Procédure pénale
1er Partie : Les principes directeurs
Jurisprudence et Réformes en Droit Pénal
- Crim. 12 juin 1952 : Annulation d'une procédure d'écoutes, jugée contraire aux dispositions légales et aux règles de procédure.
- Crim. 28 septembre 1983 : Le mis en cause a la parole en dernier devant le juge pénal, selon les principes généraux du droit.
Une commission de réflexion, présidée par Mireille Delmas-Marty, a identifié 10 principes fondamentaux, incluant :
- La présomption d’innocence
- Les droits de la défense
- Le respect de la dignité humaine
Après 10 ans de réflexion, la loi du 15 juin 2000 a été adoptée, créant un article préliminaire dans le Code de procédure pénale. Cet article stipule que : "La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties."
La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire introduit désormais le respect du secret professionnel de l’avocat et le droit de se taire durant la procédure.
Titre 1 : Le droit à un procès équitable
Art. 6§1 Conv. EDH → Indique qu’il existe un droit à un procès équitable.
Chapitre 1 : Le délai raisonnable
Beccaria, 1764 : Dans son traité Des délits et des peines, il souligne que le délai raisonnable est un principe cardinal de la procédure pénale.
La rapidité de la procédure est perçue comme un signe d'efficacité de la répression.
La justice pénale est souvent critiquée pour sa lenteur, avec des délais d’audiencement jugés excessifs.
Une initiative du ministère de la Justice, les États généraux de la justice, a permis d’organiser des rencontres entre praticiens et justiciables dans chaque juridiction pour discuter des problèmes rencontrés. Un rapport publié en 2022 restitue les conclusions des États généraux, mettant en avant la lenteur des procédures comme un point majeur.
Il est crucial d'avoir un délai raisonnable pour :
- L’efficacité de la justice
- Le bien-être des personnes concernées
Section 1 : Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable
Les fondements
Au Niveau Supranational
- Article 6§1 de la Conv. EDH : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable.
- Charte des droits fondamentaux de l’UE, Article 47 al. 2 : Droit à un recours effectif et à un procès équitable.
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Article 14 §3 : Droit des individus à être jugés sans retard excessif.
Tous les systèmes juridiques s'accordent sur ce droit.
Au Niveau Interne
- Article préliminaire du Code de procédure pénale : Il doit être définitivement statué sur l’accusation dans un délai raisonnable.
- Article L. 111-3 du Code de l’organisation judiciaire : Les décisions de justice doivent être rendues dans un délai raisonnable.
- CEDH, 8 février 2005, Schwarkmann c. France : Le délai raisonnable s’applique au profit de la victime et de l’accusé.
- CEDH, 23 février 2006, Latry c. France : Confirmation que le délai raisonnable s’applique également aux deux parties.
La notion de délai raisonnable
Certains auteurs critiquent la notion de délai raisonnable, la qualifiant de floue. En droit, cette notion représente un standard, acceptant une adaptation en fonction des circonstances.
La période à considérer
Début de la procédure
Le point de départ de la période est fixé par la jurisprudence : il correspond au jour où une personne se trouve accusée.
CEDH, 15 juillet 1982, Eckle c. Allemagne, § 73 : L'accusation peut être antérieure à la saisine de la juridiction, comme le jour de l'arrestation ou le début de l'enquête.
CEDH, 13 février 2008, Louerat c. France, § 3 : L'accusation est la notification officielle de l’autorité compétente ou le reproche d'une infraction, correspondant au moment où des répercussions significatives affectent le suspect.
Fin de la procédure
Le terme du délai est marqué par le moment où il est définitivement statué sur l’accusation, par exemple, lorsque le juge rend une ordonnance de non-lieu.
Pour les recours devant la Cour de cassation, le délai est considéré comme épuisé lorsqu'il n'est plus possible d'introduire un recours ou lorsque la décision a été rendue.
L’appréciation du caractère raisonnable
La jurisprudence effectue un examen concret des circonstances de chaque affaire, en adoptant une appréciation globale. La jurisprudence européenne a défini quatre critères :
Complexité de l’affaire
Cela inclut des éléments tels que le nombre d'individus mis en cause, la quantité d'actes d’enquête, le contexte transnational et les questions techniques soulevées.
CEDH, 27 juin 1968, Neumeister c. Autriche : Complexité de l'affaire due à une infraction commise dans plusieurs pays, impliquant Interpol et 22 accusés.
Comportement du mis en cause
Le comportement de la personne peut retarder la procédure.
