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Lycée
Première

Littérature d'idées : Gargantua


Auteur : François Rabelais

Titre: Gargantua

Nombre de chapitres : 58

Genre littéraire : conte de géants // roman moderne

Héros : Gargantua

Date de publication : 1534 (XVIe siècle)

Périodes historiques : au sortir du Moyen-Âge et au début de la Renaissance

Mouvement : Humanisme

Parcours de lecture associé à l’œuvre : RIRE ET SAVOIR


I- L’œuvre en apparence : LE RIRE - Le contenant, la boîte de Silènes, l’apparence de Socrate, la couverture, l’habit


Le rire est au cœur de Gargantua comme il est dit dans l’avis « aux lecteurs »


A- Le rire gras et farcesque : le rire grossier, repoussant


Le comique scatologique : le rire lié au corps, au ventre


Rabelais et le corps humain : division du corps humain

  • Haut corporel : Esprit, verbe
  • Bas corporel : Fonctions physiques : manger, digérer, sexualité, besoins naturels.

Idée principale : Rabelais valorise le bas corporel pour célébrer la vie matérielle et humaine.


Carrière de Rabelais :

  • Carrière médicale :
  • Étudie à Montpellier en 1530.
  • Devient médecin à l’Hôtel-Dieu en 1532.
  • Lien avec ses écrits :
  • Ses connaissances du corps humain enrichissent ses descriptions et thèmes dans ses livres.


L’humour scatologique

  • Définition : Parler des excréments, urine, pets, etc.
  • But : Faire rire en brisant les tabous sur le corps.


Contexte historique

  • Au Moyen Âge :
  • Moins de pudeur qu’aujourd’hui.
  • Les toilettes étaient souvent publiques ou ouvertes.


Pourquoi cet humour ?

  • Rire pour remplacer la honte.
  • Montrer que même les aspects « sales » de la vie sont naturels et humains.


Les excréments


Chapitre 13 : « Comment Grandgousier reconnut à l'invention d'un torche-cul »

  • Résumé : Gargantua raconte à son père, Grandgousier, ses découvertes sur divers moyens de se torcher.

Ce passage est un exemple emblématique de l'humour scatologique rabelaisien.




  • Citations importantes :
  • « J'ai découvert, répondit Gargantua, à la suite de longues et minutieuses recherches, un moyen de me torcher le cul. »
  • « Une fois, je me suis torché avec le cache-nez de velours d'une demoiselle, ce que je trouvai bon, vu que sa douceur soyeuse me procura une bien grande volupté au fondement. »
  • « Pour conclure, je dis et je maintiens qu'il n'y a pas de meilleur torche-cul qu'un oison bien duveteux, pourvu qu'on lui tienne la tête entre les jambes. »
  • Analyse :
  • Humour basé sur la démesure : Rabelais exagère des situations triviales pour les rendre comiques.
  • Lien avec le quotidien : Il transforme une fonction corporelle banale en une réflexion humoristique et grotesque.
  • Fonction du rire : Libérer des tabous et valoriser le « bas corporel ».


Chapitre 7 : « Comment son nom fut attribué à Gargantua et comment il humait le piot »

  • Résumé : Ce passage décrit les conséquences des excès alimentaires de Gargantua, notamment ses problèmes de digestion.
  • Citations importantes :
  • « Il ne criait que bien peu, mais se conchiait à tout moment. »
  • « Il était prodigieusement flegmatique des fesses, tant par complexion naturelle que par une disposition fortuite, qu'il avait contractée parce qu'il humait trop de purée septembrale. »
  • Analyse :
  • Rabelais associe l’excès (alimentaire et corporel) à la démesure de son héros.
  • Il utilise l’humour scatologique pour critiquer les abus et provoquer le rire.


Œuvre parallèle : Le Roman de Renart

  • Contexte : Le Roman de Renart, œuvre médiévale anonyme et collective, fait également usage d’humour scatologique.
  • Exemple clé : Renart fais caca du haut d’un arbre sur la tête d’un gardien de troupeau endormi.
  • Analyse :
  • Comme chez Rabelais, cet épisode transforme une situation triviale en un moment comique.
  • L’humour scatologique est utilisé pour choquer, divertir et jouer avec les tabous de l’époque.


L’urine


Chapitre 17 : « Comment Gargantua paya sa bienvenue aux Parisiens »

  • Résumé : Gargantua, arrivé à Paris, provoque une inondation en urinant, causant de nombreuses noyades.
  • Citation :
  • « Alors, en souriant, il détacha sa belle braguette et, tirant en l'air sa mentule, les compissa si roulement qu'il en noya deux cent soixante mille quatre cent dix-huit, sans compter les femmes et les petits enfants. »
  • Analyse :
  • Démesure : Rabelais exagère les conséquences d'un acte banal pour créer du comique.
  • Lien avec le scatologique : L'urine, une fonction corporelle normale, est ici transformée en outil comique.


Chapitre 36 : « La jument de Gargantua et le déluge urinal »

  • Résumé : La jument de Gargantua noie une troupe ennemie en urinant, provoquant un « déluge urinal ».
  • Citation :
  • « Ils arrivèrent au pont du moulin et trouvèrent tout le gué couvert de corps morts, en si grand nombre qu'ils avaient engorgé le bief du moulin : c'étaient ceux qui avaient succombé au déluge urinal de la jument. »
  • Analyse :
  • Parodie biblique : Rabelais fait référence au déluge de la Bible, mais en utilisant l'urine pour amplifier l'absurde.
  • Humour carnavalesque : L’ordre religieux ou moral est détourné pour faire rire.






Chapitre 11 : « De l'adolescence de Gargantua »

  • Résumé : Ce chapitre montre Gargantua enfant, jouant avec ses gouvernantes, qui s’amusent de la taille de son sexe.
  • Citations :
  • « Ce petit paillard pelotait ses gouvernantes, sens dessus dessous, sens devant derrière, hardi bourricot ! »
  • « Et il commençait déjà à essayer sa braguette, que ses gouvernantes ornaient chaque jour de beaux bouquets, de beaux rubans, de belles fleurs, de beaux pompons. »
  • « Elles passaient leur temps à la faire revenir entre leurs doigts comme un bâtonnet d'emplâtre, et puis elles s'esclaffaient quand elle dressait les oreilles, comme si le jeu leur avait plu. »
  • Analyse :
  • Comique grivois : L’accent est mis sur des comportements sexuels exagérés pour provoquer le rire.
  • Lien avec le corps : Rabelais célèbre la vitalité et la nature humaine sans retenue.


Chapitre 8 : « Comment on vêtit Gargantua »

  • Résumé : Une description humoristique du sexe de Gargantua, accompagnée d’une critique des hommes qui exagèrent la taille de leur braguette.
  • Citations clés :
  • « J'attire votre attention sur le fait que, si elle était bien longue et ample, elle était également bien garnie à l'intérieur et bien pourvue. »
  • « Elle ne ressemblait en rien aux trompeuses braguettes d'un tas de galants, qui ne sont pleines que de vent, au grand détriment du sexe féminin. »
  • Analyse :
  • Moquerie sociale : Rabelais critique ceux qui se vantent exagérément de leur virilité.
  • Lien au comique grivois : Le sexe devient un sujet de plaisanterie et de satire sociale.



B- Les différents types de comiques : les outils traditionnels du rire


Le comique de mots

Ce comique repose sur des jeux de langage variés qui provoquent le rire :

Néologismes et inventions verbales

  • Rabelais crée des mots imaginaires et humoristiques, comme :
  • « torcheculatifs » (chapitre 13).
  • « besterie ».

Latinismes absurdes

  • Exemples d’un faux latin ridicule par Janotus de Bragmardo : chapitre 19

Anagrammes

  • Exemple célèbre : François Rabelais devient « Alcofribas Nasier » (chapitre 8).

Noms ridicules et évocateurs

  • Exemples :
  • Capitaine Merdaille.
  • Capitaine Engoulevent (signifiant « avaleur de vent »).

Jeux de mots

  • Mise en relation comique entre des idées déconnectées, comme au chapitre 52 :
  • « Une femme qui n’est ny belle ny bonne, à quoyvault toille ? »
  • Ici, le jeu repose sur le double sens du mot « toille » (prononcé « touèle »), associé à la valeur d’une femme.


Le comique de noms (onomastique)

Les noms des personnages sont choisis pour leur signification humoristique et descriptive :

  • Ponocrates : « bourreau de travail », précepteur de Gargantua.
  • Picrochole : « bile amère », adversaire de Grandgousier.
  • Gargantua : « grande gorge », « gros mangeur ».



  • Eudémon : « l’heureux », page de Gargantua.
  • Thubal Holoferne : « le confus », premier précepteur de Gargantua.
  • Janotus de Bragmardo : « le membre viril », théologien envoyé pour récupérer les cloches.
  • Frère Jean des Entommeures : « des entailles, du hachis », moine devenu compagnon de Gargantua.


Le comique de situation

Ce comique repose sur des situations absurdes ou inattendues :

La naissance de Gargantua (chapitre 6)

  • Gargantua naît par l’oreille de sa mère après avoir traversé son corps.
  • Citation :
  • « Il entra dans la veine creuse et, grimpant à travers le diaphragme jusqu'au-dessus des épaules, [...] il prit son chemin à gauche et sortit par l'oreille. »
  • Analyse :
  • Parodie des récits mythologiques, avec une naissance surnaturelle qui provoque le rire par son absurdité.


