Un bien est, avant tout, une chose utile (A) et indivisible (B) qui, pour ces qualités, fait l’objet d’un droit de propriété lui-même un et indivisible. Chaque nouvelle utilité est susceptible de devenir un bien, c’est-à-dire un objet de propriété.
A)- utilité .
l'idée principale : les biens sont les choses qu'on s'approprie en raison de leur utilité .
Pour comprendre ce qu’est un bien, il faut donc répondre à deux questions : qu’est-ce qu’une chose ? (1) Qu’est-ce qu’une chose utile ? (2)
1)- Qu’est-ce qu’une chose ?.
- Définition de la chose : est l’un des mots les plus vagues de la langue française par lequel on désigne tout ce qui existe et qui est concevable comme un objet unique Par conséquent, comme le souligne le professeur Zenati-Castaing, deux attitudes peuvent gouverner l’interprétation d’un tel mot : la peur, car le vertige de l’infini peut conduire à une approche très restrictive. Les choses ne seraient que des objets matériels( corporelles ) . Ou le courage, qui conduit à l’existentialisme. Serait une chose tout ce qui existe .
Dans le Code civil Allemand paragraphe 80 on peut lire « les choses aux sens de la loi ne sont que des objets corporels ».
En France il n’existe aucun article équivalent dans le Code civil. Faut-il alors en déduire qu’en France les choses peuvent être aussi bien corporels qu’incorporels. -----> En droit français la chose désigne tout ce qui existe, tout objet qui existe, corporel ou non corporel, seul la personne juridique ne pouvant être désignée chose. Autrement dit, est une chose en droit, tout ce qui n’est pas une personne juridique, tout objet quel qu’il soit qui existe indépendamment de la personne juridique.
2)-Qu’est-ce qu’une chose utile ?.
- principe : Les personnes s’intéressent aux choses avant tout pour leur utilité et pour leur rareté.
- Utilité et rareté avec propriété : Toutes les choses utiles à l’homme ne deviennent pas nécessairement des biens. Les choses deviennent des biens uniquement lorsque leur bien fait ne peut être retiré qu’à la condition qu’elle fasse l’objet d’un droit de propriété. C’est là qu’intervient le critère de la rareté : seule la rareté impose la réservation des choses utiles et plus encore cette rareté rend nécessaire la répartition de l’utilité des choses entre les personnes.
Schémas : une chose c'est tout ce qui existe ( bien corporel / incorporel , meuble /immeuble ) que l'homme s'approprié en raison de son utilité et sa rareté -------> sauf la personne juridique ne peut pas faire l'objet de propriété car il est le sujet de ce droit ------> la chose doit être utile et rare : toutes les choses utiles à l’homme ne deviennent pas nécessairement des biens. Elles ne le deviennent que lorsque le bienfait ne peut en être retiré qu’à la condition qu’elles fassent l’objet d’un droit de la propriété + Seule la rareté impose donc la réservation des choses utiles et, plus encore, cette rareté rend nécessaire la répartition de l’utilité des biens entre les personnes.
EX: Tant que tout le monde peut respirer, ne se pose pas vraiment, malgré son utilité, la propriété de l’air. Mais le jour où l’air deviendra rare il faudra bien répartir son utilisation entre les différentes personnes, autrement dit il faudra réserver cette utilisation, ce qui n’est possible qu’à travers la technique de la propriété.
NB: L’utilité n’est pas le même selon l’évolution économique, technique et culturelle de la société donnée.
La rareté dépend du nombre de personnes désireuses de s’approprier de tel ou tels types de choses, mais également la quantité de ce type de chose.
- Exception :certaines choses utiles et rares ne sont pas appropriées : les res nullius sont celles qui, bien qu’ayant vocation à être appropriées, ne le sont pas faute de propriétaire.
- utilité et rareté sans propriété :
- D’abord les res nullius qui n’ont jamais été approprié par quiconque (ex : les poissons avant qu’ils ne soient pêchés, le gibier que le chasseur va s’approprier par sa chasse ».
- Ensuite les choses qui ont été appropriés mais délaissés par leur propriétaire qui est mort (mais par le mécanisme de la succession va vite retrouver une propriétaire) ou qui a choisi de les abandonner. Ces choses sont également des choses dites « sans maître » et leur statut la plupart du temps est un statut provisoire car sont susceptibles de devenir des biens par le mécanisme de l’occupation .
Exemples :
-Les immeubles abandonnés reviennent à la commune sur laquelle ils se situent ou, si celle-ci renonce, à l’État.
-L’État devient également propriétaire des biens des personnes qui décèdent sans héritier, de même que des successions auxquelles les héritiers ont renoncé.
-Les déchets font l’objet d’une réglementation spécifique au sein du Code de l’environnement . Principalement, les propriétaires doivent s’assurer de leur élimination en raison de leur caractère nuisible.
-Les épaves sont les objets perdus. elle demeure donc la propriété du propriétaire qui l’a perdue. Celui qui trouve une épave n’en devient pas propriétaire, sauf à l’acquérir par prescription acquisitive. Il existe quelques dérogations à ce principe, notamment en ce qui concernes les biens culturels, dont l’Etat peut devenir propriétaire . .
