1. DEFINITION ET GENERALITES
Leur dénomination a évolué : on parlait au préalable de déviances
sexuelles ou perversions sexuelles puis paraphilies puis troubles
paraphiliques.
Avec la publication du DSM III en 1980, la perversion sexuelle devient «
paraphilie », terme issu du grec para qui signifie « autour » ou « à côté »
et de philos, « amour ».
Le concept de paraphilie aurait été développé par Stekel (1868-1940)
dans son ouvrage sur les « aberrations sexuelles » (1923). Dans la
préface de cet ouvrage, Stekel distingue « les parapathies » qui relèvent
des névroses, les « paralogies » qui entrent dans le registre des
psychoses et les « paraphilies » dans celui des « perversions ». Il
distingue ainsi les paraphilies des autres catégories de troubles mentaux.
1923
Le sujet des paraphilies est très complexe car controversé à la fois dans
sa définition et dans sa catégorisation.
Qu’appelle-t-on paraphilie ? Que met-on dans la catégorie des
paraphilies ?
Quels sont les critères de définition à retenir ? (Sachant que ces critères
évoluent bien sûr en fonction des cultures, des époques et éventuellement
de différences interpersonnelles de points de vue).
Directement inspiré du courant de pensée de Kraft Ebing, pendant
longtemps, étaient considérés comme acte sexuel pathologique, tout
comportement sexuel hors cadre du rapport sexuel conjugal reproducteur
(donc homosexualité, sodomie…etc).
Puis on a introduit les notions de :
- Consentement (des animaux, des objets, des enfants ?),
- De « malaise » chez l’auteur
- De « malaise » chez l’autre
A partir de quel moment parle-ton de pathologie ? De trouble
psychiatrique ?
Quel est la part de responsabilité de l’auteur ?
Autant de questions complexes qui ont nécessité l'usage de classifications
internationales pour avoir un même référentiel, classifications également
très controversées.
Il s'agit de la CIM 11 et du DSM 5 dont nous avons
déjà parlé.
Ces troubles sont à l’interface entre psychiatrie, médecine légale et
sexologie.
Aujourd'hui en sexologie on retient comme sexualité « normale » tout acte
sexuel entre des personnes consentantes, majeures sexuellement, sans
qu'il y ait de conséquences physiques ou psychiques ni chez l'un ni chez
l'autre.
Il y a très peu de demandes de prise en charge spontanée de paraphilie
en cabinet de sexothérapie. La plupart du temps parce que les auteurs
n’éprouvent pas le désir de changer.
Rappelez-vous, une dysfonction sexuelle contient par définition (entre autres) une souffrance. Mais là il n’y a pas toujours ni malaise, ni souffrance.
Et quand les auteurs de paraphilies souffrent ce sera plus de l’isolement
que ces comportements engendrent ainsi que de la répercussion sur leur
fonctionnement social, professionnel et autre, que du comportement en
lui-même.
La plupart du temps ils vont consulter sur injonction de justice, et plutôt un
psychiatre qu’un sexologue.
2. SEMIOLOGIE
D'après le DSM-5, les paraphilies sont :
• Des fantaisies imaginatives (fantasmes) sexuellement excitantes,
des impulsions sexuelles ou des comportements
• Survenant de façon répétée et intense,
• Et impliquant des objets inanimés, la souffrance ou l'humiliation de
soi-même ou du partenaire, des enfants ou d'autres personnes non
consentantes.
Ces comportements doivent s'étendre sur une période d'au moins six
mois.
→ Chez certaines personnes, des fantaisies imaginatives ou des
stimuli paraphiliques sont obligatoires pour déclencher une
excitation sexuelle et font toujours partie de l'acte sexuel ; elles sont
alors exclusives.
→ Chez d'autres, les préférences paraphiliques n'apparaissent
qu'épisodiquement (par exemple, au cours de périodes de stress)
alors qu'à d'autres moments la personne est capable d'avoir un
fonctionnement sexuel sans faire appel à des fantaisies
imaginatives ou à des stimuli paraphiliques.
Le DSM-5 a introduit une distinction entre la paraphilie et le trouble
paraphilique.
Les troubles paraphiliques sont des paraphilies entraînant une souffrance
ou perturbant le fonctionnement du paraphile, ou nuisant, ou susceptibles
de nuire à une autre personne.
Ainsi, une paraphilie ne justifie pas systématiquement d’intervention
psychiatrique ; elle n’est pas toujours associée à un trouble paraphilique
(par exemple, une personne peut avoir des fantasmes paraphiliques sans
nécessairement ressentir le besoin de les assouvir dans ses pratiques
sexuelles).
Le DSM-5 décrit huit catégories de troubles paraphiliques :
• L’exhibitionnisme,
• Le fétichisme,
• Le frotteurisme,
• La pédophilie,
• Le masochisme et le sadisme sexuel,
• Le voyeurisme,
• Le transvestisme fétichiste.