On parle alors d’actes dilatoires, lorsque l’individu conteste les décisions ou cherche à retarder la progression de la procédure, notamment s'il est en fuite ou par des récusations.
27/09/2024
Comportement des autorités
Ce que l’on attend des autorités, c’est qu'elles mènent la procédure de manière diligente. Il faut qu’elles soient actives. Il ne faut pas de carence de la part de l'État car c’est la responsabilité des autorités compétentes d'organiser le système judiciaire.
Les juridictions sont engorgées et l’on manque de moyens humains qui vont retarder les procédures. La CEDH ne reproche pas le manque de diligence des procédures quand le retard est dû à un manque de moyens.
L’enjeu du litige
Est-ce que l’objectif d’avancer rapidement dans la procédure est respecté (si détention provisoire)?
Section 2 : Les sanctions en cas de dépassement du délai raisonnable
La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) considère que, dans certaines situations, la procédure judiciaire peut être trop longue. En conséquence, la sanction appropriée n'est pas de rouvrir la procédure, mais plutôt d'accorder une réparation indemnitaire, appelée "satisfaction équitable". Cette satisfaction doit être versée par l’État au requérant.
De plus, des sanctions disciplinaires peuvent également être prononcées à l'égard des autorités compétentes qui n’ont pas fait preuve de diligence. Ces sanctions sont appliquées au niveau interne.
Selon l'Article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire, il est possible d'engager des poursuites disciplinaires à l'encontre d’un employé impliqué dans la procédure.
Il est important de noter que, selon l'arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 2022, la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable n'affecte pas la validité des procédures en cours et ne peut donc pas conduire à l'annulation de celles-ci.
Chapitre 2 – Les droits de la défense
Les droits de la défense sont ancrés dans le droit naturel, et certaines garanties en sont l’expression.
Dans les décisions du Conseil constitutionnel, notamment la décision n° 76-70 DC du 2 décembre 1976 relative à la prévention des accidents du travail et la décision n° 19-20 de janvier 1981 sur la sécurité et la liberté, il est affirmé que le droit de la défense a valeur constitutionnelle, reconnu comme un "principe fondamental reconnu par les lois de la République".
La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), dans son arrêt du 13 mai 1980 (Artico c. Italie, § 33) et celui du 19 janvier 2005 (Makhfi c. France), souligne que les droits de la défense constituent l'une des garanties essentielles du procès équitable et jouent un rôle primordial dans les sociétés démocratiques.
L'Article 6§3 de la CEDH consacre explicitement le droit de la défense, le considérant comme un droit de l’Homme.
De plus, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, à l'Article 48§2, garantit le respect du droit de la défense pour tout accusé.
Enfin, l'Article 14§3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques énumère toutes les garanties liées au droit de la défense.
Section 1 : Le droit à l’assistance d’un avocat
Place fondamentale dans les droits de la défense .
Art 6§3 CEDH → tout accusé a le droit de se défendre lui-même ou d'avoir un défenseur de son choix.
L’intensité de l’intervention de l’avocat
L’enquête
Le droit à l'avocat est restreint et ne s'applique pas à tous les actes réalisés au cours de l'enquête. Pour chaque acte, il convient d'examiner si un droit à l'avocat est reconnu.
Dans les décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), notamment dans les affaires Salduz c. Turquie (27 novembre 2008), Dayanan c. Turquie (13 octobre 2009) et Brusco c. France (14 octobre 2010), il est stipulé que l'accès à un avocat doit être garanti dès le premier interrogatoire du suspect par la police.
Cependant, ce droit n'est pas absolu. Il peut être soumis à des restrictions, mais celles-ci doivent être justifiées par des raisons impérieuses.
Si l'accès à l’avocat est limité pour des raisons impérieuses, il ne doit pas pour autant nuire au droit de la défense. Ainsi, des restrictions peuvent être mises en place, mais l'exclusion totale est interdite.
En ce qui concerne la garde à vue, avant l'adoption de la loi du 14 avril 2011, les suspects avaient droit à un entretien confidentiel avec leur avocat, limité à 30 minutes.
La modification du Code de procédure pénale (CPP) par l'Article 63-3-1 a permis qu'une personne en garde à vue puisse demander l'assistance d'un avocat dès le début de cette procédure.
Selon un arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 1994, il incombe aux officiers de police judiciaire (OPJ) d’assurer une obligation de moyens pour faciliter le contact avec un avocat.
