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PAC

Chap 1: Les juridictions adminsitratives

2 définitions:

  • Fonctionnelle (matérielle) : trancher un litige selon le droit.
  • Organique : organe indépendant, respectant les droits de la défense.

--> La juridiction combine ces deux dimensions.


Dualisme juridictionnel & unité du système


Deux ordres : judiciaire et administratif, mais :

  • Des juridictions en dehors du dualisme (ex. Conseil constitutionnel).
  • toute juridiction rend la justice au nom du peuple français → justice indivisible (CE, Popin 2004).
  • Même droit constitutionnel et européen appliqué dans les deux ordres → unité au sommet de la hiérarchie des normes.
Affirmation de la juridiction administrative

Évolution historique

  • 1790 : loi des 16-24 août → séparation entre judiciaire et administratif.
  • 1799 (an VIII) : création du Conseil d’État et conseils de préfecture (avis, pas de pouvoir de décision).
  • 1872 : justice devient déléguée, le CE rend des décisions. Création du Tribunal des conflits.
  • 1889, Cadot : fin de la théorie du ministre-juge.


Réformes du XXe siècle

  • 1953 : création des tribunaux administratifs.
  • 1987 : création des cours administratives d’appel → le CE devient juge de cassation.


Renforcement des pouvoirs

  • 1995 : pouvoir d’injonction.
  • 2000 : réforme des référés administratifs (création du référé-liberté).


Réformes contemporaines


Vise à garantir un procès équitable (art. 6 CEDH) :

  • Depuis 2012, les juges du fond sont des magistrats.
  • 2015 : fin de la présidence ministérielle du Tribunal des conflits.


  • Accélération de la justice : procédure dématérialisée (Télérecours, Sagace), juge unique, suppression du rapporteur public dans certains cas.
  • Volonté du CE de rapprocher la justice administrative de la perception judiciaire.


Consécration constitutionnelle


Indépendance du juge administratif

  • CC, 22 juillet 1980 : PFRLR garantissant l’indépendance du juge administratif.
  • Fondement : loi de 1872 (pas la DDHC).


Existence de la juridiction administrative

  • CC, 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence : compétence exclusive du juge administratif pour les actes pris dans l’exercice de prérogatives de puissance publique → PFRLR.


Dualisme reconnu constitutionnellement

  • 2008, création de la QPC → CE et Cour de cassation reconnus comme juridictions constitutionnelles suprêmesde chaque ordre (CC, 2009).


Remise en cause du juge administratif

  • Accusé d’être partial envers l’administration.
  • Critiques doctrinales (ex. Didier Truchet) → proposition de fusionner avec le judiciaire.
  • Projets de suppression (Sarkozy, Hollande) jamais réalisés car cela nécessiterait une révision constitutionnelle.
  • France est le seul pays européen à maintenir un tel dualisme juridictionnel aussi poussé.


L'organisation des juridictions adminsitratives

TYPOLOGIES DES JA

A. Juridictions administratives générales


1. Juridictions du fond

  • Tribunaux administratifs (TA) : 42 en France, juges de première instance.
  • Cours administratives d’appel (CAA) : 8 en France, créées en 1987, juges d’appel des TA.
  • Tribunal des conflits (TC) : tranche les conflits de compétence entre les deux ordres de juridiction (administratif/judiciaire).


2. Conseil d’État (CE)


a) Organisation

  • Créé sous le Consulat (an VIII), héritier du Conseil du roi.
  • Triple mission : consultatif, contentieux et régulateur.
  • Composé d’environ 300 membres dont seulement 2/3 actifs (certains en détachement ou dans le privé, posant un problème d’impartialité).
  • Présidé formellement par le Premier ministre, mais dirigé par un vice-président.
  • Divisé en 6 sections administratives et 1 section du contentieux (elle-même subdivisée en 10 chambres).
  • Formations de jugement : chambre seule, chambres réunies, section du contentieux, assemblée du contentieux.


b) Rôle régulateur

  • Pouvoir d’évocation (L.821-2 CJA) : après cassation, le CE peut juger l’affaire au fond.
  • Avis contentieux (L.113-1 CJA) : une juridiction peut interroger le CE sur une question de droit nouvelle et complexe.
  • Régulation de compétence : le président de la section du contentieux peut trancher des conflits de compétence internes.


C. Juridictions administratives spécialisées


  • Exemples : Cour nationale du droit d’asile, Cour des comptes, CCSP.
  • Spécialisées par domaine, elles relèvent néanmoins du CE en cassation.
  • Procédures parfois spécifiques (ex : contentieux numérique pour la CCSP, très grand volume à la CNDA).

--> Elles restent soumises au respect du procès équitable (CE, 2002, Trognon).

LES ATTRIBUTIONS DES JA: LE DEDOUBLEMENT FONCTIONNEL

1. Principe


Les juridictions administratives exercent deux fonctions :

  • Consultative (avis donnés à l'exécutif, notamment CE sur projets de lois, décrets).
  • Contentieuse (résolution des litiges).

Ex : absence de consultation obligatoire du CE = vice de compétence (CE, 1978, SCI du Bd Arago).


2. Contestation

  • CEDH, 1995, Procola c/ Luxembourg : violation du principe d’impartialité si une même personne exerce les deux fonctions sur la même affaire.
  • Réforme de 2008 : séparation stricte des membres entre les deux fonctions.

EVOLUTION SOUS INFLUENCE DROIT EURO

CEDH a imposé des ajustements pour garantir l’impartialité (article 6 §1 CEDH) :

  • 2001, KREIS c/ France : participation du commissaire du gouvernement au délibéré est contraire à l’impartialité → exclu du délibéré dès 2005.
  • Accessibilité aux conclusions du rapporteur public désormais assurée : les parties peuvent y répondre, et en connaître le sens.
Chap 2: la répartition des compétence entre JA et JJ

Déterminer les fondements de la compétence du juge administratif a longtemps suscité des débats. Certaines normes historiques ne sont plus pertinentes : ainsi, la loi des 16 et 24 août 1790, bien qu’ayant interdit à tous les juges de connaître des affaires administratives, ne peut plus aujourd’hui être considérée comme un fondement de compétence.

D’autres critères ont été envisagés. Le critère du service public, un temps central, a été écarté. De même, l’idée selon laquelle « la compétence suit le fond » — c’est-à-dire que dès lors que le droit administratif est applicable, le juge administratif serait compétent — est inexacte. En pratique, le juge administratif applique parfois le droit privé, et le juge judiciaire est également compétent dans certaines matières administratives.

Un jalon majeur a été posé par le Conseil constitutionnel dans la décision Conseil de la concurrence (1987), qui consacre un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) selon lequel l'annulation ou la réformation des actes pris dans l'exercice de prérogatives de puissance publique (PPP) relève en principe du juge administratif. Toutefois, ce principe souffre d’exceptions : le Conseil constitutionnel admet que le législateur puisse attribuer à titre dérogatoire la connaissance d’un contentieux administratif au juge judiciaire, à deux conditions :

  1. que cette dérogation vise à unifier les règles de procédure juridictionnelle ;
  2. qu’elle demeure précise et limitée.


