Le responsable ≠ nécessairement le propriétaire de la chose. Ainsi il faut déterminer qui a la garde de la chose pour
identifier le responsable du dommage.
● La notion de garde
La garde ≠ définie par le texte. La jurisprudence a consacré une conception matérielle de la
garde. Cette conception matérielle s’oppose à une conception juridique qui conduirait à rendre responsable : celui qui détient un titre de propriété / tout autre titre juridique sur la chose.
Au contraire, la garde matérielle conduit à rechercher au moment du dommage qui garde la chose, dans l’idée qu’elle soit en mesure d’empêcher que la chose ne nuise à autrui.
Cass, 2e ch. civ. 2 décembre 1941, Franck
L'arrêt définit la notion de garde. En l’espèce, un facteur est mortellement blessé par un
véhicule appartenant au docteur Franck qui avait été volé. L’arrêt retient que le gardien de la chose est le voleur et non le propriétaire. L’arrêt précise que le propriétaire a perdu les pouvoirs d’usage / de direction / de contrôle de la chose ⇒ qui en caractérise la garde.
Cass, 2e ch. civ. 10 février 1982
L’exercice, même fugace, d’une chose confère la garde à son possesseur.
En l’espèce, un passant donne un coup de pied dans une bouteille abandonnée : il est reconnu
gardien de la chose.
Le projet de réforme mars 2017 propose aussi de définir la garde à l’alinéa 4, art 1243 : « Le
gardien est celui qui a l’usage, le contrôle et la direction de la chose au moment du fait dommageable. » ⇒ l’alinéa consacre la décision jurisprudentielle.
● Transfert et présomption de la garde
La jurisprudence a posé une présomption de garde. La présomption pèse alors sur le propriétaire
⇒ il est présumé gardien de la chose. Cette solution est acquise :
-
En jurisprudence : Chambre des requêtes, 12 janvier 1927
-
En doctrine : Al. 4 art 1243, projet de réforme 2017 : reprend la notion de garde du propriétaire.
Cette présomption est réfragable ⇒ le propriétaire peut la renverser en prouvant qu’il n’avait pas la garde matérielle au moment du dommage, donc qu’il n'avait pas de pouvoir d’usage et contrôle sur la chose.
C’est pourquoi il y a un lien transfert / présomption car la garde est transférée du propriétaire à la
personne possédant les 3 pouvoirs définissant la garde.
Ce transfert peut s’opérer :
-
À l’occasion d’un vol (arrêt Franck),
-
Ou en cas d’usurpation;
Le transfert peut être volontaire, et résulte d’un contrat (louage, prêt, dépôt). Cependant la
jurisprudence ne reconnaît pas systématiquement le transfert de la garde même si les 3 pouvoirs semblent être transférés; Exs. :
Cass, 2e ch. civ., 13 juillet 1966
Le propriétaire d’un véhicule confiant les commandes à un tiers conserve la garde.
Cass, 2e ch. civ., 15 décembre 1986
Le propriétaire d’une moto qui la prête à un tiers pour un trajet déterminé et un temps limité
n'abandonne pas son pouvoir d’usage, de direction et de contrôle.
On distingue 3 conceptions de
garde :
-
Juridique,
-
Factuelle,
-
Matériel : (entre 2) peut rendre responsable celui qui a l’habitude d’avoir les 3 pouvoirs quant bien même il s’en décharge exceptionnellement
● Le rôle du gardien
○ Est ce que le gardien doit être doué de discernement et mesurer la portée de ses
actes quand il devient gardien ? ⇒ Pour la jurisprudence : peu importe :
Cass, 2e ch. civ., 18 décembre 1864
Une personne atteinte d’un trouble mental a été reconnue gardienne d’une chose inanimée.
Cass, Ass. Plén, 9 mai 1984, Gabillet
Un jeune enfant a été reconnu gardien d’une chose inanimée.
○ Peut-on retenir la responsabilité de plusieurs gardiens ?
La jurisprudence :
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A consacré la notion de garde en commun de la chose;
-
En revanche, elle exclut que plusieurs personnes assurent la garde juridique d’une chose avec des titres juridiques différents.
-
Le propriétaire / le locataire ne peuvent être simultanément déclarés gardien.
-
En revanche les copropriétaires peuvent être co-responsables d’une même chose en tant que co-gardiens.
● La garde de la structure et la garde du comportement
Le gardien est celui qui sera retenu responsable car il peut empêcher la chose de nuire à autrui.
C’est la définition de la garde à travers les 3 pouvoirs d’usage / direction / contrôle qui conduit à
cette solution. Hors il y a plusieurs possibilité de gardien susceptible d’empêcher la chose de nuire.
Cass, 2e ch. civ., 5 janvier 1956, Oxygène liquide
C’est ce à quoi parvient la jurisprudence en distinguant 2 types de gardes :
-
La garde de la structure,
-
La garde du comportement.
⇒ distinction permettant de distinguer en amont 2 types de gardien.
Cette distinction répond à la problématique du transport de choses dangereuses : le contentieux
à conduit à cette définition. La cour a rendu responsable le transporteur :
-
Lorsque c’est le comportement de la chose qui a causé le dommage,
- Lorsque la structure de la chose a causé le dommage ⇒ rendant le propriétaire responsable.
Espèce : transport de bouteille d'oxygène. Le propriétaire de ses bouteilles confie à un
transporteur la livraison. Les bouteilles explosent pendant le transport. La cour rend responsable le propriétaire, car c’est la composition des bouteilles qui explique l’explosion. Autrement dit, ce n’est pas toujours celui qui commande les mouvements de la chose qui sera qualifié de gardien. La garde de la structure peut être attribuée :
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au propriétaire de la chose,
-
à son fabricant,
-
à son vendeur,
-
à tout autre professionnel.
En revanche, la jurisprudence est moins déterminée sur les choses susceptibles de créer le
dommage en raison de leur structure :
Cass, 2e ch. civ., 5 juin 1971
D’un côté, certains arrêts se fondent sur le dynamisme propre à la chose pour détecter la
dangerosité de sa structure.
Cass, 2e ch. civ. 20 novembre 2003
D’un autre côté, la jurisprudence refuse de retenir la responsabilité d’un gardien au simple motif
que la chose est potentiellement dangereuse;
Ex. : au sujet de la cigarette, dont la consommation a provoqué le décès d’un fumeur.
⇒ Ce régime casuistique est déterminé par la jurisprudence, concernant le gardien / la personne
responsable.