Le comique de gestes

Ce type de comique repose sur des actions physiques exagérées ou absurdes :

Frère Jean et son bâton de la croix (chapitre 27)

  • Dans une parodie de roman chevaleresque, Frère Jean utilise un bâton comme une arme.
  • Citation :
  • « Il ôta sa grande robe et se saisit du bâton de la croix, qui était en cœur de sorbier, long comme une lance. »
  • Analyse :
  • Comique exagéré lié à l'escrime maladroite et violente de Frère Jean.

Les fouaciers et la main gauche (chapitre 25)

  • Les fouaciers ennemis se signent de la main gauche, considérée comme « la main du diable », ce qui leur porte malheur.
  • Citation :
  • « Ces beaux fouaciers qui faisaient les malins [...] avaient joué de malchance, faute de s'être signés de la bonne main. »
  • Analyse :
  • Parodie des superstitions médiévales et annonce comique de la défaite des fouaciers.



C- Les registres comiques caractéristiques de l’écriture rabelaisienne : le carnavalesque, le burlesque, l’héroï-comique et le grotesque


Définition « burlesque » : lorsqu’il y a un décalage entre le caractère sérieux du proposet la légèreté de la tonalité avec laquelle il est traité.

Définition « héroï-comique » : lorsqu’il y a un décalage entre le caractère léger du propos et la tonalité sérieuse avec laquelle on en parle.


Le registre burlesque

Le burlesque repose sur un décalage entre des éléments nobles ou sérieux et un style familier ou bas.

Le prologue (exemple de burlesque)

  • Décalage entre le titre et le ton :
  • Le titre élogieux La vie inestimable du grand Gargantua suggère un récit épique ou héroïque.
  • Le style familier et bas transparaît dans l’anaphore de « ridicule ».
  • Animalisation de Socrate :
  • Socrate, symbole de sagesse, est décrit de manière triviale : « nez pointu », « regard de taureau ».
  • Utilisation de la négation pour le qualifier : « n’en auriez donné une pelure d’oignon », « inapte ».

Les lecteurs désignés comme « buveurs » et « vérolés »

  • Contraire à la rhétorique traditionnelle des prologues.
  • Crée un effet comique et décalé.


Chapitre 27 : Frère Jean et l’abbaye de Seuillé

  • Décalage entre la violence dramatique de la guerre et l’humour grotesque.
  • Citation :
  • « À d’autres à travers les couilles il perçait le boyau culier. »
  • « Si quelque autre grimpait dans un arbre, pensant y être en sûreté, de son bâton il l’empalait par le fondement. »

Le registre héroï-comique

L’héroï-comique consiste à traiter un sujet trivial avec un style noble ou épique pour créer un effet comique.

  • Exemple : les combats de Frère Jean (chapitre 27).
  • Parodie des récits chevaleresques, où Frère Jean se bat avec un bâton et utilise une violence grotesque.

Le grotesque

Le grotesque repose sur l’exagération, la caricature et la démesure.

Définition :

  • Le grotesque mélange l’humain et l’animal, provoquant un rire décalé.
  • Présent dans les œuvres populaires et amplifié chez Rabelais.

Exemples d’exagération :

  • Les vaches pour allaiter Gargantua (chapitre 7) :
  • « Et dix-sept mille neuf cent treize vaches de Pontille et de Bréhémont lui furent dévolues par ordonnance pour son allaitement ordinaire. »
  • Les victimes de l’urine de Gargantua (chapitre 17) :
  • « Tirant en l’air sa mentule, les compissa si roulement qu’il en noya deux cent soixante mille quatre cent dix-huit, sans compter les femmes et les petits enfants. »

Le grotesque et les géants :

  • L’échelle gigantesque des personnages crée un comique absurde.
  • Exemples :
  • Chapitre 37 : Grandgousier confond des boulets de canon avec des poux dans les cheveux de Gargantua.
  • Chapitre 38 : Gargantua manque d’avaler six pèlerins cachés dans une salade :
  • « Gargantua, qui se sentait quelque peu l’estomac creux, demanda si l’on pourrait trouver des laitues pour faire une salade. »

Les énumérations interminables

Effet comique :

  • Les listes sans fin donnent un effet de vertige et montrent la verve débordante du narrateur.

Exemples :

  • Chapitre 5 : Les « propos des bienyvres ».
  • Chapitre 11 : Les activités enfantines de Gargantua.
  • Chapitre 22 : Ses jeux.


Le registre ironique

L'ironie repose sur l'antiphrase, c’est-à-dire dire le contraire de ce que l’on pense pour créer un décalage.

Exemple dans le chapitre 14 : L'éducation chez les sophistes

  • Citation : « Et quelques autres de semblable farine, à la lecture desquels [Gargantua] devint aussi sage. »
  • Explication :
  • L’expression « semblable farine » compare les livres à de la farine, ce qui n’a aucun lien avec la sagesse.
  • En réalité, Gargantua ne devient pas sage, mais au contraire niais et grossier.

Exemple dans le chapitre 17 : Les cloches de Notre-Dame

  • Citation : « Mais il les laissa par scrupule d'honnêteté, non qu'elles fussent trop chaudes, mais parce qu'elles étaient un peu trop lourdes à transporter. »
  • Explication :
  • Le « scrupule d’honnêteté » est ironique, car le voleur abandonne les cloches uniquement à cause de leur poids.

Le registre parodique

La parodie détourne les caractéristiques d’un genre littéraire pour le rendre comique ou absurde.

Une parodie des romans de chevalerie



  • Structure empruntée aux romans de chevalerie :
  • Gargantua suit un schéma traditionnel : enfance, exploits, guerre.
  • Les compagnons de Gargantua rappellent les amis fidèles des chevaliers, comme les pairs de Charlemagne (La Chanson de Roland).
  • La bataille du gué de Vède évoque les combats héroïques des chevaliers.

Les références détournées

  • Prologue : le livre est comparé à un roman de chevalerie imaginaire, Fessepinte.
  • Frère Jean : son courage rappelle les héros des chansons de geste, mais son comportement exagéré le rend comique.

La généalogie de Gargantua

  • Citation : « Revenant à nos moutons, je vous dis que par un don souverain des cieux l’antique origine et la généalogie de Gargantua a été préservée. »
  • Explication :
  • La généalogie des géants est censée être une découverte scientifique, mais elle repose sur des flacons d’alcool trouvés dans un tombeau.
  • Ce décalage entre sérieux et absurde est typique de la parodie.

L'abbaye de Thélème

  • Dans les romans de chevalerie, les chevaliers terminent souvent leur vie dans un monastère.
  • Gargantua fonde l’abbaye de Thélème mais n’y entre pas, ce qui montre une volonté de détourner les codes du genre.

Le registre satirique

La satire utilise le rire pour critiquer les travers de la société ou des institutions.

Critique des sophistes

  • Rabelais ridiculise les enseignants sophistes, qui rendent Gargantua ignorant malgré leurs méthodes.
  • Citation : « Gargantua devint aussi sage. » (ironie pour critiquer leur inefficacité).

Critique des traditions religieuses et sociales

  • Avec Frère Jean, Rabelais critique les abus du clergé tout en montrant un personnage comique et dynamique.
  • L’abbaye de Thélème est une critique des monastères traditionnels et une vision utopique de la liberté.

Exemple des généalogies

  • Le sérieux des recherches archéologiques est tourné en ridicule par la découverte des flacons d’alcool.
  • Cette absurdité critique les prétentions scientifiques sans fondement.


II- L’œuvre en profondeur : le contenu - LE SAVOIR


A- La critique, la dénonciation - le satirique : la triple critique


Critique de l’enseignement scolastique (chapitre 14)

Le maître Thubal Holoferne

  • Nom satirique :
  • « Thubal » signifie en hébreu confusion et fait référence aux distinctions inutiles de la scolastique.
  • Évoque aussi la Tour de Babel, symbole d’orgueil et de désordre.
  • Méthodes d’apprentissage absurdes :
  • Enseignement basé uniquement sur la mémoire : « il le disait par cœur à rebours ».
  • La récitation à l’envers est totalement absurde, transformant le savoir en un ensemble de sons dénués de sens.
  • Énumération de commentateurs fictifs :
  • Rabelais crée des noms comiques pour critiquer les scolastiques :
  • « Faquin » (homme méprisable),
  • « Tropditeux » (excès de paroles),
  • « Gualehaut » (référence noble suivie de « Jean le Veau » pour ridiculiser).


Les conséquences négatives de l’éducation scolastique (chapitre 15)

Gargantua, personnage ignorant et ridicule

  • Réaction démesurée et inappropriée : « il se mit à pleurer comme une vache ».



  • Comparé à un animal :
  • « Vache » (lourdeur, manque de subtilité).
  • « Âne » (bêtise, inutilité).
  • Rabelais critique son époque :
  • Le mot « jouvenceau » montre qu’il n’a pas grandi.
  • Complément « de ce siècle » dénonce les méthodes éducatives contemporaines.


