusion des rôles. Juridictionnalisation progressive des conseils de préfecture.

-   Trois étapes de séparation   :  

  1.   Loi 24 mai 1872   : CE devient une juridiction autonome.

  2.   Arrêt Cadot (1889)   : Fin de la théorie du ministre-juge, récupération de la compétence de droit commun par le CE.

  3.   Décret-loi de 1926   : Les préfets perdent la présidence des conseils de préfecture, autonomie organique acquise.


§2) Les liens fonctionnels

-   Juge administrateur   : CE cumule les fonctions de juge et de conseiller. Consulte le gouvernement sur les projets de loi, d’ordonnances, et de décrets.

-   Consultation obligatoire   : Gouvernement doit consulter le CE avant de prendre certaines décisions administratives sous peine de vice de procédure.

-   Fonction consultative importante   : CE considère la consultation comme essentielle à son rôle, renforce sa place dans l'administration.

-   Administrateur juge   : Depuis 40 ans, certaines sanctions administratives doivent respecter des principes juridictionnels (légalité, nécessité, non-rétroactivité).


Sous-section 2 : La notion de juridiction administrative

-   Juridictions administratives classiques   : CE, tribunaux administratifs, cours administratives d’appel (CAA) sont des juridictions administratives avec compétence générale.

-   Juridictions administratives spéciales   : Certaines institutions administratives peuvent être considérées comme juridictionnelles, même sans être qualifiées de juridictions explicites.

-   Critère de la juridiction   : Une institution est une juridiction si elle résout un litige en appliquant des règles de droit. Critères supplémentaires : composition, procédure suivie.

-   Distinction avec le judiciaire   : Juridictions administratives tranchent des questions de droit public, juridictions judiciaires du droit privé. Critères procéduraux utilisés pour faire la distinction.

-   Qualité de juridiction administrative   : Selon l’arrêt   D’Aillières (1947)  , une juridiction administrative tranche des questions de droit public.


Section 2 : Les juges de l’administration

Sous-section 1 : Les juridictions compétentes

  §1) Le Conseil d’Etat  

-   Rôle dual du CE   : À la fois organe de l'administration et juge administratif suprême (équivalent de la Cour de cassation dans l'ordre administratif).

-   Attributions du CE   : Statuer en dernier ressort sur toutes les décisions des juridictions administratives via appel ou pourvoi en cassation.

-   Section du contentieux   : Compte environ 10-12k décisions par an. Elle est subdivisée en 10 chambres spécialisées.

-   Formations de jugement   : Assemblée du contentieux (décisions majeures, 4-5 par an), section du contentieux, chambres réunies ou seules.

-   Organisation interne   : Vice-président préside, environ 300 membres (certains à l’extérieur comme hauts fonctionnaires).

-   Recrutement   : Via ENA (INSP) ou par nominations extérieures. Les membres sont affectés aux sections administratives et contentieuses.

-   Indépendance   : Tradition d'inamovibilité et avancement par ancienneté, mais les membres du CE ne sont pas des magistrats (arrêt Beausse, 1962).


 §2) Les tribunaux administratifs (TA) et les cours administratives d’appel (CAA)  

-   Héritage des conseils de préfecture   : Les TA sont les héritiers des conseils de préfecture créés en 1800.

-   Compétence des TA   : Juge administratif de droit commun en premier ressort. 42 tribunaux sur le territoire, chacun avec un ressort territorial spécifique.

-   Rôle consultatif des TA   : Peu sollicité, mais certains exercent une fonction de médiation.

-   Création des CAA (1987)   : 9 CAA qui jugent en appel les décisions des TA. Les membres des CAA sont des magistrats et bénéficient de garanties d’indépendance.

-   Recrutement des membres des TA et CAA   : Par concours ou par INSP.


  §3) Les juridictions administratives spéciales  

-   Caractéristiques   : Plus de 900 juridictions administratives spéciales (divers domaines comme le disciplinaire ou la comptabilité publique).

-   Composition   : Parfois composée de magistrats professionnels, de juges non professionnels ou d’échevins (juges professionnels et non professionnels).

-   Appel et cassation   : Certaines sont susceptibles d’appel devant une autre juridiction administrative spéciale, puis cassation devant le CE.





Sous-section 2 : La compétence des juridictions

-   Compétence matérielle   : Détermine quelle juridiction administrative est compétente en fonction de l’objet du litige. Le CE est compétent pour certains cas spécifiques en premier ressort.

-   Compétence territoriale   : Définit quel tribunal administratif est compétent géographiquement. Règle de base : le tribunal du ressort de l’autorité ayant pris la décision contestée.


  §1) Le premier ressort  

-   Compétence des TA   : Depuis 1953, les TA sont compétents en premier ressort par défaut, sauf pour les litiges spécifiques attribués à d'autres juridictions administratives.

