Dans les démocraties libérales, toutes les constitutions assurent deux fonctions essentielles : limiter le pouvoir et garantir les droits individuels.
Chapitre 1 : La notion de constitution
Section 1 : Les fonctions des constitutions
Paragraphe 1 : Limiter le pouvoir
Les constitutions libérales sont élaborées dans le but de limiter les pouvoirs des gouvernements. Cette idée émerge principalement au XVIIIe siècle, notamment grâce aux écrits de Montesquieu, qui la considère comme un rempart contre le despotisme. L'objectif est alors d'éviter que ceux qui détiennent le pouvoir ne l'utilisent abusivement.
Montesquieu théorise cette doctrine dans son ouvrage "De l'Esprit des lois" en 1748 avec la célèbre citation suivante : "C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir." Cette formule exprime une vision pessimiste selon laquelle toute forme de détention du pouvoir politique peut potentiellement se corrompre.
Comment limiter le pouvoir ?
Selon Montesquieu, cela passe par sa distribution entre plusieurs organes distincts. Il préconise ainsi une séparation stricte et claire des pouvoirs afin d'éviter leur accumulation entre les mains d'une seule personne ou autorité. Pour lui, il n'y a pas trois pouvoirs mais deux principaux : législatif et exécutif ; aucun rôle particulier n'est attribué au pouvoir judiciaire car le juge n'est que la bouche de la loi et se résorbe dans l'exécutif.
La répartition des pouvoirs doit être consignée par écrit dans un texte fondamental, à savoir la constitution. Celle-ci a pour fonction d'organiser précisément cette répartition entre les différents organes de l'État et d'imposer aux gouvernants le respect de ces règles constitutionnelles.
Paragraphe 2 : Garantis des droits
INTRODUCTION :
- La garantie des droits est liée à la séparation et à la limitation des pouvoirs.
- Pour que les droits individuels soient garantis, ils doivent être connus de tous, citoyens et gouvernants.
- Les révolutionnaires français ont donc rédigé la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) pour proclamer ces droits.
I - La valeur symbolique de la DDHC
. Pendant longtemps, la déclaration des droits avait une valeur philosophique sans normativité concrète.
. Cependant, elle acquiert une valeur constitutionnelle en raison de son sens politique.
. Le Conseil Constitutionnel a estimé dans une décision du 16 Juillet 1971 que la DDHC était nécessaire au préambule de la constitution de 1946.
II - La garantie des droits comme fondement constitutionnel
. Bien que non formellement écrite dans certaines constitutions, telle celle de 1958 en France, le concept reste attaché à celles-ci.
. L'article 16 de la DDHC souligne l'importance d'une société dotée d'une garantie des droits et d'une séparation des pouvoirs pour avoir une véritable constitution.
En conclusion, la notion même de garantie des droits est fortement idéologique car elle témoigne d'un acte défiant le pouvoir arbitraire ou despote. Elle trouve sa consécration dans les différentes constitutions qui mettent en place cette protection essentielle pour assurer un État démocratique.
Section 2 : Les formes constitutionnelles
Distinguer les deux sens du mot "constitution" et les deux dimensions complémentaires
1. Sens formel :
L'ensemble des règles de droit dont l'élaboration et la révision obéissent à une procédure spéciale qui place la constitution au-dessus des autres règles.
2. Sens matériel :
Le contenu d'une constitution, c'est-à-dire les règles écrites ou non qui organisent l'exercice du pouvoir.
Paragraphe 1 : Les constitutions écrites
. Apparues à la fin du 18e siècle avec la contestation des monarchies européennes (ex : Constitution américaine en 1787).
. Considérées comme un acte contractuel obligeant les gouvernants envers les gouvernés (théories du contrat social).
. La forme écrite traduit une volonté exprimée par le peuple souverain, imposant le respect aux gouvernants.
. Privilégiées pour leur clarté et stabilité, car elles figent les règles dans un texte officiel.
L’importance des constitutions écrites dans le monde moderne
1. Modèle majoritaire dans le monde démocratique libéral :
a) Adoptées par la plupart des États démocratiques libéraux pour organiser leurs pouvoirs publics.
b) Renforcement après la Seconde Guerre mondiale afin d'éviter tout retour aux régimes totalitaires.
2. Même adoptées par certains régimes autoritaires :
a) Certains régimes autoritaires se dotent de constitutions écrites pour formaliser la répartition des pouvoirs (ex : URSS en 1936).
b) La nécessité d'un texte constitutionnel est présente dans tout État moderne, indépendamment de son régime politique.
En conclusion, les constitutions écrites sont préférées pour leur caractère contractuel et leur capacité à fixer clairement les règles fondamentales d'organisation du pouvoir. Elles sont largement adoptées dans le monde démocratique libéral mais peuvent également être utilisées par des régimes autoritaires.
Paragraphe 2 : Les constitutions non écrites
. Les constitutions non écrites sont généralement de nature coutumière. La coutume est une règle issue de pratiques traditionnelles et d'usages communs, acceptés par tous les membres de la communauté politique comme des règles juridiques.
Par exemple, en France, les lois fondamentales du royaume sont considérées comme des constitutions non écrites.
. Certains États n'ont pas de constitution formelle (écrite dans un document) tels que le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l'État d'Israël. Au Royaume-Uni, la constitution est en partie coutumière et en partie écrite. Il existe un assemblage de textes fondamentaux écrits anciens tels que Magna Carta (1215) ou le Bill of Rights (1689), ainsi que des règles non écrites appelées conventions qui régissent les relations entre pouvoirs publics.
Par exemple, l'exercice du droit de dissolution lorsque le gouvernement décide de dissoudre la chambre basse en cas d'un désaccord majeur.
. En France, il existe également des règles constitutionnelles non écrites qui émanent d'une pratique politique ancienne et régulière. Ces règles ne sont pas inscrites dans la Constitution mais sont largement acceptées.
Deux exemples :
1) La pratique des questions au gouvernement permet aux parlementaires d'interroger directement et publiquement les ministres dans leurs domaines respectifs lors des séances parlementaires.
2) Selon l'article 8 de la Constitution française, c'est au président de la République de nommer le Premier ministre et il n'a théoriquement pas le pouvoir de révocation. Cependant, dans la réalité, lors d'un remaniement ministériel, c'est souvent le président qui décide du départ du Premier ministre.
Ces règles non écrites sont peu nombreuses dans les pays dotés de constitutions écrites et font l'objet de débats et controverses.