Responsabilité Civile ≠ Responsabilité Pénale
- Responsabilité civile : vise à réparer un dommage prouvé (dommage = atteinte à un droit protégé juridiquement). Le demandeur doit prouver une perte ou un gain manqué pour obtenir compensation. Le dirigeant n’est responsable que si un dommage est prouvé.
- Responsabilité pénale : vise à sanctionner les infractions contraires à l’ordre public ou antisociales. L’objectif est de punir le comportement, sans exigence de preuve de préjudice pour la société. Il suffit de prouver l’existence d’une infraction pour engager la responsabilité, même sans préjudice direct.
=> Une même action peut déclencher une procédure civile et pénale, permettant ainsi de demander à la fois la répression et la réparation.
La Responsabilité Civile des Dirigeants de Société
Responsabilité civile envers la société : Le dirigeant peut être tenu responsable envers la société pour les dommages causés par une faute de gestion, une violation de la loi, ou des statuts. En cas de préjudice social (perte patrimoniale pour la société), la société peut exercer une action sociale pour obtenir réparation. Cette action se prescrit par 3 ans à compter de la commission de la faute ou de sa révélation. Types d’actions possibles :
- Action sociale ut universi : exercée par la société ou ses représentants légaux.
- Action sociale ut singuli : permet à un associé de représenter la société en cas de carence du dirigeant, pour obtenir réparation au bénéfice de la société. C’est une prérogative subsidiaire et inaliénable, garantissant aux associés un contre-pouvoir même s’ils n’étaient pas associés au moment des faits.
Responsabilité civile envers les associés : Un dirigeant peut être tenu responsable envers les associés pour des fautes de gestion ayant causé des préjudices individuels à leur patrimoine personnel (ex : non-paiement de dividendes, convocation manquée à une AG). La JP limite cette action aux cas de violation des droits essentiels de l’associé.
Responsabilité civile envers les tiers : La JP (Com., 20 mai 2003) a établi que la responsabilité personnelle du dirigeant peut être engagée envers les tiers en cas de faute détachable de ses fonctions = une faute d’une gravité particulière manifestement incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions (ex : détournement de biens).
--> Com, 28 septembre 2010 : Toute faute constitutive d’une infraction pénale intentionnelle est désormais présumée séparable des fonctions du dirigeant. Le demandeur n’a pas à prouver la gravité de la faute, ni même qu’elle est « détachable » des fonctions. Cela signifie que toute infraction intentionnelle engage la responsabilité personnelle du dirigeant envers la société ou des tiers. Ainsi, en cas d’infraction pénale intentionnelle (comme la fraude ou l’abus de confiance), la responsabilité personnelle du dirigeant peut être engagée sans que la victime doive prouver que cette faute soit exceptionnelle par sa gravité. Cette approche simplifie le recours à l’action en responsabilité civile contre le dirigeant.
La Responsabilité Pénale des Dirigeants de Société
Infractions classiques de droit pénal
- Faux et usage de faux : exemple de faux PV.
- Escroquerie : tromperie pour obtenir des fonds auprès d’investisseurs.
- Abus de confiance : abus des biens de la société dans son intérêt personnel (fréquent dans les sociétés de personnes).
- Abus de biens sociaux : spécifique aux sociétés commerciales, lorsque le dirigeant fait un usage personnel des biens de la société, sachant que c’est contraire à son intérêt.
Infractions spécifiques aux sociétés
- Distribution de dividendes fictifs : distribution de fonds alors qu’il n’y a pas de bénéfices distribuables.
- Publication de comptes infidèles : pour dissimuler la véritable situation financière d’une société.
La Responsabilité des Dirigeants en Cas de Procédure Collective
La procédure collective intervient lorsqu’une société est en cessation de paiement (= lorsqu’elle ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible). Cette situation conduit généralement à l’ouverture de procédures collectives de redressement ou de liquidation judiciaire, qui visent soit à sauver l’entreprise, soit à rembourser ses créanciers autant que possible. Dans ce contexte, des règles spécifiques s’appliquent à la responsabilité civile, pénale et professionnelle des dirigeants.
La Responsabilité Civile des Dirigeants - Action en responsabilité pour insuffisance d’actif : En cas de liquidation judiciaire, le Code de commerce permet au liquidateur de rechercher la responsabilité personnelle des dirigeants. Le dirigeant pourra être contraint, sur ses biens personnels, de supporter une partie du passif de la société s’il a commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société. Cette action est spécifique et s’applique à tous les faits antérieurs à la procédure collective. Exigences spécifiques :
- L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif n’est applicable qu’en cas de liquidation judiciaire
- Seuil de gravité de la faute : Depuis la loi Sapin II de 2016, une simple négligence ne constitue pas une faute de gestion au sens de cet article. La négligence doit être d’une gravité particulière pour engager la responsabilité du dirigeant.
- Extension aux dirigeants de fait : Cette action peut s’appliquer non seulement aux dirigeants de droit (c’est-à-dire officiellement désignés) mais également aux dirigeants de fait (personnes qui exercent en pratique le pouvoir de direction, même sans statut officiel).
La Responsabilité Pénale des Dirigeants - Le Délit de Banqueroute : En plus des infractions pénales classiques, les dirigeants sont exposés, en cas de procédure collective, au délit de banqueroute (article L. 654-2 du Code de commerce). Ce délit inclut des comportements spécifiques et intentionnels visant à dissimuler les difficultés financières de l’entreprise ou à manipuler les actifs ou passifs de celle-ci. Exemples :
- Achat en vue d’une revente sous le cours pour éviter la procédure
- Emploi de moyens ruineux pour obtenir des fonds
- Détournement ou dissimulation de l’actif du débiteur
- Augmentation frauduleuse du passif du débiteur
- Comptabilité fictive ou destruction de documents comptables
- Comptabilité incomplète ou irrégulière
==> Sanctions : Ces actes sont passibles de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende, en plus des autres sanctions potentielles.
La Responsabilité Professionnelle des Dirigeants : Le dirigeant peut aussi être exposé à des sanctions professionnelles si les comportements en cause sont les mêmes que pour le délit de banqueroute. Le tribunal dispose de 2 types de mesures professionnelles :
- Faillite personnelle : Elle interdit au dirigeant d’exercer toute activité commerciale, artisanale, agricole ou indépendante selon le secteur de la société qui a failli pour une durée maximale de 15 ans et sur l'ensemble du territoire français. Cette mesure représente une restriction significative de la liberté professionnelle.
- Interdiction de gérer : Une mesure d’interdiction de gestion peut être prononcée à l’encontre du dirigeant, avec une portée et une durée adaptées (limitation de certaines activités spécifiques, sur un secteur géographique donné, sur un temps délimité).
==> Ces interdictions peuvent faire l’objet d’une publicité. En cas de violation, le dirigeant encourt 2 ans d’emprisonnement. Des contournements sont courants, tels que la création de sociétés par des personnes interposées (comme des membres de la famille).