Satire des habitudes inculquées (chapitre 21)

Critique des mauvaises habitudes

  • Ponocrates observe Gargantua pour évaluer les conséquences de son ancienne éducation.
  • Mauvaises pratiques :
  • Activités inutiles : « il gambadait, sautait, se vautrait ».
  • Satisfaction des besoins primaires : « fientait, pissait, vomissait, rotait, pétait ».
  • Critique implicite :
  • L’absence de discipline est associée à une éducation médiocre.

Les métaphores religieuses pour critiquer l’Église

  • Rabelais utilise l’image d’un « archidiacre » pour satiriser les hommes d’Église.
  • Les théologiens privilégient les plaisirs terrestres :
  • Champ lexical de la nourriture : « belles tripes frites », « belles grillades ».
  • Champ lexical de l’alcool : « boire matin », « boire à tas ».
  • Les pratiques religieuses deviennent absurdes :
  • « Un gros bréviaire pesant onze quintaux » symbolise le poids inutile des rituels.


La parodie des combats médiévaux

  • Les guerres picrocholines : une caricature des batailles chevaleresques.
  • Picrochole (roi violent) vs Grandgousier (monarque humaniste).
  • Picrochole incarne la folie et la démesure guerrière.

Critique de la guerre (chapitre 27)

Le combat de Frère Jean

  • Multiplication des termes violents :
  • Lexique de la destruction : « massacrèrent, brisèrent, écrasèrent ».
  • Hyperboles :
  • « Le plus horrible spectacle qu’on ait jamais vu. »
  • Vision réaliste et choquante de la guerre :
  • Frère Jean devient un antihéros, dénonçant l’atrocité des conflits.

Comparaison avec Candide (Voltaire)

  • Chapitre 3 :
  • La guerre y est décrite comme belle en apparence mais horrible dans les faits :
  • « Rien n’était si beau, si brillant. » (antiphrase).


B- Le dépassement de la critique : la proposition d’un idéal humaniste : le triple idéal


Caractéristiques de l'éducation humaniste (chapitre 15) :

  • Respect et modestie : Eudémon est poli (« demander la permission »), respectueux (« révérer »), et modeste (« modestie »).
  • Maîtrise du corps : Importance du corps (« poing », « visage », « bouche »). Adjectifs valorisants (« ouvert », « posé », « assuré »).
  • Culture classique : Maîtrise du latin (« si bonne latinité »), références à l'Antiquité (« Gracchus », « Emilius »).
  • Art oratoire : Discours structuré (« premièrement », « deuxièmement »), usage des cinq parties de la rhétorique (inventio, dispositio, elocutio, actio, memoria).





L'idéal selon Ponocrates (chapitre 23) :

  • Hygiène et sport : Lever à 4 h, attention à l'apparence (« habillé, peigné, coiffé »). Activité physique (« équitation », « maniement des armes »).
  • Régime alimentaire sain : Nourriture équilibrée (« pain, vin, herbes »).
  • Rythme de travail : Journée bien remplie (« ne perdait pas une heure »). Méthodes basées sur la curiosité et l'observation, non sur le par-cœur.
  • Valeurs : Importance de l'esprit (« mens sana in corpore sano ») et de la religion évangélique (« lecture authentique des Écritures »).


L'idéal politique humaniste chez Rabelais

  • Critique des monarques violents (guerres picrocholines) :
  • Rabelais dénonce la violence et l'injustice à travers Picrochole (parallèle avec Charles Quint).
  • L'éloge du roi humaniste (Grandgousier) :
  • Modèle de paix : Grandgousier prône l'éducation (« instruisez vos enfants ») et la paix (« vivez comme vous l’enseigne le bon apôtre saint Paul »).
  • Vision humaniste : Importance du travail (« travaillez chacun selon votre vocation ») et de la famille.


L'idéal de société et de vie religieuse

  • L'abbaye de Thélème (chapitre 57) :
  • Opposition aux abbayes traditionnelles :
  • Pas de règles strictes ni d'horaires imposés.
  • Mixité autorisée (hommes et femmes cohabitent).
  • Liberté de partir (« quitter l'abbaye »).
  • Rejet des vœux traditionnels :
  • Pas de pauvreté (« riches vêtements »).
  • Relations hommes-femmes valorisées (« ils se plaisent, se marient »).
  • Les valeurs humanistes :
  • Liberté : Règle « Fais ce que voudras », foi en l'homme éduqué.
  • Équité, culture et paix : Société idéale basée sur ces principes.


Rabelais présente un modèle à la fois éducatif, politique et social fondé sur les valeurs humanistes : éducation complète, paix, respect de l'individu et liberté de choix.


C- Le didactique (enseigner) et le philosophique (faire réfléchir) : savoir et réflexion


La visée didactique dans Gargantua


Les références culturelles et intellectuelles

  • Rabelais fait des allusions à des penseurs comme Platon, Socrate, Aristote, Plutarque.
  • Ces références montrent l'érudition de l’auteur et ancrent le texte dans la culture humaniste.


La richesse du vocabulaire

  • L’auteur utilise des termes techniques dans divers domaines :
  • Religieux, médical, juridique, universitaire.
  • Cela illustre sa maîtrise du savoir de son temps.


Le programme éducatif de Gargantua

  • L’idéal d’éducation humaniste couvre :
  • La terre, la mer, les plantes, les pierres.
  • Les métiers, les techniques humaines.
  • Les mathématiques, l’astronomie, la musique.
  • Aucun domaine de connaissance n’est laissé de côté.


La visée philosophique dans Gargantua



Une réflexion sur les apparences trompeuses

  • Rabelais invite à ne pas se fier aux apparences, comme le montre le Prologue :
  • La laideur de Socrate cachait une intelligence exceptionnelle.
  • Les Silènes, petites boîtes frivoles, renferment des trésors précieux.
  • Le côté comique de l’œuvre dissimule une grande profondeur philosophique.


Le registre et le style

  • Registre double : comique en surface, sérieux en profondeur.
  • Champ lexical de la philosophie dans le Prologue :
  • « Prince des philosophes », « compréhension », « soigneusement peser ».
  • Structure logique renforcée par des connecteurs : « Mais », « car », « c’est pourquoi ».


Le rire comme porte d’entrée

  • Le comique attire le lecteur, mais le contenu est sérieux :
  • Citation : « Il faut ouvrir le livre et soigneusement en évaluer le contenu. »
  • L’idée que « l’habit ne fait pas le moine » est centrale.


Un éloge de la philosophie

  • Gargantua cite Platon au chapitre 45 :
  • « Les républiques seront heureuses quand les rois philosopheront, ou quand les philosophes régneront. »
  • L’importance de la philosophie pour guider les gouvernants et éclairer la société.


III- Le contenu et le contenant de l’œuvre ; l’apparence et la profondeur - LE RIRE ET LE SAVOIR.


A- Rire DU savoir pédant (celui qui étale le peu de savoir qu’il a)


Chapitre 19 :

Gargantua vole les cloches de la cathédrale Notre-Dame pour les suspendre au cou de sa jument.

  • Réaction du peuple de Paris : Choqué par le vol, le peuple décide d’envoyer un émissaire, Janotus de Bragmardo, un vieux théologien, pour convaincre Gargantua de rendre les cloches.
  • Situation comique : Janotus ignore que Gargantua a déjà restitué les cloches.


Portrait de Janotus de Bragmardo

  • Nom symbolique : Le nom « Janotus de Bragmardo » évoque la trivialité et le ridicule.
  • Aspect physique : Il arrive déguisé dans un accoutrement grotesque.
  • État d’esprit : Incité à s’enivrer avant de parler, il est en piteux état devant Gargantua.


Critique du savoir vain

  • Satire des érudits : Janotus représente les théologiens de la Sorbonne, que Rabelais critique pour leur pédanterie.
  • Comique du discours :
  • Mélange de latin mal maîtrisé et de français familier.
  • Exemple de charabia en latin : « Omnis clocha clochabilis in clocherio clochando clochans clochativo clochare facit clochabiliter clochantes ».
  • Aucun de ces mots n’existe en latin, ce qui renforce l’absurdité.


Procédés comiques

  • Usage du latin : Janotus utilise un latin inventé, qui donne une impression de récitation scolaire inutile.
  • Caricature : Son discours est anarchique et ridicule, le rendant incapable de tenir un raisonnement logique.
  • Opposition : La rhétorique maladroite de Janotus contraste avec l’éloquence humaniste de Gargantua et Grandgousier.






Message de Rabelais

  • Critique des sophistes : Janotus incarne une érudition superficielle et stérile, basée sur la mémorisation plutôt que la réflexion.
  • Éloge des humanistes : Par opposition, Rabelais valorise un savoir utile et bien structuré, comme celui de Grandgousier et Gargantua.
  • Humour et enseignement : Le comique de cette scène permet à Rabelais de dénoncer le savoir vain tout en divertissant son lecteur.


