Introduction
-Loin d'être désincarnée, la mondialisation financière place les territoires et leurs dynamiques au cœur des enjeux sociaux, géoéconomiques et géopolitiques.
-Beaucoup de données ponctuelles dans les médias = besoin de connaître processus de transformation inscrits dans la longue durée.
-Ensuite il faut comprendre la différenciation des espaces dans la mondialisation financière qui n'est pas un processus d'uniformisation ou d'harmonisation, mais dont la logique est de valoriser les structures différenciées de l'épargne, de la consommation, de la bancarisation, des compromis sociaux en fonction des sociétés et des territoires.
-Enfin il faut comprendre la mondialisation financière comme des articulations entre pavages du monde et mise en réseau du système financier
Recomposition des équilibres géoéconomiques mondiaux
-Les 20 premières puissances mondiales (G20) renforcent leur poids relatif en captant 80 % de la croissance mondiale. L'essor des Suds - démographique, économique et financier – s'accompagne donc de l'émergence de nouvelles puissances (BRIC) qui multipolarisent l'architecture géoéconomique mondiale.
1. La production de richesses : inégalités et mutations du monde
1.1. L'économie mondiale : une croissance forte mais polarisée
-Ces quarante dernières années, l'économie mondiale a connu globalement un cycle de forte croissance : le PIB mondial nominal est multiplié par 2,5 pour atteindre aujourd'hui 73 870 milliards de dollars. Au total, jamais la planète n'a produit autant de richesses. Mais celles-ci sont fortement polarisées du fait de très fortes inégalités de développement. Malgré le recul relatif des pays développés, que l'on appelle aussi les Nords, ils réalisent encore 70 % de la richesse mondiale face aux Suds qui sont passés de 14 % à 30 %. L'Afrique reste marginalisée, le poids de l'Amérique Latine est limité, c'est l'Asie, et particulièrement l'essor de l'Asie du Nord-Est? Dans la division internationale du travail, les pays spécialisés dans l'industrie manufacturière jouent un rôle majeur devant les rentiers exportateurs d'hydrocarbures.
-Les déséquilibres financiers entre États et grands pôles continentaux s'aggravent du fait de l'insertion croissante des économies nationales dans la division internationale du travail mais aussi des déséquilibres de la géographie de l'épargne.
-La balance des paiements identifie l'ensemble des transactions financières entre un pays et l'étranger via le solde des transactions courantes? Si un déficit apparaît et que l'investissement domestique dépasse l'épargne domestique, il doit être financé par l’apport de capitaux étrangers sous forme d'IDE ou par l'endettement.? les risques existent et peuvent déboucher sur de brutales crises financières (Amérique latine des années 1980, crise asiatique de 1997, ...).
-Les Suds financent les Nords, c'est le grand paradoxe actuel de la planète financière. L'Europe occidentale et surtout les États-Unis connaissent un déficit courant considérable financé par les pays excédentaires comme les grands pays manufacturiers (Chine, Japon, Allemagne) et les pays exportateurs d'hydrocarbures (Golfe, Nigeria, Norvège, Russie), qui recyclent ainsi leurs excédents commerciaux.
1.2. Les métropoles mondiales au cœur de la création de richesses
-le développement économique et social et la croissance de la richesse sont étroitement articulés à la dynamique urbaine. Les trames, les réseaux et les hiérarchies urbaines fondent un dispositif territorial dessinant des zones d'influence d'échelles spatiales emboîtées? qui placent les métropoles au cœur de la production et de la circulation des richesses.? Saskia Sassen? les 150 premières économies métropolitaines mondiales polariseraient plus de 30% du PIB mondial.
-Le processus de métropolisation définit la polarisation croissante de la richesse et du pouvoir dans les grandes métropoles. Mais cette polarisation est inégale et les villes-mondes (global cities) dominent la hiérarchie urbaine mondiale. Par exemple, les mégalopoles de Tokyo et de New-York réalisent à elles seules un PIB supérieur à toute l'Afrique subsaharienne et équivalent à l'Australie ou au Mexique. Le PIB de Londres se place devant la Suède et celui de Paris devant la Pologne. Les économies métropolitaines des Suds sont en plein développement, citons Shaghaï, Pékin (Beijing), Sao Paulo, Istanbul, Jakarta, Buenos Aires ou Mexico.? Symbolisées par les quartiers centraux des affaires que vous connaissez sous l'acronyme de CBD (pour Central Business District), ces places financières jouent un rôle nodal dans l'organisation de la planète financière.
