LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L'EXECUTION
1. Distinguer le droit à l'exécution et le droit de l'exécution
Les principes fondamentaux de l'exécution se retrouvent dans le Livre premier du code des procédures civiles d'exécution, intitulé "Dispositions générales".
Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, il est nécessaire d'introduire la matière en définissant le droit de l'exécution et son périmètre.
DEFINIR LE DROIT DE L'EXECUTION
Définition :
Le droit de l'exécution se définit comme l'ensemble des moyens légaux dont disposent les personnes pour obtenir l'exécution des obligations dont elles sont créancières.
Ces moyens légaux se retrouvent aujourd'hui, pour l'essentiel, dans le code des procédures civiles d'exécution.
Ce droit de l'exécution est le fruit d'un équilibre entre des droits fondamentaux antagonistes :
· Le droit à l'exécution du créancier
· Les droits protecteurs du débiteur
Un droit à l'exécution
« Tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ».
Ce principe se retrouve en tête du code des procédures civiles d'exécution, à l'article L. 111-1.
Pour mémoire, le droit à l'exécution des décisions de justice a été élevé au rang de droit fondamental par la Cour européenne des droits de l'homme, qui le rattache au droit au procès équitable prévu par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, 19 mars 1997, Hornsby c. Grèce).
La Cour a retenu que le droit d'accès à un tribunal « serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un Etat contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d'une partie. En effet, on ne comprendrait pas que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) décrive en détail les garanties de procédure - équité, publicité et célérité - accordées aux parties et qu'il ne protège pas la mise en œuvre des décisions judiciaires ; si cet article (art. 6-1) devait passer pour concerner exclusivement l'accès au juge et le déroulement de l'instance, cela risquerait de créer des situations incompatibles avec le principe de la prééminence du droit que les Etats contractants se sont engagés à respecter en ratifiant la Convention. L'exécution d'un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit donc être considérée comme faisant partie intégrante du "procès" au sens de l'article 6 »
Ce droit subjectif à l'exécution effective implique une obligation pour chaque Etat contractant de se doter d'un arsenal juridique adéquat et suffisant pour assurer l'exécution des décisions de justice.
Le rôle de la Cour européenne des droits de l'homme est d'examiner si les autorités ont respecté les obligations positives qui leur incombent en vertu de l'article 6 de la Convention.
En cas de défaillance d'un Etat contractant, elle va exercer un contrôle de proportionnalité entre les exigences de l'intérêt général et la protection des droits fondamentaux de l'individu (CEDH, 15 nov. 2002, Cau c. Italie, Dr. et procéd. 2003. 87, obs. N. Fricero et B. Menut).
Elle peut procéder selon la procédure de l'arrêt pilote. Pour mémoire, cette procédure a pour but de traiter plusieurs affaires similaires tirant leur origine d'un même problème. La Cour va rendre un arrêt dit « pilote » dont la finalité est d'aider l'Etat à éliminer le problème systémique ou structurel mis en évidence par la Cour. Cette dernière va alors suspendre le traitement des affaires en question, le temps pour l'État défendeur de réformer son droit. Ce dernier reste libre de déterminer les mesures à prendre.
Le droit à l'exécution est aujourd'hui reconnu comme un droit autonome qui concerne tous les titres exécutoires et non plus seulement les décisions de justice. La Cour européenne a, en effet, détaché le droit à l'exécution du procès au sens strict et étendu ce droit aux actes notariés en jugeant que les garanties de l'article 6, § 1er, s'appliquaient à l'exécution d'un acte notarié constatant un prêt avec affectation hypothécaire (CEDH 21 avr. 1998, Estima Jorge c/ Portugal).
Notez enfin que l'article L. 111-1 précité pose également, dans son deuxième alinéa, le principe d'un droit pour le créancier à la conservation de ses droits : « Tout créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits ».