B- Savoir EN riant : la métaphore du personnage de Gargantua


La métaphore du personnage de Gargantua dans l'œuvre de Rabelais

La naissance de Gargantua : une analogie avec Athéna

  • Comparaison avec Athéna : Gargantua naît par l'oreille, rappelant Athéna, déesse de l'intelligence et de la stratégie, qui sort armée de la tête de Jupiter.
  • Symbolisme : Cette naissance établit un lien entre le rire et l'intelligence, mettant en avant un nouveau héros romanesque.
  • Invitation au savoir : Les exclamations de Gargantua, « À boire ! à boire ! à boire ! », symbolisent une soif de savoir à étancher, non avec du vin, mais par la connaissance et le rire.


Le vêtement de Gargantua : une métaphore du savoir humaniste

  • Chapitre 8 : La façon de se vêtir de Gargantua
  • Les vêtements de Gargantua, blancs et bleus, sont symboliques.
  • Blanc : la joie de vivre, associée au rire.
  • Bleu : les choses célestes, associées à l'esprit et à la réflexion.
  • Conception rabelaisienne du savoir :
  • Le rire est lié à la joie, mais aussi à une dimension intellectuelle et spirituelle.
  • Gargantua devient une métaphore du savoir humaniste, mêlant rire et réflexion.


C- Le visée symbolique et créative du rire : savoir ce qui se cache derrière le rire


La visée symbolique et créative du rire dans Gargantua


La visée symbolique du rire

Le rire comme baptême symbolique (Chapitre 17)

  • Gargantua noie la capitale dans son urine « par ris » (pour rire), symbolisant un baptême par le rire.
  • Interprétation religieuse : Le baptême permet le salut de l'âme ; ici, le rire donne accès à des valeurs élevées.
  • Les Parisiens échappant à cette « bénédiction » deviennent des universitaires sophistes, considérés comme sacrilèges :
  • Citation : « Quelques-uns d'entre eux échappèrent à ce pissefort [...] et quand ils furent au plus haut du quartier de l'université, [...] ils commencèrent à blasphémer. »

L'épisode du torche-cul (Chapitre 13)

  • Question philosophique sous-jacente : Comment éliminer les « impuretés » du monde (passions dangereuses, vice, péché, mal) ?
  • Mikhaël Bakhtine, dans L'œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et à la Renaissance, voit une critique des doctrines chrétiennes sur la béatitude éternelle :
  • L’« oison bien duveteux » symbolise la volupté et la béatitude, qui naissent non pas en haut, mais en bas, par l'anus.

Œuvre parallèle : Les Essais de Montaigne

  • Montaigne réfléchit également sur le scatologique pour démontrer la puissance de la volonté humaine :
  • Citation : « Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul. »
  • Le scatologique invite à l’humilité, une valeur humaniste essentielle, contrastant avec l'orgueil des princes de la Renaissance.
  • Le rire, même trivial, peut avoir une portée philosophique et symbolique.


La visée créative du rire


Stimuler l'imagination (Chapitre 22)

  • Gargantua joue à des jeux dont les règles ne sont pas définies, incitant les lecteurs à inventer leurs propres jeux :
  • Citation : « Le tapis vert étendu, on étalait force cartes, dés, tablettes et alors il jouait : au flux, à la prime, à la vole, à la pille, [...] à bourri, bourri, zou. »

Développer l'inventivité de l'esprit (Chapitre 35)

  • Gymnaste, en combat, illustre la capacité de contourner les obstacles par l'intelligence et la créativité :
  • Citation : « Par la Mère Dieu ! C'est un lutin ou un diable déguisé. »
  • Ce passage montre que le rire rabelaisien est une émulation intellectuelle.

Conclusion : Le rire comme énigme

  • Gargantua est une œuvre complexe, pleine d'énigmes que le lecteur doit déchiffrer.
  • Selon La Bruyère (Les Caractères) :
  • Citation : « Rabelais est incompréhensible » et « son livre est une énigme, quoi qu’on veuille dire, inexplicable.»


IV- Gargantua est une énigme qui s’offre à notre savoir et à notre rire


A. Une œuvre comme un défi pour le savoir : le « mystère » de Gargantua

  • Nature de l’œuvre :
  • Rabelais décrit Gargantua comme une énigme à décrypter pour en extraire la « substantifique moelle », c'est-à-dire son sens caché ou « altior sensus ».
  • Le narrateur Alcofribas Nasier invite à une lecture allégorique, dépassant le sens littéral trompeur pour découvrir les significations profondes.
  • Mise en garde contre les excès de l’exégèse qui obscurcissent plutôt qu’ils n’éclaircissent.
  • Exemple : L’interprétation des Métamorphoses d’Ovide par le frère Lubain qui prétend y voir des références à l’Évangile.
  • Citation : « Homère n'a pas songé davantage à ces allégories qu'Ovide en ses Métamorphoses n'a songé aux mystères de l'Évangile. »
  • Lecture idéale :
  • Lire avec réflexion, comme un chrétien lit la Bible pour dépasser la lettre et atteindre l’esprit.
  • Métaphore du chien : Le lecteur doit « humer », « sentir » et « apprécier » les livres, puis, par un effort minutieux, « rompre l'os et sucer la substantifique moelle ».
  • Citation : « À l'exemple de ce chien [...] rompre l'os et sucer la substantifique moelle. »


B. Une structure énigmatique : des énigmes qui encadrent le texte

  • Principe d’organisation :
  • Selon Guy Demerson, l’œuvre suit une structure concentrique, avec deux énigmes en miroir :
  • Chapitre 2 : les Fanfreluches antidotées.
  • Chapitre 58 : l’énigme prophétique des fondations de Thélème.
  • Chapitre 2 : Les Fanfreluches antidotées
  • Poème énigmatique de 112 décasyllabes, présenté comme découvert dans un tombeau en bronze.
  • Style inspiré de Mellin de Saint-Gelais, mais le sens reste incompris.
  • Citation : « Les Fanfreluches antidotées restent incomprises – et peut-être volontairement incompréhensibles. » (Raphaël Cappellen)
  • Chapitre 58 : L’énigme des fondations de Thélème
  • Poème de 108 vers, interprété différemment par les personnages :
  • Frère Jean y voit une métaphore du jeu de paume.
  • Gargantua y discerne un appel à résister aux persécutions religieuses, inspiré de l’Apocalypse.
  • Citation : « Au reste, après la conclusion de ces événements [...] les élus retrouveront joyeusement tous leurs biens. »
  • Fonction des énigmes :
  • Ces mystères stimulent l’intellect du lecteur, laissant place à des interprétations multiples, sans certitude.





C. Entre mystère et poésie : le plaisir du texte avant tout

  • Insolubilité des énigmes :
  • Michael Screech souligne que certaines énigmes, comme celles des chapitres 2 et 58, ne peuvent être totalement résolues.
  • Objectif : se laisser porter par l’humour, la poésie et les jeux de langage.
  • Citation : « Une bonne énigme qui plaît est une énigme insoluble. »
  • Langue inventive et poétique :
  • Usage de néologismes, anagrammes, jeux onomastiques, etc.
  • Fonction : entraîner le lecteur dans un tourbillon de rythmes et de sonorités.
  • Interprétations multiples :
  • Le lecteur est invité à trouver son propre équilibre entre les différentes interprétations possibles.
  • Citation : « Peut-être à savoir rester assis le cul entre deux interprétations, entre Gargantua et frère Jean, et à s’y trouver bien. » (Raphaël Cappellen)


Conclusion

  • Gargantua est une œuvre complexe qui pousse à réfléchir tout en savourant le plaisir du texte. Rabelais n’impose pas une unique vérité mais célèbre la multiplicité des sens, valorisant la curiosité et l’humour comme outils de savoir.


Les chapitres à connaître :


Le Prologue : la métaphore des Silènes et de Socrate, le burlesque, la visée

philosophique.

Chapitre 6 : la naissance de Gargantua : le comique de situation, le héros comme

métaphore du savoir en riant

Chapitre 7 : l’allaitement grotesque de Gargantua : le grotesque

Chapitre 8 : les vêtements de Gargantua : l’humour grivois sur la taille du sexe de

Gargantua, le héros comme métaphore du savoir en riant

Chapitre 11 : les gouvernantes qui s’amusent avec le sexe de Gargantua : l’humour

grivois

Chapitre 13 : l’épisode de l’invention du torche-cul par Gargantua : humour

scatologique et portée symbolique

Chapitre 14 : la satire de Thubal Holoferne et la critique de l’éducation sophiste et

scolastique

Chapitre 15 : le discours d’Eudémon : éloge de l’éducation humaniste et critique de

l’éducation scolastique de Gargantua

Chapitre 17 : Gargantua noie Paris avec son urine : humour scatologique et la portée

symbolique

Chapitre 19 : le discours de Janotus de Bragmardo : rire du savoir pédant

Chapitre 21 : l’observation de Ponocrates : la critique du savoir scolastique et la satire

de la religion

Chapitre 22 : les jeux de Gargantua : le pouvoir créatif du rire

Chapitre 23 : la méthode éducative de Ponocrates : l’idéal d’éducation humaniste


Chapitre 27 : Frère Jean et son « bâton de croix » : le comique de geste, le burlesque, la

critique de la guerre et de la religion

Chapitre 35 : les prouesses de Gymnaste lors de ses combats : le pouvoir créatif du rire

Chapitre 45 : Grandgousier, modèle du monarque humaniste

Chapitre 57 : l’abbaye de Thélème et la critique des ordres monacaux

Lycée
Première

Littérature d'idées : Gargantua


Auteur : François Rabelais

Titre: Gargantua

Nombre de chapitres : 58

Genre littéraire : conte de géants // roman moderne

Héros : Gargantua

Date de publication : 1534 (XVIe siècle)

Périodes historiques : au sortir du Moyen-Âge et au début de la Renaissance

Mouvement : Humanisme

Parcours de lecture associé à l’œuvre : RIRE ET SAVOIR


I- L’œuvre en apparence : LE RIRE - Le contenant, la boîte de Silènes, l’apparence de Socrate, la couverture, l’habit


Le rire est au cœur de Gargantua comme il est dit dans l’avis « aux lecteurs »


A- Le rire gras et farcesque : le rire grossier, repoussant


Le comique scatologique : le rire lié au corps, au ventre


Rabelais et le corps humain : division du corps humain

  • Haut corporel : Esprit, verbe
  • Bas corporel : Fonctions physiques : manger, digérer, sexualité, besoins naturels.