2. Richesses, circulation et systèmes financiers : les pavages du monde
-La planète financière doit être analysée comme un pavage de constructions géoéconomiques, géopolitiques et bancaires bien différenciés d'échelles nationales et continentales emboîtées. Le développement à long terme d'un territoire repose sur l'existence d'un appareil bancaire et financier efficace. Dans les pays et territoires les moins développés, on verra que les populations sont par exemple moins bancarisées.
2.1. Banques, système financier et patrimoine des ménages
-En assurant la collecte et la gestion de l'épargne, les opérations de crédit et de prêt, la fourniture des moyens de paiement ou de change ou le financement des investissements, les services financiers, les banques et les assurances jouent depuis des siècles un rôle majeur dans le fonctionnement des États et des collectivités territoriales. Du fait de leur importance stratégique, les banques et assurances sont soumises par chaque État où elles interviennent à une législation stricte qui encadre leurs activités : elles doivent obtenir une autorisation
d'exercice, se soumettre aux législations et réglementations nationales et internationales des pays d'implantation et y être supervisés par des instances de contrôle.? En 2008, face aux résistances de l'Union des Banques Suisses (UBS) à collaborer avec les services fiscaux des États-Unis dans les affaires de fraudes fiscales, le Président Barak Obama menace de lui retirer sa licence bancaire, lui interdisant par cela même toute activité aux États-Unis, son 1er marché financier mondial : comme par miracle, la firme a fini par céder.
-La géographie de l'épargne.? Elle dépend à la fois des dynamiques économiques, des trajectoires démographiques, des cultures nationales (marché du mariage et de la dot en Chine et en Inde...) et des niveaux de protection sociale. Les taux d'épargne sont particulièrement faibles dans les pays pauvres où l'essentiel des revenus est consacré aux dépenses de la vie quotidienne. Face à des systèmes bancaires ténus et peu fiables, l'épargne monétaire y prend la forme d'argent liquide alors que les élites mobilisent souvent les filiales des grandes banques étrangères implantées dans le pays. Trois grands pôles structurent la planète : l'Asie de l'Est et Sud-Est (30% du stock mondial), l'Europe occidentale (27%) et le pôle États-Unis/Canada (23%), largement devant l'Amérique latine (7%), l'Asie du Sud (5%), le Proche et Moyen Orient (5%) et l'Afrique (3%). Un faible taux d'épargne ou un taux d'épargne négatif traduit une tendance à l'endettement et un niveau de consommation supérieur à la valeur de la richesse produite.
-La géographie de la structure du patrimoine financier des ménages a été étudiée par l'assureur allemand Allianz. Il augmente de 4,6% par an pour passer entre 2000 et 2012 de 62 000 à 111 220 milliards d'euros. Le rééquilibrage s'opère en faveur des Suds qui en représentent 18% alors que les Nords sont passés de 93,6% à 82%. Mais un Étatsunien dispose toujours d'un patrimoine financier moyen 21 fois supérieur à un Chinois et de 134 fois supérieur à celle d'un Indien. Ce patrimoine financier se partage en trois grands postes : assurances et fonds de pension, ces derniers finançant les retraites (30%), les dépôts bancaires (32%) et les autres produits financiers (titres, actions, obligations, ... (36%)). Cependant, la mondialisation financière et l'internationalisation des marchés n'ont en rien homogénéisé la structure nationale des systèmes financiers qui demeurent très souvent spécifiques du fait d’héritages historiques.
-Banque et bancarisation : entre intégration et exclusion La construction d'un système bancaire fiable et efficient est donc un levier majeur du financement des activités économiques et sociales. Elle repose sur un facteur déterminant : la
confiance dans la solidité du système bancaire. Géographiquement, cette efficience bancaire est très sélective comme l'indiquent parfois les processus de panique des épargnants qui, face à un risque de crise, perdent toute confiance dans leurs institutions et se précipitent pour retirer leurs économies. En mai 2013, les Grecs sortent ainsi en deux jours 1,5 milliards d'euros de leurs comptes en banque face à la deuxième vague d'austérité budgétaire accompagnement le soutien financier de la Troïka. Entre 2010 et 2015, les dépôts bancaires s'effondrent de - 37% en Irlande, de - 32% en Grèce, de - 16% en Espagne et de - 14% en Islande du fait de la crise de leur système bancaire et financier.
