Quel rôle de la chose dans la production du dommage ?
L’implication quelconque d’une chose ne suffit pas à engager la responsabilité du gardien. La jurisprudence exige que la chose ait eu un rôle dans la survenance du dommage. Ce rôle de la chose est toutefois entendu de manière très large :
- D’abord, il peut s’agir d’un rôle actif,
- Mais une chose immobile / inerte peut aussi avoir un rôle en raison d’une position anormale.
C’est à la fois :
- Une défectuosité,
- Et une anormalité,
⇒ qui caractérise le rôle de la chose.
Des rôles très divers sont retenus en jurisprudence : plusieurs possibilités :
- Cause interne de la chose qui provoque le dommage;
Ex. : cas des bouteilles d'oxygène qui explosent.
- Position anormale de la chose; Ex. :
Cass, 2e ch. civ. 26 septembre 2002
Baie vitrée à moitié entrouverte.
Tous ces types de rôles consacrés en jurisprudence sont repris dans le projet de réforme de Mars 2017 : Les als. 2 et 3 de l’art 1243 prévoient une présomption du fait de la chose, dès lors que la chose est entrée en mouvement / en contact avec le siège du dommage = présomption.
À défaut de mouvement / contact, la victime peut prouver le fait de la chose :
- En établissant soit son vice,
- Ou la normalité de sa position, de son état, de son comportement.
Quelle preuve doit apporter la victime quant au fait de la chose ?
Elle doit prouver que la chose est matériellement intervenue dans le processus dommageable. À partir de cette preuve, il est ensuite présumé que la chose fût la cause juridique du dommage.
Ainsi, on distingue :
- L’intervention matérielle de la chose ⇒ qu’il faut prouver,
- Et le fait actif de la chose ⇒ qui est présumé.
Ce domaine a largement évolué en jurisprudence :
Cass, 2e ch. civ., 19 février 1941, Dame Cadé
Originellement, la preuve contraire était largement admise. En l'espèce, Dame Cadé fait un malaise dans un bain public, s’est brûlée, qu’ils ont assigné en justice le gardien du tuyau ⇒ la responsabilité du gardien est écartée car il a pu prouver le rôle purement passif de la chose.
Cass, 2e ch. civ. 29 mai 1964
Cette jurisprudence est par la suite largement limitée. La présomption du rôle de la chose de son fait actif a été circonscrite aux choses en mouvement, qui sont rentrées en contact.
L’attendu final précise qu’il faut faire la preuve pour la chose inerte :
- D’une position anormal,
- Ou de son mauvais État,
- Ou que la chose ait été insuffisamment signalée.
Cass, 2e ch. civ. 2 avril 1997
Par la suite, la jurisprudence est revenue sur cette délimitation stricte de la présomption active du fait de la chose. Le mouvement de la chose est entendu de manière très large;
Cass, 2e ch. civ. 29 avril 1998
De même lorsqu’une personne se heurte à une baie vitrée : la cour se contente de la preuve de l’intervention de la chose pour conclure qu’elle a été l’instrument du dommage.
Cass, 2e ch. civ., 24 février 2005
Cependant certains arrêts maintiennent une délimitation stricte du fait actif de la chose. Ici, la cour exige une anormalité de la chose.
Ce qui est ici acquis : le rôle passif de la chose ne permet pas d’exonérer la responsabilité du gardien. Seule la preuve de la cause étrangère permet de renverser la présomption du fait actif de la chose : il peut s’agir :
- D’une faute de la victime,
- Du fait d’un tiers,
- D’un événement fortuit.
⇒ dans tous les cas, il s’agit de cas de force majeur. Le gardien, pour renverser la présomption du rôle actif de la chose, devra prouver ce caractère de force majeur.