I. L’unification ottomane du Levant (1522-1570) : La consolidation du pouvoir ottoman
1. Le siège de Rhodes (1522) : La fin de la présence des Hospitaliers en Orient
L’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem trouve ses origines au XIe siècle, lorsque Gérard d’Amalfi fonde un hospice destiné à accueillir et soigner les pèlerins se rendant en Terre Sainte. Rapidement, cet ordre obtient en 1113 la reconnaissance papale et adopte une structure monastique avec trois vœux : chasteté, pauvreté et obéissance. Cependant, avec le contexte des croisades et la nécessité de défendre les États latins d’Orient, les Hospitaliers deviennent un ordre militaire, ajoutant le vœu de croisade à leur engagement.
Après la chute de Jérusalem en 1187 face à Saladin, les Hospitaliers se replient dans la forteresse du Krak des Chevaliers, puis sur l’île de Chypre en 1291, après la chute de Saint-Jean d’Acre. En 1309, ils conquièrent Rhodes, un point stratégique majeur qui leur permet de contrôler les routes maritimes en Méditerranée orientale. À partir de cette période, l’ordre évolue d’une force terrestre à une puissance navale, se spécialisant dans la guerre de course, attaquant les navires ottomans et gênant leur commerce.
La puissance ottomane et la menace de Rhodes
Au début du XVIe siècle, l’Empire ottoman s’étend rapidement sous le règne de Soliman le Magnifique (1520-1566). L’annexion de l’Égypte mamelouke en 1517 permet aux Ottomans de contrôler les routes commerciales reliant l’Orient et l’Europe. La position stratégique de Rhodes constitue une menace directe pour cet axe commercial, car les Hospitaliers interceptent régulièrement les navires marchands ottomans et bloquent les communications maritimes.
En 1522, Soliman mobilise une armée de 100 000 hommes et une flotte imposante pour assiéger Rhodes. La garnison hospitalière, composée d’environ 7 000 hommes, résiste avec acharnement, profitant des fortifications médiévales de la ville. Toutefois, après six mois de siège, les Hospitaliers finissent par capituler, notamment en raison de la trahison des Grecs orthodoxes, mécontents du régime latin. En 1523, ils quittent l’île avec leurs biens et s’installent temporairement en Europe avant de recevoir Malte en fief de l’empereur Charles Quint en 1530.
Avec cette victoire, les Ottomans sécurisent leur domination sur la Méditerranée orientale, éliminent un obstacle majeur à leur commerce et déplacent leur expansion vers l’ouest.
2. La conquête de Chypre (1570) : L’achèvement de l’unification ottomane
Chypre, possession vénitienne depuis 1489, représente un point clé en Méditerranée. Elle est essentielle pour le commerce des épices et du blé, et constitue une base avancée pour les flottes chrétiennes en Méditerranée orientale. Les Ottomans considèrent sa conquête comme une nécessité pour consolider leur domination sur la région et contrer l’influence vénitienne.
En 1570, le sultan Selim II, surnommé "l'Ivrogne", lance une expédition militaire massive pour s’emparer de l’île. Une armée de 60 000 hommes, soutenue par une puissante flotte, débarque et assiège Nicosie et Famagouste, les principales places-fortes vénitiennes. Après une résistance acharnée, les forces chrétiennes sont écrasées en 1571.
Avec cette conquête, les Ottomans scellent leur domination sur la Méditerranée orientale. Désormais, il ne reste plus qu’une seule possession latine dans la région : la Crète, qui tombera après la longue guerre de Candie (1645-1669).
II. Le heurt des empires en Méditerranée : les grandes batailles navales (1538-1571)
1. La bataille de Prévéza (1538) : La suprématie navale ottomane
Après la prise de Rhodes et l’expansion ottomane en Méditerranée, les puissances chrétiennes cherchent à stopper la progression ottomane. En 1538, une Sainte-Ligue est formée sous l’égide du pape, regroupant l’Espagne de Charles Quint, Venise, Gênes et l’Ordre de Malte. La France, alliée aux Ottomans depuis 1536, refuse de participer.
La bataille navale se déroule le 27 septembre 1538, au large de Prévéza (Grèce). L’amiral ottoman Barberousse utilise une stratégie habile : il piège la flotte chrétienne en la prenant en tenaille. En une seule journée, les forces chrétiennes sont écrasées. Les Ottomans ne subissent presque aucune perte, confirmant leur domination en Méditerranée.
2. La bataille de Lépante (1571) : Une victoire chrétienne sans conséquence
En 1570, après la prise de Chypre, Venise appelle à l’aide l’Europe chrétienne. Une nouvelle Sainte-Ligue est formée sous l’égide du pape Pie V, regroupant l’Espagne, Venise et le Saint-Siège.
Le 7 octobre 1571, la flotte chrétienne, commandée par Don Juan d’Autriche, affronte la flotte ottomane à Lépante (Grèce). La bataille est extrêmement violente : près de 30 000 Turcs sont tués et 200 navires ottomans coulés. La victoire chrétienne est célébrée dans toute l’Europe.
Cependant, en moins d’un an, les Ottomans reconstituent intégralement leur flotte, grâce à leur formidable capacité économique et industrielle. La victoire de Lépante n’empêche pas la suprématie ottomane en Méditerranée.
III. La guerre entre Espagnols et Barbaresques en Méditerranée occidentale (1535-1574)
1. L’échec des Espagnols à unifier le Ponant
Contrairement aux Ottomans en Orient, les Espagnols échouent à établir un contrôle stable en Méditerranée occidentale. Les Espagnols tentent une politique de conquête et de peuplement, mais cette stratégie échoue car :
- Les musulmans refusent la conversion forcée et continuent la résistance.
- Les chrétiens convertis se tournent souvent vers l’islam, rendant inefficace la politique de colonisation.
- Les Espagnols sont trop dépendants des ravitaillements maritimes, alors que les Barbaresques excellent dans les attaques navales.
2. Les grandes batailles en Afrique du Nord
- 1535 : Prise de Tunis par Charles Quint, qui rétablit les Hafsides.
- 1541 : Désastre de la bataille d’Alger, où une tempête détruit la flotte espagnole.
- 1551 : Chute de Tripoli, qui devient une régence ottomane.
- 1560 : Défaite espagnole à Djerba, où 6 000 chrétiens sont réduits en esclavage.
- 1574 : Prise définitive de Tunis par les Ottomans, consolidant leur contrôle sur l’Afrique du Nord.