Or, en pratique, le Conseil d’État applique ces conditions de manière souple. Par exemple, malgré le transfert au juge judiciaire des compétences en matière de concurrence en 1987, le juge administratif s’en est réattribué une partie en 1997.

Section 1: la compétence du JJ en matière admin

LE TRANSFERT DE COMPÉTENCE PAR LA LOI

Le législateur peut transférer expressément des contentieux administratifs au juge judiciaire. Quelques exemples notables :

  • Loi du 31 décembre 1957 : transfert du contentieux de la responsabilité de l'administration en cas d'accidents causés par ses véhicules.
  • Loi du 5 avril 1937 : responsabilité de l'État du fait des membres de l’enseignement public.
  • Loi du 17 mai 2011 : transfert complet du contentieux de la propriété intellectuelle au juge judiciaire.
  • Article L.142-1 du Code de la sécurité sociale : contentieux de la sécurité sociale.
  • Décisions des autorités administratives indépendantes relevant également du juge judiciaire.

LES CAS SPÉCIFIQUES DE COMPÉTENCE DU JJ

A) La justice judiciaire et ses actes


Selon l'arrêt du Tribunal des conflits, 1952, Préfet de la Guyane, il faut distinguer :

  • Les actes d’organisation du service public de la justice (création de juridictions, gestion de carrière des magistrats), qui relèvent du juge administratif.
  • Les actes d’exécution de la justice (mesures disciplinaires, exécution des peines), qui relèvent du juge judiciaire.


B) Les actes des organes parlementaires


Certains actes (règlements intérieurs, élection du président d’une assemblée) ne relèvent d’aucun juge, car ils sont considérés comme des actes politiques. Toutefois, le juge administratif est compétent pour les actes de gestion des assemblées (ex. : marchés publics – CE, Escrivá, 1996).


C) Les SPIC (services publics industriels et commerciaux)


En principe, les relations entre un SPIC et ses usagers ou agents relèvent du droit privé, donc du juge judiciaire. Exception : TC, Air France c. Époux Barbier, 1968, le juge administratif reste compétent pour les actes réglementaires concernant l’organisation du service.


D) Domaine privé de l’administration

En matière de gestion du domaine privé de l’administration, la compétence n’est plus systématiquement judiciaire. La jurisprudence distingue selon la nature de l’acte et la relation juridique.

COMPÉTENCES DU JJ DANS CERTAINES MATIÈRES FONDA

A) Liberté individuelle

L'article 66 de la Constitution confie à l'autorité judiciaire la mission de protéger la liberté individuelle :

  • Compétence exclusive en matière indemnitaire (article 136 du Code pénal).
  • Compétence pour contrôler la garde à vue, la détention, la rétention des étrangers, et l’hospitalisation sans consentement.

Mais la notion de "liberté individuelle" est restreinte par le juge constitutionnel (exclut la vie privée, l’inviolabilité du domicile…). De plus, depuis l’instauration du référé-liberté (CE, 2000), le juge administratif est aussi compétent pour en garantir le respect.

B) La théorie de la voie de fait

Elle permet d’attribuer un litige administratif au juge judiciaire en cas d’atteinte particulièrement grave par l’administration :

  • TC, Action française, 1935 : deux hypothèses :
  • Exécution manifestement irrégulière d’une décision régulière.
  • Exécution régulière d’une décision manifestement illégale.

Depuis TC, Bergoend, 2013, la voie de fait n’existe que :

  • s’il y a privation de liberté,
  • ou extinction du droit de propriété.
Le juge judiciaire est exclusivement compétent pour indemniser les victimes de voie de fait.
Mais le CE s’est attribué une compétence concurrente pour y mettre fin (référé liberté, CE, Commune de Chirongui, 2013), ce qui soulève des débats sur la pérennité de la théorie.

C) Atteintes au droit de propriété – théorie de l’emprise irrégulière

L’emprise irrégulière : occupation d’un bien immobilier sans titre légal.

  • Avant 2013, double saisine : juge administratif pour constater, juge judiciaire pour indemniser (TC, Sté Rivoli-Sébastopol, 1949).
  • Depuis TC, Commune de Saint-Palais-sur-Mer, 2013, le juge administratif peut constater et indemniser, mettant en place une compétence concurrente.


LE JJ ET LES AAU

A) Interprétation et légalité d’actes administratifs par le juge judiciaire

  • Juge pénal : peut interpréter et apprécier la légalité des actes administratifs (article 111-5 du Code pénal).
  • Juge civil/non pénal :
  • Principe (TC, Septfonds, 1923) : peut interpréter un règlement administratif, mais ne peut en apprécier la légalité (sauf voie de fait).
  • Dérogations (TC, SCEA du Chéneau, 2011) :
  • Lorsque la question de légalité a déjà été tranchée par une jurisprudence établie.
  • Pour contrôler la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union.

B) Le juge administratif et les actes de droit privé

  • Principe : le juge administratif ne peut interpréter un acte de droit privé (CE, Ass. 2001, M. de Polignac).
  • Dérogations identiques à SCEA du Chéneau : jurisprudence établie, ou contrôle au regard du droit de l’Union (CE, Sect., Fédération Sud Santé Sociaux, 2012).
Le règlement des conflits de compétence: le TC

Créé en 1872, le Tribunal des conflits (TC) règle les conflits de compétence entre les ordres administratif et judiciaire. Depuis la réforme de 2015, il est présidé par l’un de ses membres (et non plus par le Garde des Sceaux). En cas de partage des voix, une formation élargie peut être réunie. Le TC comprend aussi un rapporteur public. Les règles le concernant ont été codifiées en 2015.


§1 – Les cas de saisine

  • Conflit positif : le préfet estime que l'affaire relève du juge administratif. Il présente un déclinatoire ; si rejeté, il peut élever le conflit par arrêté.
  • Conflit négatif : les deux ordres se déclarent incompétents. La dernière juridiction saisie doit alors saisir le TC.
  • Renvoi par juridiction suprême : en cas de doute sérieux sur la compétence, CE ou Cour de cassation peuvent saisir le TC à titre préventif.
  • Procédure de revendication : permettrait à un ministre de faire dessaisir le Conseil d’État. Jamais utilisée.


§2 – Le TC comme juge du fond (de manière exceptionnelle)


En principe, le TC juge la compétence, pas le fond. Mais il doit parfois analyser le fond pour qualifier un contrat ou un service.

  • Il peut écarter une loi contraire à la CEDH (art. 13).