• Exhibitionnisme : il consiste à exposer ses organes génitaux devant une
personne étrangère prise au dépourvue par ce comportement.
• Fétichisme : il implique l'utilisation d'objets inanimés.
• Frotteurisme : il implique l'acte de toucher et de se frotter contre une
personne non consentante.
• Pédophilie : il impliquant une activité sexuelle avec un enfant ou des
enfants prépubères.
• Masochisme : il implique des actes réels non simulés dans lesquels le
sujet est humilié, battu, attaché ou livré à la souffrance par d'autres
moyens.
• Sadisme : il implique des actes réels non simulés dans lesquels la
souffrance psychologique ou physique de la victime y compris son
humiliation déclenche une excitation sexuelle chez le sujet.
• Travestisme : il implique un travestissement.
• Voyeurisme : il consiste à observer une personne nue ou en train de se
déshabiller ou en train d'avoir des rapports sexuels et qui ne sait pas
qu'elle est observée.
• Mais aussi : sacatologie téléphonique, nécrophilie (cadavres), zoophilie
(animaux), coprophilie (selles), clystèrophilie (lavements), urophilie
(urines)…. Autant de « philies » qui entrent dans la catégorie des
paraphilies non spécifiées.
3. COMORBIDITES
• Troubles de personnalité (environ la moitié des cas) de type
psychopathique, antisocial, schizoïde ou narcissique.
• L’abus d’alcool ou de substances toxiques (50 à 83 % des cas).
• Le trouble déficit attentionnel avec ou sans hyperactivité (30 % des
cas).
• Troubles dépressifs actuels ou passés (61 à 81 % des cas).
• Troubles anxieux (31 à 64 % des cas).
• Déficience intellectuelle ou lésions cérébrales acquises (10 à 15 %
des cas).
On retient également une fréquence importante d’antécédents d’abus
sexuels dans l’enfance chez les sujets atteints de paraphilies.
4. ÉVALUATION
• Type de paraphilie et nombre
• Âge et sexe des victimes
• Exclusive ou non
• Victime connue ou non
• Âge de début
• Sadisme sexuel
• Comorbidités psychiatriques
• Déni /Motivation Violence/Impulsivité
• Usage de pornographie
• Hypersexualité
• Retard mental/Traumatisme crânien
• Abus sexuel dans l'enfance
• Comorbidité somatique (neurologique)
• Antécédents délictueux (sexuels/non sexuels)
• Traitement antérieur de paraphilie (efficacité, effets secondaires,
observance)
5. CONDUITE A TENIR
Le traitement des troubles paraphiliques s’articule autour de deux objectifs
fondamentaux :
• Améliorer la qualité de vie du déviant sexuel (et atténuer sa
souffrance)
• Empêcher la récidive du trouble paraphilique.
Des recommandations nationales et internationales ont été établies sur
ce sujet pour les personnes adultes et pour les adolescents présentant un
trouble paraphilique.
Il existe des centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs
de violences sexuelles dans la plupart des régions de France.
La prise en charge est fonction du niveau de sévérité : (traitement
médicamenteux à titre indicatif – pas à retenir par cœur) :
→ Paraphilies sans risque de délit sexuel : psychothérapie
conseillée.
→Exhibitionnisme ou pédophilie sans risque de viol : ISRS
(préférentiellement fluoxétine ou sertraline, aux doses
habituellement préconisées dans les troubles obsessionnels
compulsifs).
→Troubles paraphiliques et pédophiliques sans sadisme sexuel
coercitif et absence de réponse aux fortes doses d’ISRS : acétate
de cyprotérone (50–200 mg/j) (seul l’Androcur® ou CPA dans sa
forme 100 mg a l’AMM dans cette indication).
L’Agence française de sécurité des médicaments recommande (du fait du
faible risque de méningiome) de limiter l’utilisation du CPA aux cas où les
GnRHa sont contre-indiqués ou lorsque leur efficacité est insuffisante et
de renouveler le consentement du patient tous les ans.
→ Dès qu’il existe un risque de passage à l’acte sous forme de viol
envers des adultes ou des enfants, on conseille de recourir aux
GnRHa à longue durée d’action. Seule la triptoréline dans sa forme
11,25 mg (Salvacyl® pendant 3 mois) a obtenu l’AMM dans cette
indication.
En conclusion les paraphilies et troubles paraphilies restent à connaître
dans le domaine de la sexologie pour en faire la prévention et le diagnostic
mais sont rarement pris en charge en cabinet de ville de sexothérapie.
Il s'agit d'un sujet complexe en perpétuelle mouvance qui touche à la fois
le psychiatrique, le légal et le sexuel.