I. La couronne comme institution
- Émergence de l’institution de la couronne :
- Au XVe siècle, la couronne devient une institution distincte de la personne du roi.
- Rôle de la couronne : Fonction publique au service de l’intérêt commun du royaume.
- La couronne symbolise la continuité de l’État, indépendante des rois successifs.
- Différence avec le fief : Contrairement à un seigneur qui possède des terres et privilèges, le roi exerce un pouvoir souverain pour le bien commun.
- L’État monarchique : La couronne s’intègre dans le concept d’État, marquant une distinction entre le roi et le royaume.
II. Lois fondamentales du royaume
Les lois fondamentales forment un ensemble coutumier non modifiable par le roi. Elles régissent la couronne et assurent la stabilité du royaume.
A) Les principes de succession : Hérédité, masculinité, collatéralité
- Hérédité :
- La couronne est transmise de manière héréditaire.
- Importance de la primogéniture masculine (fils aîné privilégié).
- Les femmes sont exclues de la succession (loi salique).
- Origine de l’exclusion des femmes : Justifiée par des traditions religieuses (sacre réservé aux hommes) et politiques (éviter le mariage avec des étrangers).
- Exemple : En 1316, après la mort de Louis X, sa fille Jeanne est écartée en faveur de Philippe V (régent puis roi).
- Masculinité et loi salique :
- Principe formulé explicitement après 1328 pour exclure les femmes de la succession.
- Origine légendaire : Loi des Francs saliens du Ve siècle, qui privilégie les hommes dans l’héritage.
- Constitutionnalisation : Au XIVe siècle, devient une règle fondamentale justifiant l’exclusion des femmes.
- Justification religieuse : Une femme ne peut accéder au sacre, assimilé à une fonction quasi sacerdotale.
- Collatéralité :
- En l’absence d’héritiers directs, la couronne revient à la branche masculine la plus proche.
- Exemple : Henri III (1589) est remplacé par Henri de Navarre (Henri IV), descendant d’une branche collatérale.
B) Principe de catholicité
- Exigence religieuse :
- Le roi doit être catholique.
- Formalisation en 1588 par l’édit de l’Union (États généraux de Blois) sous Henri III.
- Abjuration du protestantisme par Henri IV en 1593 pour légitimer sa succession : « Paris vaut bien une messe. »
- Arrêt Lemaistre (1593) :
- Confirme la nécessité d’un roi catholique, tout en réaffirmant la loi salique.
- Hiérarchie entre loi salique et loi de catholicité : complémentaires et non conflictuelles.
C) Indisponibilité de la couronne
- Origine :
- Principe révélé lors du traité de Troyes (1420), qui tentait de désigner Henri V d’Angleterre comme héritier au détriment du dauphin.
- Le traité est déclaré nul car la couronne ne peut être aliénée ou disposée par le roi.
- Caractéristiques :
- La couronne est inaliénable, immuable et supérieure à la volonté individuelle du roi.
- Conséquence :
- Le roi ne peut léguer la couronne par testament.
- Pas d’abdication possible.
- La succession est une affaire publique, non privée.
- Consécration juridique :
- Le juriste Jean de Terrevermeille (1419) théorise l’indisponibilité de la couronne.
- Édit de Moulins (1566) : Formalise l’inaliénabilité du domaine royal.
D) Principe de continuité
- Établissement :
- Le pouvoir royal ne connaît pas d’interruption.
- Dès la mort d’un roi, son successeur devient immédiatement roi, indépendamment de son âge ou de son sacre.
- Adage : « Le roi est mort, vive le roi. »
- Charles V (1374) : Fixe la majorité royale à 13 ans.
- Éviction de la vacance du pouvoir, garantissant la stabilité de l’État.
- Conséquence doctrinale :
- La couronne est perçue comme une entité permanente et impersonnelle.
- On ne porte pas le deuil du roi en France.
E) Inaliénabilité du domaine royal
- Définition :
- Le domaine royal (ensemble des terres et droits seigneuriaux du roi) est inaliénable.
- Toute acquisition par mariage, achat ou succession intègre ce domaine.
- Centralisation des revenus :
- Les revenus du domaine royal sont consacrés à l’intérêt public, marquant l’émergence de l’État moderne.
- Édit de Moulins (1566) :
- Renforce l’idée que le roi ne peut disposer des terres du royaume comme d’un bien personnel.
- Le roi est symboliquement « marié » à la couronne (anneau reçu lors du sacre).
F) Lois fondamentales et État monarchique
- Nature des lois fondamentales :
- Issues des coutumes du royaume, elles sont supérieures à la volonté royale.
- Opposition aux lois du roi : Les lois fondamentales sont immuables, tandis que les lois royales sont modifiables.
- Jean Bodin (1576) :
- Théoricien de l’État moderne dans Les Six Livres de la République.
- Définit les lois fondamentales comme limites au pouvoir du roi, évitant le despotisme.
- Application :
- Toute violation des lois fondamentales est frappée de nullité immédiate.
- Ces lois protègent l’État et la couronne contre les abus de pouvoir.
Conclusion
Les lois fondamentales du royaume ont permis de construire un État monarchique stable, basé sur des principes d’hérédité, de catholicité, de continuité et d’indisponibilité. Ces règles ont transcendé la personne des rois pour placer la couronne au cœur de l’institution monarchique, garantissant la pérennité de l’État.