Quid des autres étapes de l’enquête ?
- Auditions libres : Droit à l'assistance d'un avocat.
- Opérations de reconstitution : Droit à l'avocat.
- Séances d’identification des suspects : Droit à l'avocat.
En dehors de ces quatre actes, il n’y a pas de droit d’accès à un avocat.
L’instruction
Au cours de l'instruction, l'avocat joue un rôle plus intensif par rapport à celui qu'il occupe durant l'enquête. Dès le premier interrogatoire (première comparution), l'individu a le droit d'être assisté par un avocat, conformément à l'Article 116 du Code de procédure pénale.
À partir de ce moment, le droit à l'avocat est garanti tout au long de l’instruction. L’avocat bénéficie également du droit d'accès au dossier de la procédure, sauf en ce qui concerne les derniers actes demandés par le juge d’instruction et qui n'ont pas encore produit de résultats.
Le jugement
Dès l’ouverture de l’audience, la présence pleine et entière de l’avocat est requise.
La liberté dans le choix d’être assisté
Une personne n'est jamais obligée d'être assistée par un avocat ; elle a la possibilité de se défendre elle-même.
Toutefois, ce principe comporte des exceptions. Devant les cours d'assises, l'assistance d'un avocat est obligatoire en raison de la complexité et des enjeux de la procédure. Selon l'Article 317 du Code de procédure pénale (CPP), l'assistance d'un avocat est également obligatoire pour les personnes vulnérables et les mineurs.
Si une personne choisit de se faire assister par un avocat, est-elle libre dans son choix ? En principe, oui, elle a la liberté de sélectionner l'avocat de son choix.
Cependant, dans certains domaines du droit pénal, cette liberté est restreinte. Par exemple, pour les crimes contre l’humanité ou le terrorisme, il existe une liste d'avocats inscrits au barreau, qui sont sélectionnés en fonction de leurs compétences dans ces matières spécifiques
Section 2 : Le droit de se taire
L’Article 14§3 du PIDCP garantit un droit fondamental pour les personnes accusées de ne pas être forcées à témoigner contre elles-mêmes ou à se déclarer coupables. Ce droit est également affirmé dans l’Article 6§1 de la CEDH.
Dans le droit supranational :
- CEDH, 25 février 1993, Funke c. France : Le droit à un procès équitable inclut le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination.
- CEDH, 8 février 1996, Murray c. Royaume-Uni : Cette décision renforce la garantie fondamentale du droit de se taire lors des interrogatoires par la police.
- Directive européenne du 9 mars 2016 : Cette directive lie le droit de se taire à la présomption d’innocence.
Droit interne français :
La reconnaissance du droit de se taire dans le système français est tardive.
La loi du 14 avril 2011 reconnaît le droit de se taire lors de la garde à vue.
Dans un avis du 6 mars 2015, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a affirmé que le droit de se taire est un principe reconnu.
Dans l’arrêt Crim. 14 mai 2019, n° 19-81.408, la Chambre de l’instruction a statué qu’en l'absence de notification du droit de se taire, une décision prise devant la Cour de cassation peut être contestée.
La Cour se fonde sur l’Article 6§1 de la CEDH et affirme qu’il est nécessaire de notifier à l’individu son droit de se taire.
Dans l’arrêt Crim. 27 janvier 2021, n° 20.86-037, la Cour de cassation a décidé qu'il est impératif de notifier le droit de se taire lors d’une audience où des indices de culpabilité pourraient être pris en compte.
Dans l’arrêt Crim. 19 avril 2023, concernant des individus placés en détention provisoire, la Cour de cassation a affirmé qu'il doit y avoir notification du droit de se taire au début de l’audience lorsqu'une prolongation de détention est demandée.
Enfin, dans l’arrêt Crim. 5 décembre 2023, concernant l'exécution d’un mandat d'arrêt européen, la chambre criminelle a précisé qu'il n'est pas nécessaire de notifier le droit de se taire, sauf si l'audience doit apprécier des éléments de culpabilité, auquel cas la notification devient obligatoire.
Titre 2 : Les principes relatifs à la preuve
Présomption d’innocence (principe cardinal fondateur)
- Dimension procédurale : règle qui permet de répartir la charge de la preuve.
- Dimension substantielle : droit de ne pas être présenté comme coupable avant qu’une décision définitive ne se soit prononcée sur la culpabilité.
On trouve la présomption d’innocence à l’article préliminaire du CPP, article 9 de la DDHC, et l’article 137 CPP.