Deux dérogations :

  • Décisions contradictoires entre les deux ordres : le TC tranche le fond (ex : 2012).
  • Responsabilité pour délai excessif causé par les deux ordres : le TC est compétent pour juger le litige.
Chap 3: la classification des recours contentieux
La distinction des recours contentieux

§1 – Classifications doctrinales


Distinction classique : REP vs. RPC

  • REP (Recours pour excès de pouvoir) : demande d’annulation d’un acte administratif unilatéral (AAU)illégal. Pouvoir d'annulation uniquement.
  • RPC (Recours de plein contentieux) : le juge peut modifier l’acte, octroyer des indemnités, constater une faute, etc.


Autres classifications doctrinales :

  • Duguit : distingue contentieux objectif (légalité d’une norme) et subjectif (atteinte à un droit).
  • Melray : distingue contentieux holiste (défense de l’intérêt général) et individualiste (défense des droits privés).


§2 – La distinction en droit positif


Critère formel : l’office du juge et le texte applicable

  • Si texte ou jurisprudence prévoit REP ou RPC → la nature du recours est fixée.
  • Sinon : si le requérant demande seulement l’annulation → REP ; s’il demande autre chose (indemnité, réformation…) → RPC.

Critère matériel : les moyens du requérant

  • En RPC, le juge a un pouvoir de réformation, certains vices de procédure ne sont pas opérants (CE, 1994, Abderrahmane).


Chap 4: la recevabilité des recours contentieux
Conditions tenant à la nature de l’acte

L’acte doit exister (art. R. 421-1 CJA)

  • Nécessité d’une décision administrative préalable.
  • En matière de responsabilité, une demande d’indemnisation doit être adressée à l’administration avant tout recours.
  • Assouplissement admis par CE (ex : Établissement français du sang, 2008) → confirmé par avis CE, 2019, non-application stricte du décret de 2016.
  • Exceptions : référé-liberté, RAPO, etc.


L’acte doit être administratif

  • Rejet des actes législatifs ou juridictionnels.


L’acte doit être unilatéral

  • Les contrats relèvent du RPC contractuel.


L’acte doit faire grief

  • Acte doit affecter la situation juridique du requérant.
  • Même les actes non décisoires peuvent faire grief (évolution depuis 30 ans).
Conditions tenant au requérant

La capacité à agir


Personnes physiques :

  • Mineurs et incapables doivent être représentés, sauf cas spécifiques (Dame Poujol, 1959 ; Abdelaziz K., 2014).
  • Étrangers peuvent agir (CE, Pardov, 1975).


Personnes morales :

  • Pas toutes sont dotées de la personnalité morale (ex : régie, section syndicale…).

Exceptions :

  • Personnes morales dissoutes peuvent agir (CE, Rousky-dom, 1955).
  • Associations en formation aussi (CE, Canaux de la Durance, 1968).
  • En urbanisme : association doit être déclarée.


L’intérêt à agir

  • Doit être réel, légitime, personnel, direct et certain. Apprécié à la date du recours.


Exemples de souplesse :

  • Abisset, 1958 (camping jamais fréquenté mais intérêt reconnu).
  • Croix de Seguey-Tivoli, 1906 : usager du SP.
  • Brocas, 1962 : électeur.
  • Casanova, 1901 : contribuable local (mais pas national, Dufour, 1930 ; confirmé par affaire Sroussi, 2011).


Requérants publics :

  • Préfet de l’Eure, 1913 : personne publique irrecevable à demander une mesure qu’elle peut prendre elle-même.


L’intérêt collectif des groupements

  • Syndicats et associations peuvent défendre l’intérêt collectif mais pas les droits individuels de leurs membres(Patrons coiffeurs de Limoges, 1906).

Appréciation selon :

  • Objet social dans les statuts.
  • Titre de l’association (CE, 2014, Consommateurs frontaliers).
  • Portée locale ou nationale : CE, 2018, LDH c. Béziers.


Limites :

  • Pas de recours contre acte défavorable à un tiers (CE, CFDT Bouches-du-Rhône, 1996).
  • Syndicats d’agents ne peuvent contester l’organisation de leur service sauf si atteinte à leurs droits (CE, Administrateurs civils, 1956).
  • Usagers ne peuvent contester les décisions individuelles prises contre un agent (CE, Rouillon, 1976).
  • Membre d’un organe collégial ne peut contester une délibération à laquelle il a participé (CE, Mauline, 1998).


Intérêt à agir des parlementaires

  • CE, 2011, Masson : pas d’intérêt à agir du seul fait de leur mandat.
  • CE prudent, notamment dans l’affaire Hippodrome de Compiègne (Mamère).
Les conditions de délai

En matière de contentieux administratif, le délai de recours est en principe de deux mois francs à compter de la notification ou de la publication de l’acte, conformément à l’article R.421-1 du Code de justice administrative (CJA).


Des exceptions existent :

  • 3 mois pour les personnes résidant dans les DOM-TOM,
  • 4 mois pour les requérants étrangers.

Le déclenchement du délai de recours contentieux

Les formalités de publicité


Le délai commence à courir en principe à partir de la publication ou de la notification de l’acte, ce qui marque son entrée en vigueur.

  • Pour les décisions individuelles, la notification doit mentionner le délai de recours et la juridiction compétente. En cas d’erreur ou d’omission, le requérant était auparavant autorisé à former un recours sans délai.
  • Toutefois, depuis la décision Czabaj, CE, 2016, même en l'absence de notification régulière, le requérant ne peut agir que dans un délai raisonnable d’un an, au nom du principe de sécurité juridique. Cette jurisprudence est rétroactive.


En outre, lorsque l'administration doit transmettre l’acte (par exemple, aux préfets pour les actes des collectivités territoriales), le délai ne commence à courir qu’à compter de cette transmission.


La théorie de la connaissance acquise


La jurisprudence a admis que le délai de recours peut également commencer à partir du moment où le requérant a eu connaissance de l’acte, indépendamment de la publicité formelle.


Applications jurisprudentielles :

  • Recours administratif préalable (RAPO) : la réponse de l’administration à ce recours fait courir le délai (et non le dépôt du RAPO) – CE 1998, Mauline.
  • Recours juridictionnel révélant la connaissance de l’acte – CE 2015, Stade Toulousain de rugby : le recours contentieux ultérieur cristallise les moyens.
  • Membres d’assemblées délibérantes locales : la connaissance est présumée à la date de la délibération – CE 1976, Remeyran.

Cas de prorogation du délai

3 cas:

Prorogation prévue par la loi

  • Exemple : demande d’aide juridictionnelle (AJI) interrompt le délai ; celui-ci recommence intégralementaprès la décision sur l’AJI.

Recours à la médiation préalable

  • Interrompt le délai jusqu’à la fin de la médiation (Art. L.213-6 CJA). Ce délai ne peut être prorogé une seconde fois.

