Partielo | Créer ta fiche de révision en ligne rapidement

L’extinction de l’action publique

l’infraction cause 2 types de préjudices:

  • la violation d’une règle sociale, la transgression d’un interdit, qui cause un préjudice à l’ensemble du corps social, à la société
  • un préjudice causé à la victime, individu


2 actions en justice naissent de la commission d’une infraction:

  • l'action publique : exercée au nom de la société
  • l'action civile : exercée au nom de la victime

-> point commun : déclencher les poursuites à l’encontre de l’auteur du délit


finalités et buts différents:

L’action civile : la réparation d’un préjudice personnel, par le jeu de la responsabilité civile.

L’action publique : la réparation d’un préjudice symbolique, celui de la société, par l’application d’une peine (emprisonnement, neutralisation, rétribution, intimidation, resocialisation, …).


La mise en mouvement d’une action a pour conséquence de saisir une juridiction d’une demande ; en matière pénale, il peut s’agir d’une juridiction de jugement ou d’une juridiction d’instruction ; l’une et l’autre peuvent être saisie tant par le ministère public que par la victime de l’infraction, sous certaines conditions.


S’agissant de l’action publique, la décision du ministère public de mettre en mouvement ou non l’action publique est plus ou moins guidée, par des considérations d’opportunité (c’est l’opportunité des poursuites), dans le respect du cadre légal (par exemple, l’instruction est obligatoire en matière criminelle).


Plusieurs choix s’offrent donc au ministère public pour apporter une réponse à l’infraction :

  • soit la mise en œuvre d’une alternative
  • soit l’exercice de l’action publique proprement dit (à condition que l’action publique ne soit pas déjà éteinte)


Art. 6 CPP : liste les causes d’extinction de l’action publique : la mort du prévenu, la prescription, l’amnistie, l’abrogation de la loi pénale, la chose jugée, l’exécution d’une transaction, l’exécution d’une composition pénale et le retrait de la plainte de la victime, lorsqu’elle est une condition des poursuites + le paiement de l’amende forfaitaire

§ 1 : L’extinction de l’action publique par la prescription

La prescription = un mode d’extinction de l’action publique résultant du non-exercice de celle-ci avant l’expiration du délai fixé, dont la survenance résulte de l’écoulement du temps

-> l’idée sous-jacente est celle de l’oubli, du pardon ; lorsque pendant un certain temps le délinquant n’a pas commis une nouvelle infraction, il semble être réinséré et il est donc inutile de le poursuivre pour des faits qu’il a commis il y a longtemps. La peine n’est légitime que dans la mesure où elle est utile. La prescription présente aussi un intérêt en matière de preuve, lorsque les faits ont été commis il y a longtemps, bien souvent il reste peu de preuves, le risque est alors d’encombrer inutilement les juridictions. Cela étant, les progrès techniques et scientifiques conduisent à rallonger la prescription, comme à l'occasion de la loi du 27 février 2017.


Il doit exister un délai raisonnable pour engager des poursuites dès lors que l’infraction est connue. Cependant, l’oubli, le pardon ne joue pas pour toutes les infractions et la pression des victimes contre l’oubli n’est pas sans effet sur l’allongement des délais de prescription. Le pardon ne saurait non plus être donné lorsque le temps s’écoule en raisons des investigations menées.


Lorsque l’action publique est éteinte, le ministère public ne peut plus légalement engager aucune poursuite.


Les lois relatives à la prescription de l’action publique sont applicables immédiatement, dès lors que la prescription n’est pas acquise, même si elles ont pour effet d’aggraver la situation de l’intéressé. La prescription s’applique à toutes les infractions, à l’exception des crimes contre l’humanité qui, par leur nature, sont imprescriptibles (art. 213-5 du code pénal).


L’effet de la prescription : l’action publique est éteinte, il n’est plus possible d’engager ou de poursuivre l’action publique.


