Séance 4 : La Renaissance juridique à la fin du Moyen Âge
Contexte historique et politique (12-13e siècles)
- Soumission des individus : Au 12e et 13e siècles, les individus du royaume sont soumis à un seigneur, sous la domination de l'empereur germanique et du pape.
- Affirmation du pouvoir royal : Ces deux puissances (l'empire et la papauté) s'affaiblissent, ce qui permet au roi de France de renforcer l'indépendance du royaume.
- Renaissance juridique : C'est la conséquence des mouvements d'affirmation de la puissance de la papauté et de l'empereur, mais aussi de la reconstitution du pouvoir royal en France.
L’essor du droit romano-canonique
- 12e siècle : Mutation économique et intellectuelle en Occident, redécouverte des compilations de Justinien (droit romain) et des droits de l'Église.
- Droit commun : Le droit romain et canonique deviennent les bases d'une science du droit commune, aussi appelée droit romano-canonique.
La renaissance du droit romain
- Oubli après la chute de l'Empire romain : Le droit romain est oublié après la chute de l'Empire romain en 476, mais est redécouvert dans la seconde moitié du 11e siècle, notamment en Italie.
- Réforme grégorienne (fin du 11e siècle) : La papauté cherche à se libérer des structures féodales, poussant à la redécouverte des textes de Justinien.
L’enseignement du droit romain au Moyen Âge
- Bologne : Le centre principal de l'enseignement du droit romain au 11e-12e siècles, avec Irnerius comme premier professeur de droit romain.
- La méthode des glossateurs : Ils expliquent les textes du Digeste, du Code et des Institutes, cherchant à résoudre les contradictions apparentes dans ces textes.
- Expansion en Europe : D’autres centres d’enseignement du droit romain émergent, notamment à Oxford (1139) et Montpellier.
- La glose ordinaire : Rédigée par Accurse, elle met en ordre les gloses des glossateurs et donne une interprétation systématique des textes de Justinien.
Renouvellement méthodologique du 13e siècle
- Critique de la glose d'Accurse : Au 13e siècle, la méthode de la glose est critiquée pour son immobilisme, et l'école d'Orléans adopte une nouvelle méthode.
- Passage à la méthode du commentaire : L’école d'Orléans cherche à se détacher de la glose et développe la méthode du commentaire, qui permet des développements plus longs et plus indépendants.
- Raisonnement juridique : Utilisation du raisonnement par similitude et analogie pour résoudre des questions juridiques (ex. : un héritier peut-il être un prostitué?).
La doctrine savante de la fin du Moyen Âge
- Méthode du commentaire : La méthode du commentaire se développe principalement en Italie grâce à Sinus de Pistoie, Bartole et Balde. Bartole joue un rôle crucial dans la diffusion de cette méthode.
- Liberté par rapport au droit romain : Les commentateurs cherchent à adapter le droit romain à leur époque, à l’appliquer de manière plus flexible, loin du droit historique.
- Bartolisme : Les commentateurs italiens sont appelés "Bartolistes" en raison de l'influence de Bartole, qui a transformé la méthode de commentaire en une véritable école du droit adapté.
L’essor du droit canonique
- Avant le 12e siècle : Les évêques exercent un rôle judiciaire dans les communautés chrétiennes. Leur autorité se fonde sur des lettres papales (décrétales) et des conciles (canons).
- Développement au 11e siècle : Les évêques sont officiellement reconnus comme juges, ce qui permet la formation du droit canonique.
- Le décret de Gratien (12e siècle) : Compilation méthodique des textes canoniques, qui résout les contradictions entre les textes et organise le droit canonique en trois parties : distinctions, causes, sacrements et liturgie.
L'intervention royale et législation capétienne
- Affirmation de la souveraineté royale : À partir du 12e siècle, les rois de France, aidés de juristes (légistes), utilisent le droit romain et canonique pour reconstruire le pouvoir royal.
- Louis VII et les ordonnances royales : Louis VII, en 1157, légifère pour établir des ordonnances sur la paix publique, et les légistes affirment que le roi de France est "empereur dans son royaume", c'est-à-dire qu'il dispose d'une souveraineté équivalente à celle de l'empereur romain.
- Gardien des coutumes : Le roi n’a pas le pouvoir de modifier les coutumes, mais il doit garantir leur application. Les juges royaux sont chargés de distinguer les "bonnes" coutumes des "mauvaises" et d’abolir ces dernières (ex. : abolition du duel judiciaire sous Louis IX).
Les arrêts du Parlement
- Justice royale : Le roi exerce la justice à travers le Parlement, qui devient l'organe judiciaire central du royaume au 13e siècle.
- Organisation judiciaire : Les agents du roi (prévôts, baillis, sénéchaux) rendent la justice et supervisent les affaires judiciaires. Le Parlement de Paris devient un tribunal permanent et le plus haut organe judiciaire du royaume.