Recours administratif gracieux ou hiérarchique

  • Il interrompt également le délai (Art. L.411-2 CRPA, codification de CE 1964, Centre médico-pédagogique de Beaulieu).
  • Si deux recours sont formés en même temps, le délai ne recommence à courir qu’à partir du rejet des deux.

Les cas de dispense de délai

Les cas de dispense sont exceptionnels.


Recours pour inexistence juridique d’un acte

  • Si l’acte est entaché d’un vice d’une particulière gravité, le juge peut en constater l’inexistence juridique à tout moment – CE 2013, Syndicat de la magistrature.


REP contre une décision implicite de rejet fondée sur un avis d’un organisme collégial ou d’une assemblée locale

  • Article R.421-3 CJA prévoit l’absence de délai dans ce cas.

Anciennement, les recours en matière de travaux publics (loi du 28 pluviôse an VIII) n’étaient pas soumis à délai, mais cette dispense a été abandonnée depuis plus de 10 ans.

Expiration du délai de recours

Cristallisation du débat contentieux

  • À l’expiration du délai, le requérant ne peut plus soulever de moyens nouveaux relevant d’une cause juridique différente – CE 1953, Intercopie.

La cristallisation est donc la conséquence du respect du délai, qui délimite l’objet du litige.


Caractère définitif de l’acte


Une fois le délai expiré sans recours, l’acte devient définitif et incontestable devant le juge administratif.

  • Mais : l’exception d’illégalité d’un acte réglementaire peut être invoquée à tout moment, y compris après expiration du délai – CE 1967, Établissements Petitjean.
La régularisation

Irrecevabilités non régularisables


Certaines irrecevabilités ne peuvent jamais être régularisées :

  • Le dépassement du délai de recours,
  • L’omission du RAPO lorsque celui-ci est obligatoire,
  • L’absence de grief causé par l’acte.


Irrecevabilités régularisables


Les autres peuvent être régularisées, selon deux temporalités :

--> Jusqu’à l’expiration du délai de recours contentieux

  • Exemple : un recours non motivé (mémoire sommaire), qui doit être complété à temps.

--> Jusqu’à la clôture de l’instruction

  • Absence de décision préalable (en contentieux de pleine juridiction),
  • Erreurs matérielles (ex. recours rédigé dans une langue étrangère),
  • Défaut de capacité à agir
  • Absence de ministère d’avocat,
  • Démonstration de l’intérêt à agir.

Le juge doit inviter le requérant à régulariser (Art. R.612-1 CJA) s’il constate d’office une irrecevabilité non soulevée par les parties.

S’il ne le fait pas, il perd la possibilité de relever cette irrecevabilité ultérieurement.

Chap 6: le REP
Le jugement du REP

CONTENU DE LA DC

3 issues possibles : annulation / rejet / irrecevabilité.

  • Effet de l’annulation : rétroactive (CE, Rodières, 1925), elle entraine l’annulation des actes pris sur son fondement.


Techniques contentieuses alternatives à l’annulation :


Substitution de motifs

  • CE, Mme Hallal, 2004 : l’administration peut proposer un motif légal pour sauver une décision.

Substitution de base légale

  • CE, El Bahi, 2003 : changement de fondement juridique sans modifier la décision.

Annulation conditionnelle

  • CE, Titran, 2001 : le juge laisse un délai à l’administration pour régulariser l’acte (ex. continuité du SP, conformité UE).

Interprétation neutralisante

  • CE, Caisse d’assurance agricole du Bas-Rhin, 2002 : le juge interprète les dispositions litigieuses pour les rendre conformes.
  • CE, France Nature Environnement, 2013.

Refus d’abrogation d’un acte règlementaire

  • CE, Association Elena, 2021 : le juge peut abroger d’office un acte illégal et se place au jour du jugement(≠ règle REP classique).

EFFETS DANS LE TEMPS DE L'ANNULATION

A. Le pouvoir de modulation dans le temps


Modulation dans le temps de l’annulation


CE, Association AC!, 2004 : possibilité d’annulation non rétroactive, si :

  • balance entre rétroactivité/non-rétroactivité
  • respect du contradictoire


Report de l’effet des décisions de rejet

  • CE, Sté Techna, 2006 : éviter effet brutal de réactivation de l’acte après rejet.


B. La conventionnalité de la modulation

  • CJUE, Inter-Environnement Wallonie, 2012 : principe d’immédiateté de l’incompatibilité avec le droit UE.
  • CJUE, France Nature Environnement, 2016 : modulation possible sans question préjudicielle.
Chap 7: les référés d'urgences

Le juge des référés prend des mesures provisoires. Ce n’est pas un juge du fond.

Le référé suspension (L.521-1 CJA)

Conditions


Recevabilité :

  • Dépôt obligatoire d’une requête au fond.
  • L’acte ne doit pas être exécuté.
  • Pas de cumul référé-liberté et référé-suspension dans une même requête (CE, Philippart Lesage, 2001).


Conditions d’octroi :

  • Urgence : appréciation qualitative (CE, Confédération des radios libres, 2001).

--> Présomptions d’urgence (ex. permis de construire déjà en cours, refus de titre de séjour).

  • Doute sérieux sur la légalité de l’acte.


Effets

  • Le juge peut suspendre l’acte. En pratique, il rejette en invoquant l’absence d’une condition.
  • Possibilité de modulation dans le temps (CE, Protection animaux sauvages, 2009).
  • Si rejet du référé, la requête au fond doit être confirmée (décret 2018).
Le référé liberté (L.521-2 CJA)

Conditions

Autonome : pas besoin de requête au fond.


2 conditions :

  • Urgence temporelle : le juge statue en principe sous 48h (CE, Commune de Pertuis, 2003).
  • Atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :

--> Libertés constitutionnelles (ex. dignité humaine), parfois législatives (liberté du commerce, CE, Montreuil-Bellay, 2002).

--> Libertés garanties par l’UE / CEDH reconnues (CE, Gonzalez, 2016).

--> Le juge peut statuer au jour du jugement, comme en plein contentieux (CE, Salah Abdeslam, 2016).


Pouvoirs du juge

  • Statut en principe sous 48h, mais pas de sanction s’il dépasse.
  • Peut ordonner des mesures concrètes (ex. savon pour détenus, CE, OIP, 2012).
  • Peut intervenir sur carence administrative en cas de danger imminent.
  • Spécificité en fin de vie : CE, Lambert, 2014 : juge collégial, mesures conservatoires, avis extérieurs.
Le référé conservatoire (L.521-3 CJA)

Conditions :

  • Urgence qualitative.
  • Utilité de la mesure.
  • Ne pas faire obstacle à un acte administratif sauf en cas de péril grave.
  • Pas de contestation sérieuse (CE, M. B, 2016).
  • Subsidiaire : utilisé si aucune autre procédure de référé ne peut être engagée.


--> Toutes les ordonnances de référé sont susceptibles de recours devant le Conseil d’État.

  • Pour le référé liberté, c’est un appel direct devant le CE.