La prescription de l’action publique a un caractère d’ordre public. Il en résulte que les juges ne peuvent s’abstenir de la constater lorsqu’ils procèdent à l’examen préalable de la recevabilité de l’action. La prescription est une exception péremptoire et d’ordre public qui doit être relevée d’office par le juge, et peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation.

A : Les délais de prescription

1 : Les délais de droit commun

loi du 27 février 2017 : les délais de prescription sont, sauf dispositions particulières comme en matière de presse, ceux fixés par les articles 7 à 9 du CPP :

  • 20 ans pour les crimes
  • 6 ans pour les délits
  • 1 an pour les contraventions

Ces délais s’appliquent immédiatement aux affaires en cours, sous réserve que la prescription (ancien délai) ne soit pas déjà acquise lors de l’entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, soit le 1er mars 2017.

2 : Les délais spéciaux

prescriptions légales plus courtes pour certaines infractions :

  • en matière de presse, le délai de prescription de l’action publique est de 3 mois,
  • à l’exception des délits de provocation à la discrimination et à la haine raciale, contestation des crimes contre l’humanité, diffamation et injure raciale, pour lesquels il est de 1 an.


délais spéciaux plus longs pour des infractions particulièrement graves (la fonction expressive de la loi pénale):

en matière d’infractions à la législation sur les stupéfiants (art. 706-31) ou d’actes de terrorisme (art. 706-25-1), le délai de prescription est de

  • 30 ans pour les crimes
  • 20 ans pour les délits


La prescription des délits est également de 20 ans pour délits prévus par les articles 222-12, 222-29-1 et 227-26 du code pénal (agressions sexuelles et atteintes sexuelles aggravées) commis sur un mineur de quinze ans (art. 8, al. 3).


Elle est de 10 ans pour les délits mentionnés à l’article 706-47 du CPP (infractions sexuelles), ainsi que pour les délits d'abus de faiblesse et d'emprise (art. 223-15-2 et 223-15-3 du code pénal), commis sur des mineurs (depuis la loi du 10 mai 2024). Pour les crimes sexuels commis sur un mineur, le délai de prescription est de trente ans, depuis la loi du 3 août 2018.


NB : le délai de prescription de l’action publique des crimes et des délits prévus par les articles 706-47 du CPP et par les 222-30 et 227-26 (agressions sexuelles et atteintes sexuelles) et 223-15-2 et 223-15-3 du code pénal (abus de faiblesse et emprise) commis contre des mineurs ne commence à courir qu’à compter de la majorité de ces derniers.


De plus, depuis la loi du 21 avril 2021, les articles 7 et 8 du CPP prévoient que le délai de prescription d'une infraction peut être prolongé en cas de commission sur un autre mineur par la même personne, avant l'expiration du délai de prescription de la première infraction, d'un crime de viol ou d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle. 


Dans une telle hypothèse, le délai de prescription de la première infraction est prolongé jusqu'à la date de prescription de la nouvelle infraction.

B : Le point de départ de la prescription

principe : l’action publique se prescrit à compter du lendemain du jour

  • de la commission de l’infraction (v. encore en matière d’escroquerie, Crim. 9 janvier 2018, n° 16-86.735) ou
  • du dernier acte de poursuite
1 : Le report légal du point de départ de la prescription

hypothèses principales où le point de départ de la prescription est fixé à un autre jour que celui de la commission de l’infraction :

  • en matière fiscale : le 1er jour de l’année suivant la déclaration ou l’absence de déclaration
  • la minorité de la victime
  • la clandestinité de l’infraction


Le report lié à la vulnérabilité de la victime, introduit en matière délictuelle par la loi du 14 mars 2011, a disparu avec la réforme de la prescription du 27 février 2017.

a) Le report à la majorité de la victime

En vue de protéger les mineurs victimes, notamment d’infractions sexuelles, le législateur avait d’abord prévu une réouverture du délai de prescription à la majorité de la victime : mais si la prescription était acquise pour l’auteur, aucune poursuite n’était possible.


loi du 4 février 1995 : a prévu une suspension du délai, celui-ci courant à compter de la majorité pour les crimes et délits commis par des ascendants


loi du 17 juin 1998 : a généralisé ce principe pour tous les crimes commis contre des mineurs ; le report se retrouve donc pour les faits de meurtre ou d’assassinat précédés ou accompagnés d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, ou commis en état de récidive légale, mais aussi pour des faits de tortures ou actes de barbarie, de viols, dès lors que la victime est mineure, ou encore, lorsqu’elles commises sur un mineur de 15 ans, de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente.


