Introduction à l’étude du droit et du droit civil
Le droit est un phénomène omniprésent et intrinsèque à la société. Bien qu'il soit partout autour de nous, il reste souvent mystérieux pour le commun des mortels.
Prenons quelques exemples de scènes quotidiennes où le droit intervient :
- Lorsque l’on décide de contracter un accord ou une transaction commerciale.
- En conduisant une voiture, on est soumis au code de la route.
- L'achat d'une télévision peut inclure une garantie, encadrée par des réglementations juridiques.
- Les époux ont des devoirs réciproques, définis par le statut juridique du mariage, et des règles régissent les régimes matrimoniaux comme la séparation de biens.
- L’achat d'une maison nécessite souvent une visite chez le notaire.
Même le journal télévisé de 20h traite constamment de questions de droit, qu'il s'agisse de délinquance, de nouveaux traités internationaux ou d'autres phénomènes juridiques.
La méconnaissance du droit par le grand public peut s'expliquer de plusieurs manières :
- Le droit n'est pas enseigné de manière approfondie au lycée.
- L'auto-apprentissage du droit peut s'avérer complexe.
- Certains peuvent percevoir le droit comme une discipline ennuyeuse ou austère.
- Il est crucial de comprendre que le droit ne se limite pas au droit pénal. Par exemple, le droit civil régit les rapports entre individus, qu'il s'agisse de contrats ou de responsabilités civiles. Le droit public, quant à lui, définit les relations entre les citoyens et l'État ou entre différentes entités gouvernementales.
Partie 1 : Qu'est-ce que le droit ?
Le citoyen lambda perçoit souvent le droit comme un ensemble de règles impératives. Par exemple, il sait qu'il doit respecter la limitation de vitesse ou payer ses impôts. Cependant, cette perspective est restrictive car le droit englobe une multitude de règles conçues non pas pour sanctionner, mais plutôt pour organiser la société.
On distingue généralement 2 types de droit :
- droit objectif : qui regroupe l'ensemble des règles destinées à organiser la vie en société,
- droit subjectif : qui désigne les droits individuels dont chaque personne est titulaire.
Par exemple, le droit de propriété est un droit subjectif qui permet à son titulaire de jouir et de disposer d'un bien. De même, chaque individu a droit au respect de sa vie privée, qu'il peut opposer à autrui.
La distinction entre droit objectif et droit subjectif est bien marquée dans certaines langues, comme l'anglais avec les termes "Law" (droit objectif) et "Right" (droit subjectif).
1- Le droit objectif
Le pilier fondamental du droit objectif est la règle de droit. Toutefois, cette notion de règle n'est pas universelle. En effet, le droit, selon la manière dont il est conçu et vécu, varie d'une culture à l'autre, d'une tradition juridique à l'autre. Ce qui est considéré comme une norme ou une pratique acceptable dans une société peut ne pas l'être dans une autre.
Chapitre 1 : Les traditions juridiques majeures
Le droit, tout en étant universel, varie considérablement d'une culture à l'autre. Historiquement, différentes sociétés ont développé leurs propres conceptions et applications des règles de droit, souvent influencées par des facteurs historiques et sociopolitiques. Certaines de ces traditions juridiques ont été imposées à d'autres cultures, soit par la conquête, soit par l'influence culturelle.
Il est courant de classer les systèmes juridiques nationaux en "familles de droit". Une tradition juridique est un ensemble de concepts ou de techniques juridiques, d'une manière particulière d'ordonner les différentes branches du droit, et d'une conception commune des sources autorisées à créer du droit.
Deux traditions majeures prédominent dans le monde :
- La tradition juridique continentale
- La tradition juridique de la common law
Section 1 : La tradition juridique continentale
Appelée également « Civil Law system », cette tradition tire son origine de l'Europe continentale, par opposition à la tradition juridique anglo-saxonne de la common law. Elle est également appelée « système romano-germanique » car elle puise ses racines dans le droit romain.
A) Le droit romain
Rome, avec son histoire riche et diversifiée, a été le berceau des premiers juristes modernes.
- Période primitive : Selon la légende, Rome a été fondée en 753 av. J.-C. et a été gouvernée par des rois jusqu'en 509 av. J.-C. La structure politique était principalement oligarchique, où le pouvoir était détenu par une classe dirigeante.
- Période classique (de -280 à 284) : Cette période a vu l'expansion massive de Rome, qui a entraîné des changements sociaux, économiques et politiques. Les édits des prêteurs étaient primordiaux, ils déterminaient la conduite des procès, et étaient strictement formalistes.
B) L'évolution juridique
Les innovations juridiques de cette époque ont été dominées par les prêteurs. Leur rôle était central dans l'administration de la justice. Les prêteurs pérégrins, par exemple, avaient le pouvoir d'autoriser des procès même lorsque les situations n'étaient pas explicitement couvertes par le droit civil.