-La géographie bancaire reflète les profonds déséquilibres géoéconomique et financier mondiaux : seulement dix États polarisent en effet plus de la moitié des dépôts bancaires mondiaux qui s'élèvent à 100 800 milliards de dollars. La principale mutation réside dans la forte croissance ces dernières décennies des dépôts bancaires des Suds, en particulier des pays émergents, grands comme l'Inde ou le Brésil ou secondaires comme la Malaisie, la Turquie, l'Indonésie, la Thaïlande ou le Mexique. Ils représentent d'importants leviers de croissance pour les banques occidentales tout en se dotant parfois de puissantes banques nationales, publiques ou privées. Mais le phénomène essentiel réside dans l'essor de la Chine qui s'est hissée au 1er rang des stocks de dépôts bancaires en développant de puissantes banques en voie rapide d'internationalisation qui devraient dans les décennies à venir bouleverser l'équilibre bancaire mondial.
-La puissance des banques repose d'abord et avant tout sur leurs capacités à quadriller les territoires par de nombreuses agences locales ou régionales afin d'élargir leur clientèle et drainer l'argent des épargnants, quitte ensuite à l'investir en partie sur des marchés financiers internationaux.
-La Banque mondiale estime ainsi que plus de 2,5 milliards d'adultes dans le monde n'ont pas accès à un système bancaire officiel de dépôt et de prêt du fait de l'absence d'infrastructures financières adéquates et d'un important effet de filtre à l'entrée (frais à engager, analphabétisme qui bloquent les formalités, isolement et distances à parcourir...).? Dans de nombreux pays du Sud, la dette et l'usure demeurent des facteurs structurants des rapports socio-économiques de domination ou de solidarités. Un certain nombre d'États ont développé de nouvelles politiques de soutien et de développement. Ainsi, en Thaïlande, le programme de soutien à l'agriculture et à la sécurité alimentaire a permis à 96% des agriculteurs d'accéder au secteur financier. En Inde, en août 2014, le Premier Ministre avait promis l'ouverture d'un compte bancaire à tous les Indiens afin de lutter contre l'exclusion bancaire,
2.3. Sécurité sociale et secteur des assurances
-Le coût global de la main d'œuvre inclut dans son calcul à la fois des rémunérations directes (salaires bruts, congés payés, primes...) et, surtout, au du moins tout autant, les cotisations sociales (retraites et assurance santé) et les charges fiscales liées au salaire. Souvent dénoncés par le patronat et les libéraux comme prohibitifs, les coûts salariaux renvoient donc largement, pour environ la moitié en France, à la question plus générale de la sécurité sociale. Les coûts de la protection sociale sont souvent très faibles ou inexistants dans de nombreux pays des Suds. Si la Suède - du fait de l'adoption dès les années 1930 d'un système de protection de qualité - consacre un tiers de son PNB aux dépenses de sécurité sociale, et si les dépenses de sécurité sociale des pays de l'OCDE ont presque doublé depuis 1960, celles-ci sont quasi inexistantes dans de nombreux pays du Sud et marginales dans d'autres.
-Face à cette insécurité sociale qui couvre une très large partie de la planète, avec par exemple 45 millions d'Américains sans assurance-maladie en 2007,
-Dès la fin du XIXe siècle naît dans les pays développés un système d'assurances privées ou coopératives qui prend en charge, contre versement d'une prime annuelle, une partie des risques auxquels sont confrontés les ménages dans leur vie courante, ce dispositif n'a rien d'universel. Le monde actuel peut même être caractérisé comme un vaste monde de l'insécurité puisque 60% à 75% de l'humanité n'est pas couverte du fait de son non-solvabilité.? En Europe par exemple, la dépense d'assurance moyenne par habitant tombe de 8 000 dollars par an pour un Suisse à 300 pour un Grec, soit un rapport de 1 à 26. Les pays hautement développés de l'OCDE représentent 82% du marché mondial de l'assurance et versent des primes 4,5 fois supérieures à la moyenne mondiale. Dans les pays des Suds, des milliards d'individus demeurent non couverts ou très peu couverts face aux aléas naturels ou de la vie, en particulier en Afrique, en Asie et en Amérique latine.