Conclusion
La Renaissance juridique de la fin du Moyen Âge est marquée par la redécouverte et l'enseignement du droit romain et canonique, le renouvellement méthodologique des juristes et l’affirmation de l’autorité royale dans un contexte de transformation du droit et des institutions. La distinction entre le droit commun (droit romano-canonique) et les droits propres (coutumes locales) devient fondamentale, et la législation capétienne, bien que limitée dans sa portée, constitue une étape clé dans la centralisation du pouvoir royal.
Séance 5: Chapitre 2 : Enrichissement et transmission de l’héritage romain au Moyen Âge
Le droit romain, formé entre 449 et 565 après J.-C., ne disparaît pas après la chute de l'Empire romain d'Occident, mais se transforme et s'enrichit avec d'autres traditions juridiques, formant ainsi le droit médiéval en Occident. Cet héritage romain reste présent, bien que mal compris et appliqué, jusqu’à sa restauration à la Renaissance.
Périodes historiques :
- Haut Moyen Âge : établissement de la royauté franque.
- Moyen Âge central (11e-13e siècles) : marquée par la féodalité.
- Moyen Âge tardif : émergence des États modernes.
Section I : Le pluralisme juridique du royaume franc
- 476 : Chute de l'Empire romain d'Occident. Les royaumes germaniques s'établissent dans l'empire, souvent sans acquérir la citoyenneté romaine. Ce pluralisme juridique est marqué par le maintien du droit romain pour les gallo-romains et les coutumes pour les populations germaniques.
- 480 : Clovis devient roi des Francs, adopte le catholicisme pour gagner le soutien des Gallo-romains et de l'Église catholique. La coexistence du droit romain et des coutumes barbares est un reflet du pluralisme juridique.
I. Le maintien de la romanité du droit dans le royaume des Francs
- Après la chute de l'Empire romain, les compilations de Justinien sont ignorées en Occident, mais le code Théodosien reste influent. Les lois barbares comme la loi des Burgondes (attribuée à Gondebaud) et le Bréviaire d'Alaric (506) sont rédigées, les premiers cherchant à adapter le droit romain aux besoins locaux.
- 507 : Après la défaite d'Alaric II, le Bréviaire d'Alaric est étendu à l'ensemble des Gallo-romains du royaume franc. Cette loi restera en vigueur pendant plusieurs siècles.
II. L’enrichissement du droit par les populations germaniques
Les peuples germaniques, en s'installant dans les territoires romains, adaptent leurs lois ethniques à la tradition romaine. Ces lois, comme la loi salique (510) et la loi des Wisigoths (476), sont des lois barbares, visant à pacifier les relations sociales en remplaçant la vengeance privée par des compensations financières (Wergeld).
Personnalité des lois :
- Les différents groupes ethniques sous le règne des Francs continuent à appliquer leurs propres lois. Le droit romain s’applique aux Gallo-romains et les coutumes germaniques aux autres groupes. Cette distinction donne naissance au système de personnalité des lois, où l'application du droit dépend de l'ethnie de l'individu.
Section II : De la personnalité des lois à la territorialité du droit
- 751 : Pépin le Bref devient roi, et 800 : Charlemagne se fait couronner empereur d'Occident. Charlemagne prône une législation unifiée, mais son empire est trop vaste pour être gouverné sous une seule loi, ce qui entraîne la division du territoire après le traité de Verdun (843).
- La féodalité émerge au Xe siècle avec l’affaiblissement du pouvoir royal et la multiplication des seigneuries. Chaque seigneurie adopte des coutumes locales, ce qui marque l'éclatement territorial du droit et l’émergence d'un droit local.
L’idéal carolingien d’unité du droit
- Charlemagne et ses successeurs cherchent à unifier le droit à travers les capitulaires, qui sont des textes législatifs destinés à régir les relations de leurs sujets. Ces capitulaires influencent fortement les coutumes locales et visent à appliquer une législation uniforme au sein de l’empire.
L'émiettement territorial du droit : la coutume médiévale
- La coutume émerge comme une source du droit au XIe siècle, marquée par le déclin des lois personnelles. Chaque région développe des coutumes qui sont progressivement reconnues par la puissance publique. La coutume devient ainsi un droit territorial, mais elle reste informelle tant qu'elle n'est pas officiellement reconnue.
L’apparition et la diffusion des coutumes
- La coutume naît dans les communautés villageoises et se répand par le biais des seigneuries. Au XIIe siècle, des recueils de coutumes apparaissent, d'abord sous forme de textes privés, puis plus officiellement dans le sud de la France où les seigneurs ou autorités municipales contrôlent la rédaction des coutumes.
- Le droit coutumier varie selon les territoires, avec des zones coutumières identifiées, influencées par le droit romain dans le sud et par des traditions germaniques dans le nord.
Fixation de la coutume
- Les premières mises par écrit des coutumes se produisent au XIIe siècle. Dans le sud de la France, les coutumes sont souvent rédigées sous l'égide des autorités locales, tandis que dans le nord, les coutumiers privés apparaissent, sans reconnaissance officielle, mais utilisés comme instruments de travail.
