Auteur: Abbé Prévost

Date de publication: 1731

Genre: Roman

Mouvement littéraire: Siècle des Lumières, préromantique

Registres principaux: L'amour, l'argent, le mensonge et le jeu

Résumé:

Première partie

Renoncour, l'homme de qualité, raconte sa rencontre avec Des Grieux qu'il a croisé à Pacy-sur-Eure lors de l'arrivée d'un convoi de filles de joie déportées en Louisiane. Des Grieux ne dévoile pas leur identité mais lui confie sa tentative pour délivrer Manon en suivant le convoi. Touché, Renoncour lui donne un peu d'argent et poursuit sa route.

Deux ans plus tard, Renoncour rencontre de nouveau Des Grieux à Calais. Ce dernier accepte de lui raconter son histoire. On apprend alors que Des Grieux a eu un véritable coup de foudre pour Manon et qu'ils s'enfuient ensemble.

Mais après quelques semaines à vivre leur amour et sans réserve financière, Manon le trompe avec M. de B... qui est vieux mais riche. Le père de Des Grieux envoie ses laquais afin de ramener son fils à la maison. Il reprend alors ses études de théologie mais Manon le retrouve. Il quitte tout pour partir avec elle.

Ils s'installent ensemble à Chaillot et rencontrent Lescaut, le frère de Manon.

Ce dernier est prêt à prostituer sa sœur pour avoir plus d'argent. Leur maison brûle et l'argent commence à manquer. Manon tend alors un piège à M. de G... M... à qui elle a promis de se vendre pour finalement lui voler ses biens. Ce dernier les dénonce à la police et Des Grieux et Manon sont enfermés. Des Grieux s'évade et parvient à libérer Manon avec l'aide de Lescaut et de M. de T... Lors d'une bagarre, Lescaut meurt. Des Grieux recontacte son ami Tiberge afin de lui réclamer une aide financière.

Deuxième partie

Manon souhaite se venger de M. de G... M... en séduisant et dupant son fils.

Mais finalement, elle apprécie de vivre dans le luxe et envoie alors une lettre à Des Grieux lui disant qu'elle ne le rejoindra pas. Des Grieux la menace de la quitter ou de se tuer. Elle accepte alors de le rejoindre.

Le vieux G... M... les fait enfermer au Châtelet mais le père de Des Grieux intervient et parvient à obtenir la libération de son fils tandis que Manon sera envoyée en exil en Nouvelle-Orléans. Des Grieux suit donc le convoi et embarque pour l'Amérique. À la colonie, on les croit mariés. Des Grieux demande à régulariser cette situation mais le gouverneur refuse car son neveu est amoureux de Manon. Des Grieux s'en prend alors au neveu et s'enfuit dans le désert avec Manon. Manon, épuisée, meurt. Deux mois plus tard, Tiberge vient retrouver Des Grieux et les deux amis rentrent ensemble. C'est là qu'il rencontre pour la deuxième fois Renoncour.

Un roman de moeurs:

L’histoire reflète la société sous la Régence, marquée par la quête du plaisir et l’absence de morale. Paris devient le lieu de tous les excès : malgré une vie simple possible à Chaillot, Manon veut vite retourner en ville, symbole de luxe et de désir. Pour maintenir ce train de vie, tous les moyens sont bons : Manon vend son corps, Lescaut triche et joue, et Des Grieux finit par se compromettre lui aussi. La richesse pousse à la corruption, et les puissants exploitent les plus pauvres, comme en témoigne la déportation de Manon assimilée à une prostituée.

Une histoire d'amour:

Le roman raconte aussi une passion tragique entre Des Grieux, noble, et Manon, d’origine modeste. Leur amour naît d’un coup de foudre, mais il est sans cesse mis à mal par les contraintes matérielles. Manon aime le luxe et trahit Des Grieux, tandis que lui, aveuglé par l’amour, va jusqu’à mentir, voler ou tuer pour elle. Il sacrifie tout pour la garder, y compris ses principes. Manon incarne la femme fatale, irrésistible et destructrice. À la fin, bien qu’il survive, Des Grieux reste brisé par la perte de sa bien-aimée. Dès l’introduction, l’auteur insiste sur la force des passions, thème central de l’œuvre.

L'organisation du récit:

L’histoire s’inscrit dans un double récit : Renoncour introduit et conclut l’histoire de Des Grieux, qu’il présente comme authentique. Ce cadre donne du crédit au récit principal, narré par Des Grieux lui-même. Ce récit à la première personne plonge le lecteur dans ses émotions, mais il reste subjectif : on ne connaît jamais vraiment les pensées de Manon. L’amour passionnel de Des Grieux fausse sa vision et laisse le lecteur dans le doute sur la sincérité de Manon.