-Sur les marchés financiers, les compagnies d'assurance, définies comme des investisseurs institutionnels, pèsent d'un poids considérable : leurs fonds investis représentent un stock de capital de 27 000 milliards de dollars, soit 12% des actifs financiers mondiaux.
3. La circulation financière : la mise en réseau du monde
-Contrairement à de nombreuses images trop souvent véhiculées dans les médias, l'espace financier mondial n'est en rien "déterritorialisé" et "dématérialisé", bien au contraire. Jusque dans les années 1970, les transactions financières internationales étaient largement assurées par le transfert physique concret de titres en espèces dont il fallait assurer la sécurité. Très progressivement, en quelques décennies, on a assisté à une complète révolution dans la circulation de la richesse et du capital avec la dématérialisation des transactions concrètes en passant d'un ordre papier à un ordre numérisé grâce à l'informatique et aux télécommunications, à la libéralisation des marchés par les pouvoirs politiques et à leur très forte internationalisation. Ces processus cumulatifs ont permis d'accroître de manière exponentielle la circulation de la richesse et la mobilité du capital dans l'espace géographique, et ce à toutes les échelles.
-Cependant, la dématérialisation des transactions et l'explosion des flux à partir des années 1970-1980 posent la question centrale de la sécurité, de la traçabilité et de la mémorisation des transactions.
3.1. Le réseau Swift : la mise en réseaux de 10 000 institutions dans 215 pays
-C'est dans ce contexte général qu'il convient d'analyser le formidable essor du réseau Swift (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication). C'est une société privée créée en 1973 par quelques grandes banques européennes en Belgique. Son objectif est alors d'accompagner le passage des flux d'ordre papier vers une messagerie électronique hautement sécurisée qui ouvre en 1977. Au total, Swift assure à ses membres le bon fonctionnement d'un réseau international de communication numérique dont il est propriétaire entre les acteurs des marchés financiers. Il est donc un acteur structurel de la planète financière.
-Ce réseau interbancaire offre toute une palette de prestations (transferts de compte à compte, opérations sur devises ou titres, opérations de recouvrement...) via un système ultra-sécurisé (moyens cryptologiques de codage, informations chiffrées, procédures strictes d'authentification...). Surtout, le réseau acte et archive, tel un acte notarial, l'ensemble des transactions effectuées. Ce mécanisme est l'objet d'un grand intérêt géopolitique, en particulier des États-Unis qui, dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme la suite des attentats du 11 septembre 2001
3.2. Les réseaux des cartes bancaires : Visa, MasterCard et American Express
-Enfin, à côté des grandes banques et firmes transnationales, le marché mondial de la circulation de la monnaie explose avec la montée des mobilités des personnes (voyages d'affaires, tourisme de masse...). Il est pris en charge par des groupes spécialisés nés de la valorisation d'une innovation apparue dans les années 1960 en Californie : la carte bancaire personnelle de paiement.
-Dans les années 1980-1990, le succès de la carte bancaire est porté par le développement et la diffusion des guichets automatiques bancaires qui s'autonomisent des agences bancaires pour conquérir de nouveaux lieux (stations services, épiceries, aéroports, centres touristiques...). Dans le cadre de son internationalisation, Visa se développe soit par ses propres moyens, soit par des accords de licence lui rapportant d'importants revenus. Ainsi, entre 2004 et 2007, Visa Europe devient une société anonyme sous licence détenue par 4 000 banques et acteurs européens.
-Toutefois, si la carte bancaire va jusqu'à constituer un peu plus d'un tiers des moyens de paiement aux États-Unis, son développement géographique dépend à la fois des cultures nationales, de la maturité relative des différents marchés nationaux et des stratégies commerciales des banques. Ainsi, en Europe occidentale, le nombre de transactions par carte et par an en France est deux fois plus élevé qu'en Belgique et sept fois plus élevé qu'en Allemagne où le chèque et les paiements en espèces résistent pour des raisons culturelles et historiques.
-La crise de la Covid-19 influence l’évolution des moyens de paiement avec un boom de paiement par carte bancaire sans contact, qui représente 50% des transactions par carte en Europe. En France en 2017, avec 68% du parc de CB, il pesait un peu plus d’1 milliard de transactions, elles devraient s’élever à 5 milliards en 2020.