PAC

Chap 1: Les juridictions adminsitratives

2 définitions:

  • Fonctionnelle (matérielle) : trancher un litige selon le droit.
  • Organique : organe indépendant, respectant les droits de la défense.

--> La juridiction combine ces deux dimensions.


Dualisme juridictionnel & unité du système


Deux ordres : judiciaire et administratif, mais :

  • Des juridictions en dehors du dualisme (ex. Conseil constitutionnel).
  • toute juridiction rend la justice au nom du peuple français → justice indivisible (CE, Popin 2004).
  • Même droit constitutionnel et européen appliqué dans les deux ordres → unité au sommet de la hiérarchie des normes.
Affirmation de la juridiction administrative

Évolution historique

  • 1790 : loi des 16-24 août → séparation entre judiciaire et administratif.
  • 1799 (an VIII) : création du Conseil d’État et conseils de préfecture (avis, pas de pouvoir de décision).
  • 1872 : justice devient déléguée, le CE rend des décisions. Création du Tribunal des conflits.
  • 1889, Cadot : fin de la théorie du ministre-juge.


Réformes du XXe siècle

  • 1953 : création des tribunaux administratifs.
  • 1987 : création des cours administratives d’appel → le CE devient juge de cassation.


Renforcement des pouvoirs

  • 1995 : pouvoir d’injonction.
  • 2000 : réforme des référés administratifs (création du référé-liberté).


Réformes contemporaines


Vise à garantir un procès équitable (art. 6 CEDH) :

  • Depuis 2012, les juges du fond sont des magistrats.
  • 2015 : fin de la présidence ministérielle du Tribunal des conflits.


  • Accélération de la justice : procédure dématérialisée (Télérecours, Sagace), juge unique, suppression du rapporteur public dans certains cas.
  • Volonté du CE de rapprocher la justice administrative de la perception judiciaire.


Consécration constitutionnelle


Indépendance du juge administratif

  • CC, 22 juillet 1980 : PFRLR garantissant l’indépendance du juge administratif.
  • Fondement : loi de 1872 (pas la DDHC).


Existence de la juridiction administrative

  • CC, 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence : compétence exclusive du juge administratif pour les actes pris dans l’exercice de prérogatives de puissance publique → PFRLR.


Dualisme reconnu constitutionnellement

  • 2008, création de la QPC → CE et Cour de cassation reconnus comme juridictions constitutionnelles suprêmesde chaque ordre (CC, 2009).


Remise en cause du juge administratif

  • Accusé d’être partial envers l’administration.
  • Critiques doctrinales (ex. Didier Truchet) → proposition de fusionner avec le judiciaire.
  • Projets de suppression (Sarkozy, Hollande) jamais réalisés car cela nécessiterait une révision constitutionnelle.
  • France est le seul pays européen à maintenir un tel dualisme juridictionnel aussi poussé.


L'organisation des juridictions adminsitratives

TYPOLOGIES DES JA

A. Juridictions administratives générales


1. Juridictions du fond

  • Tribunaux administratifs (TA) : 42 en France, juges de première instance.
  • Cours administratives d’appel (CAA) : 8 en France, créées en 1987, juges d’appel des TA.
  • Tribunal des conflits (TC) : tranche les conflits de compétence entre les deux ordres de juridiction (administratif/judiciaire).


2. Conseil d’État (CE)


a) Organisation

  • Créé sous le Consulat (an VIII), héritier du Conseil du roi.
  • Triple mission : consultatif, contentieux et régulateur.
  • Composé d’environ 300 membres dont seulement 2/3 actifs (certains en détachement ou dans le privé, posant un problème d’impartialité).
  • Présidé formellement par le Premier ministre, mais dirigé par un vice-président.
  • Divisé en 6 sections administratives et 1 section du contentieux (elle-même subdivisée en 10 chambres).
  • Formations de jugement : chambre seule, chambres réunies, section du contentieux, assemblée du contentieux.


b) Rôle régulateur

  • Pouvoir d’évocation (L.821-2 CJA) : après cassation, le CE peut juger l’affaire au fond.
  • Avis contentieux (L.113-1 CJA) : une juridiction peut interroger le CE sur une question de droit nouvelle et complexe.
  • Régulation de compétence : le président de la section du contentieux peut trancher des conflits de compétence internes.


C. Juridictions administratives spécialisées


  • Exemples : Cour nationale du droit d’asile, Cour des comptes, CCSP.
  • Spécialisées par domaine, elles relèvent néanmoins du CE en cassation.
  • Procédures parfois spécifiques (ex : contentieux numérique pour la CCSP, très grand volume à la CNDA).

--> Elles restent soumises au respect du procès équitable (CE, 2002, Trognon).

LES ATTRIBUTIONS DES JA: LE DEDOUBLEMENT FONCTIONNEL

1. Principe


Les juridictions administratives exercent deux fonctions :

  • Consultative (avis donnés à l'exécutif, notamment CE sur projets de lois, décrets).
  • Contentieuse (résolution des litiges).

Ex : absence de consultation obligatoire du CE = vice de compétence (CE, 1978, SCI du Bd Arago).


2. Contestation

  • CEDH, 1995, Procola c/ Luxembourg : violation du principe d’impartialité si une même personne exerce les deux fonctions sur la même affaire.
  • Réforme de 2008 : séparation stricte des membres entre les deux fonctions.

EVOLUTION SOUS INFLUENCE DROIT EURO

CEDH a imposé des ajustements pour garantir l’impartialité (article 6 §1 CEDH) :

  • 2001, KREIS c/ France : participation du commissaire du gouvernement au délibéré est contraire à l’impartialité → exclu du délibéré dès 2005.
  • Accessibilité aux conclusions du rapporteur public désormais assurée : les parties peuvent y répondre, et en connaître le sens.
Chap 2: la répartition des compétence entre JA et JJ

Déterminer les fondements de la compétence du juge administratif a longtemps suscité des débats. Certaines normes historiques ne sont plus pertinentes : ainsi, la loi des 16 et 24 août 1790, bien qu’ayant interdit à tous les juges de connaître des affaires administratives, ne peut plus aujourd’hui être considérée comme un fondement de compétence.

D’autres critères ont été envisagés. Le critère du service public, un temps central, a été écarté. De même, l’idée selon laquelle « la compétence suit le fond » — c’est-à-dire que dès lors que le droit administratif est applicable, le juge administratif serait compétent — est inexacte. En pratique, le juge administratif applique parfois le droit privé, et le juge judiciaire est également compétent dans certaines matières administratives.

Un jalon majeur a été posé par le Conseil constitutionnel dans la décision Conseil de la concurrence (1987), qui consacre un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) selon lequel l'annulation ou la réformation des actes pris dans l'exercice de prérogatives de puissance publique (PPP) relève en principe du juge administratif. Toutefois, ce principe souffre d’exceptions : le Conseil constitutionnel admet que le législateur puisse attribuer à titre dérogatoire la connaissance d’un contentieux administratif au juge judiciaire, à deux conditions :

  1. que cette dérogation vise à unifier les règles de procédure juridictionnelle ;
  2. qu’elle demeure précise et limitée.