04/10/2024
Chapitre 1 : La charge de la preuve
La recherche de la vérité judiciaire est au cœur du procès. L'objectif est de parvenir à une manifestation de la vérité conforme aux faits, tout en respectant les libertés et les droits fondamentaux des individus.
En effet, les preuves produites au cours du procès ont des conséquences directes sur ces libertés et droits fondamentaux.
Le principe de l'actori incumbit probatio → "la charge de la preuve incombe au demandeur".
L'exception du reus in excipiendo fit actor → "le défendeur, lorsqu'il oppose une exception, devient demandeur."
Qui peut être demandeur ? Souvent représenté par le ministère public, qui agit au nom de la société pour défendre l'intérêt général.
Section 1 : La charge probatoire des autorités publiques
La réunion des éléments de preuve
Le ministère public est chargé de rassembler les preuves lors d'une enquête. Initialement, ils ne collectent que des preuves à charge (culpabilité). Cependant, l'article 31 du Code de procédure pénale impose désormais au procureur de rechercher également des preuves à décharge (innocence).
Le juge d'instruction :
Selon l'article 81 du CPP, le juge d'instruction instruit à charge et à décharge. Il n'est pas une partie au procès et veille à l'impartialité de la recherche des preuves, en s'assurant d'équilibrer la collecte des preuves à décharge.
La juridiction de jugement :
Une fois l'audience ouverte, la juridiction de jugement peut ordonner un supplément d'information pour rassembler des preuves supplémentaires si nécessaire.
La démonstration de la culpabilité
Le ministère public détient le monopole de la démonstration de la culpabilité dans le cadre d'un procès pénal. Cependant, il ne s'agit pas seulement de prouver la culpabilité, mais aussi de vaincre la présomption d'innocence qui protège chaque accusé.
Dans sa décision n° 80-127 DC du 19 et 20 janvier 1981 "Sécurité et Liberté", le Conseil constitutionnel a précisé que la charge de prouver la culpabilité incombe au ministère public. Ce principe découle directement du droit fondamental à la présomption d'innocence.
Section 2 : La charge probatoire de la personne poursuivie
La personne poursuivie est protégée par la présomption d'innocence. Elle n'a pas besoin de prouver son innocence.
Les présomptions de droit
Présomptions légales :
Les présomptions permettent de faciliter la lutte contre certaines infractions complexes.
Article 324-1-1 du Code pénal : Si une opération financière n'a pas de justification économique, on suppose que l'argent vient d'une infraction.
Jurisprudence
CEDH, 7 octobre 1988, Salabiaku c. France : Les présomptions en droit pénal sont autorisées si l’infraction est grave et que les droits de la défense sont respectés. Les présomptions irréfragables (qui ne peuvent être contredites) sont interdites.
Conseil constitutionnel, 16 juin 1999 : Les présomptions sont possibles, même pour les infractions mineures, mais elles doivent permettre d’apporter une preuve contraire.
Absence de présomption légale
Crim. 17 mars 2021 : Il n'y a pas de présomption légale de non-consentement dans une relation sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans.
Article 222-22-1 alinéa 2 du Code pénal : La contrainte peut découler de la différence d'âge entre l'auteur et la victime.
Les présomptions de fait
Définition :
Les présomptions de fait ne sont pas prévues par la loi. Elles permettent au juge de déduire l’intention criminelle à partir des éléments matériels de l'infraction, surtout lorsque l'intention est difficile à prouver directement.
Exemples jurisprudentiels :
Crim. 22 mai 1989 : Dans une affaire de meurtre, une arme létale a été utilisée. Bien qu'elle ait été tirée sur un pare-brise, le fait qu'il y ait eu cinq coups de feu a permis de conclure à une intention de tuer.
Crim. 18 juin 1991 : Lors d'une dispute entre deux frères, l’un a tiré à deux reprises avec une carabine, causant la mort de son frère. Bien qu'il ait plaidé l’accident, le juge a retenu l’intention de tuer en raison de l'utilisation d'une arme létale et des deux tirs effectués.
Chapitre 2 : L’obtention de la preuve
Article 427 du CPP : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction. »
Section 1 : La liberté de la preuve
Définition
La liberté de rechercher et de produire des preuves
Les parties publiques
La liberté de la preuve permet de rechercher et de produire des preuves à tous les stades de la procédure, pour toutes les autorités publiques.