Idée principale : Rabelais valorise le bas corporel pour célébrer la vie matérielle et humaine.


Carrière de Rabelais :

  • Carrière médicale :
  • Étudie à Montpellier en 1530.
  • Devient médecin à l’Hôtel-Dieu en 1532.
  • Lien avec ses écrits :
  • Ses connaissances du corps humain enrichissent ses descriptions et thèmes dans ses livres.


L’humour scatologique

  • Définition : Parler des excréments, urine, pets, etc.
  • But : Faire rire en brisant les tabous sur le corps.


Contexte historique

  • Au Moyen Âge :
  • Moins de pudeur qu’aujourd’hui.
  • Les toilettes étaient souvent publiques ou ouvertes.


Pourquoi cet humour ?

  • Rire pour remplacer la honte.
  • Montrer que même les aspects « sales » de la vie sont naturels et humains.


Les excréments


Chapitre 13 : « Comment Grandgousier reconnut à l'invention d'un torche-cul »

  • Résumé : Gargantua raconte à son père, Grandgousier, ses découvertes sur divers moyens de se torcher.

Ce passage est un exemple emblématique de l'humour scatologique rabelaisien.




  • Citations importantes :
  • « J'ai découvert, répondit Gargantua, à la suite de longues et minutieuses recherches, un moyen de me torcher le cul. »
  • « Une fois, je me suis torché avec le cache-nez de velours d'une demoiselle, ce que je trouvai bon, vu que sa douceur soyeuse me procura une bien grande volupté au fondement. »
  • « Pour conclure, je dis et je maintiens qu'il n'y a pas de meilleur torche-cul qu'un oison bien duveteux, pourvu qu'on lui tienne la tête entre les jambes. »
  • Analyse :
  • Humour basé sur la démesure : Rabelais exagère des situations triviales pour les rendre comiques.
  • Lien avec le quotidien : Il transforme une fonction corporelle banale en une réflexion humoristique et grotesque.
  • Fonction du rire : Libérer des tabous et valoriser le « bas corporel ».


Chapitre 7 : « Comment son nom fut attribué à Gargantua et comment il humait le piot »

  • Résumé : Ce passage décrit les conséquences des excès alimentaires de Gargantua, notamment ses problèmes de digestion.
  • Citations importantes :
  • « Il ne criait que bien peu, mais se conchiait à tout moment. »
  • « Il était prodigieusement flegmatique des fesses, tant par complexion naturelle que par une disposition fortuite, qu'il avait contractée parce qu'il humait trop de purée septembrale. »
  • Analyse :
  • Rabelais associe l’excès (alimentaire et corporel) à la démesure de son héros.
  • Il utilise l’humour scatologique pour critiquer les abus et provoquer le rire.


Œuvre parallèle : Le Roman de Renart

  • Contexte : Le Roman de Renart, œuvre médiévale anonyme et collective, fait également usage d’humour scatologique.
  • Exemple clé : Renart fais caca du haut d’un arbre sur la tête d’un gardien de troupeau endormi.
  • Analyse :
  • Comme chez Rabelais, cet épisode transforme une situation triviale en un moment comique.
  • L’humour scatologique est utilisé pour choquer, divertir et jouer avec les tabous de l’époque.


L’urine


Chapitre 17 : « Comment Gargantua paya sa bienvenue aux Parisiens »

  • Résumé : Gargantua, arrivé à Paris, provoque une inondation en urinant, causant de nombreuses noyades.
  • Citation :
  • « Alors, en souriant, il détacha sa belle braguette et, tirant en l'air sa mentule, les compissa si roulement qu'il en noya deux cent soixante mille quatre cent dix-huit, sans compter les femmes et les petits enfants. »
  • Analyse :
  • Démesure : Rabelais exagère les conséquences d'un acte banal pour créer du comique.
  • Lien avec le scatologique : L'urine, une fonction corporelle normale, est ici transformée en outil comique.


Chapitre 36 : « La jument de Gargantua et le déluge urinal »

  • Résumé : La jument de Gargantua noie une troupe ennemie en urinant, provoquant un « déluge urinal ».
  • Citation :
  • « Ils arrivèrent au pont du moulin et trouvèrent tout le gué couvert de corps morts, en si grand nombre qu'ils avaient engorgé le bief du moulin : c'étaient ceux qui avaient succombé au déluge urinal de la jument. »
  • Analyse :
  • Parodie biblique : Rabelais fait référence au déluge de la Bible, mais en utilisant l'urine pour amplifier l'absurde.
  • Humour carnavalesque : L’ordre religieux ou moral est détourné pour faire rire.






Chapitre 11 : « De l'adolescence de Gargantua »

  • Résumé : Ce chapitre montre Gargantua enfant, jouant avec ses gouvernantes, qui s’amusent de la taille de son sexe.
  • Citations :
  • « Ce petit paillard pelotait ses gouvernantes, sens dessus dessous, sens devant derrière, hardi bourricot ! »
  • « Et il commençait déjà à essayer sa braguette, que ses gouvernantes ornaient chaque jour de beaux bouquets, de beaux rubans, de belles fleurs, de beaux pompons. »
  • « Elles passaient leur temps à la faire revenir entre leurs doigts comme un bâtonnet d'emplâtre, et puis elles s'esclaffaient quand elle dressait les oreilles, comme si le jeu leur avait plu. »
  • Analyse :
  • Comique grivois : L’accent est mis sur des comportements sexuels exagérés pour provoquer le rire.
  • Lien avec le corps : Rabelais célèbre la vitalité et la nature humaine sans retenue.


Chapitre 8 : « Comment on vêtit Gargantua »

  • Résumé : Une description humoristique du sexe de Gargantua, accompagnée d’une critique des hommes qui exagèrent la taille de leur braguette.
  • Citations clés :
  • « J'attire votre attention sur le fait que, si elle était bien longue et ample, elle était également bien garnie à l'intérieur et bien pourvue. »
  • « Elle ne ressemblait en rien aux trompeuses braguettes d'un tas de galants, qui ne sont pleines que de vent, au grand détriment du sexe féminin. »
  • Analyse :
  • Moquerie sociale : Rabelais critique ceux qui se vantent exagérément de leur virilité.
  • Lien au comique grivois : Le sexe devient un sujet de plaisanterie et de satire sociale.



B- Les différents types de comiques : les outils traditionnels du rire


Le comique de mots

Ce comique repose sur des jeux de langage variés qui provoquent le rire :

Néologismes et inventions verbales

  • Rabelais crée des mots imaginaires et humoristiques, comme :
  • « torcheculatifs » (chapitre 13).
  • « besterie ».

Latinismes absurdes

  • Exemples d’un faux latin ridicule par Janotus de Bragmardo : chapitre 19

Anagrammes

  • Exemple célèbre : François Rabelais devient « Alcofribas Nasier » (chapitre 8).

Noms ridicules et évocateurs

  • Exemples :
  • Capitaine Merdaille.
  • Capitaine Engoulevent (signifiant « avaleur de vent »).

Jeux de mots

  • Mise en relation comique entre des idées déconnectées, comme au chapitre 52 :
  • « Une femme qui n’est ny belle ny bonne, à quoyvault toille ? »
  • Ici, le jeu repose sur le double sens du mot « toille » (prononcé « touèle »), associé à la valeur d’une femme.


Le comique de noms (onomastique)

Les noms des personnages sont choisis pour leur signification humoristique et descriptive :

  • Ponocrates : « bourreau de travail », précepteur de Gargantua.
  • Picrochole : « bile amère », adversaire de Grandgousier.
  • Gargantua : « grande gorge », « gros mangeur ».



  • Eudémon : « l’heureux », page de Gargantua.
  • Thubal Holoferne : « le confus », premier précepteur de Gargantua.
  • Janotus de Bragmardo : « le membre viril », théologien envoyé pour récupérer les cloches.
  • Frère Jean des Entommeures : « des entailles, du hachis », moine devenu compagnon de Gargantua.


Le comique de situation

Ce comique repose sur des situations absurdes ou inattendues :

La naissance de Gargantua (chapitre 6)

  • Gargantua naît par l’oreille de sa mère après avoir traversé son corps.
  • Citation :
  • « Il entra dans la veine creuse et, grimpant à travers le diaphragme jusqu'au-dessus des épaules, [...] il prit son chemin à gauche et sortit par l'oreille. »
  • Analyse :
  • Parodie des récits mythologiques, avec une naissance surnaturelle qui provoque le rire par son absurdité.