Le principe se retrouve également pour les délits de violences ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours, lorsque la victime est mineure, ou lorsqu’elles sont commises sur un mineur de 15 ans, les agressions sexuelles et atteintes sexuelles aggravées, qui se prescrivent par 20 ans.


Le report se retrouve encore, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, pour les délits de traite des êtres humains, de recours à la prostitution, de corruption de mineur, les délits liés aux images ou sites pédopornographiques, aux messages violents ou pornographiques susceptibles d’être vus par des mineurs, et l’incitation à une mutilation sexuelle, ou encore, lorsqu’ils sont commis sur un mineur de 15 ans, délit de proposition sexuelle faite par un majeur, atteinte sexuelle (non aggravée).


loi du 21 avril 2021 : a ajouté à ces hypothèses le délit de non-dénonciation de mauvais traitement sur mineur, en réponse à la décision rendue le 14 avril 2021 dans l'affaire dite "Barbarin"


loi du 10 mai 2024 : a ajouté le délit d'abus de faiblesse et le délit d'emprise commis sur mineur (art. 223-15-2 et 223-15-3 du code pénal).


En matière d'infractions sexuelles, la prescription d'une nouvelle infraction peut "glisser" pour s'aligner sur la prescription d'une seconde infraction, commise par le même auteur mais contre une autre victime.


Discussion : La prescription glissante des infractions sexuelles


Art. 9-1 CPP : reporte le point de départ de la prescription du crime de clonage à la majorité de l’enfant né par ce procédé

b) Le report pour les infractions clandestines

Depuis longtemps, la jurisprudence reportait le point de départ des infractions clandestines au jour où l’action publique est apparue dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.

-> Ce report jurisprudentiel a été légalisé par la loi du 27 février 2017


Art. 9-1 al.3 : « le délai de prescription de l’action publique de l’infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique »

-> déterminer au cas par cas si c'est une infraction occulte (v. ancienne JP)


Une infraction est occulte, lorsqu’elle suppose par elle-même, une certaine clandestinité (abus de confiance, altération de preuves en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité, atteinte à l’intimité de la vie privée, v. Crim. 18 juillet 1974, 7 mai 2002, n° 02-80.638).


Une infraction est dissimulée lorsque, sans être nature clandestine, elle s’accompagne de manœuvres de dissimulation (abus de biens sociaux, atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, délit de malversation et fraude en matière de divorce).


loi du 27 février 2017 :

  • consécration légale de ce report du point de la prescription
  • encadrement de se report, en prévoyant que pour ces infractions occultes ou dissimulées, le délai de prescription ne peut excéder
  • 12 années révolues pour les délits et
  • 30 années pour les crimes.

Ce délai butoir ne peut conduire à éteindre l’action publique lorsqu’elle est déjà mise en mouvement lors de l’entrée en vigueur de la loi, comme le prévoit l’article 4 de la loi du 27 février 2017.


Discussion : La prescription des infractions clandestines

2 : Le report jurisprudentiel du point de départ de la prescription

La jurisprudence retarde le point de départ du délai de prescription en matière de délits,

  • soit lorsque l’infraction s’exécute sous forme de remises successives de fonds ou d’actes réitérés (escroquerie, corruption et trafic d’influence, lorsque l’infraction conduit à un versement mensuel, ou encore récemment en matière d'usage de faux, lorsqu'il faut plusieurs usages successifs du faux, Crim. 9 septembre 2020, n° 19-81.239),
  • soit lorsque l’infraction est continue (recel, ou encore travail dissimulé, Crim. 13 octobre 2020, n° 19-87.172) ou permanente (construction sans permis).