Ce principe est inscrit à l'article 14 du Code de procédure pénale, qui autorise les autorités à constater les infractions, rassembler des preuves et rechercher les auteurs. Ces autorités utilisent les moyens de preuve prévus par la loi.
Exemples pratiques
- Article L. 234-3 du Code de la route : En cas d'ivresse au volant, la preuve se fait normalement par éthylotest.
- Crim. 24 janvier 1973 : Une personne soupçonnée de conduite en état d'ivresse a été jugée sur la base de témoignages (haleine alcoolisée, comportement, parole embarrassée), sans éthylotest. La Cour a accepté la preuve autrement qu'avec un éthylotest.
- Article 81 du CPP : Le juge d'instruction peut réaliser tous les actes nécessaires à la manifestation de la vérité.
- Ass. Plén. 11 juin 2004, Affaire Papon : Malgré les objections de Papon concernant l'utilisation de témoignages, la Cour de cassation a confirmé le principe de liberté dans l'administration des preuves.
Limites
Les autorités publiques ne peuvent pas utiliser des moyens illégaux pour obtenir des preuves. Si une preuve est recueillie de manière illégale, elle est irrecevable.
Les parties privées
Les parties privées bénéficient également d'une liberté dans la recherche des preuves. Contrairement aux autorités publiques, elles peuvent parfois présenter en justice des preuves obtenues illégalement, car elles ne sont pas soumises aux mêmes règles déontologiques. Cependant, elles disposent de moyens limités pour prouver une infraction.
Jurisprudence
Crim. 6 avril 1993 : Une mère enregistre les aveux de son ex-conjoint, soupçonné d'avoir tué leur enfant. Malgré l'illégalité, la preuve est recevable.
Crim. 27 novembre 2013 : Des documents volés sont admis comme preuves au tribunal.
Crim. 12 juin 2003 : La Cour de cassation affirme qu'il n'y a pas de règle excluant une preuve obtenue illégalement par une partie privée.
Limites
Crim. 11 mai 2004 : Une partie privée qui obtient une preuve de manière illégale peut engager sa responsabilité pénale, sauf si cette preuve est nécessaire pour l'exercice des droits de la défense.
B. La liberté d’apprécier la preuve
Le principe de l’intime conviction stipule que les juges apprécient librement la culpabilité d’une personne en fonction des preuves présentées en justice. Lorsque le juge se retire en chambre des délibérés, il examine toutes les preuves et forge ainsi son intime conviction.
Conformément à l’article 485 du Code de procédure pénale, il existe une exigence de motivation de la décision. Pour chaque chef de poursuite, le juge doit expliquer les preuves qui ont emporté sa conviction.
L’intime conviction n’est pas une notion approximative ; elle est encadrée par des règles strictes. En cas de doute, ce dernier bénéficie à l'accusé, conformément au principe in dubio pro reo.
11/10/2024
II. Domaine d’application
Le principe de liberté de la preuve ne s’applique pas pour les contraventions. La preuve légale est définie par la loi, qui précise comment les contraventions doivent être établies.
Contraventions
Article 537 al. 1er du CPP : « Les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut de rapports ou de procès-verbaux à leur appui. »
Article 347 al. 2 du CPP : « Les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire (…) font foi jusqu’à preuve du contraire. »
Cela signifie que le juge est tenu de juger ces preuves comme légales, sauf si une preuve contraire est apportée.
Exemple jurisprudentiel : dans l'arrêt du Crim. 9 novembre 2005, relatif à un dépassement de vitesse d'un km/h, la Cour de cassation a annulé le jugement du juge qui avait établi une marge d'erreur pour le radar, car le procès-verbal était légalement valable et sa véracité n'était pas contestée.
Contestation de la Preuve par le Prévenu
Le prévenu peut contester la preuve de deux manières :
- Par écrit
- Par témoignage
Exemple : Un ticket d'horodateur peut constituer une preuve contraire, comme l'indique l'arrêt Crim. 13 décembre 2016. Cependant, dans cette affaire, il n'a pas été jugé suffisamment probant, car il n'y avait aucune preuve que le justificatif avait été payé par le propriétaire du véhicule.
Délit
Pour les délits, le principe de liberté de la preuve s'applique, bien qu'il existe des exceptions. Les preuves légales sont celles pour lesquelles la loi impose des modes de preuve spécifiques pour certaines infractions.
Article L. 235-1 du Code de la route : En cas de conduite sous stupéfiants, la preuve doit être établie par analyses sanguines et salivaires.