La fidélité:

Manon et Des Grieux n’accordent pas la même valeur à la fidélité. Pour Des Grieux, l’amour véritable implique la fidélité du cœur et du corps. Manon, au contraire, estime que seule la fidélité des sentiments importe : elle accepte que Des Grieux passe une nuit avec une autre, et se justifie en disant que ses infidélités n'affectent pas l’amour qu’elle lui porte.

Ces divergences révèlent aussi deux visions du monde différentes : Des Grieux, jeune noble idéaliste, rêve d’un amour pur, alors que Manon, issue d’un milieu modeste, est plus ancrée dans la réalité matérielle. Pour elle, l’amour ne peut survivre sans argent : « crois-tu qu’on puisse être bien tendre lorsqu’on manque de pain ? » s’exclame-t-elle, ce que Des Grieux considère comme une forme de vulgarité sentimentale.

Des Grieux et Manon, des personnages en marge:

Dès le départ, Manon est perçue comme une femme à la marge par son statut de courtisane. Des Grieux, quant à lui, appartient à la bonne société. Mais leur relation les fait basculer ensemble hors des normes : ils s’unissent sans se marier, ce qui les exclut des cadres sociaux traditionnels.

Cette marginalisation est matérialisée par leur exil progressif, d’abord à Chaillot, puis hors de Paris, et enfin jusqu’au désert américain. Leur amour devient incompatible avec la société, et leur rejet est souligné par les paroles de Tiberge, qui tente sans cesse de ramener Des Grieux à la vertu. Leur isolement est donc à la fois physique, social et moral.

Une histoire tragique:

L’amour entre Manon et Des Grieux est voué à l’échec dès le départ. Le père de Des Grieux s’oppose fermement à leur union, allant jusqu’à faire enlever son fils puis favoriser la déportation de Manon.

Par ailleurs, Manon est sans cesse « possédée » par d’autres hommes riches (M. de G… M…, le gouverneur en Louisiane), ce qui renforce l’idée qu’elle n’est jamais libre.

Des Grieux, accablé par les épreuves, en vient à croire que le destin s’acharne contre lui. Leur amour, impossible dans le monde de Des Grieux, ne peut survivre ni en société, ni dans l’exil. Ainsi, la mort de Manon marque la fin inévitable de leur passion.

Structure du récit :

• Narration enchâssée : le roman adopte une structure de récit dans le récit. Un narrateur anonyme rencontre Des Grieux, qui lui raconte son histoire d’amour avec Manon.
• Autobiographie fictive : le récit est présenté comme une confession à la première personne (Des Grieux raconte sa propre vie), ce qui renforce l’intimité et l’émotion du récit.
• Chronologie linéaire, mais rythmée par des ellipses (passages rapides sur certains événements) et des retours en arrière, notamment pour appuyer les émotions ou les regrets du narrateur.

Registres dominants :

• Pathétique : utilisé pour susciter la compassion du lecteur face aux souffrances de Des Grieux ou de Manon (exils, pauvreté, séparation).
• Tragique : l’amour entre Des Grieux et Manon est voué à l’échec dès le départ, marqué par le destin, les interdits sociaux et les conséquences irréversibles.
• Lyrique : les émotions amoureuses, les douleurs et les élans passionnés sont exprimés dans un style très personnel.
• Réalisme : certaines descriptions de lieux, de situations sociales ou de misère donnent au récit un aspect plus concret, ancré dans la société du XVIIIe siècle.

Figures de style marquantes :

• Hyperboles : pour traduire l’intensité des sentiments amoureux (« Je l’aimais plus que ma vie »).
• Antithèses : fréquentes pour souligner les contradictions du personnage (raison vs passion, vertu vs désir).
• Anaphores et répétitions : pour renforcer l’émotion et l’obsession amoureuse de Des Grieux.
• Métaphores et comparaisons : utilisées pour exalter Manon ou décrire les tourments du héros (« son cœur était un abîme », etc.).

"L'ouvrage entier est un traité de morale, réduit agréablement en exercice." (Avis de l'auteur)

L'auteur cherche a défendre la moralité, la valeur de l'oeuvre.

"Manon était passionné par le plaisir, je l'étais par elle"

Illustration de la fatalité amoureuse.

"Elle est légère et imprudente, mais elle est droite et sincère." (Des Griefs, première partie)

Complexité du personnage de Manon.

"L'innocence de nos occupations et la tranquillité où nous étions continuellement servirent à nous faire rappeler insensiblement des idées de religion."

Normalisation des amants à la fin du roman.