La mise en œuvre d'une mesure conservatoire nécessite, comme nous le verrons ultérieurement, et comme il est dit à l'article L. 511-1 du code de procédures civiles d'exécution, la réunion de deux conditions : une créance paraissant fondée en son principe et l'existence de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. En outre, une autorisation judiciaire s'avère nécessaire à moins que le créancier ne dispose de l'un des titres visés à l'article L. 511-2 du code.
Un droit encadré
Le droit à l'exécution du créancier n'est pas un droit absolu.
Différents textes assurent la protection du débiteur et de ses biens.
A titre d'exemple, il est possible de citer l'article premier du quatrième protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme : « Nul ne peut être privé de liberté, pour la seule raison qu'il n'est pas en mesure d'exécuter une obligation contractuelle ».
L'exécution sur la personne du débiteur (ou contrainte par corps) pour l'exécution d'actes de droit privé est donc interdite.
Il est également possible de citer l'article 8, alinéa 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
En droit interne, la recherche d'un équilibre entre droit à l'exécution du créancier et protection des droits fondamentaux du débiteur est dictée par l'article L. 111-1 du CPCE : « Tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ».
Suivant la formule bien établie « nul ne peut se faire justice à soi-même », le créancier se doit de suivre, pour le recouvrement de sa créance, les règles établies par le code des procédures civiles d'exécution. Toute clause de voie parée est ainsi interdite.
L'équilibre entre le droit à l'exécution du créancier et la protection des droits fondamentaux du débiteur résulte des tempéraments apportés à ces différents droits.
Si le domicile du débiteur est protégé par l'article 8 de la CEDH de manière absolue pendant la nuit légale, il est possible pour le commissaire de justice mandataire du créancier d'y pénétrer, entre 6 heures et 21 heures, sous certaines conditions pour saisir les biens du créancier.
Toutefois la procédure de saisie-vente doit être respectueuse du principe de subsidiarité. La saisie-vente, lorsqu'elle tend au recouvrement d'une créance autre qu'alimentaire d'un montant inférieur à 535 euros en principal, ne peut être pratiquée, sauf autorisation du juge de l'exécution, dans un local servant à l'habitation du débiteur, que si ce recouvrement est impossible par voie de saisie bancaire ou de saisie des rémunérations du travail (art. L. 221-2 du CPCE). Le législateur a voulu imposer au créancier, qui est pourtant libre de choisir la mesure propre à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance en application de l'article L. 111-7 du CPCE, de procéder par voie de saisie des créances du débiteur, jugée moins traumatisante qu'une saisie-vente dans le local d'habitation de ce dernier, « sanctuaire auquel il est sacrilège de porter atteinte » (« La subsidiarité de la saisie-vente » R. Perrot et P. Théry, Recueil Dalloz 1996, p. 169).
Si le créancier dispose d'un droit de gage général sur les biens composant le patrimoine du débiteur (art. 2284 du code civil), ce droit connaît certains tempéraments.
Le législateur a par exemple prévu que certains biens seraient frappés d'insaisissabilité (article L. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution).
Le législateur met également à l'abri des saisies, les biens du débiteur bénéficiant d'une immunité d'exécution.
Autre exemple : l'exécution sur les meubles et les immeubles du débiteur est interdite dès l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire (sauf pour le recouvrement des créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période (Articles L. 622-21, L. 631-14 et L. 641-3 du code de commerce)...
Par ailleurs, si le créancier dispose d'un pouvoir de contrainte par la mise en œuvre de mesures d'exécution à l'encontre de son débiteur, ce dernier peut en contester la légalité en saisissant le juge de l'exécution dans des conditions bien définies. Ainsi, en matière de saisie-attribution, le débiteur peut porter sa contestation devant le juge de l'exécution du lieu où il demeure, dans le délai d'un mois suivant la dénonciation qui lui est faite de la saisie, par assignation qui doit être dénoncée le jour même où le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au commissaire de justice instrumentaire. Le tiers saisi en est avisé par lettre simple (art. R. 211-10 et s. du CPCE)
Pour résumer, comme le souligne un auteur, les procédures civiles d'exécution mêlent des considérations qui relèvent aussi bien de l'ordre public de direction, comme le droit du créancier à l'exécution effective, que de l'ordre public de protection, garant de la dignité du débiteur et de la protection de sa vie familiale (R. Perrot et Ph. Théry, Procédures civiles d'exécution, 3e éd., Da
Définition des procédures civiles d'exécution
« Les procédures civiles d'exécution désignent l'ensemble des voies de droit qui sont mises à la disposition des créanciers pour leur permettre d'obtenir ce qui leur est dû, au besoin par la coercition. » (R. Perrot et Ph. Théry, Procédures civiles d'exécution, 3e éd., Dalloz 2013, n°1).