-> l’infraction n’étant pas terminée (soit parce qu’elle se poursuit, soit parce qu’elle se renouvelle), la prescription ne peut commencer à courir


La Cour de cassation semble refuser désormais tout nouveau report:

  • refuse que l’amnésie traumatique puisse justifier un report du point de départ de la prescription (Crim. 18 décembre 2013, n° 13-81.129, elle refuse également que cela puisse constituer une cause de suspension de la prescription), ou
  • refuse que la dissimulation de cadavres de nouveau-nés puisse rendre l’infraction clandestine (Crim. 16 octobre 2013, n° 13-85.232). Cela étant, dans cette dernière hypothèse, la Cour a pu y voir une cause de suspension de la prescription (Ass. plén. 7 novembre 2014, n° 14-83.739).

C : Le cours de la prescription

Le cours de la prescription s’entend comme pour tout délai, d’un décompte du temps, jusqu’à son expiration.

2 perturbations du cours de la prescription peuvent intervenir : interruption ou suspension

1 : L’interruption du délai de prescription

Tout acte de poursuite, d’enquête ou d’instruction est interruptif de prescription. Cela recouvre les ordonnances du juge d’instruction, mais aussi les procès-verbaux de la gendarmerie ou de la police, ou encore un acte de recherche d’un suspect…


L’acte de poursuite est, selon l’article 9-2, 1°, celui qui vise à mettre en mouvement l’action publique. C’est la citation directe, le réquisitoire introductif, la plainte avec constitution de partie civile (mais pas la plainte simple, qui ne met pas en mouvement l’action publique). Proche de cette idée, une composition pénale est interruptive de prescription.


L’acte d’enquête ou d’instruction est défini par l’article 9-2, 2° et 3°, comme « tout acte d’enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé par un OPJ ou un agent habilité exerçant des pouvoirs de police judiciaire tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction » ou encore comme « tout acte d’instruction prévu aux articles 79 à 230 du présent code, accompli par un juge d’instruction, une chambre de l’instruction ou des magistrats et officiers de police judiciaire par eux délégués, tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction ».


La plupart des actes au cours de l’enquête ou de l’instruction, en ce qu’ils ont pour objet la manifestation de la vérité, sont interruptifs de prescription. Si l’acte n’a pas pour objet la manifestation de la vérité (la recherche de preuve) ou la poursuite de l’auteur (le renvoi devant une juridiction), il n’est pas interruptif.


Crim. 12 novembre 2015, n° 14-82.765 : un acte nul, annulé, ne saurait être interruptif de prescription


Tout jugement ou arrêt, même non définitif est interruptif de prescription.

exemples d'actes interruptifs :

  • l’arrêt de la chambre de l’instruction statuant sur une requête en annulation ;
  • l’opposition à un jugement par défaut ;
  • la constitution de partie civile par voie d’intervention ;
  • toute ordonnance rendue par le juge d’instruction ;
  • la notification aux parties des conclusions des experts ;
  • la transmission de la procédure à l’officier du ministère public territorialement compétent en raison du domicile du contrevenant (Crim. 5 mars 2013, n° 12-84.527) ;
  • la demande de désignation d’un nouveau juge d’instruction à la suite de l’annulation de l’ordonnance de renvoi (Crim. 22 janvier 2014, n° 12-88.211) ;
  • l’avis donné par le juge d’instruction au procureur lorsqu’il se transporte sur les lieux, conformément à l’article 92 du CPP (Crim. 19 décembre 2017, n° 17-83.867) ;
  • le soit-transmis par lequel le procureur demande à faire diligenter une enquête (Crim. 9 septembre 2020, n° 19-82.479).


Un PV de synthèse n’est toutefois pas un acte interruption de prescription (Crim. 3 novembre 2015, n° 14-80.844), pas plus que le compte rendu effectué par le service enquêteur au procureur de la République, à la demande de celui-ci (Crim. 5 avril 2018, n° 17-83.166).