Or, en pratique, le Conseil d’État applique ces conditions de manière souple. Par exemple, malgré le transfert au juge judiciaire des compétences en matière de concurrence en 1987, le juge administratif s’en est réattribué une partie en 1997.

Section 1: la compétence du JJ en matière admin

LE TRANSFERT DE COMPÉTENCE PAR LA LOI

Le législateur peut transférer expressément des contentieux administratifs au juge judiciaire. Quelques exemples notables :

  • Loi du 31 décembre 1957 : transfert du contentieux de la responsabilité de l'administration en cas d'accidents causés par ses véhicules.
  • Loi du 5 avril 1937 : responsabilité de l'État du fait des membres de l’enseignement public.
  • Loi du 17 mai 2011 : transfert complet du contentieux de la propriété intellectuelle au juge judiciaire.
  • Article L.142-1 du Code de la sécurité sociale : contentieux de la sécurité sociale.
  • Décisions des autorités administratives indépendantes relevant également du juge judiciaire.

LES CAS SPÉCIFIQUES DE COMPÉTENCE DU JJ

A) La justice judiciaire et ses actes


Selon l'arrêt du Tribunal des conflits, 1952, Préfet de la Guyane, il faut distinguer :

  • Les actes d’organisation du service public de la justice (création de juridictions, gestion de carrière des magistrats), qui relèvent du juge administratif.
  • Les actes d’exécution de la justice (mesures disciplinaires, exécution des peines), qui relèvent du juge judiciaire.


B) Les actes des organes parlementaires


Certains actes (règlements intérieurs, élection du président d’une assemblée) ne relèvent d’aucun juge, car ils sont considérés comme des actes politiques. Toutefois, le juge administratif est compétent pour les actes de gestion des assemblées (ex. : marchés publics – CE, Escrivá, 1996).


C) Les SPIC (services publics industriels et commerciaux)


En principe, les relations entre un SPIC et ses usagers ou agents relèvent du droit privé, donc du juge judiciaire. Exception : TC, Air France c. Époux Barbier, 1968, le juge administratif reste compétent pour les actes réglementaires concernant l’organisation du service.


D) Domaine privé de l’administration

En matière de gestion du domaine privé de l’administration, la compétence n’est plus systématiquement judiciaire. La jurisprudence distingue selon la nature de l’acte et la relation juridique.

COMPÉTENCES DU JJ DANS CERTAINES MATIÈRES FONDA

A) Liberté individuelle

L'article 66 de la Constitution confie à l'autorité judiciaire la mission de protéger la liberté individuelle :

  • Compétence exclusive en matière indemnitaire (article 136 du Code pénal).
  • Compétence pour contrôler la garde à vue, la détention, la rétention des étrangers, et l’hospitalisation sans consentement.

Mais la notion de "liberté individuelle" est restreinte par le juge constitutionnel (exclut la vie privée, l’inviolabilité du domicile…). De plus, depuis l’instauration du référé-liberté (CE, 2000), le juge administratif est aussi compétent pour en garantir le respect.

B) La théorie de la voie de fait

Elle permet d’attribuer un litige administratif au juge judiciaire en cas d’atteinte particulièrement grave par l’administration :

  • TC, Action française, 1935 : deux hypothèses :
  • Exécution manifestement irrégulière d’une décision régulière.
  • Exécution régulière d’une décision manifestement illégale.

Depuis TC, Bergoend, 2013, la voie de fait n’existe que :

  • s’il y a privation de liberté,
  • ou extinction du droit de propriété.
Le juge judiciaire est exclusivement compétent pour indemniser les victimes de voie de fait.
Mais le CE s’est attribué une compétence concurrente pour y mettre fin (référé liberté, CE, Commune de Chirongui, 2013), ce qui soulève des débats sur la pérennité de la théorie.

C) Atteintes au droit de propriété – théorie de l’emprise irrégulière

L’emprise irrégulière : occupation d’un bien immobilier sans titre légal.

  • Avant 2013, double saisine : juge administratif pour constater, juge judiciaire pour indemniser (TC, Sté Rivoli-Sébastopol, 1949).
  • Depuis TC, Commune de Saint-Palais-sur-Mer, 2013, le juge administratif peut constater et indemniser, mettant en place une compétence concurrente.


LE JJ ET LES AAU

A) Interprétation et légalité d’actes administratifs par le juge judiciaire

  • Juge pénal : peut interpréter et apprécier la légalité des actes administratifs (article 111-5 du Code pénal).
  • Juge civil/non pénal :
  • Principe (TC, Septfonds, 1923) : peut interpréter un règlement administratif, mais ne peut en apprécier la légalité (sauf voie de fait).
  • Dérogations (TC, SCEA du Chéneau, 2011) :
  • Lorsque la question de légalité a déjà été tranchée par une jurisprudence établie.
  • Pour contrôler la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union.

B) Le juge administratif et les actes de droit privé

  • Principe : le juge administratif ne peut interpréter un acte de droit privé (CE, Ass. 2001, M. de Polignac).
  • Dérogations identiques à SCEA du Chéneau : jurisprudence établie, ou contrôle au regard du droit de l’Union (CE, Sect., Fédération Sud Santé Sociaux, 2012).
Le règlement des conflits de compétence: le TC

Créé en 1872, le Tribunal des conflits (TC) règle les conflits de compétence entre les ordres administratif et judiciaire. Depuis la réforme de 2015, il est présidé par l’un de ses membres (et non plus par le Garde des Sceaux). En cas de partage des voix, une formation élargie peut être réunie. Le TC comprend aussi un rapporteur public. Les règles le concernant ont été codifiées en 2015.


§1 – Les cas de saisine

  • Conflit positif : le préfet estime que l'affaire relève du juge administratif. Il présente un déclinatoire ; si rejeté, il peut élever le conflit par arrêté.
  • Conflit négatif : les deux ordres se déclarent incompétents. La dernière juridiction saisie doit alors saisir le TC.
  • Renvoi par juridiction suprême : en cas de doute sérieux sur la compétence, CE ou Cour de cassation peuvent saisir le TC à titre préventif.
  • Procédure de revendication : permettrait à un ministre de faire dessaisir le Conseil d’État. Jamais utilisée.


§2 – Le TC comme juge du fond (de manière exceptionnelle)


En principe, le TC juge la compétence, pas le fond. Mais il doit parfois analyser le fond pour qualifier un contrat ou un service.

  • Il peut écarter une loi contraire à la CEDH (art. 13).