3- La période post-classique
- La dégradation et la chute de l'empire : En 280, sous l'empereur Dioclétien, l'Empire romain est entré dans la période du Dominat. Dioclétien a non seulement pris le titre d'empereur mais aussi celui de Dieu. Avec l'expansion massive de l'empire, il est devenu difficile de l'administrer à partir d'un seul centre, ce qui a conduit à des réformes administratives majeures.
Section 2 : La tradition juridique de la common Law
Contrairement à l'Europe du Sud où le droit romain prévalait, l'Europe du Nord était dominée par les coutumes locales.
A. L'émergence du droit romain en Europe
Au XIe siècle, un manuscrit du Digeste a été redécouvert à Paris. Malgré sa redécouverte, le Digeste n'avait pas d'utilité pratique immédiate. Il a été étudié à l'Université de Bologne.
École des Glossateurs (12e - milieu du 13e siècle) :
Se concentrait sur une interprétation littérale du droit romain et fournissait des remarques et commentaires courts sur les textes.
École des Post-glossateurs :
Au lieu de se concentrer uniquement sur des commentaires, cette école a produit des traités cohérents sur des sujets spécifiques. Ils ont adapté le droit romain aux besoins pratiques de leur époque. Deux figures notables de cette école étaient Bartolus et Baldus.
B. Influence du droit romain en Europe
Les pays d'Europe continentale ont adopté le vocabulaire, les catégories juridiques, les concepts et les modes de raisonnement du droit romain.
École humaniste (14e - 16e siècles) :
Cette école visait à améliorer l'humanité grâce à la littérature antique. L'humanisme juridique a offert une perspective historique du droit romain.
École du droit naturel (à partir du XVIe siècle) :
Elle soutenait que le droit positif devrait être aussi proche que possible de la loi naturelle, qui est déterminée par la raison.
§3. L'ère de la codification
Sous Louis XV, des juristes érudits en France ont commencé à rédiger des traités pour codifier le droit français. Ces efforts ont culminé avec la promulgation du Code Napoléonien en 1804, qui a unifié la loi en France.
Quatre autres codes importants ont été établis : le Code du commerce, le Code pénal, le Code de procédure pénale et le Code de procédure civile. Le code civil est particulièrement notable pour son influence et sa longévité. Il combinait à la fois des principes philosophiques et des règles pratiques.
Cependant, vers la fin du XIXe siècle, certaines des règles du Code civil sont devenues inadéquates face aux réalités et besoins sociaux changeants. Malgré cela, le rôle du juge était toujours clairement défini : il devait être "la bouche de la loi", c'est-à-dire qu'il devait appliquer la loi telle qu'elle était écrite, sans y ajouter ni la modifier. Les articles 4 et 5 du Code civil français reflètent cette idée, en interdisant aux juges de légiférer ou de refuser de juger en raison de l'ambiguïté de la loi.
Paragraphe 4 : L'expansion des traditions juridiques
Avec les conquêtes napoléoniennes en Europe, la tradition juridique continentale, incarnée par le Code Napoléonien, a été largement diffusée. Les pays conquis par l'Empire Napoléonien ont été directement influencés par cette tradition juridique. Mais même au-delà des frontières de l'Empire, le Code a exercé une influence considérable, inspirant les réformes juridiques dans des pays comme les Pays-Bas, l'Italie ou la Pologne.
En Allemagne, cependant, la situation était différente. Friedrich Carl Von Savigny, un juriste allemand influent, s'est opposé à l'adoption hâtive d'un code similaire au modèle napoléonien. Il croyait fermement que le droit devrait évoluer naturellement et non être imposé de manière top-down. C'est lui qui a initié l'"École historique", qui envisageait le droit comme une expression organique de la culture et de l'histoire d'un peuple.
Cependant, avec l'unification de l'Allemagne sous Otto von Bismarck, l'adoption d'un code civil est devenue inévitable. Le Bürgerliches Gesetzbuch (BGB) a finalement été adopté et est entré en vigueur en 1900. Ce code, bien que profondément technique, a exercé une influence majeure au-delà des frontières allemandes, inspirant des codes civils dans des pays aussi divers que le Japon, le Brésil, la Chine et l'Italie.
Paragraphe 5 : Caractéristiques de la tradition juridique continentale
La tradition juridique continentale présente plusieurs caractéristiques distinctes :
- Elle repose principalement sur des lois et des codes écrits.
- Elle privilégie les règles et principes généraux plutôt que des cas spécifiques.
- Elle s'attache davantage à la substance et au fond du droit qu'à sa forme.
- Elle est hautement conceptuelle et théorique.