-Le trésor constitue une épave particulière, puisqu’il a généralement été caché, n’ayant donc pas été perdu, puis a été oublié par les successeurs de son propriétaire. Il est, selon la loi, « toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard " . il peut être revendiqué par son propriétaire et ne peut être acquis par occupation (il n’est pas une chose sans maître). Mais si l’on ne retrouve pas le propriétaire, il n’est pas attribué à l’État ; il l’est, par moitié, au propriétaire du bien dans lequel il a été retrouvé, celui de l’immeuble qui ignorait son existence, et par moitié à son inventeur, c’est-à-dire celui qui l’a découvert, s’il ne s’agit pas de la même personne.
B)- l'indivisibilité .
- En principe : Toute chose possède différentes utilités et c’est, en principe, l’ensemble de ces utilités qui constitue le bien.
- Exception :lorsque l’une des utilités d’une chose s’en détache et acquiert une certaine autonomie, elle a vocation à devenir un bien en soi.
illustrations :
1)-L’arrêt le plus représentatif d’un tel phénomène d’autonomisation a été rendu le 14 novembre 2000, par la Chambre criminelle de la Cour de cassation1 .
Faits : En l’espèce, une personne a remis une autorisation de prélèvement qui contenait son numéro de carte de crédit à PDG d'une société afin de payer une commande spécifique . cependant , le PDG a abusé de cette autorisation en effectuant un paiement pout une autre commande sans le consentement de la cliente .
Problème : la cour devrait décider quel type de détournement avait eu lieu . elle avait deux options : sanctionner le détournement de l'autorisation de prélèvement des fonds accessibles grâce à ce numéro ou sanctionner le détournement du numéro elle même .la cour a finalement choisit le détournement de numéro .
portée : dans cette affaire la carte de crédit physique n'avait jamais été remise au PDG ce qui a conduit la Cour à établir une distinction importante dans des affaires ultérieurs ( Cass. crim., 19 mai 2004 évidemment le numéro remis avec la carte, mais le numéro n’a pas été utilisé par l’auteur du détournement. Classiquement, il n’a en effet usé (puis abusé) que de la carte et de son code d’accès . Dans ces cas la cour a statué que c'était la carte -elle même qui avait été détournée soulignant que les objets de détournement ( carté = objet physique VS numéro de carte information ) sont différentes .
2)- les arrêts de la Cour EDH.
La Cour européenne a, sur le fondement de l’article 1 du 1er protocole additionnel à la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales, plus clairement encore fait de l’utilité un bien en soi.
- l'élargissement de al notion de propriété par la Cour : la Cour a élargi la notion de propriété pour inclure non seulement les biens matériels ( maison , terrain ) mais aussi des droits ou des intérêts qui peuvent être considérés comme ayant une valeur ( autrement dit ne se limite pas aux biens actuels car peut également recouvrir des valeurs patrimoniales, y compris des créances, en vertu desquelles le requérant peut prétendre avoir au moins une "espérance légitime = raison de croire que la situation est stable" et raisonnable d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété) ------> cela signifie que l'intérêt d'une personne est suffisant important pour constituer un bien au sens de l'article 1er ( l'utilité d'un bien pour le requérant même si elle n'est pas conforme aux normes traditionnelles de propriété est prise en compte) .
- le développement par la Cour de la théorie utilité approprié : la CEDH affirme que pour déterminer si un bien existe , il faut examiner les circonstances d'une affaire dans leur ensemble . cela signifie qu'un bien peut être reconnu même s'il n'est pas en possession légale ( l'idée que l'utilité d'un bien même potentielle est significative ) .
EX: l'affaire Oneryildiz contre Turquie 30 novembre 2004 : le requérant vivait avec sa famille dans un taudis de manière illégale , mais la Cour a reconnu son intérêt pour cet endroit caf il y avait établit sa vie familiale . de plus , l'administration turque avait lui imposé une taxe d'habitation ce qui témoigne d'une reconnaissance de fait de son occupation . la Cour a ainsi déterminé que cet intérêt était suffisamment important pour constituer un droit de propriété et que le requérant avait un espérance légitime de disposer de son logement .
EX2 : l'affaire Depalle contre France CEDH 29 mars 2010 : Le requérant a depuis 1960 une maison édifiée sur le domaine public maritime, maison qu’il habite et qui lui sert donc de logement. Les autorités nationales ont par un arrêté préfectorale refusé que celui-ci continue d’occuper le domaine public et lui ont demander de détruire sa maison. Le requérant porte l’affaire en justice pour violation de son droit de propriété sur le fondement de l’article 1 du Protocol 1.
La CEDH dans un arrêt du 29 mars 2010 constate l’absence de violation de l’article 1 du Protocol 1 au motif que même s’il existe un bien au sens de l’article, et donc un droit au respect de ces biens, les mesures prises par les autorités nationales ne sont pas disproportionnées par rapport à la situation. En effet le fait pour le requérant d’avoir connaissance de la précarité de la situation, puisque la maison était située sur le domaine public maritime ne lui permet pas de contester les mesures prises ces dernières l’étant à la vue de l’intérêt général librement apprécier par l’Etat. La juridiction retient que le requérant ne peut obtenir réparation parce que celui-ci connaissait l’absence d’indemnisation en cas de changement de situation et qu’il avait refusé les mesures qui lui étaient proposées.