Deux dérogations :

  • Décisions contradictoires entre les deux ordres : le TC tranche le fond (ex : 2012).
  • Responsabilité pour délai excessif causé par les deux ordres : le TC est compétent pour juger le litige.
Chap 3: la classification des recours contentieux
La distinction des recours contentieux

§1 – Classifications doctrinales


Distinction classique : REP vs. RPC

  • REP (Recours pour excès de pouvoir) : demande d’annulation d’un acte administratif unilatéral (AAU)illégal. Pouvoir d'annulation uniquement.
  • RPC (Recours de plein contentieux) : le juge peut modifier l’acte, octroyer des indemnités, constater une faute, etc.


Autres classifications doctrinales :

  • Duguit : distingue contentieux objectif (légalité d’une norme) et subjectif (atteinte à un droit).
  • Melray : distingue contentieux holiste (défense de l’intérêt général) et individualiste (défense des droits privés).


§2 – La distinction en droit positif


Critère formel : l’office du juge et le texte applicable

  • Si texte ou jurisprudence prévoit REP ou RPC → la nature du recours est fixée.
  • Sinon : si le requérant demande seulement l’annulation → REP ; s’il demande autre chose (indemnité, réformation…) → RPC.

Critère matériel : les moyens du requérant

  • En RPC, le juge a un pouvoir de réformation, certains vices de procédure ne sont pas opérants (CE, 1994, Abderrahmane).


Chap 4: la recevabilité des recours contentieux
Conditions tenant à la nature de l’acte

L’acte doit exister (art. R. 421-1 CJA)

  • Nécessité d’une décision administrative préalable.
  • En matière de responsabilité, une demande d’indemnisation doit être adressée à l’administration avant tout recours.
  • Assouplissement admis par CE (ex : Établissement français du sang, 2008) → confirmé par avis CE, 2019, non-application stricte du décret de 2016.
  • Exceptions : référé-liberté, RAPO, etc.


L’acte doit être administratif

  • Rejet des actes législatifs ou juridictionnels.


L’acte doit être unilatéral

  • Les contrats relèvent du RPC contractuel.


L’acte doit faire grief

  • Acte doit affecter la situation juridique du requérant.
  • Même les actes non décisoires peuvent faire grief (évolution depuis 30 ans).
Conditions tenant au requérant

La capacité à agir


Personnes physiques :

  • Mineurs et incapables doivent être représentés, sauf cas spécifiques (Dame Poujol, 1959 ; Abdelaziz K., 2014).
  • Étrangers peuvent agir (CE, Pardov, 1975).


Personnes morales :

  • Pas toutes sont dotées de la personnalité morale (ex : régie, section syndicale…).

Exceptions :

  • Personnes morales dissoutes peuvent agir (CE, Rousky-dom, 1955).
  • Associations en formation aussi (CE, Canaux de la Durance, 1968).
  • En urbanisme : association doit être déclarée.


L’intérêt à agir

  • Doit être réel, légitime, personnel, direct et certain. Apprécié à la date du recours.


Exemples de souplesse :

  • Abisset, 1958 (camping jamais fréquenté mais intérêt reconnu).
  • Croix de Seguey-Tivoli, 1906 : usager du SP.
  • Brocas, 1962 : électeur.
  • Casanova, 1901 : contribuable local (mais pas national, Dufour, 1930 ; confirmé par affaire Sroussi, 2011).


Requérants publics :

  • Préfet de l’Eure, 1913 : personne publique irrecevable à demander une mesure qu’elle peut prendre elle-même.


L’intérêt collectif des groupements

  • Syndicats et associations peuvent défendre l’intérêt collectif mais pas les droits individuels de leurs membres(Patrons coiffeurs de Limoges, 1906).

Appréciation selon :

  • Objet social dans les statuts.
  • Titre de l’association (CE, 2014, Consommateurs frontaliers).
  • Portée locale ou nationale : CE, 2018, LDH c. Béziers.


Limites :

  • Pas de recours contre acte défavorable à un tiers (CE, CFDT Bouches-du-Rhône, 1996).
  • Syndicats d’agents ne peuvent contester l’organisation de leur service sauf si atteinte à leurs droits (CE, Administrateurs civils, 1956).
  • Usagers ne peuvent contester les décisions individuelles prises contre un agent (CE, Rouillon, 1976).
  • Membre d’un organe collégial ne peut contester une délibération à laquelle il a participé (CE, Mauline, 1998).


Intérêt à agir des parlementaires

  • CE, 2011, Masson : pas d’intérêt à agir du seul fait de leur mandat.
  • CE prudent, notamment dans l’affaire Hippodrome de Compiègne (Mamère).
Les conditions de délai

En matière de contentieux administratif, le délai de recours est en principe de deux mois francs à compter de la notification ou de la publication de l’acte, conformément à l’article R.421-1 du Code de justice administrative (CJA).


Des exceptions existent :

  • 3 mois pour les personnes résidant dans les DOM-TOM,
  • 4 mois pour les requérants étrangers.

Le déclenchement du délai de recours contentieux

Les formalités de publicité


Le délai commence à courir en principe à partir de la publication ou de la notification de l’acte, ce qui marque son entrée en vigueur.

  • Pour les décisions individuelles, la notification doit mentionner le délai de recours et la juridiction compétente. En cas d’erreur ou d’omission, le requérant était auparavant autorisé à former un recours sans délai.
  • Toutefois, depuis la décision Czabaj, CE, 2016, même en l'absence de notification régulière, le requérant ne peut agir que dans un délai raisonnable d’un an, au nom du principe de sécurité juridique. Cette jurisprudence est rétroactive.


En outre, lorsque l'administration doit transmettre l’acte (par exemple, aux préfets pour les actes des collectivités territoriales), le délai ne commence à courir qu’à compter de cette transmission.


La théorie de la connaissance acquise


La jurisprudence a admis que le délai de recours peut également commencer à partir du moment où le requérant a eu connaissance de l’acte, indépendamment de la publicité formelle.


Applications jurisprudentielles :

  • Recours administratif préalable (RAPO) : la réponse de l’administration à ce recours fait courir le délai (et non le dépôt du RAPO) – CE 1998, Mauline.
  • Recours juridictionnel révélant la connaissance de l’acte – CE 2015, Stade Toulousain de rugby : le recours contentieux ultérieur cristallise les moyens.
  • Membres d’assemblées délibérantes locales : la connaissance est présumée à la date de la délibération – CE 1976, Remeyran.

Cas de prorogation du délai

3 cas:

Prorogation prévue par la loi

  • Exemple : demande d’aide juridictionnelle (AJI) interrompt le délai ; celui-ci recommence intégralementaprès la décision sur l’AJI.

Recours à la médiation préalable

  • Interrompt le délai jusqu’à la fin de la médiation (Art. L.213-6 CJA). Ce délai ne peut être prorogé une seconde fois.