Introduction
-Loin d'être désincarnée, la mondialisation financière place les territoires et leurs dynamiques au cœur des enjeux sociaux, géoéconomiques et géopolitiques.
-Beaucoup de données ponctuelles dans les médias = besoin de connaître processus de transformation inscrits dans la longue durée.
-Ensuite il faut comprendre la différenciation des espaces dans la mondialisation financière qui n'est pas un processus d'uniformisation ou d'harmonisation, mais dont la logique est de valoriser les structures différenciées de l'épargne, de la consommation, de la bancarisation, des compromis sociaux en fonction des sociétés et des territoires.
-Enfin il faut comprendre la mondialisation financière comme des articulations entre pavages du monde et mise en réseau du système financier
Recomposition des équilibres géoéconomiques mondiaux
-Les 20 premières puissances mondiales (G20) renforcent leur poids relatif en captant 80 % de la croissance mondiale. L'essor des Suds - démographique, économique et financier – s'accompagne donc de l'émergence de nouvelles puissances (BRIC) qui multipolarisent l'architecture géoéconomique mondiale.
1. La production de richesses : inégalités et mutations du monde
1.1. L'économie mondiale : une croissance forte mais polarisée
-Ces quarante dernières années, l'économie mondiale a connu globalement un cycle de forte croissance : le PIB mondial nominal est multiplié par 2,5 pour atteindre aujourd'hui 73 870 milliards de dollars. Au total, jamais la planète n'a produit autant de richesses. Mais celles-ci sont fortement polarisées du fait de très fortes inégalités de développement. Malgré le recul relatif des pays développés, que l'on appelle aussi les Nords, ils réalisent encore 70 % de la richesse mondiale face aux Suds qui sont passés de 14 % à 30 %. L'Afrique reste marginalisée, le poids de l'Amérique Latine est limité, c'est l'Asie, et particulièrement l'essor de l'Asie du Nord-Est? Dans la division internationale du travail, les pays spécialisés dans l'industrie manufacturière jouent un rôle majeur devant les rentiers exportateurs d'hydrocarbures.
-Les déséquilibres financiers entre États et grands pôles continentaux s'aggravent du fait de l'insertion croissante des économies nationales dans la division internationale du travail mais aussi des déséquilibres de la géographie de l'épargne.
-La balance des paiements identifie l'ensemble des transactions financières entre un pays et l'étranger via le solde des transactions courantes? Si un déficit apparaît et que l'investissement domestique dépasse l'épargne domestique, il doit être financé par l’apport de capitaux étrangers sous forme d'IDE ou par l'endettement.? les risques existent et peuvent déboucher sur de brutales crises financières (Amérique latine des années 1980, crise asiatique de 1997, ...).
-Les Suds financent les Nords, c'est le grand paradoxe actuel de la planète financière. L'Europe occidentale et surtout les États-Unis connaissent un déficit courant considérable financé par les pays excédentaires comme les grands pays manufacturiers (Chine, Japon, Allemagne) et les pays exportateurs d'hydrocarbures (Golfe, Nigeria, Norvège, Russie), qui recyclent ainsi leurs excédents commerciaux.
1.2. Les métropoles mondiales au cœur de la création de richesses
-le développement économique et social et la croissance de la richesse sont étroitement articulés à la dynamique urbaine. Les trames, les réseaux et les hiérarchies urbaines fondent un dispositif territorial dessinant des zones d'influence d'échelles spatiales emboîtées? qui placent les métropoles au cœur de la production et de la circulation des richesses.? Saskia Sassen? les 150 premières économies métropolitaines mondiales polariseraient plus de 30% du PIB mondial.
-Le processus de métropolisation définit la polarisation croissante de la richesse et du pouvoir dans les grandes métropoles. Mais cette polarisation est inégale et les villes-mondes (global cities) dominent la hiérarchie urbaine mondiale. Par exemple, les mégalopoles de Tokyo et de New-York réalisent à elles seules un PIB supérieur à toute l'Afrique subsaharienne et équivalent à l'Australie ou au Mexique. Le PIB de Londres se place devant la Suède et celui de Paris devant la Pologne. Les économies métropolitaines des Suds sont en plein développement, citons Shaghaï, Pékin (Beijing), Sao Paulo, Istanbul, Jakarta, Buenos Aires ou Mexico.? Symbolisées par les quartiers centraux des affaires que vous connaissez sous l'acronyme de CBD (pour Central Business District), ces places financières jouent un rôle nodal dans l'organisation de la planète financière.