-   Exceptions   : Certaines juridictions administratives spéciales ou le CE peuvent être compétents en premier ressort.


  §2) L’appel  

-   Rôle des CAA   : Les CAA jugent les appels des décisions des TA. Cependant, certains jugements sont rendus en premier et dernier ressort, sans appel possible.

-   Limite et exception   : Les litiges de faible enjeu financier ne peuvent être appelés. Certaines matières, comme les litiges électoraux, sont directement appelées par le CE.


  §3) La cassation  

-   Rôle du CE en cassation   : Le CE est le seul juge de cassation pour les décisions administratives. Il vérifie le respect des règles de droit, mais pas des faits.

-   Fonction de renvoi   : En cas de cassation, le CE peut renvoyer l’affaire à une CAA ou, exceptionnellement, juger l’affaire lui-même.

-   Avis contentieux   : Introduits par la loi de 1987, les TA et CAA peuvent demander un avis du CE sur des questions juridiques complexes, permettant un règlement plus rapide des contentieux administratifs.




Chapitre 2 : Les recours juridictionnels

Les recours juridictionnels en droit administratif permettent de mieux comprendre les décisions des juges administratifs, ce qu'ils peuvent décider et les implications implicites de leurs jugements. Parfois, ce qu’ils ne disent pas peut être la solution la plus intéressante.


Section 1 : La distinction des recours

Section 1 : La distinction des recours

Dans le contentieux administratif, il existe plusieurs catégories de recours, qui forment une distinction dans les types de contentieux. Cela implique qu'une action doit être adaptée à un type de recours spécifique.


Historiquement, Edouard Laferrière a proposé une première classification des recours administratifs en fonction des pouvoirs du juge. Il distingue :

1.   Le plein contentieux   : Le juge dispose de tous les pouvoirs, y compris l'annulation, la réforme, la modification des décisions administratives, et parfois même l'indemnisation.

2.   Le contentieux de l’annulation   : Le juge peut uniquement annuler une décision administrative.

3.   Le contentieux de la déclaration   : Le juge déclare quelque chose sans annuler l’acte.

4.   Le contentieux répressif   : Le juge administratif peut prononcer une sanction (par exemple une amende).


Léon Duguit a proposé une autre classification plus intellectuellement intéressante basée sur la question posée au juge : soit une question de droit objectif (respect de la légalité), soit une question de droits subjectifs (reconnaissance de droits particuliers). Cette classification a peu été retenue, mais elle apparaît sous forme d'une distinction entre le contentieux objectif et subjectif.


D’autres classifications s’intéressent à l’objet du litige : 

-   Contentieux des actes   : Recours concernant la légalité des actes administratifs.

-   Contentieux des personnes   : Protection des droits subjectifs des individus.


Sous-section 1 : Les contentieux des actes

Le droit administratif français permet facilement aux citoyens de contester la légalité des actes administratifs. Le Conseil d'État a qualifié cette possibilité de « règle fondamentale du droit public », affirmant que les décisions administratives sont exécutoires, mais peuvent être contestées devant un juge.


Les principaux recours contre les actes administratifs sont :

1.   L’annulation   : La plus courante, permet au juge d'annuler un acte administratif illégal.

2.   La déclaration d’inexistence   : Le juge peut déclarer qu'un acte administratif n'a jamais existé juridiquement en raison de son illégalité radicale.

3.   L’appréciation de légalité   : Le juge déclare la légalité ou l’illégalité d'un acte sans annuler celui-ci, surtout en cas de litige entre juridictions administratives et judiciaires.

4.   L’interprétation   : Le juge clarifie le sens d’un acte administratif, sans se prononcer sur sa légalité.


§1) L’annulation

L’annultion d’un acte est le pouvoir de base des juges administratifs, qui peut se faire par   excès de pouvoir  . Le juge examine la légalité de la décision au moment où elle a été prise, avec des exceptions comme la décision   CE Ass. 19 juillet 2019  , où le juge peut se placer à la date où il statue. L’effet de l’annulation est rétroactif, ce qui peut perturber l’ordre juridique, d’où l’introduction d’une possibilité d’annulation à compter de la date de la décision par   CE Ass. 11 mai 2004  .


L’annulation est également   erga omnes  , c’est-à-dire qu’elle bénéficie à tous, pas seulement au requérant.


§2) La déclaration

Le recours en   déclaration d’inexistence   permet de déclarer qu’un acte n’a pas d’existence juridique, car trop illégal. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une annulation, cela a des effets similaires, notamment en termes de droits de recours.


Le recours en   appréciation de légalité   permet de vérifier la légalité d’un acte sans que celui-ci soit annulé, souvent dans un contexte judiciaire où la légalité d’un acte administratif est une question préjudicielle.


