Chapitre 10 – Les compétences externes de l’Union : quand l’Europe s’invite à la table du monde
Acte 1 – Les compétences externes, c’est quoi ?
Définition
Compétences externes
Ce sont les pouvoirs de l’UE pour conclure des traités internationaux, passer des accords commerciaux, signer des conventions avec d’autres États ou organisations.
Base juridique
Article 216 TFUE : l’UE peut conclure un accord international si : Les traités le prévoient explicitement, Cela est nécessaire pour atteindre un objectif de l’Union.
§1 – Deux types de compétences externes : explicites et implicites
A. Les compétences explicites
Ce sont celles clairement prévues dans les traités. Exemple : Article 207 TFUE → politique commerciale commune = compétence externe exclusive. C’est l’UE seule qui signe les accords de libre-échange (comme avec le Canada ou le Japon).
B. Les compétences implicites (ou dérivées)
C’est plus subtil : quand l’UE a une compétence interne, elle peut aussi agir à l’international si c’est nécessaire pour exercer sa compétence interne. Ce principe a été posé par la CJUE dans l’arrêt AETR (1971) : Si l’UE agit en interne, elle peut (et parfois doit) agir en externe pour que ça ait du sens. Exemple : Si l’UE adopte des règles environnementales en interne, elle peut ensuite signer un accord international sur le climat, même si ce n’est pas explicitement prévu. C’est ce qu’on appelle l’alignement des compétences internes et externes.
§2 – Quand l’UE ne peut pas agir seule : les accords mixtes
Il arrive que les domaines concernés par un accord relèvent à la fois de l’UE et des États membres. Dans ce cas, on parle d’accord mixte. La CJUE les a reconnus comme valables, même s’ils sont un peu compliqués à mettre en œuvre politiquement. Exemple : L’accord CETA (Canada) est un accord mixte car il touche : La compétence exclusive de l’UE (commerce), Et des compétences nationales (investissements, juridictions). Résultat : l’accord a dû être ratifié à la fois par l’UE et par chaque État membre. C’est plus long, mais ça garantit que chacun garde sa part de souveraineté.
§3 – Le rôle de la CJUE : gardienne de l’équilibre
La Cour de justice a été déterminante pour clarifier les frontières entre compétences internes et externes. En plus de l'arrêt AETR (1971), elle a rendu des décisions importantes comme : Avis 2/15 (2017) sur l’accord avec Singapour La CJUE a précisé que certains éléments de l’accord (notamment les tribunaux d’arbitrage) relèvent des États membres, donc exigent un accord mixte.
§4 – La personnalité juridique de l’UE : une condition pour exister dans le monde
Avant 2009, seules les Communautés européennes avaient la personnalité juridique. L’UE en tant que telle ne pouvait pas signer d’accords en son nom. Tout change avec le Traité de Lisbonne (2009) : Article 47 TUE → L’Union obtient sa propre personnalité juridique. Cela veut dire : Elle peut signer des traités internationaux, Représenter l’Europe dans les sommets mondiaux, Devenir membre d’organisations internationales (ex : l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce).
A retenir :
Les compétences externes de l'UE sont cruciales pour sa capacité à s'engager sur la scène mondiale. Elles se divisent en compétences explicites, clairement définies dans les traités, et compétences implicites, qui permettent à l'UE d'agir au niveau international en lien avec ses compétences internes. Les accords mixtes sont nécessaires lorsque les compétences touchent à la fois l'UE et ses États membres, garantissant un équilibre entre l'unité européenne et la souveraineté nationale. La CJUE joue un rôle clé en clarifiant ces compétences, et depuis le Traité de Lisbonne, l'UE a sa propre personnalité juridique, renforçant ainsi sa capacité à participer activement dans le cadre mondial.