2. Richesses, circulation et systèmes financiers : les pavages du monde
-La planète financière doit être analysée comme un pavage de constructions géoéconomiques, géopolitiques et bancaires bien différenciés d'échelles nationales et continentales emboîtées. Le développement à long terme d'un territoire repose sur l'existence d'un appareil bancaire et financier efficace. Dans les pays et territoires les moins développés, on verra que les populations sont par exemple moins bancarisées.
2.1. Banques, système financier et patrimoine des ménages
-En assurant la collecte et la gestion de l'épargne, les opérations de crédit et de prêt, la fourniture des moyens de paiement ou de change ou le financement des investissements, les services financiers, les banques et les assurances jouent depuis des siècles un rôle majeur dans le fonctionnement des États et des collectivités territoriales. Du fait de leur importance stratégique, les banques et assurances sont soumises par chaque État où elles interviennent à une législation stricte qui encadre leurs activités : elles doivent obtenir une autorisation
d'exercice, se soumettre aux législations et réglementations nationales et internationales des pays d'implantation et y être supervisés par des instances de contrôle.? En 2008, face aux résistances de l'Union des Banques Suisses (UBS) à collaborer avec les services fiscaux des États-Unis dans les affaires de fraudes fiscales, le Président Barak Obama menace de lui retirer sa licence bancaire, lui interdisant par cela même toute activité aux États-Unis, son 1er marché financier mondial : comme par miracle, la firme a fini par céder.
-La géographie de l'épargne.? Elle dépend à la fois des dynamiques économiques, des trajectoires démographiques, des cultures nationales (marché du mariage et de la dot en Chine et en Inde...) et des niveaux de protection sociale. Les taux d'épargne sont particulièrement faibles dans les pays pauvres où l'essentiel des revenus est consacré aux dépenses de la vie quotidienne. Face à des systèmes bancaires ténus et peu fiables, l'épargne monétaire y prend la forme d'argent liquide alors que les élites mobilisent souvent les filiales des grandes banques étrangères implantées dans le pays. Trois grands pôles structurent la planète : l'Asie de l'Est et Sud-Est (30% du stock mondial), l'Europe occidentale (27%) et le pôle États-Unis/Canada (23%), largement devant l'Amérique latine (7%), l'Asie du Sud (5%), le Proche et Moyen Orient (5%) et l'Afrique (3%). Un faible taux d'épargne ou un taux d'épargne négatif traduit une tendance à l'endettement et un niveau de consommation supérieur à la valeur de la richesse produite.
-La géographie de la structure du patrimoine financier des ménages a été étudiée par l'assureur allemand Allianz. Il augmente de 4,6% par an pour passer entre 2000 et 2012 de 62 000 à 111 220 milliards d'euros. Le rééquilibrage s'opère en faveur des Suds qui en représentent 18% alors que les Nords sont passés de 93,6% à 82%. Mais un Étatsunien dispose toujours d'un patrimoine financier moyen 21 fois supérieur à un Chinois et de 134 fois supérieur à celle d'un Indien. Ce patrimoine financier se partage en trois grands postes : assurances et fonds de pension, ces derniers finançant les retraites (30%), les dépôts bancaires (32%) et les autres produits financiers (titres, actions, obligations, ... (36%)). Cependant, la mondialisation financière et l'internationalisation des marchés n'ont en rien homogénéisé la structure nationale des systèmes financiers qui demeurent très souvent spécifiques du fait d’héritages historiques.
-Banque et bancarisation : entre intégration et exclusion La construction d'un système bancaire fiable et efficient est donc un levier majeur du financement des activités économiques et sociales. Elle repose sur un facteur déterminant : la
confiance dans la solidité du système bancaire. Géographiquement, cette efficience bancaire est très sélective comme l'indiquent parfois les processus de panique des épargnants qui, face à un risque de crise, perdent toute confiance dans leurs institutions et se précipitent pour retirer leurs économies. En mai 2013, les Grecs sortent ainsi en deux jours 1,5 milliards d'euros de leurs comptes en banque face à la deuxième vague d'austérité budgétaire accompagnement le soutien financier de la Troïka. Entre 2010 et 2015, les dépôts bancaires s'effondrent de - 37% en Irlande, de - 32% en Grèce, de - 16% en Espagne et de - 14% en Islande du fait de la crise de leur système bancaire et financier.
