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La prose du transsibérien


I. Introduction : Un poème de voyage moderne et autobiographique



La Prose du Transsibérien (1913) de Blaise Cendrars se présente comme un récit de voyage poétique et initiatique, profondément moderne par sa forme comme par son contenu. Le narrateur, adolescent-poète, entreprend un périple à travers la Russie en pleine guerre, entre souvenir personnel, imaginaire onirique et visions du monde contemporain.





II. Un récit de voyage en deux temps




1. Une narration structurée par des étapes temporelles et spatiales



Dès les premiers vers, Cendrars introduit son récit à travers des connecteurs temporels :


  • « En ce temps-là », qui ancre le souvenir dans un passé lointain et subjectif ;
  • « Puis, tout à coup », marquant une rupture brutale dans le fil de la narration ;
  • « Or, un vendredi matin », plus précis, installe le récit dans une forme réaliste.



Deux étapes précèdent le départ effectif :


  • Étape 1 : Moscou, point de départ poétique, évocateur, presque mythique (vers 1-45)
  • Étape 2 : Attente du départ, observation de la vie dans les gares, contexte de guerre, figures marchandes, femmes, cercueils (vers 46-91)



C’est seulement vers 92 que le voyage commence réellement avec le départ du narrateur à bord du train.





III. Un univers réaliste à la modernité tranchée




2. L’ancrage réaliste du début du poème



Malgré le ton poétique, l’univers évoqué est en partie réaliste :


  • Lieux précis : Moscou, Place Rouge, le Kremlin, la Sibérie, Kharbine, Pforzheim, Malmoë…
  • Personnages : le poète adolescent, le vieux moine, les soldats, les marchands, les femmes prostituées, le bijoutier, les joueurs de cartes…
  • Objets concrets : 34 coffres, réveils, tire-bouchons, cercueils, browning, plaid, vitres givrées.



Tout cela participe d’une description sensorielle du monde moderne et instable du début du XXe siècle.





IV. Le portrait du jeune poète : entre auto-dérision et quête d’absolu




3. Un autoportrait marqué par l’ambiguïté



Le poème est écrit à la première personne, ce qui renforce la dimension autobiographique. Le narrateur dit :


« En ce temps-là j’étais en mon adolescence »

« J’étais déjà si mauvais poète »


Dans la note 1, on apprend que Cendrars se projette dans ce poète en devenir. Il mêle expérience vécue et fiction poétique, illustrant ce que la citation célèbre exprime :


« Qu’est-ce que ça peut te faire, puisque je vous l’ai fait prendre à tous ! »


Portrait du poète :


  • Jeune, impulsif : « Mon cœur tour à tour brûlait comme le temple d’Éphèse »
  • Avide de sensations : « J’aurais voulu les boire et les casser »
  • Mauvais poète, mais sincère : « Je ne savais pas aller jusqu’au bout »
  • Imaginatif et joueur : « Je croyais jouer au brigand »
  • Lucide et mélancolique : « Et pourtant, j’étais triste comme un enfant »






V. Sentiments contrastés et perception sensorielle




4. Des émotions ambivalentes



L’adolescent-poète traverse une gamme d’émotions contradictoires :


  • Exaltation : « mon adolescence était si ardente et si folle »
  • Colère et violence : « j’aurais voulu broyer tous les os »
  • Tristesse : « j’étais triste comme un enfant »
  • Solitude : « ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle écossais »



Ces sentiments traduisent un malaise existentiel, typique de l’adolescence mais amplifié par le contexte historique (guerre, misère, chaos).





5. Sensations visuelles et auditives – impression d’accélération



Sons et images :


  • Visuel : « les vitres sont givrées », « les grandes amandes des cathédrales »
  • Auditif : « les jurons des joueurs de cartes », « le sifflement de la vapeur », « le bruit éternel des roues en folie »



Les énumérations créent un rythme haletant :


« Et toutes les vitrines et toutes les rues / Et toutes les maisons et toutes les vies »


Les phrases nominales (« Couché dans un plaid / Bariolé / Comme ma vie ») accentuent la discontinuité et le désordre intérieur du poète.