Le recours en   interprétation   permet de clarifier le sens d’un acte administratif sans en juger la légalité.


§3) La réformation

Dans certaines situations, le juge administratif peut   réformer   une décision de l’administration, ce qui dépasse l'annulation. Ce cas concerne surtout des matières spécifiques comme :

-   Le contentieux fiscal   : Le juge peut modifier l’imposition d’un contribuable.

-   Le contentieux électoral   : Le juge peut modifier un résultat électoral si nécessaire.

-   Le contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement   : Le juge peut ajuster les conditions d’exploitation.

-   Le contentieux des édifices menaçant ruine   : Le juge peut imposer des modifications dans les travaux à réaliser.


Sous-section 2 : Les contentieux des personnes

Les   contentieux des personnes   se concentrent sur la protection des droits subjectifs des individus. Ce sont des recours de pleine juridiction, visant à obtenir réparation pour des atteintes aux droits individuels, parfois par l’annulation d’un acte administratif.


1.   La protection des droits   : Lorsqu’un individu voit ses droits méconnus par l’administration, il peut demander au juge administratif de les rétablir, souvent dans un cadre de responsabilité extracontractuelle.

2.   La répression des infractions   : Dans des cas exceptionnels, le juge administratif exerce une fonction répressive, notamment pour les contraventions de grande voirie, les manquements aux règles financières par des agents publics, ou encore dans les affaires disciplinaires.



Section 2 : L’exercice des recours 

-   Ordre des questions pour le juge administratif   :

  - Vérifier la compétence :

    - Déterminer si le juge administratif est compétent ou si c’est le juge judiciaire (ou aucun des deux).

    - Vérifier si le juge administratif saisi est bien celui compétent.

    - C'est une question d'ordre public, que le juge doit vérifier d'office.

  - Vérifier la recevabilité :

    - La recevabilité est aussi une question d'ordre public.

    - Le juge doit relever d'office l'irrecevabilité mais certains motifs peuvent être régularisés.

  - Examiner le fond du litige :

    - Une fois compétence et recevabilité vérifiées, le juge peut se prononcer sur le fond.


-   Ordre logique des étapes   : compétence, recevabilité, fond.


-   Exceptions à cet ordre   :

  - Parfois, le juge rejette le recours sur le fond sans vérifier la recevabilité.

  - Cela ne pose pas de problème si le recours est rejeté au fond, mais il serait inacceptable de déclarer un recours fondé sans vérifier sa recevabilité.


-   Raisons pour cette pratique   :

  1.   Pour le justiciable   : Préférence à savoir que le recours échoue sur le fond plutôt que pour un problème de recevabilité.

  2.   Complexité de la recevabilité   : Parfois, il est plus facile de rejeter au fond que de traiter des questions complexes de recevabilité.



Section 3 : L’examen des recours 

-   Examen des recours   : 

  - Il s'agit de la manière dont le juge examine les recours, avec les règles qui régissent cette procédure.

  - Améliorations depuis les années 1990 : réformes permettant un jugement plus rapide (référé, juge unique, création des CAA, etc.).

  - Délai moyen : environ 1 an, mais certaines affaires prennent plus de temps.

  - Indemnisation possible si une affaire prend trop de temps, en raison de l'exigence du délai raisonnable.


  Sous-section 1 : Les recours avant le jugement  

-   Référé   : 

  - Jusqu’au 1er janvier 2001, système de référé inefficace.

  - Depuis la réforme, le juge des référés est en général un juge unique (parfois collégial si l’affaire est complexe).

  

-   Suspension des actes administratifs   :

  - Principe du « privilège du préalable » : L'administration impose unilatéralement sa volonté, qui doit être exécutée immédiatement.

  - Recours de suspension (article L.521-1 CJA) permet de suspendre une décision administrative si :

    - Urgence et doute sérieux sur la légalité de l’acte.

    - Le juge suspend si l'acte semble probablement illégal.

    - Si la décision est annulée, l’exécution est suspendue, sinon elle reprend si le recours est rejeté.


-   Autres procédures de référé   :

  -   Référé-provision   : Obtenir une provision pour une somme demandée à l’administration avant jugement.

  -   Référé-conservatoire   : Demander des mesures utiles sans empêcher l’exécution de la décision administrative.

  -   Référé-liberté   : Permet de protéger une liberté fondamentale menacée par l’administration.

  -   Référé-instruction   : Permet d’obtenir des éléments pour mieux préparer le procès.


  Sous-section 2 : Les jugements avant le recours  

-   Caractéristiques des recours devant les juridictions administratives   :

  - Procédure principalement écrite.

  - De type inquisitorial : Le juge mène la procédure et ordonne des mesures, contrairement à la procédure accusatoire (en civil).

  - Procédure contradictoire : Les parties échangent des arguments et observations.