Recours administratif gracieux ou hiérarchique

  • Il interrompt également le délai (Art. L.411-2 CRPA, codification de CE 1964, Centre médico-pédagogique de Beaulieu).
  • Si deux recours sont formés en même temps, le délai ne recommence à courir qu’à partir du rejet des deux.

Les cas de dispense de délai

Les cas de dispense sont exceptionnels.


Recours pour inexistence juridique d’un acte

  • Si l’acte est entaché d’un vice d’une particulière gravité, le juge peut en constater l’inexistence juridique à tout moment – CE 2013, Syndicat de la magistrature.


REP contre une décision implicite de rejet fondée sur un avis d’un organisme collégial ou d’une assemblée locale

  • Article R.421-3 CJA prévoit l’absence de délai dans ce cas.

Anciennement, les recours en matière de travaux publics (loi du 28 pluviôse an VIII) n’étaient pas soumis à délai, mais cette dispense a été abandonnée depuis plus de 10 ans.

Expiration du délai de recours

Cristallisation du débat contentieux

  • À l’expiration du délai, le requérant ne peut plus soulever de moyens nouveaux relevant d’une cause juridique différente – CE 1953, Intercopie.

La cristallisation est donc la conséquence du respect du délai, qui délimite l’objet du litige.


Caractère définitif de l’acte


Une fois le délai expiré sans recours, l’acte devient définitif et incontestable devant le juge administratif.

  • Mais : l’exception d’illégalité d’un acte réglementaire peut être invoquée à tout moment, y compris après expiration du délai – CE 1967, Établissements Petitjean.
La régularisation

Irrecevabilités non régularisables


Certaines irrecevabilités ne peuvent jamais être régularisées :

  • Le dépassement du délai de recours,
  • L’omission du RAPO lorsque celui-ci est obligatoire,
  • L’absence de grief causé par l’acte.


Irrecevabilités régularisables


Les autres peuvent être régularisées, selon deux temporalités :

--> Jusqu’à l’expiration du délai de recours contentieux

  • Exemple : un recours non motivé (mémoire sommaire), qui doit être complété à temps.

--> Jusqu’à la clôture de l’instruction

  • Absence de décision préalable (en contentieux de pleine juridiction),
  • Erreurs matérielles (ex. recours rédigé dans une langue étrangère),
  • Défaut de capacité à agir
  • Absence de ministère d’avocat,
  • Démonstration de l’intérêt à agir.

Le juge doit inviter le requérant à régulariser (Art. R.612-1 CJA) s’il constate d’office une irrecevabilité non soulevée par les parties.

S’il ne le fait pas, il perd la possibilité de relever cette irrecevabilité ultérieurement.

Chap 6: le REP
Le jugement du REP

CONTENU DE LA DC

3 issues possibles : annulation / rejet / irrecevabilité.

  • Effet de l’annulation : rétroactive (CE, Rodières, 1925), elle entraine l’annulation des actes pris sur son fondement.


Techniques contentieuses alternatives à l’annulation :


Substitution de motifs

  • CE, Mme Hallal, 2004 : l’administration peut proposer un motif légal pour sauver une décision.

Substitution de base légale

  • CE, El Bahi, 2003 : changement de fondement juridique sans modifier la décision.

Annulation conditionnelle

  • CE, Titran, 2001 : le juge laisse un délai à l’administration pour régulariser l’acte (ex. continuité du SP, conformité UE).

Interprétation neutralisante

  • CE, Caisse d’assurance agricole du Bas-Rhin, 2002 : le juge interprète les dispositions litigieuses pour les rendre conformes.
  • CE, France Nature Environnement, 2013.

Refus d’abrogation d’un acte règlementaire

  • CE, Association Elena, 2021 : le juge peut abroger d’office un acte illégal et se place au jour du jugement(≠ règle REP classique).

EFFETS DANS LE TEMPS DE L'ANNULATION

A. Le pouvoir de modulation dans le temps


Modulation dans le temps de l’annulation


CE, Association AC!, 2004 : possibilité d’annulation non rétroactive, si :

  • balance entre rétroactivité/non-rétroactivité
  • respect du contradictoire


Report de l’effet des décisions de rejet

  • CE, Sté Techna, 2006 : éviter effet brutal de réactivation de l’acte après rejet.


B. La conventionnalité de la modulation

  • CJUE, Inter-Environnement Wallonie, 2012 : principe d’immédiateté de l’incompatibilité avec le droit UE.
  • CJUE, France Nature Environnement, 2016 : modulation possible sans question préjudicielle.
Chap 7: les référés d'urgences

Le juge des référés prend des mesures provisoires. Ce n’est pas un juge du fond.

Le référé suspension (L.521-1 CJA)

Conditions


Recevabilité :

  • Dépôt obligatoire d’une requête au fond.
  • L’acte ne doit pas être exécuté.
  • Pas de cumul référé-liberté et référé-suspension dans une même requête (CE, Philippart Lesage, 2001).


Conditions d’octroi :

  • Urgence : appréciation qualitative (CE, Confédération des radios libres, 2001).

--> Présomptions d’urgence (ex. permis de construire déjà en cours, refus de titre de séjour).

  • Doute sérieux sur la légalité de l’acte.


Effets

  • Le juge peut suspendre l’acte. En pratique, il rejette en invoquant l’absence d’une condition.
  • Possibilité de modulation dans le temps (CE, Protection animaux sauvages, 2009).
  • Si rejet du référé, la requête au fond doit être confirmée (décret 2018).
Le référé liberté (L.521-2 CJA)

Conditions

Autonome : pas besoin de requête au fond.


2 conditions :

  • Urgence temporelle : le juge statue en principe sous 48h (CE, Commune de Pertuis, 2003).
  • Atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :

--> Libertés constitutionnelles (ex. dignité humaine), parfois législatives (liberté du commerce, CE, Montreuil-Bellay, 2002).

--> Libertés garanties par l’UE / CEDH reconnues (CE, Gonzalez, 2016).

--> Le juge peut statuer au jour du jugement, comme en plein contentieux (CE, Salah Abdeslam, 2016).


Pouvoirs du juge

  • Statut en principe sous 48h, mais pas de sanction s’il dépasse.
  • Peut ordonner des mesures concrètes (ex. savon pour détenus, CE, OIP, 2012).
  • Peut intervenir sur carence administrative en cas de danger imminent.
  • Spécificité en fin de vie : CE, Lambert, 2014 : juge collégial, mesures conservatoires, avis extérieurs.
Le référé conservatoire (L.521-3 CJA)

Conditions :

  • Urgence qualitative.
  • Utilité de la mesure.
  • Ne pas faire obstacle à un acte administratif sauf en cas de péril grave.
  • Pas de contestation sérieuse (CE, M. B, 2016).
  • Subsidiaire : utilisé si aucune autre procédure de référé ne peut être engagée.


--> Toutes les ordonnances de référé sont susceptibles de recours devant le Conseil d’État.

  • Pour le référé liberté, c’est un appel direct devant le CE.
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