-La géographie bancaire reflète les profonds déséquilibres géoéconomique et financier mondiaux : seulement dix États polarisent en effet plus de la moitié des dépôts bancaires mondiaux qui s'élèvent à 100 800 milliards de dollars. La principale mutation réside dans la forte croissance ces dernières décennies des dépôts bancaires des Suds, en particulier des pays émergents, grands comme l'Inde ou le Brésil ou secondaires comme la Malaisie, la Turquie, l'Indonésie, la Thaïlande ou le Mexique. Ils représentent d'importants leviers de croissance pour les banques occidentales tout en se dotant parfois de puissantes banques nationales, publiques ou privées. Mais le phénomène essentiel réside dans l'essor de la Chine qui s'est hissée au 1er rang des stocks de dépôts bancaires en développant de puissantes banques en voie rapide d'internationalisation qui devraient dans les décennies à venir bouleverser l'équilibre bancaire mondial.
-La puissance des banques repose d'abord et avant tout sur leurs capacités à quadriller les territoires par de nombreuses agences locales ou régionales afin d'élargir leur clientèle et drainer l'argent des épargnants, quitte ensuite à l'investir en partie sur des marchés financiers internationaux.
-La Banque mondiale estime ainsi que plus de 2,5 milliards d'adultes dans le monde n'ont pas accès à un système bancaire officiel de dépôt et de prêt du fait de l'absence d'infrastructures financières adéquates et d'un important effet de filtre à l'entrée (frais à engager, analphabétisme qui bloquent les formalités, isolement et distances à parcourir...).? Dans de nombreux pays du Sud, la dette et l'usure demeurent des facteurs structurants des rapports socio-économiques de domination ou de solidarités. Un certain nombre d'États ont développé de nouvelles politiques de soutien et de développement. Ainsi, en Thaïlande, le programme de soutien à l'agriculture et à la sécurité alimentaire a permis à 96% des agriculteurs d'accéder au secteur financier. En Inde, en août 2014, le Premier Ministre avait promis l'ouverture d'un compte bancaire à tous les Indiens afin de lutter contre l'exclusion bancaire,
2.3. Sécurité sociale et secteur des assurances
-Le coût global de la main d'œuvre inclut dans son calcul à la fois des rémunérations directes (salaires bruts, congés payés, primes...) et, surtout, au du moins tout autant, les cotisations sociales (retraites et assurance santé) et les charges fiscales liées au salaire. Souvent dénoncés par le patronat et les libéraux comme prohibitifs, les coûts salariaux renvoient donc largement, pour environ la moitié en France, à la question plus générale de la sécurité sociale. Les coûts de la protection sociale sont souvent très faibles ou inexistants dans de nombreux pays des Suds. Si la Suède - du fait de l'adoption dès les années 1930 d'un système de protection de qualité - consacre un tiers de son PNB aux dépenses de sécurité sociale, et si les dépenses de sécurité sociale des pays de l'OCDE ont presque doublé depuis 1960, celles-ci sont quasi inexistantes dans de nombreux pays du Sud et marginales dans d'autres.
-Face à cette insécurité sociale qui couvre une très large partie de la planète, avec par exemple 45 millions d'Américains sans assurance-maladie en 2007,
-Dès la fin du XIXe siècle naît dans les pays développés un système d'assurances privées ou coopératives qui prend en charge, contre versement d'une prime annuelle, une partie des risques auxquels sont confrontés les ménages dans leur vie courante, ce dispositif n'a rien d'universel. Le monde actuel peut même être caractérisé comme un vaste monde de l'insécurité puisque 60% à 75% de l'humanité n'est pas couverte du fait de son non-solvabilité.? En Europe par exemple, la dépense d'assurance moyenne par habitant tombe de 8 000 dollars par an pour un Suisse à 300 pour un Grec, soit un rapport de 1 à 26. Les pays hautement développés de l'OCDE représentent 82% du marché mondial de l'assurance et versent des primes 4,5 fois supérieures à la moyenne mondiale. Dans les pays des Suds, des milliards d'individus demeurent non couverts ou très peu couverts face aux aléas naturels ou de la vie, en particulier en Afrique, en Asie et en Amérique latine.