VI. Vers libres et modernité formelle




6. La liberté du vers libre



Cendrars utilise des vers libres, parfois très longs ou très courts, sans ponctuation rigide. Cela lui permet :


  • De mimer la diversité des impressions ;
  • D’exprimer le flux de conscience, comme dans un monologue intérieur ;
  • De casser les codes traditionnels du vers régulier.



Exemples :


« Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare croustillé d’or »

« Et la seule flamme de l’univers / Est une pauvre pensée… »


Ce désordre contrôlé reflète un monde en pleine mutation.





VII. Métapoétique et imagination littéraire




7. Regard critique sur ses débuts poétiques



Le narrateur s’autoqualifie deux fois de :


« mauvais poète »


Il reconnaît ses limites :


« Je ne savais pas aller jusqu’au bout »


Cette autocritique, teintée d’ironie, rend le poème plus authentique : il ne prétend pas à la grandeur, mais à la sincérité. C’est un poète en formation.





8. L’univers imaginaire et les lectures d’enfance



L’évocation de figures littéraires et mythiques enrichit l’imaginaire :


  • Jules Verne, Alibaba, le Vieux de la Montagne, les boxers de Chine…
  • Les saltimbanques, les khoungouzes, les fidèles du Grand-Lama



Cela mêle l’imaginaire enfantin aux angoisses modernes, dans une ambiance fantastique et menaçante.





VIII. Modernité des images poétiques




9. Comparaisons et métaphores originales



Dans les premières strophes, la réalité est constamment métamorphosée :


  • « mon cœur […] brûlait comme la place Rouge de Moscou »
  • « Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare »
  • « mes mains s’envolaient […] avec des bruissements d’albatros »



Cendrars mélange sacré et profane, objets quotidiens et références historiques. Ces images marquent la rupture avec la poésie symboliste : place à une poésie urbaine, matérielle, concrète.





Conclusion : une révolution poétique



Blaise Cendrars invente ici un nouveau lyrisme, moderne, cosmopolite, traversé de violences historiques et d’élans personnels. Il écrit une épopée du XXe siècle, avec ses trains, ses armes, ses révolutions – et ses poètes en quête de sens.

Ce début du poème annonce toute l’ampleur du projet : faire du monde moderne une matière poétique, sans rien en gommer de sa brutalité ni de sa beauté.



La prose du transsibérien


I. Introduction : Un poème de voyage moderne et autobiographique



La Prose du Transsibérien (1913) de Blaise Cendrars se présente comme un récit de voyage poétique et initiatique, profondément moderne par sa forme comme par son contenu. Le narrateur, adolescent-poète, entreprend un périple à travers la Russie en pleine guerre, entre souvenir personnel, imaginaire onirique et visions du monde contemporain.





II. Un récit de voyage en deux temps




1. Une narration structurée par des étapes temporelles et spatiales



Dès les premiers vers, Cendrars introduit son récit à travers des connecteurs temporels :


  • « En ce temps-là », qui ancre le souvenir dans un passé lointain et subjectif ;
  • « Puis, tout à coup », marquant une rupture brutale dans le fil de la narration ;
  • « Or, un vendredi matin », plus précis, installe le récit dans une forme réaliste.



Deux étapes précèdent le départ effectif :


  • Étape 1 : Moscou, point de départ poétique, évocateur, presque mythique (vers 1-45)
  • Étape 2 : Attente du départ, observation de la vie dans les gares, contexte de guerre, figures marchandes, femmes, cercueils (vers 46-91)



C’est seulement vers 92 que le voyage commence réellement avec le départ du narrateur à bord du train.





III. Un univers réaliste à la modernité tranchée




2. L’ancrage réaliste du début du poème



Malgré le ton poétique, l’univers évoqué est en partie réaliste :


  • Lieux précis : Moscou, Place Rouge, le Kremlin, la Sibérie, Kharbine, Pforzheim, Malmoë…
  • Personnages : le poète adolescent, le vieux moine, les soldats, les marchands, les femmes prostituées, le bijoutier, les joueurs de cartes…
  • Objets concrets : 34 coffres, réveils, tire-bouchons, cercueils, browning, plaid, vitres givrées.



Tout cela participe d’une description sensorielle du monde moderne et instable du début du XXe siècle.





