Le recours au concept de « norme » dans la théorie kelsénienne(1) obéit à deux logiques : la première est de mobiliser un concept plus général que les concepts classiquement utilisés jusqu'alors comme celui de règle, ou celui de loi (particulièrement dans les traditions révolutionnaire puis républicaine françaises); la seconde est de permettre la constitution d'une théorie générale du droit positif reposant sur l'analyse du rapport entre diverses normes au sein d'un même système juridique.
Le recours au concept de « norme » dans la théorie kelsénienne(1) obéit à deux logiques : la première est de mobiliser un concept plus général que les concepts classiquement utilisés jusqu'alors comme celui de règle, ou celui de loi (particulièrement dans les traditions révolutionnaire puis républicaine françaises); la seconde est de permettre la constitution d'une théorie générale du droit positif reposant sur l'analyse du rapport entre diverses normes au sein d'un même système juridique.
Qu'est-ce qu'une norme juridique ? la référence à une norme juridique implique, et rechercher une exigence de cohérence minimale dans son usage : dire donc ce que désignerait une norme juridique pour une théorie qui se référerait à ce concept. Cette exigence dépend à la fois du concept de norme de la science du droit (I), et des conditions permettant de dire de cette norme qu'elle est juridique (II).
Une norme est souvent définie en première approche comme une référence ou un modèle : une « description » de ce qui devrait être, selon un point de vue déterminé ; c'est-à-dire donc une certaine forme de prescription.
A. La norme comme modèle prescriptif
- Définition simple : Une norme est une prescription sur ce qui doit être fait (autorisation, interdiction, obligation, etc.).
- Différence avec la morale : Contrairement à des systèmes normatifs comme la morale, le droit contient des normes qui régissent la création d’autres normes (normes secondaires ou méta-normes).
B. La norme n’est pas une règle
- La norme peut désigner à la fois des règles à portée générale et des prescriptions individuelles. Kelsen va au-delà de la règle en introduisant la notion de normes à portée individuelle (actes de décision juridique).
- La norme peut aussi être plus large que la règle, comme le suggère Dworkin, qui inclut dans les normes des principes.
C. La norme n’est ni un acte, ni un texte
- Acte : Un acte (loi, jugement, règlement) est une expression de volonté, mais il n’est pas en soi une norme juridique.
- Texte : Bien que les normes juridiques soient souvent formulées par écrit, elles sont définies par leur signification prescriptive et non par leur forme textuelle.
A. Validité et hiérarchie des normes
- Selon Kelsen, la validité d’une norme dépend de son adhésion à la hiérarchie des normes dans un système juridique. Une norme juridique est valide lorsqu’elle a été produite conformément à une norme de rang supérieur.
- Cette hiérarchie mène à la question de la norme suprême, qui fonde la validité de toutes les autres normes sans pouvoir être validée par une norme inférieure. Kelsen résout cette difficulté par la fiction de la norme fondamentale.
B. Validité interne à un système juridique
- Une norme est juridique uniquement en vertu de son appartenance à un système juridique. Cela signifie que la norme ne prend son sens juridique que dans un cadre précis. Une norme peut être valide dans un système juridique et ne pas l’être dans un autre (ex. : une norme juridique et une norme morale peuvent partager une même prescription, mais leur validité dépend des systèmes concernés).
C. La question de l’interprétation
- L’interprétation joue un rôle clé dans la validité juridique d’une norme. La signification d’un texte juridique n’est pas toujours évidente, et l'attribution d'une signification normative correcte relève souvent d’un acte d’interprétation (réalisé par un juge ou une autre autorité juridique).
III. Points de critique et divergences doctrinales
- Les critiques du positivisme kelsénien
- Certaines écoles de pensée, comme le réalisme juridique, contestent l’idée que la signification d’une norme puisse être déterminée de manière objective par des méthodes strictement intellectuelles. Ils insistent sur le fait que la signification d'une norme résulte d'une volonté interprétative (le juge est vu comme créateur de la norme, non seulement son interprète).
- La norme comme outil de classification
- Les partisans du positivisme soutiennent que la notion de norme permet une classification plus fine des prescriptions juridiques et peut être utilisée pour structurer le système juridique de manière plus cohérente, en distinguant par exemple les règles juridiques des autres types de prescriptions.
Conclusion
La norme juridique, dans la théorie kelsénienne, est la base d’un système juridique cohérent où chaque norme trouve sa place dans une hiérarchie. La validité juridique est déterminée par la conformité des normes aux règles du système, mais la question de l’interprétation et de la signification des normes reste un domaine débattu, où se croisent différentes écoles de pensée (positivisme, réalisme, etc.). Le concept de norme permet une réflexion sur la structure et la fonction du droit, mais aussi sur les processus de création et d’application des normes.