- Contrairement à d'autres systèmes juridiques comme la common law, le juge dans le système continental est principalement vu comme un "appliquant de la loi". Il n'y a pas de système de précédents judiciaires strict, ce qui signifie qu'un juge n'est pas lié par ses propres décisions antérieures ou par celles d'autres juges.
- Elle utilise un ensemble de concepts et de termes dérivés du droit romain, reflétant l'influence historique de cette tradition sur la formation du droit continental.
Section 2 : La tradition juridique de la Common Law
Paragraphe 1 : Développement de la tradition juridique de la Common Law
La Common Law est une tradition juridique originaire d'Angleterre qui a évolué sur plusieurs siècles.
A. La Grande Bretagne avant le XIème siècle
La conquête de la Grande-Bretagne par Jules César a marqué le début d'une influence romaine. Cependant, malgré la romanisation tentée, l'Angleterre est restée largement influencée par les coutumes locales, en particulier avec les invasions des Angles, Saxons, Jutes et Danois.
B. L'essor de la Common Law (11e – 15e)
L'Angleterre a connu une transformation majeure après la mort d'Edouard le Confesseur, qui a conduit à la Bataille d'Hastings. Guillaume le Conquérant a introduit le système féodal mais a préservé la structure juridique existante. Avec le temps, la Cour de Chancellerie, guidée par l'équité, est devenue une institution importante, offrant des solutions là où la Common Law était insuffisante.
C. L'essor de l’Equity
Face à la rigidité des writs et des formes d'action de la Common Law, l'Equity est apparue comme une forme de justice plus souple, dispensée par le Chancelier. Elle a offert des solutions là où la Common Law était impuissante ou injuste.
D. Le système juridique anglais depuis le XIXème siècle
Avec le développement de la législation et de l'activité parlementaire, ainsi qu'avec la fusion des cours de Common Law et d'Equity, le système juridique anglais a évolué, se rapprochant d'une conception plus moderne de la justice.
Section 3 : Autres traditions juridiques
L'influence de la Common Law ne se limite pas à l'Angleterre. Elle a été exportée vers les colonies, notamment aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud, et même à Hong Kong.
Dans les pays musulmans, le droit est principalement fondé sur la loi islamique ou la charia. L'Inde, avec sa riche histoire et ses influences diverses, possède un système juridique complexe, mélangeant le droit hindou, le droit musulman et le droit anglais.
En Afrique subsaharienne, de nombreuses nations ont adopté des éléments de la Common Law à la suite de la colonisation. Cependant, la coutume et la tradition restent fortes, et la décolonisation a permis à ces pays d'adapter le système juridique à leurs besoins et à leurs cultures spécifiques.
Chapitre 2 : La règle de droit
Section 1 : La spécificité du droit parmi d'autres systèmes de règles
1) Le droit et les règles de la vie sociales
La société est régie par une multitude de règles, allant des règles de politesse à des normes plus complexes. Cependant, contrairement aux règles juridiques, elles ne sont pas formulées par un organe législatif ou exécutif, ni exécutées par des institutions judiciaires.
2) Le droit et la morale
La morale, bien que souvent confondue avec le droit, diffère en ce sens qu'elle repose sur des croyances individuelles sur ce qui est bien ou mal, et n'est pas nécessairement légalement contraignante. Tandis que le droit est un ensemble de règles formulées et exécutées par les institutions gouvernementales.
3) Le droit et la religion
La religion prescrit souvent des comportements et des principes à ses adeptes, et dans certains pays, ces prescriptions religieuses sont intégrées dans le système juridique. Cependant, dans les sociétés laïques, la loi et la religion sont souvent séparées.
4) Le droit et les règles du sport
Les sports ont leurs propres règles qui, à première vue, ressemblent à des lois. Cependant, alors que les fédérations sportives peuvent avoir leurs propres "tribunaux" et réglementations, elles opèrent toujours sous la juridiction du système juridique du pays.
5) Le droit et les systèmes mafieux
Les organisations mafieuses, bien qu'ayant leur propre code d'honneur et de conduite, ne sont pas légitimées par un système juridique. Leur "loi" est souvent basée sur la peur, la loyauté et la rétribution, et est généralement en contradiction avec le système juridique en place.
Section 2 : Caractéristiques de la règle de droit
§1) Dans les pays de tradition continentale :
A. La conception classique
La règle de droit se distingue par sa généralité, sa permanence, son caractère obligatoire et la présence d'une sanction en cas de non-respect.
B. Le défi présenté par l'émergence du "droit souple" :
Le "droit souple" pose question car il ne s'inscrit pas dans le cadre traditionnel du droit contraignant, tout en ayant une influence notable sur le comportement des acteurs économiques. Il s'agit d'un ensemble de normes, de recommandations ou de lignes directrices qui, bien que non contraignantes, sont suivies en pratique.