Le comique de gestes

Ce type de comique repose sur des actions physiques exagérées ou absurdes :

Frère Jean et son bâton de la croix (chapitre 27)

  • Dans une parodie de roman chevaleresque, Frère Jean utilise un bâton comme une arme.
  • Citation :
  • « Il ôta sa grande robe et se saisit du bâton de la croix, qui était en cœur de sorbier, long comme une lance. »
  • Analyse :
  • Comique exagéré lié à l'escrime maladroite et violente de Frère Jean.

Les fouaciers et la main gauche (chapitre 25)

  • Les fouaciers ennemis se signent de la main gauche, considérée comme « la main du diable », ce qui leur porte malheur.
  • Citation :
  • « Ces beaux fouaciers qui faisaient les malins [...] avaient joué de malchance, faute de s'être signés de la bonne main. »
  • Analyse :
  • Parodie des superstitions médiévales et annonce comique de la défaite des fouaciers.



C- Les registres comiques caractéristiques de l’écriture rabelaisienne : le carnavalesque, le burlesque, l’héroï-comique et le grotesque


Définition « burlesque » : lorsqu’il y a un décalage entre le caractère sérieux du proposet la légèreté de la tonalité avec laquelle il est traité.

Définition « héroï-comique » : lorsqu’il y a un décalage entre le caractère léger du propos et la tonalité sérieuse avec laquelle on en parle.


Le registre burlesque

Le burlesque repose sur un décalage entre des éléments nobles ou sérieux et un style familier ou bas.

Le prologue (exemple de burlesque)

  • Décalage entre le titre et le ton :
  • Le titre élogieux La vie inestimable du grand Gargantua suggère un récit épique ou héroïque.
  • Le style familier et bas transparaît dans l’anaphore de « ridicule ».
  • Animalisation de Socrate :
  • Socrate, symbole de sagesse, est décrit de manière triviale : « nez pointu », « regard de taureau ».
  • Utilisation de la négation pour le qualifier : « n’en auriez donné une pelure d’oignon », « inapte ».

Les lecteurs désignés comme « buveurs » et « vérolés »

  • Contraire à la rhétorique traditionnelle des prologues.
  • Crée un effet comique et décalé.


Chapitre 27 : Frère Jean et l’abbaye de Seuillé

  • Décalage entre la violence dramatique de la guerre et l’humour grotesque.
  • Citation :
  • « À d’autres à travers les couilles il perçait le boyau culier. »
  • « Si quelque autre grimpait dans un arbre, pensant y être en sûreté, de son bâton il l’empalait par le fondement. »

Le registre héroï-comique

L’héroï-comique consiste à traiter un sujet trivial avec un style noble ou épique pour créer un effet comique.

  • Exemple : les combats de Frère Jean (chapitre 27).
  • Parodie des récits chevaleresques, où Frère Jean se bat avec un bâton et utilise une violence grotesque.

Le grotesque

Le grotesque repose sur l’exagération, la caricature et la démesure.

Définition :

  • Le grotesque mélange l’humain et l’animal, provoquant un rire décalé.
  • Présent dans les œuvres populaires et amplifié chez Rabelais.

Exemples d’exagération :

  • Les vaches pour allaiter Gargantua (chapitre 7) :
  • « Et dix-sept mille neuf cent treize vaches de Pontille et de Bréhémont lui furent dévolues par ordonnance pour son allaitement ordinaire. »
  • Les victimes de l’urine de Gargantua (chapitre 17) :
  • « Tirant en l’air sa mentule, les compissa si roulement qu’il en noya deux cent soixante mille quatre cent dix-huit, sans compter les femmes et les petits enfants. »

Le grotesque et les géants :

  • L’échelle gigantesque des personnages crée un comique absurde.
  • Exemples :
  • Chapitre 37 : Grandgousier confond des boulets de canon avec des poux dans les cheveux de Gargantua.
  • Chapitre 38 : Gargantua manque d’avaler six pèlerins cachés dans une salade :
  • « Gargantua, qui se sentait quelque peu l’estomac creux, demanda si l’on pourrait trouver des laitues pour faire une salade. »

Les énumérations interminables

Effet comique :

  • Les listes sans fin donnent un effet de vertige et montrent la verve débordante du narrateur.

Exemples :

  • Chapitre 5 : Les « propos des bienyvres ».
  • Chapitre 11 : Les activités enfantines de Gargantua.
  • Chapitre 22 : Ses jeux.


Le registre ironique

L'ironie repose sur l'antiphrase, c’est-à-dire dire le contraire de ce que l’on pense pour créer un décalage.

Exemple dans le chapitre 14 : L'éducation chez les sophistes

  • Citation : « Et quelques autres de semblable farine, à la lecture desquels [Gargantua] devint aussi sage. »
  • Explication :
  • L’expression « semblable farine » compare les livres à de la farine, ce qui n’a aucun lien avec la sagesse.
  • En réalité, Gargantua ne devient pas sage, mais au contraire niais et grossier.

Exemple dans le chapitre 17 : Les cloches de Notre-Dame

  • Citation : « Mais il les laissa par scrupule d'honnêteté, non qu'elles fussent trop chaudes, mais parce qu'elles étaient un peu trop lourdes à transporter. »
  • Explication :
  • Le « scrupule d’honnêteté » est ironique, car le voleur abandonne les cloches uniquement à cause de leur poids.

Le registre parodique

La parodie détourne les caractéristiques d’un genre littéraire pour le rendre comique ou absurde.

Une parodie des romans de chevalerie



  • Structure empruntée aux romans de chevalerie :
  • Gargantua suit un schéma traditionnel : enfance, exploits, guerre.
  • Les compagnons de Gargantua rappellent les amis fidèles des chevaliers, comme les pairs de Charlemagne (La Chanson de Roland).
  • La bataille du gué de Vède évoque les combats héroïques des chevaliers.

Les références détournées

  • Prologue : le livre est comparé à un roman de chevalerie imaginaire, Fessepinte.
  • Frère Jean : son courage rappelle les héros des chansons de geste, mais son comportement exagéré le rend comique.

La généalogie de Gargantua

  • Citation : « Revenant à nos moutons, je vous dis que par un don souverain des cieux l’antique origine et la généalogie de Gargantua a été préservée. »
  • Explication :
  • La généalogie des géants est censée être une découverte scientifique, mais elle repose sur des flacons d’alcool trouvés dans un tombeau.
  • Ce décalage entre sérieux et absurde est typique de la parodie.

L'abbaye de Thélème

  • Dans les romans de chevalerie, les chevaliers terminent souvent leur vie dans un monastère.
  • Gargantua fonde l’abbaye de Thélème mais n’y entre pas, ce qui montre une volonté de détourner les codes du genre.

Le registre satirique

La satire utilise le rire pour critiquer les travers de la société ou des institutions.

Critique des sophistes

  • Rabelais ridiculise les enseignants sophistes, qui rendent Gargantua ignorant malgré leurs méthodes.
  • Citation : « Gargantua devint aussi sage. » (ironie pour critiquer leur inefficacité).

Critique des traditions religieuses et sociales

  • Avec Frère Jean, Rabelais critique les abus du clergé tout en montrant un personnage comique et dynamique.
  • L’abbaye de Thélème est une critique des monastères traditionnels et une vision utopique de la liberté.

Exemple des généalogies

  • Le sérieux des recherches archéologiques est tourné en ridicule par la découverte des flacons d’alcool.
  • Cette absurdité critique les prétentions scientifiques sans fondement.


II- L’œuvre en profondeur : le contenu - LE SAVOIR


A- La critique, la dénonciation - le satirique : la triple critique


Critique de l’enseignement scolastique (chapitre 14)

Le maître Thubal Holoferne

  • Nom satirique :
  • « Thubal » signifie en hébreu confusion et fait référence aux distinctions inutiles de la scolastique.
  • Évoque aussi la Tour de Babel, symbole d’orgueil et de désordre.
  • Méthodes d’apprentissage absurdes :
  • Enseignement basé uniquement sur la mémoire : « il le disait par cœur à rebours ».
  • La récitation à l’envers est totalement absurde, transformant le savoir en un ensemble de sons dénués de sens.
  • Énumération de commentateurs fictifs :
  • Rabelais crée des noms comiques pour critiquer les scolastiques :
  • « Faquin » (homme méprisable),
  • « Tropditeux » (excès de paroles),
  • « Gualehaut » (référence noble suivie de « Jean le Veau » pour ridiculiser).


Les conséquences négatives de l’éducation scolastique (chapitre 15)

Gargantua, personnage ignorant et ridicule

  • Réaction démesurée et inappropriée : « il se mit à pleurer comme une vache ».



  • Comparé à un animal :
  • « Vache » (lourdeur, manque de subtilité).
  • « Âne » (bêtise, inutilité).
  • Rabelais critique son époque :
  • Le mot « jouvenceau » montre qu’il n’a pas grandi.
  • Complément « de ce siècle » dénonce les méthodes éducatives contemporaines.