Exemple jurisprudentiel : Dans l'arrêt Crim. 8 juin 2001, un conducteur soupçonné de prise de stupéfiants a été relaxé car la quantité dans son sang était jugée trop faible. La Cour de cassation a annulé cette décision, affirmant que l'analyse sanguine prouvait la présence de stupéfiants.
Section 2 : La licéité de la preuve
La preuve doit être obtenue conformément au droit, fait référence à des principes.
La loyauté
Principe très établi dans le droit pénal.
L’exigence de loyauté ne figure pas dans le Code de procédure pénale, la jurisprudence reconnaît ce principe.
À l’origine, la jurisprudence disait que la preuve est déloyale quand obtenue par fraude ou au moyen d’un stratagème.
Crim. 12 juin 1952 ⇒ Suspicion de corruption de la part d’un fonctionnaire. Les autorités policières vont mettre en place un stratagème, en essayant de conclure un pacte de corruption avec le fonctionnaire suspect. La Cour de cassation dit que l'opération effectuée de telle façon doit être considérée comme nulle ce ce stratège à contourner les dispositions légales.
La jurisprudence nous dit de distinguer deux hypothèses :
- Autorités vont provoquer à la preuve ⇒ Loyale
- Autorités vont provoquer à l’infraction ⇒ Déloyale
Crim. 7 janvier 2014 ⇒ Deux suspects sont placés en garde à vue dans des cellules sonorisées pour obtenir des aveux. La Cour de cassation a jugé ce stratagème déloyal.
Ass. plén., 6 mars 2015 ⇒ Réitère la solution donnée dans l'arrêt supra pour la sonorisation des cellules.
Crim. 20 septembre 2016 ⇒ Dans l'affaire du Roi du Maroc, deux journalistes préparent un ouvrage révélateur. L'avocat du roi organise une rencontre avec eux, où l'enquêteur écoute la discussion. La Cour de cassation considère cela comme une provocation à la preuve, donc une procédure loyale.
Ass. Plén. 10 novembre 2017 ⇒ Confirme la décision rendue sur l’affaire du Roi du Maroc.
Crim. 11 juillet 2017 ⇒ Dans l'affaire Valbuena, le procureur a autorisé un OPJ à négocier avec le maître chanteur pour l'identifier, ce qui est un stratagème déloyal.
Les droits fondamentaux
La vie privée
Article 8 CEDH → Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
CEDH, 24 avril 1990, Kruslin c. France ⇒ Écoute téléphonique : la France est sanctionnée en raison de l'absence d’encadrement légal pour les écoutes téléphoniques, se fondant sur l’article 8 de la CEDH.
CEDH, 31 mai 2005, Vetter c. France ; CEDH, 20 mars 2006, Wisse c. France ⇒ Sonorisation de l’appartement d’une personne et du parloir d’une prison. La CEDH constate une violation du droit à la vie privée. La loi doit garantir le respect de la vie privée lors de ces procédures de sonorisation.
Crim. 21 mars 2007 ⇒ Revirement de jurisprudence en raison de la CEDH : la Cour de cassation se réfère à l’article 8 de la CEDH, reconnaissant une atteinte à la vie privée. Les actes suivants sont jugés irréguliers :
- Photographie à l’insu des individus situés à l'intérieur d’une propriété.
- Photographie de plaques d’immatriculation des véhicules à l'intérieur d’une propriété.
Conclusion ⇒ La jurisprudence interdit de prendre des photos de personnes dans leur vie/propriété privée et d’immortaliser des objets qui sont des éléments d’identification des individus. Il est également interdit d’utiliser des dispositifs tels que des photos ou des drones.
Ce qui est autorisé, c’est de faire des constatations visuelles, c’est-à-dire de témoigner dans un procès verbal.
Le secret professionnel
CEDH, 27 mars 1996, Goodwin c. Royaume-Uni ⇒ « La protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse. »
Loi du 4 janvier 2010 ⇒ Protection des sources journalistiques en France.
CEDH, 18 avril 2013, Ressiot et a. c. France ⇒ Condamnation de la France en raison de perquisitions effectuées dans des locaux de presse pour identifier les sources des journalistes.
En France, il existe le principe du secret de l'enquête et de l’instruction. Les journalistes ne sont pas tenus au secret ; en cas de violation du secret, il n’est pas possible de demander la source du journaliste en raison de la protection de leurs sources.
Crim. 6 décembre 2011 ⇒ Atteinte au secret des sources des journalistes n’est pas justifiée par un impératif prépondérant d'intérêt public.