L’élément matériel du vol consiste en la soustraction de la chose d’autrui. La loi ne définit pas explicitement ce qu’est une soustraction, mais la jurisprudence a élargi sa compréhension afin de l'adapter aux évolutions sociales et technologiques.
A. Une soustraction
- La soustraction matérielle
La soustraction matérielle est la forme classique du vol : il s’agit de s’emparer physiquement d’une chose sans le consentement de son propriétaire. Depuis l’arrêt Baudet du 18 novembre 1837, la jurisprudence considère que soustraire signifie prendre, enlever ou ravir, impliquant un déplacement de la chose effectué à l’insu du propriétaire. Si celui-ci remet volontairement la chose, même après tromperie, il n’y a pas vol mais éventuellement une autre infraction, comme l’escroquerie. La jurisprudence reconnaît aussi le vol d’usage, où l’auteur utilise temporairement la chose comme s’il en était le propriétaire, même s’il la restitue. L’arrêt Logabax du 8 janvier 1979 en est l’illustration : un salarié qui photocopie des documents professionnels et les remet en place commet néanmoins un vol.
Cependant, depuis deux arrêts du 11 mai 2004, une exception est admise : il n’y a pas vol si le salarié, dans le cadre d’un litige prud’homal, se saisit de documents strictement nécessaires à l’exercice de sa défense. La chambre criminelle a ainsi reconnu un fait justificatif, conciliant droit de se défendre et principe de légalité pénale.
- La soustraction juridique
La soustraction juridique est une forme de vol reposant sur une prise de possession illégitime vis-à-vis du droit de propriété sans déplacement matériel. Ce type d'infraction est souvent exploré dans des contextes où le voleur se comporte comme le propriétaire légitime, par exemple, en essayant un vêtement dans un magasin ou en s'appropriant une chose remise par erreur. La distinction de ce vol par rapport à l'abus de confiance est souvent laissée à la discrétion de la jurisprudence pour détermination adéquate.
B. Une chose susceptible d'appropriation
Pour être volée, la chose doit appartenir à autrui et être susceptible d’appropriation. Cela vise principalement les meubles corporels (voitures, objets, animaux, même après la réforme de 2015). Longtemps exclu, le vol d’électricité est reconnu depuis un arrêt du 3 août 1912, confirmé par l’article 311-2 du Code pénal. De même, la jurisprudence a admis le vol de données numériques (arrêts de 2015 et 2017), bien qu’un texte spécial (article 323-3 du Code pénal) régisse l’extraction illicite de données. En principe, les immeubles ne peuvent être volés, sauf s’ils sont des immeubles par destination (ex : statue détachable d’un bâtiment).
C. La chose d'autrui
la chose volée doit effectivement appartenir à quelqu’un. Les choses sans maître (res nullius) ou abandonnées (res derelictae) sont exclues, sauf si l’abandon n’est pas clairement établi (ex : chose trouvée). La jurisprudence a aussi reconnu le vol lorsqu’un salarié s’approprie une invention créée dans le cadre de son travail. Par ailleurs, même si une personne est propriétaire d’un bien, le reprendre sans autorisation alors qu’il a été laissé en gage peut constituer un vol si le tiers en avait la garde.