-Sur les marchés financiers, les compagnies d'assurance, définies comme des investisseurs institutionnels, pèsent d'un poids considérable : leurs fonds investis représentent un stock de capital de 27 000 milliards de dollars, soit 12% des actifs financiers mondiaux.
3. La circulation financière : la mise en réseau du monde
-Contrairement à de nombreuses images trop souvent véhiculées dans les médias, l'espace financier mondial n'est en rien "déterritorialisé" et "dématérialisé", bien au contraire. Jusque dans les années 1970, les transactions financières internationales étaient largement assurées par le transfert physique concret de titres en espèces dont il fallait assurer la sécurité. Très progressivement, en quelques décennies, on a assisté à une complète révolution dans la circulation de la richesse et du capital avec la dématérialisation des transactions concrètes en passant d'un ordre papier à un ordre numérisé grâce à l'informatique et aux télécommunications, à la libéralisation des marchés par les pouvoirs politiques et à leur très forte internationalisation. Ces processus cumulatifs ont permis d'accroître de manière exponentielle la circulation de la richesse et la mobilité du capital dans l'espace géographique, et ce à toutes les échelles.
-Cependant, la dématérialisation des transactions et l'explosion des flux à partir des années 1970-1980 posent la question centrale de la sécurité, de la traçabilité et de la mémorisation des transactions.
3.1. Le réseau Swift : la mise en réseaux de 10 000 institutions dans 215 pays
-C'est dans ce contexte général qu'il convient d'analyser le formidable essor du réseau Swift (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication). C'est une société privée créée en 1973 par quelques grandes banques européennes en Belgique. Son objectif est alors d'accompagner le passage des flux d'ordre papier vers une messagerie électronique hautement sécurisée qui ouvre en 1977. Au total, Swift assure à ses membres le bon fonctionnement d'un réseau international de communication numérique dont il est propriétaire entre les acteurs des marchés financiers. Il est donc un acteur structurel de la planète financière.
-Ce réseau interbancaire offre toute une palette de prestations (transferts de compte à compte, opérations sur devises ou titres, opérations de recouvrement...) via un système ultra-sécurisé (moyens cryptologiques de codage, informations chiffrées, procédures strictes d'authentification...). Surtout, le réseau acte et archive, tel un acte notarial, l'ensemble des transactions effectuées. Ce mécanisme est l'objet d'un grand intérêt géopolitique, en particulier des États-Unis qui, dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme la suite des attentats du 11 septembre 2001
3.2. Les réseaux des cartes bancaires : Visa, MasterCard et American Express
-Enfin, à côté des grandes banques et firmes transnationales, le marché mondial de la circulation de la monnaie explose avec la montée des mobilités des personnes (voyages d'affaires, tourisme de masse...). Il est pris en charge par des groupes spécialisés nés de la valorisation d'une innovation apparue dans les années 1960 en Californie : la carte bancaire personnelle de paiement.
-Dans les années 1980-1990, le succès de la carte bancaire est porté par le développement et la diffusion des guichets automatiques bancaires qui s'autonomisent des agences bancaires pour conquérir de nouveaux lieux (stations services, épiceries, aéroports, centres touristiques...). Dans le cadre de son internationalisation, Visa se développe soit par ses propres moyens, soit par des accords de licence lui rapportant d'importants revenus. Ainsi, entre 2004 et 2007, Visa Europe devient une société anonyme sous licence détenue par 4 000 banques et acteurs européens.
-Toutefois, si la carte bancaire va jusqu'à constituer un peu plus d'un tiers des moyens de paiement aux États-Unis, son développement géographique dépend à la fois des cultures nationales, de la maturité relative des différents marchés nationaux et des stratégies commerciales des banques. Ainsi, en Europe occidentale, le nombre de transactions par carte et par an en France est deux fois plus élevé qu'en Belgique et sept fois plus élevé qu'en Allemagne où le chèque et les paiements en espèces résistent pour des raisons culturelles et historiques.
-La crise de la Covid-19 influence l’évolution des moyens de paiement avec un boom de paiement par carte bancaire sans contact, qui représente 50% des transactions par carte en Europe. En France en 2017, avec 68% du parc de CB, il pesait un peu plus d’1 milliard de transactions, elles devraient s’élever à 5 milliards en 2020.