Satire des habitudes inculquées (chapitre 21)

Critique des mauvaises habitudes

  • Ponocrates observe Gargantua pour évaluer les conséquences de son ancienne éducation.
  • Mauvaises pratiques :
  • Activités inutiles : « il gambadait, sautait, se vautrait ».
  • Satisfaction des besoins primaires : « fientait, pissait, vomissait, rotait, pétait ».
  • Critique implicite :
  • L’absence de discipline est associée à une éducation médiocre.

Les métaphores religieuses pour critiquer l’Église

  • Rabelais utilise l’image d’un « archidiacre » pour satiriser les hommes d’Église.
  • Les théologiens privilégient les plaisirs terrestres :
  • Champ lexical de la nourriture : « belles tripes frites », « belles grillades ».
  • Champ lexical de l’alcool : « boire matin », « boire à tas ».
  • Les pratiques religieuses deviennent absurdes :
  • « Un gros bréviaire pesant onze quintaux » symbolise le poids inutile des rituels.


La parodie des combats médiévaux

  • Les guerres picrocholines : une caricature des batailles chevaleresques.
  • Picrochole (roi violent) vs Grandgousier (monarque humaniste).
  • Picrochole incarne la folie et la démesure guerrière.

Critique de la guerre (chapitre 27)

Le combat de Frère Jean

  • Multiplication des termes violents :
  • Lexique de la destruction : « massacrèrent, brisèrent, écrasèrent ».
  • Hyperboles :
  • « Le plus horrible spectacle qu’on ait jamais vu. »
  • Vision réaliste et choquante de la guerre :
  • Frère Jean devient un antihéros, dénonçant l’atrocité des conflits.

Comparaison avec Candide (Voltaire)

  • Chapitre 3 :
  • La guerre y est décrite comme belle en apparence mais horrible dans les faits :
  • « Rien n’était si beau, si brillant. » (antiphrase).


B- Le dépassement de la critique : la proposition d’un idéal humaniste : le triple idéal


Caractéristiques de l'éducation humaniste (chapitre 15) :

  • Respect et modestie : Eudémon est poli (« demander la permission »), respectueux (« révérer »), et modeste (« modestie »).
  • Maîtrise du corps : Importance du corps (« poing », « visage », « bouche »). Adjectifs valorisants (« ouvert », « posé », « assuré »).
  • Culture classique : Maîtrise du latin (« si bonne latinité »), références à l'Antiquité (« Gracchus », « Emilius »).
  • Art oratoire : Discours structuré (« premièrement », « deuxièmement »), usage des cinq parties de la rhétorique (inventio, dispositio, elocutio, actio, memoria).





L'idéal selon Ponocrates (chapitre 23) :

  • Hygiène et sport : Lever à 4 h, attention à l'apparence (« habillé, peigné, coiffé »). Activité physique (« équitation », « maniement des armes »).
  • Régime alimentaire sain : Nourriture équilibrée (« pain, vin, herbes »).
  • Rythme de travail : Journée bien remplie (« ne perdait pas une heure »). Méthodes basées sur la curiosité et l'observation, non sur le par-cœur.
  • Valeurs : Importance de l'esprit (« mens sana in corpore sano ») et de la religion évangélique (« lecture authentique des Écritures »).


L'idéal politique humaniste chez Rabelais

  • Critique des monarques violents (guerres picrocholines) :
  • Rabelais dénonce la violence et l'injustice à travers Picrochole (parallèle avec Charles Quint).
  • L'éloge du roi humaniste (Grandgousier) :
  • Modèle de paix : Grandgousier prône l'éducation (« instruisez vos enfants ») et la paix (« vivez comme vous l’enseigne le bon apôtre saint Paul »).
  • Vision humaniste : Importance du travail (« travaillez chacun selon votre vocation ») et de la famille.


L'idéal de société et de vie religieuse

  • L'abbaye de Thélème (chapitre 57) :
  • Opposition aux abbayes traditionnelles :
  • Pas de règles strictes ni d'horaires imposés.
  • Mixité autorisée (hommes et femmes cohabitent).
  • Liberté de partir (« quitter l'abbaye »).
  • Rejet des vœux traditionnels :
  • Pas de pauvreté (« riches vêtements »).
  • Relations hommes-femmes valorisées (« ils se plaisent, se marient »).
  • Les valeurs humanistes :
  • Liberté : Règle « Fais ce que voudras », foi en l'homme éduqué.
  • Équité, culture et paix : Société idéale basée sur ces principes.


Rabelais présente un modèle à la fois éducatif, politique et social fondé sur les valeurs humanistes : éducation complète, paix, respect de l'individu et liberté de choix.


C- Le didactique (enseigner) et le philosophique (faire réfléchir) : savoir et réflexion


La visée didactique dans Gargantua


Les références culturelles et intellectuelles

  • Rabelais fait des allusions à des penseurs comme Platon, Socrate, Aristote, Plutarque.
  • Ces références montrent l'érudition de l’auteur et ancrent le texte dans la culture humaniste.


La richesse du vocabulaire

  • L’auteur utilise des termes techniques dans divers domaines :
  • Religieux, médical, juridique, universitaire.
  • Cela illustre sa maîtrise du savoir de son temps.


Le programme éducatif de Gargantua

  • L’idéal d’éducation humaniste couvre :
  • La terre, la mer, les plantes, les pierres.
  • Les métiers, les techniques humaines.
  • Les mathématiques, l’astronomie, la musique.
  • Aucun domaine de connaissance n’est laissé de côté.


La visée philosophique dans Gargantua



Une réflexion sur les apparences trompeuses

  • Rabelais invite à ne pas se fier aux apparences, comme le montre le Prologue :
  • La laideur de Socrate cachait une intelligence exceptionnelle.
  • Les Silènes, petites boîtes frivoles, renferment des trésors précieux.
  • Le côté comique de l’œuvre dissimule une grande profondeur philosophique.


Le registre et le style

  • Registre double : comique en surface, sérieux en profondeur.
  • Champ lexical de la philosophie dans le Prologue :
  • « Prince des philosophes », « compréhension », « soigneusement peser ».
  • Structure logique renforcée par des connecteurs : « Mais », « car », « c’est pourquoi ».


Le rire comme porte d’entrée

  • Le comique attire le lecteur, mais le contenu est sérieux :
  • Citation : « Il faut ouvrir le livre et soigneusement en évaluer le contenu. »
  • L’idée que « l’habit ne fait pas le moine » est centrale.


Un éloge de la philosophie

  • Gargantua cite Platon au chapitre 45 :
  • « Les républiques seront heureuses quand les rois philosopheront, ou quand les philosophes régneront. »
  • L’importance de la philosophie pour guider les gouvernants et éclairer la société.


III- Le contenu et le contenant de l’œuvre ; l’apparence et la profondeur - LE RIRE ET LE SAVOIR.


A- Rire DU savoir pédant (celui qui étale le peu de savoir qu’il a)


Chapitre 19 :

Gargantua vole les cloches de la cathédrale Notre-Dame pour les suspendre au cou de sa jument.

  • Réaction du peuple de Paris : Choqué par le vol, le peuple décide d’envoyer un émissaire, Janotus de Bragmardo, un vieux théologien, pour convaincre Gargantua de rendre les cloches.
  • Situation comique : Janotus ignore que Gargantua a déjà restitué les cloches.


Portrait de Janotus de Bragmardo

  • Nom symbolique : Le nom « Janotus de Bragmardo » évoque la trivialité et le ridicule.
  • Aspect physique : Il arrive déguisé dans un accoutrement grotesque.
  • État d’esprit : Incité à s’enivrer avant de parler, il est en piteux état devant Gargantua.


Critique du savoir vain

  • Satire des érudits : Janotus représente les théologiens de la Sorbonne, que Rabelais critique pour leur pédanterie.
  • Comique du discours :
  • Mélange de latin mal maîtrisé et de français familier.
  • Exemple de charabia en latin : « Omnis clocha clochabilis in clocherio clochando clochans clochativo clochare facit clochabiliter clochantes ».
  • Aucun de ces mots n’existe en latin, ce qui renforce l’absurdité.


Procédés comiques

  • Usage du latin : Janotus utilise un latin inventé, qui donne une impression de récitation scolaire inutile.
  • Caricature : Son discours est anarchique et ridicule, le rendant incapable de tenir un raisonnement logique.
  • Opposition : La rhétorique maladroite de Janotus contraste avec l’éloquence humaniste de Gargantua et Grandgousier.






Message de Rabelais

  • Critique des sophistes : Janotus incarne une érudition superficielle et stérile, basée sur la mémorisation plutôt que la réflexion.
  • Éloge des humanistes : Par opposition, Rabelais valorise un savoir utile et bien structuré, comme celui de Grandgousier et Gargantua.
  • Humour et enseignement : Le comique de cette scène permet à Rabelais de dénoncer le savoir vain tout en divertissant son lecteur.


