Raymond Boudon est un sociologue français né en 1934 et mort en 2013. Il a un parcours scolaire brillant (Louis le Grand, École Normale Supérieure). En 1958, il est agrégé de philosophie puis part étudier à l'université Columbia à New-York quelques années plus tard, avant de soutenir une thèse de doctorat en 1966. Il enseigne la sociologie dans plusieurs universités (Bordeaux, La Sorbonne) et crée un laboratoire de recherche (GEMAS) en 1971. En 1973, il publie L'inégalité des chances. En France, il est connu pour être le chef de file du courant de l'individualisme méthodologique, pour lequel il a été influencé par Max Weber.
Une rapide biographie
Boudon, promoteur de l'individualisme méthodologique en France
Boudon s'oppose à l'holisme. C'est un courant scientifique qui expliquerait les phénomènes sociaux par les structures qui imposeraient aux individus des manières de penser. Sa critique de l'holisme contemporain se centre sur 2 cibles principales : le fonctionnalisme (Parsons) et le structuralisme (Bourdieu).
Boudon promeut une "sociologie de l'action". L'individualisme méthodologique est une approche théorique qui consiste à considérer les faits globaux comme le résultat de l'interaction entre les phénomènes et les comportements individuels. Ainsi, l'individualisme méthodologique se démarque des autres sociologies par la marge d'autonomie et d'action accordée aux individus. Boudon ne niera jamais les contraintes qui pèsent sur les individus, mais il estime qu'ils ont toujours une liberté d'action et sont acteurs de leurs choix.
La posture méthodologique adoptée par l'individualisme méthodologique est celle de la sociologie compréhensive. Cette posture, qui s'appuie sur des méthodologies qualitatives, s'attache à comprendre les points de vue et les idéologies des individus. Selon Boudon, l'individualisme méthodologique doit suivre 3 grandes lignes de conduite :
- Il faut analyser les phénomènes sociaux comme la somme d'actions individuelles soumise à des contraintes.
- Les acteurs sociaux sont rationnels dans la plupart des situations.
- Le travail sociologique se fait via la construction de modèles, de schèmes d'analyse, d'idéaux-types.
Boudon défend l'idée d'un homo-sociologicus, qui n'est pas complètement déterminé ni par les rôles, ni par les structures sociales. Il a des marges d'autonomie.
- Il peut suivre des valeurs, ou des normes intériorisées.
- Il peut ne pas discerner le meilleur choix.
- Ses préférences dépendent de l'environnement et de son histoire.
- Sa rationalité est limitée.
- Il doit répondre aux attentes sociales liées aux rôles qui lui sont assignés.
Boudon et l'école
Boudon étudie 2 phénomènes concernant les inégalités à l'école : l'inégalité des chances scolaires et l'inégalité des chances sociales (ou la "mobilité ou immobilité sociale"). Selon lui, il n'y a pas de relation mécanique entre les 2 : c'est ce qu'on appelle le paradoxe d'Anderson, selon lequel l'acquisition par un étudiant d'un diplôme supérieur à celui de son père ne lui assure pas nécessairement une position sociale plus élevée.
Selon Boudon, le parcours scolaire des élèves est une série de "points de carrefour", où les individus vont faire des choix qui ont des conséquences sur leur avenir. Ces "points de carrefour" prennent en compte les coûts, les avantages et les risques. Pour les classes populaires, le coût des études représente une somme plus importante que pour les classes supérieures. C'est pour cette raison qu'elles sont nombreuses à considérer que ce n'est pas rentable pour elles que leurs enfants entreprennent des études longues. Cependant, les classes populaires ne sont pas les meilleurs juges selon Boudon car ils surévalueraient le coût des études.
Conclusion
La théorie de Boudon n'est pas aussi radicalement individualiste qu'elle n'en a l'air. En effet, il souligne que la rationalité est limitée et qu'il faut prendre en compte les contraintes extérieures et les éléments de contexte historique et biographique qui contraignent les choix des individus.
La théorie de Boudon est rejetée par Bourdieu, car elle nie le poids de la socialisation et de la reproduction. Il préfère la notion d'habitus à la rationalité. Dans les années 2000, Boudon tente de régler le débat et constate qu'il y a des différences d'ambition entre les enfants de différentes classes sociales à niveau scolaire égal. Il en conclut qu'il faut retirer le choix de l'orientation aux parents et qu'il faut le laisser aux enseignants. Cependant, les professeurs eux-mêmes sont socialisés et ont leur propre habitus.
L'opposition entre Bourdieu et Boudon est parfois caricaturale et a beaucoup été entretenue par eux-mêmes. En effet, les 2 sociologues ont des analyses proches, et la différence principale se situe sur la question du choix. Ce point de tension va avoir des conséquences politiques :
- Vision critique de l'ordre social : Les dominés ne sont pas responsables car leur statut est la conséquence de leur capital culturel.
- Vision responsabilisante : Les dominés sont responsables car leur statut est le résultat de leurs mauvais choix.
Aujourd'hui, ce débat est un peu dépassé car la théorie de Boudon a été peu testée et les travaux de Bourdieu ont eu un héritage assez critique.