Ainsi, le droit médiéval est marqué par un processus complexe de transmission, d’enrichissement et de transformation du droit romain à travers l’interaction avec les traditions germaniques et les réalités locales, ce qui donne naissance à un pluralisme juridique et à l'émergence des coutumes comme source fondamentale du droit
Séance 6: L'essor du droit français - 15e - 18e siècle
1. Contexte historique et politique de l'époque moderne (fin 15e - fin 18e)
- Fin du 15e siècle : Début de l’époque moderne. Naissance de l'État moderne : un territoire, une population, une souveraineté affirmée.
- 16e siècle : Le roi détient les prérogatives royales (guerre, paix, justice). Création d’une armée royale permanente et centralisation de la justice sous le pouvoir royal.
- Monarchie absolue : Le pouvoir royal devient absolu et la souveraineté se manifeste par la législation royale.
2. La formation du droit français
- Milieu 15e siècle : Le roi cherche à contrôler les sources du droit et ordonne la mise par écrit des coutumes locales pour renforcer la souveraineté.
- 16e siècle : Réforme protestante et humanisme juridique remettent en cause l'autorité du droit canonique et romain. Apparition du droit commun coutumier comme fondement du droit français.
3. La remise en cause des droits universels
Déclin du droit canonique :
- 1517 : Luther publie ses 95 thèses et amorce la Réforme. La France adopte une position d'indépendance vis-à-vis du droit canonique.
- Réforme du droit canonique : Les autorités françaises contestent l’application directe du droit canonique, l’Église étant sous la supervision royale.
Contestations du droit romain :
- Droit romain : Il est soumis à une critique basée sur l'humanisme. Ce droit est vu comme historique et non universel. En France, il est appliqué de manière partielle et spécifique, surtout dans le sud.
4. La formation d'un droit national :
- Coutume : La coutume est à la fois locale et informelle. Fin du 15e siècle, le roi ordonne sa rédaction officielle pour unifier les règles locales.
Rédaction officielle des coutumes :
- Ordonnance de Montils-lès-Tours (1453) : Le roi ordonne la rédaction des coutumes locales sous la supervision royale. Cette mise par écrit permet de centraliser et unifier la coutume.
- Processus de rédaction : Le roi initie des projets de rédaction qui sont soumis à des assemblées provinciales pour adoption.
Réformation des coutumes :
- 16e siècle : Le droit coutumier est réformé pour mieux refléter l’autorité royale et rationaliser les pratiques juridiques.
5. La montée en puissance de la législation royale
- Développement législatif : À partir du 16e siècle, la législation royale devient un instrument central du pouvoir, notamment pour organiser le droit privé.
- Jean Bodin (théoricien du pouvoir royal) : Le roi doit légiférer pour affirmer sa souveraineté. La loi devient l’expression de la volonté royale.
Les formes de la loi royale :
- Lettres patentes : Actes législatifs majeurs émanant directement du roi.
- Ordonnances sans adresse ni sceau : Décrets royaux concernant des sujets spécifiques sans nécessiter un enregistrement formel.
- Arrêts du Conseil du Roi : Décisions administratives prises par le roi pour organiser le gouvernement.
6. Les ordonnances royales de réformation et de codification
Ordonnances de réformation :
- 1539 : Ordonnance de Villers-Cotterêts qui impose l’usage du français pour l’administration judiciaire et limite les compétences ecclésiastiques.
- Autres ordonnances de réformation (16e - début 17e siècle) : Visent à répondre à des problèmes urgents sans souci de systématisation.
Ordonnances de codification (17e siècle) :
- Louis XIV et Jean-Baptiste Colbert : Tentatives de codification du droit dans des domaines spécifiques. L’objectif est de créer des codes clairs et unifiés pour une gestion plus cohérente des règles juridiques.
- Ordonnances de codification : Elles abordent des matières précises de manière exhaustive et systématique. Exemple : codification des droits commerciaux, pénaux, etc.
7. L'enseignement du droit français
- Avant le 17e siècle : Enseignement basé principalement sur le droit romain et canonique. La coutume est parfois mentionnée mais rarement étudiée de manière systématique.
- 1679 : Création de l’enseignement universitaire du droit français à côté du droit romain et canonique, officialisé par l'édit de St-Germain-en-Laye sous Louis XIV.
- 17e siècle : Les professeurs de droit français sont choisis par le chancelier et non sur concours, et l'enseignement est dispensé en français.
8. Conclusion :
L'époque moderne marque la transition d'un système juridique fragmenté, fondé sur des coutumes locales et des droits universels, vers un système de droit national, sous l'autorité de la monarchie. Cette évolution est facilitée par l'essor de la législation royale et la mise en place de réformes juridiques et législatives visant à centraliser et unifier le droit. Les travaux de codification au 17e siècle posent les bases du droit moderne français.
Cette fiche résume les points essentiels du développement du droit français entre la fin du Moyen Âge et le 18e siècle.