INTRODUCTION :
Alors qu'il n'est qu'un adolescent, Arthur Rimbaud rédige en 1870 les Cahiers de Douai, son premier recueil de poésie. Nous y retrouvons le poème Vénus Anadyomène, qui signifie "Vénus sortant des eaux". Le titre de ce poème daté du 27 juillet 1870 peut faire référence au célèbre tableau du peintre italien Botticelli intitulé "La naissance de Vénus". On peut y voir la somptueuse divinité représentée sur un coquillage échoué sur la rive. Le poème reprend la forme classique du sonnet et évoque le mythe de la naissance de Vénus. Rimbaud souhaite révéler le manque de réalisme de cette vision "idyllique" de la femme en dressant son contre-blason. Il présente donc une Vénus hideuse, sortant avec difficulté, non pas des flots mais de sa baignoire. Rimbaud conteste donc les modèles esthétiques traditionnels avec une sorte de parodie qui correspond parfaitement au parcours "émancipation créatrice."
LECTURE EXPRESSIVE
PROBLÉMATIQUE :
Comment le jeune poète tourne-t-il en dérision l'image mythologique de Vénus ?
PLAN :
Nous allons suivre le plan des strophes de ce sonnet, Rimbaud y décrit l’émergence d'une femme de la tête au bas du dos, comme s'il baissait les yeux petit à petit. Dans le premier quatrain, Rimbaud commence par réaliser une parodie de naissance en rupture avec le mythe. Dans le deuxième, il met en avant un contre-blason du corps accompagné d'un gros plan sur le dos de la déesse. Dans le troisième quatrain, on peut retrouver la suite du contre-blason avec une description repoussante de l'ensemble du corps. Et enfin, dans le quatrième quatrain, le poète met en avant la parodie par un double dévoilement et par une chute.
1er mouvement :
Rimbaud débute sa description par la tête d'une femme émergeant d'une baignoire.
Il feint de rendre hommage au mythe de Vénus par une scène surnaturelle. Il la décrit comme une apparition.
- En effet, on peut relever le verbe d'action au présent de description "émerge de" qui la représente en mouvement.
- Dans un dévoilement progressif, le v 1 précise d'abord le lieu d'où elle sort par les propositions d'origine "d" et les adjectifs de couleurs "vert" et "blanc" qui renvoient aux couleurs de la mer des tableaux dans lesquels elle est représentée.
- Mais le poète ménage des surprises : l'adjectif "lente" dépeint une déesse peu agile et même pesante.
- On peut relever une comparaison avec laquelle Rimbaud assimile la baignoire d'où sort Vénus à un "cercueil" à la ligne 1, cela renvoie à l'image de la mort, qui s'oppose à la naissance de la déesse.
- Avec le contre-rejet et l'enjambement des v.1 et 3 ("une tête De femme" et "lente et bête, Avec des déficits") Rimbaud s'émancipe de la poésie traditionnelle mais en profite aussi pour créer une attente et imiter la lenteur de ses mouvements.
La parodie l'emporte puisque Rimbaud inverse les codes du mythe de la naissance de la déesse : Vénus née de l'écume des flots, perd sa divinité et sa grandeur en s'extrayant d'une baignoire.
- Elle surgit d'un objet banal au métal non précieux "baignoire" et "en fer blanc"
- Et le poète met en avant son usage avec l'adjectif "vieille" qui est en général utilisé par qualifier des êtres humains et on comprend donc que Rimbaud décrit Vénus à travers cet objet ordinaire.
- On peut observer l'hypallage "ravaudés" au vers 4 qui décrit à la fois Vénus mais aussi la baignoire fissurée.
- Et l'adjectif "vert" connote la moisissure.
Rimbaud ne décrit pas une déesse mais effectue en réalité un contre-blason d'une femme ordinaire:
- Il met en avant son humanité par le terme "tête" qui désigne un élément anatomique au vers 1 et par le complément de nom "de femme" qui est mis en valeur par un contre-rejet et qui brosse le portrait d'une mortelle.
- Le poète met en lumière sa vieillesse : selon lui, elle ressemble davantage à un mort-vivant qui surgit d'une baignoire comparée à un cercueil.
- Nous pouvons noter la présence d'un second hypallage avec "vieille baignoire" qui se moque davantage de la femme que de la baignoire.
- Le jeune homme souligne ses défauts par l'emploi du mot "déficits" qu'elle cache d'après le lexique de l'artifice : comme "assez mal ravaudés" au vers 4 qui rime avec "fortement pommadés" au vers 2.
- Ses efforts pour camoufler sa vieillesse sont soulignés par les adverbes hyperboliques au vers 2 et 4 comme "fortement" qui insiste sur la nécessité de masquer ses cheveux blancs.
- Vénus est décrite davantage comme une comédienne qui a recourt à du maquillage de manière excessive plutôt qu'à une divinité avec une beauté naturelle.
- Il met en avant son apparence qui est loin du cliché de la blondeur de Vénus qu'il souligne avec l'utilisation de l'expression "cheveux bruns" au vers 2.
- Il insiste aussi sur sa stupidité d'après l'adjectif "bête" qu'on peut qualifier d'animalisant qui va l'éloigner encore une fois des stéréotypes de la mythologie.