Ainsi, faute pour le débiteur de s'exécuter spontanément, le créancier va pouvoir le contraindre en se conformant à des règles particulières. Il peut aussi, dans les mêmes conditions, garantir sa créance par une mesure conservatoire.
Les procédures civiles d'exécution peuvent porter en principe sur tous les biens du débiteur, expression du droit de gage général tel que prévu à l'article 2284 du code civil : « Quiconque s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ».
Ces procédures ne portent qu'exceptionnellement sur la personne, l'expulsion en étant l'illustration.
Différentes procédures civiles d'exécution :
Plusieurs classements peuvent être avancés :
- En fonction de la finalité :
Des termes de l'article L. 111-1 du code des procédures civiles d'exécution, il ressort que les procédures civiles d'exécution peuvent avoir pour finalité soit l'exécution forcée de l'obligation, soit la sauvegarde des droits du créancier. On distingue alors les mesures d'exécution forcée et les mesures conservatoires.
Plus précisément, les mesures d'exécution forcée ne peuvent être mises en œuvre que par un créancier titulaire d'un titre exécutoire.
Elles prennent la forme d'une saisie, sous réserve de la procédure d'expulsion, qui constitue également une mesure d'exécution forcée.
Elles peuvent tendre soit au paiement d'une somme d'argent, soit à la délivrance ou la restitution d'un bien. Quant à la procédure d'expulsion, elle tend à "la libération d'un local des personnes qui l'occupent et des biens qui s'y trouvent, au besoin par la force" (Perrot Théry, procédures civiles d'exécution, 3e édition, nov. 2013),
Les mesures conservatoires ont pour finalité la sauvegarde des droits du créancier. Traditionnellement, elles sont mises en oeuvre lorsque ce dernier n'est pas encore titulaire d'un titre exécutoire. Ainsi en est-il par exemple du créancier qui a obtenu un jugement non passé en force de chose jugée et non assorti de l'exécution provisoire.
Les mesures conservatoires peuvent tendre soit à la garantie d'une créance de sommes d'argent, soit à la garantie d'un droit à la délivrance ou la restitution d'un bien.
Elles peuvent prendre la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.
- En fonction de la nature :
On distingue trois types de procédures :
- Les saisies
- Les sûretés judiciaires
- L'expulsion.
- En fonction de l'objet :
Les procédures peuvent porter sur des biens meubles, corporels ou incorporels, des biens immeubles, ou encore sur la personne (expulsion).
Tableau des procédures civiles d'exécution
Notez qu'il existe d'autres saisies mobilières régies par des textes spéciaux, comme il est dit à l'article L. 241-1 du CPCE :
" Les dispositions particulières relatives aux autres procédures d'exécution mobilière sont énoncées :
1° Par le code des transports pour la saisie des navires et des aéronefs ;
2° Par le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure pour la saisie des bateaux de navigation intérieure d'un tonnage égal ou supérieur à vingt tonnes ;
3° Par le code de la propriété intellectuelle pour la saisie en matière de droits de propriété littéraire, artistique et industrielle ;
4° Par le code rural et de la pêche maritime pour les oppositions à tiers détenteur des mutualités sociales agricoles ;
5° Par le code de la sécurité sociale pour les oppositions à tiers détenteur des caisses de sécurité sociale."