B- Savoir EN riant : la métaphore du personnage de Gargantua


La métaphore du personnage de Gargantua dans l'œuvre de Rabelais

La naissance de Gargantua : une analogie avec Athéna

  • Comparaison avec Athéna : Gargantua naît par l'oreille, rappelant Athéna, déesse de l'intelligence et de la stratégie, qui sort armée de la tête de Jupiter.
  • Symbolisme : Cette naissance établit un lien entre le rire et l'intelligence, mettant en avant un nouveau héros romanesque.
  • Invitation au savoir : Les exclamations de Gargantua, « À boire ! à boire ! à boire ! », symbolisent une soif de savoir à étancher, non avec du vin, mais par la connaissance et le rire.


Le vêtement de Gargantua : une métaphore du savoir humaniste

  • Chapitre 8 : La façon de se vêtir de Gargantua
  • Les vêtements de Gargantua, blancs et bleus, sont symboliques.
  • Blanc : la joie de vivre, associée au rire.
  • Bleu : les choses célestes, associées à l'esprit et à la réflexion.
  • Conception rabelaisienne du savoir :
  • Le rire est lié à la joie, mais aussi à une dimension intellectuelle et spirituelle.
  • Gargantua devient une métaphore du savoir humaniste, mêlant rire et réflexion.


C- Le visée symbolique et créative du rire : savoir ce qui se cache derrière le rire


La visée symbolique et créative du rire dans Gargantua


La visée symbolique du rire

Le rire comme baptême symbolique (Chapitre 17)

  • Gargantua noie la capitale dans son urine « par ris » (pour rire), symbolisant un baptême par le rire.
  • Interprétation religieuse : Le baptême permet le salut de l'âme ; ici, le rire donne accès à des valeurs élevées.
  • Les Parisiens échappant à cette « bénédiction » deviennent des universitaires sophistes, considérés comme sacrilèges :
  • Citation : « Quelques-uns d'entre eux échappèrent à ce pissefort [...] et quand ils furent au plus haut du quartier de l'université, [...] ils commencèrent à blasphémer. »

L'épisode du torche-cul (Chapitre 13)

  • Question philosophique sous-jacente : Comment éliminer les « impuretés » du monde (passions dangereuses, vice, péché, mal) ?
  • Mikhaël Bakhtine, dans L'œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et à la Renaissance, voit une critique des doctrines chrétiennes sur la béatitude éternelle :
  • L’« oison bien duveteux » symbolise la volupté et la béatitude, qui naissent non pas en haut, mais en bas, par l'anus.

Œuvre parallèle : Les Essais de Montaigne

  • Montaigne réfléchit également sur le scatologique pour démontrer la puissance de la volonté humaine :
  • Citation : « Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul. »
  • Le scatologique invite à l’humilité, une valeur humaniste essentielle, contrastant avec l'orgueil des princes de la Renaissance.
  • Le rire, même trivial, peut avoir une portée philosophique et symbolique.


La visée créative du rire


Stimuler l'imagination (Chapitre 22)

  • Gargantua joue à des jeux dont les règles ne sont pas définies, incitant les lecteurs à inventer leurs propres jeux :
  • Citation : « Le tapis vert étendu, on étalait force cartes, dés, tablettes et alors il jouait : au flux, à la prime, à la vole, à la pille, [...] à bourri, bourri, zou. »

Développer l'inventivité de l'esprit (Chapitre 35)

  • Gymnaste, en combat, illustre la capacité de contourner les obstacles par l'intelligence et la créativité :
  • Citation : « Par la Mère Dieu ! C'est un lutin ou un diable déguisé. »
  • Ce passage montre que le rire rabelaisien est une émulation intellectuelle.

Conclusion : Le rire comme énigme

  • Gargantua est une œuvre complexe, pleine d'énigmes que le lecteur doit déchiffrer.
  • Selon La Bruyère (Les Caractères) :
  • Citation : « Rabelais est incompréhensible » et « son livre est une énigme, quoi qu’on veuille dire, inexplicable.»


IV- Gargantua est une énigme qui s’offre à notre savoir et à notre rire


A. Une œuvre comme un défi pour le savoir : le « mystère » de Gargantua

  • Nature de l’œuvre :
  • Rabelais décrit Gargantua comme une énigme à décrypter pour en extraire la « substantifique moelle », c'est-à-dire son sens caché ou « altior sensus ».
  • Le narrateur Alcofribas Nasier invite à une lecture allégorique, dépassant le sens littéral trompeur pour découvrir les significations profondes.
  • Mise en garde contre les excès de l’exégèse qui obscurcissent plutôt qu’ils n’éclaircissent.
  • Exemple : L’interprétation des Métamorphoses d’Ovide par le frère Lubain qui prétend y voir des références à l’Évangile.
  • Citation : « Homère n'a pas songé davantage à ces allégories qu'Ovide en ses Métamorphoses n'a songé aux mystères de l'Évangile. »
  • Lecture idéale :
  • Lire avec réflexion, comme un chrétien lit la Bible pour dépasser la lettre et atteindre l’esprit.
  • Métaphore du chien : Le lecteur doit « humer », « sentir » et « apprécier » les livres, puis, par un effort minutieux, « rompre l'os et sucer la substantifique moelle ».
  • Citation : « À l'exemple de ce chien [...] rompre l'os et sucer la substantifique moelle. »


B. Une structure énigmatique : des énigmes qui encadrent le texte

  • Principe d’organisation :
  • Selon Guy Demerson, l’œuvre suit une structure concentrique, avec deux énigmes en miroir :
  • Chapitre 2 : les Fanfreluches antidotées.
  • Chapitre 58 : l’énigme prophétique des fondations de Thélème.
  • Chapitre 2 : Les Fanfreluches antidotées
  • Poème énigmatique de 112 décasyllabes, présenté comme découvert dans un tombeau en bronze.
  • Style inspiré de Mellin de Saint-Gelais, mais le sens reste incompris.
  • Citation : « Les Fanfreluches antidotées restent incomprises – et peut-être volontairement incompréhensibles. » (Raphaël Cappellen)
  • Chapitre 58 : L’énigme des fondations de Thélème
  • Poème de 108 vers, interprété différemment par les personnages :
  • Frère Jean y voit une métaphore du jeu de paume.
  • Gargantua y discerne un appel à résister aux persécutions religieuses, inspiré de l’Apocalypse.
  • Citation : « Au reste, après la conclusion de ces événements [...] les élus retrouveront joyeusement tous leurs biens. »
  • Fonction des énigmes :
  • Ces mystères stimulent l’intellect du lecteur, laissant place à des interprétations multiples, sans certitude.





C. Entre mystère et poésie : le plaisir du texte avant tout

  • Insolubilité des énigmes :
  • Michael Screech souligne que certaines énigmes, comme celles des chapitres 2 et 58, ne peuvent être totalement résolues.
  • Objectif : se laisser porter par l’humour, la poésie et les jeux de langage.
  • Citation : « Une bonne énigme qui plaît est une énigme insoluble. »
  • Langue inventive et poétique :
  • Usage de néologismes, anagrammes, jeux onomastiques, etc.
  • Fonction : entraîner le lecteur dans un tourbillon de rythmes et de sonorités.
  • Interprétations multiples :
  • Le lecteur est invité à trouver son propre équilibre entre les différentes interprétations possibles.
  • Citation : « Peut-être à savoir rester assis le cul entre deux interprétations, entre Gargantua et frère Jean, et à s’y trouver bien. » (Raphaël Cappellen)


Conclusion

  • Gargantua est une œuvre complexe qui pousse à réfléchir tout en savourant le plaisir du texte. Rabelais n’impose pas une unique vérité mais célèbre la multiplicité des sens, valorisant la curiosité et l’humour comme outils de savoir.


Les chapitres à connaître :


Le Prologue : la métaphore des Silènes et de Socrate, le burlesque, la visée

philosophique.

Chapitre 6 : la naissance de Gargantua : le comique de situation, le héros comme

métaphore du savoir en riant

Chapitre 7 : l’allaitement grotesque de Gargantua : le grotesque

Chapitre 8 : les vêtements de Gargantua : l’humour grivois sur la taille du sexe de

Gargantua, le héros comme métaphore du savoir en riant

Chapitre 11 : les gouvernantes qui s’amusent avec le sexe de Gargantua : l’humour

grivois

Chapitre 13 : l’épisode de l’invention du torche-cul par Gargantua : humour

scatologique et portée symbolique

Chapitre 14 : la satire de Thubal Holoferne et la critique de l’éducation sophiste et

scolastique

Chapitre 15 : le discours d’Eudémon : éloge de l’éducation humaniste et critique de

l’éducation scolastique de Gargantua

Chapitre 17 : Gargantua noie Paris avec son urine : humour scatologique et la portée

symbolique

Chapitre 19 : le discours de Janotus de Bragmardo : rire du savoir pédant

Chapitre 21 : l’observation de Ponocrates : la critique du savoir scolastique et la satire

de la religion

Chapitre 22 : les jeux de Gargantua : le pouvoir créatif du rire

Chapitre 23 : la méthode éducative de Ponocrates : l’idéal d’éducation humaniste


Chapitre 27 : Frère Jean et son « bâton de croix » : le comique de geste, le burlesque, la

critique de la guerre et de la religion

Chapitre 35 : les prouesses de Gymnaste lors de ses combats : le pouvoir créatif du rire

Chapitre 45 : Grandgousier, modèle du monarque humaniste

Chapitre 57 : l’abbaye de Thélème et la critique des ordres monacaux

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