§2) Dans les pays de la Common Law :
La Common Law se caractérise par le rôle prédominant de la jurisprudence dans la création du droit. Les juges, par leurs décisions, établissent des précédents qui ont force de loi pour les affaires futures similaires.
A. La spécificité de la "rule of law" en Common Law :
La "rule of law" en Common Law fait référence à la primauté du droit, mais également à l'ensemble des règles de droit émanant des juges. Ces règles découlent des décisions judiciaires et sont censées guider les décisions futures dans des cas similaires.
B. La distinction entre "ratio decidendi" et "obiter dictum" :
- Ratio decidendi : Il s'agit du principe ou de la raison sous-jacente d'une décision judiciaire, qui forme le précédent à suivre pour les futurs litiges de nature similaire.
- Obiter dictum : Ce sont des commentaires ou observations faites par le juge qui ne sont pas essentiels à la décision, mais peuvent néanmoins être influents ou offrir des éclaircissements sur le droit.
C. L'interaction entre la législation et la jurisprudence :
Contrairement à la tradition continentale où les lois sont principalement formulées par les législateurs, dans la Common Law, même les lois établies par le législateur nécessitent une interprétation judiciaire pour acquérir une véritable force et une clarté. Cette interprétation donne vie à la loi, la rendant applicable aux situations réelles.
Section 3 : Source d’inspiration de la règle de droit
Toutes les sociétés humaines ont toujours ressenti le besoin d'établir des règles pour régir leur comportement collectif. Ces règles peuvent provenir de différentes sources et avoir des fondements variés.
§1) Les sources « idéales »
A. La morale
Le droit et la morale peuvent parfois se chevaucher, mais le droit est distinct de la morale. Bien que de nombreuses lois aient des racines morales, il existe des lois purement réglementaires qui n'ont pas de fondement moral. Par ailleurs, toutes les règles morales ne sont pas codifiées en droit.
B. La religion
Historiquement, la religion a été une source majeure de règles juridiques, en particulier dans les sociétés où la religion joue un rôle prépondérant. Toutefois, dans de nombreuses sociétés modernes, le droit et la religion sont considérés comme distincts, même si certaines lois peuvent encore avoir des racines religieuses.
C. L’équité
L'équité est un concept juridique selon lequel certains litiges peuvent être résolus en fonction de ce qui est juste et équitable dans les circonstances particulières, plutôt qu'en suivant strictement les règles établies. C'est un mécanisme pour assurer la justice quand l'application rigide de la loi pourrait conduire à une injustice.
D. Le droit naturel
Le droit naturel est basé sur ce qui est considéré comme inhérent à la nature humaine, souvent perçu comme universel et antérieur à toute loi établie par l'homme. Bien qu'il ait été une source importante pour de nombreux systèmes juridiques, il est critiqué pour son manque de précision et sa dépendance à la philosophie plutôt qu'à des lois codifiées.
Section 3 : Source d’inspiration de la règle de droit
§2 Les sources « rationnelles »
Ces sources se basent sur des éléments tangibles et concrets, souvent appuyés par des études et des recherches, pour informer et influencer l'évolution du droit.
A) L’apport des sciences
1°) Les sciences « exactes »
Les avancées scientifiques et technologiques jouent un rôle crucial dans la création et la modification des lois, surtout dans les domaines où la santé publique est concernée. Les découvertes scientifiques influencent souvent la réglementation. Le principe de précaution est appliqué lorsque la science ne peut trancher définitivement sur un sujet potentiellement dangereux.
2°) Les sciences « humaines »
- L’histoire : L'histoire fournit des leçons précieuses sur les conséquences des actions passées, aidant les législateurs à éviter les erreurs du passé. Cependant, la législation basée sur des interprétations historiques peut être controversée, comme en témoignent les lois mémorielles.
- La sociologie : La compréhension des comportements et des tendances sociales peut éclairer la nécessité de certaines lois ou modifications législatives.
- Les sciences économiques : La loi peut être influencée par l'économie et vice versa. L'analyse économique du droit évalue l'efficacité des lois à partir d'un point de vue économique.
- Le droit comparé : Examiner comment d'autres systèmes juridiques traitent certaines questions peut fournir des perspectives précieuses et influencer l'adoption ou la modification des lois.
B) Les études d'impact
L'impact potentiel d'une nouvelle loi est souvent évalué avant son adoption. Ces études d'impact examinent les conséquences potentielles d'une proposition de loi sur divers aspects, tels que l'économie, la société et l'environnement. Par exemple, le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes pourrait avoir un impact majeur sur la liberté de la presse et la confiance du public dans les médias.