-   L’audience   : 

  - Rarement des audiences publiques, souvent une procédure écrite.

  - Trois étapes : 

    - Rapporteur présente les écritures des parties.

    - Parties peuvent s’exprimer.

    - Rapporteur public donne son avis (anciennement commissaire du gouvernement), sans participer au délibéré.


-   Le jugement   :

  - Après délibéré, la décision est rendue.

  - Autorité relative de la chose jugée : la décision s’applique à l’affaire jugée, mais peut être étendue dans certains cas (annulation d’un acte administratif).

  - L'annulation d'un acte implique l’administration doit l’appliquer immédiatement ou refaire une décision.


-   Injonctions   : 

  - Depuis 1995, les juges administratifs peuvent enjoindre l’administration à agir ou prendre une nouvelle décision après annulation d'un acte.


  Sous-section 3 : Les recours contre le jugement  

-   Types de recours   : 

  -   Voies de rétractation   : Ressaisir le même juge pour revenir sur sa décision.

  -   Voies de réformation   : Faire appel à un juge supérieur pour réformer une décision.


-   L’appel   : 

  - Possible contre les jugements en premier ressort.

  - Permet un double examen du litige (en droit et en fait).

  - Le juge d’appel peut annuler le jugement et revoir le fond de l’affaire.


-   La cassation   : 

  - Permet de saisir le Conseil d'État pour vérifier la régularité de la procédure et l’application correcte du droit.

  - Le Conseil d'État peut casser un jugement et renvoyer l’affaire ou juger directement en appel si nécessaire.



PARTIE 3 : LA COMPÉTENCE DE L’ORDRE JURIDICTIONNEL ADMINISTRATIF


La compétence de l'ordre juridictionnel administratif a été façonnée par des événements historiques, rendant complexe l'identification des litiges relevant du juge administratif. La distinction entre le juge administratif et judiciaire est souvent floue et basée principalement sur des décisions jurisprudentielles, avec une importante intervention du Tribunal des conflits, parfois aussi du législateur.


Chapitre 1 : Les litiges mettant en cause le principe de séparation des pouvoirs 

 

Section 1 : Les pouvoirs traditionnels 


Sous-section 1 : Le pouvoir judiciaire

1.   La participation du pouvoir exécutif au pouvoir judiciaire    

   Selon Montesquieu, le pouvoir judiciaire était distinct, mais dans la réalité, le pouvoir exécutif joue un rôle dans ce domaine (ex : ministre de la Justice). Cela soulève des questions de compétence pour le juge administratif, bien qu'il ne soit jamais compétent pour juger des décisions des juridictions judiciaires (par exemple, un appel ou une cassation).


2.   La répartition des compétences entre le juge administratif et judiciaire    

   L’idée de base est que le juge administratif est compétent sur les questions touchant à l’organisation de la justice judiciaire, mais que le fonctionnement de celle-ci relève du juge judiciaire.


   -   Organisation de la justice judiciaire   : Exemples, tels que les décisions concernant le ressort des tribunaux, qui peuvent relever du juge administratif.  

   -   Fonctionnement de la justice judiciaire   : En règle générale, tout ce qui concerne le fonctionnement de la justice judiciaire, comme une décision de poursuite pénale, relève du juge judiciaire.


   Cependant, il existe des exceptions où le juge administratif intervient, par exemple, dans le cadre de l'exécution de décisions judiciaires ou de sanctions administratives imposées aux magistrats.


Sous-section 2 : Les pouvoirs législatif et exécutif

1.   Le pouvoir législatif    

   Le juge administratif ne peut normalement pas juger des actes législatifs, mais il existe des exceptions. Par exemple, il peut être impliqué dans l'examen de la compatibilité des lois avec des normes supérieures internationales (contrôle de la conventionnalité).


2.   Les actes des services parlementaires    

   Les actes administratifs des services parlementaires sont généralement hors de la compétence du juge administratif. Toutefois, il y a des exceptions, notamment pour les litiges individuels concernant les agents parlementaires ou les dommages causés par le fonctionnement des assemblées parlementaires.


3.   La compétence à l’égard du pouvoir exécutif    

   Bien que le pouvoir exécutif s'engage dans des activités diverses (administratives, gouvernementales, etc.), les actes de gouvernement échappent à la compétence du juge administratif. Ce principe est fondé sur une notion d'immunité juridictionnelle pour les actes de nature politique.


Conclusion

La frontière entre les juridictions administratives et judiciaires est souvent subtile et fluctue selon les circonstances et les décisions du Tribunal des conflits. Le juge administratif intervient principalement sur des questions liées à l'administration et à l'organisation des pouvoirs publics, mais ses compétences peuvent s'étendre ou se restreindre en fonction des contextes spécifiques des litiges, notamment en matière de relations entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.




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