IV. Le portrait du jeune poète : entre auto-dérision et quête d’absolu




3. Un autoportrait marqué par l’ambiguïté



Le poème est écrit à la première personne, ce qui renforce la dimension autobiographique. Le narrateur dit :


« En ce temps-là j’étais en mon adolescence »

« J’étais déjà si mauvais poète »


Dans la note 1, on apprend que Cendrars se projette dans ce poète en devenir. Il mêle expérience vécue et fiction poétique, illustrant ce que la citation célèbre exprime :


« Qu’est-ce que ça peut te faire, puisque je vous l’ai fait prendre à tous ! »


Portrait du poète :


  • Jeune, impulsif : « Mon cœur tour à tour brûlait comme le temple d’Éphèse »
  • Avide de sensations : « J’aurais voulu les boire et les casser »
  • Mauvais poète, mais sincère : « Je ne savais pas aller jusqu’au bout »
  • Imaginatif et joueur : « Je croyais jouer au brigand »
  • Lucide et mélancolique : « Et pourtant, j’étais triste comme un enfant »






V. Sentiments contrastés et perception sensorielle




4. Des émotions ambivalentes



L’adolescent-poète traverse une gamme d’émotions contradictoires :


  • Exaltation : « mon adolescence était si ardente et si folle »
  • Colère et violence : « j’aurais voulu broyer tous les os »
  • Tristesse : « j’étais triste comme un enfant »
  • Solitude : « ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle écossais »



Ces sentiments traduisent un malaise existentiel, typique de l’adolescence mais amplifié par le contexte historique (guerre, misère, chaos).





5. Sensations visuelles et auditives – impression d’accélération



Sons et images :


  • Visuel : « les vitres sont givrées », « les grandes amandes des cathédrales »
  • Auditif : « les jurons des joueurs de cartes », « le sifflement de la vapeur », « le bruit éternel des roues en folie »



Les énumérations créent un rythme haletant :


« Et toutes les vitrines et toutes les rues / Et toutes les maisons et toutes les vies »


Les phrases nominales (« Couché dans un plaid / Bariolé / Comme ma vie ») accentuent la discontinuité et le désordre intérieur du poète.





VI. Vers libres et modernité formelle




6. La liberté du vers libre



Cendrars utilise des vers libres, parfois très longs ou très courts, sans ponctuation rigide. Cela lui permet :


  • De mimer la diversité des impressions ;
  • D’exprimer le flux de conscience, comme dans un monologue intérieur ;
  • De casser les codes traditionnels du vers régulier.



Exemples :


« Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare croustillé d’or »

« Et la seule flamme de l’univers / Est une pauvre pensée… »


Ce désordre contrôlé reflète un monde en pleine mutation.





VII. Métapoétique et imagination littéraire




7. Regard critique sur ses débuts poétiques



Le narrateur s’autoqualifie deux fois de :


« mauvais poète »


Il reconnaît ses limites :


« Je ne savais pas aller jusqu’au bout »


Cette autocritique, teintée d’ironie, rend le poème plus authentique : il ne prétend pas à la grandeur, mais à la sincérité. C’est un poète en formation.





8. L’univers imaginaire et les lectures d’enfance



L’évocation de figures littéraires et mythiques enrichit l’imaginaire :


  • Jules Verne, Alibaba, le Vieux de la Montagne, les boxers de Chine…
  • Les saltimbanques, les khoungouzes, les fidèles du Grand-Lama



Cela mêle l’imaginaire enfantin aux angoisses modernes, dans une ambiance fantastique et menaçante.





VIII. Modernité des images poétiques




9. Comparaisons et métaphores originales



Dans les premières strophes, la réalité est constamment métamorphosée :


  • « mon cœur […] brûlait comme la place Rouge de Moscou »
  • « Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare »
  • « mes mains s’envolaient […] avec des bruissements d’albatros »



Cendrars mélange sacré et profane, objets quotidiens et références historiques. Ces images marquent la rupture avec la poésie symboliste : place à une poésie urbaine, matérielle, concrète.





Conclusion : une révolution poétique



Blaise Cendrars invente ici un nouveau lyrisme, moderne, cosmopolite, traversé de violences historiques et d’élans personnels. Il écrit une épopée du XXe siècle, avec ses trains, ses armes, ses révolutions – et ses poètes en quête de sens.

Ce début du poème annonce toute l’ampleur du projet : faire du monde moderne une matière poétique, sans rien en gommer de sa brutalité ni de sa beauté.


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