En revanche, dans une décision récente, la chambre criminelle a considéré que le soit-transmis par lequel le procureur de la République enjoint à des officiers de police judiciaire de lui rendre compte, précisément et en urgence, de l'état d'avancement d'une enquête a un caractère interruptif de prescription (Crim. 10 septembre 2024, n° 23-83.135).


La loi du 21 avril 2021 a prévu que le délai de prescription d'un viol, d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle commis sur un mineur est interrompu par un acte d'instruction ou de poursuite intervenu dans une procédure dans laquelle est reprochée à la même personne une de ces mêmes infractions commises sur un autre mineur.


Lorsque la prescription est interrompue, l’article 7 prévoit que le délai de prescription recommence à courir depuis le début, à compter de l’acte interruptif.

2 : La suspension du délai de prescription

suspension = l’arrêt temporaire du cours de la prescription qui n’anéantit pas le délai antérieurement écoulé

-> la suspension de la prescription est fondée sur le fait que la partie poursuivante ayant été placée dans l’impossibilité d’agir, « en raison d’un obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique » (art. 9-3) ; face à cette obstacle, le délai de prescription doit être suspendu pendant tout le temps où cette partie s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir.


Les hypothèses de suspension ne sont pas listées par le code, mais certaines lois spéciales viennent la prévoir :

  • la médiation pénale, ou plus largement les mesures de l’article 41-1 suspendent la prescription
  • une exception préjudicielle empêche d’agir et va donc suspendre la prescription (on évite par ce biais que les délinquants puissent bénéficier de la prescription du fait de la lenteur des mécanismes prévus, Crim. 8 juin 1999)
  • la fonction présidentielle empêchant l’exercice des poursuites, la prescription est suspendue (Ass. Plén. 10 octobre 2001)
  • la nécessité d’une procédure particulière pour le déclenchement de l’action publique, notamment en matière fiscale ou douanière (pour la saisine de la commission d’expertise douanière : Crim. 11 janv. 2006, n° 05-80.859)
  • le délai de 3 mois prévu par l’article 175 du CPP (délai pour soulever les nullités après la clôture de l’instruction) est une cause de suspension de l’action publique (Crim. 25 octobre 2011, n° 11-80.017 ; ici, il s’agissait d’une infraction de diffamation, d’où l’existence de la difficulté).


La jurisprudence peut découvrir des obstacles à la connaissance de l’infraction qui conduisent à suspendre le cours de la prescription :

  • la dissimulation de cadavres de nouveau-nés est une cause de suspension de la prescription (Ass. plén. 7 novembre 2014, n° 14-83.739)
  • en revanche, la seule dissimulation du cadavre de la victime ne suffit pas à suspendre la prescription (Crim. 13 décembre 2017, n° 17-83.330 ; Crim. 28 novembre 2023, n° 23-80.599)


Les deux solutions semblent en contradiction, mais à bien y regarder, dans la première hypothèse, il était impossible d’avoir connaissance de l’infraction, puisque la grossesse et donc l’existence même des victimes étaient dissimulées, alors que dans la seconde, la disparition d’un adolescent peut conduire à soupçonner l’existence d’une infraction.


A la différence de l’interruption, la suspension ne fait qu’arrêter le cours de la prescription, qui se poursuit une fois l’obstacle disparu, sans recommencer depuis le début. 

§ 2 : Les autres causes d’extinction de l’action publique

5 causes d’extinction de l’action publique

  • tenant aux personnes
  • extérieures

A : Les causes tenant aux personnes

causes tenant aux personnes:

  • le décès du prévenu
  • le retrait de la plainte de la victime, lorsqu’elle est une condition des poursuites
1 : Le décès du prévenu

A n’importe quel stade de la procédure, jusqu’à ce que la condamnation prononcée devienne définitive, l’action publique s’éteint par la mort de la personne poursuivie, mise en examen, prévenue ou accusée. De cette hypothèse, par anthropomorphisme, on rapproche l’hypothèse de la dissolution de la personne morale.


Dans l’un de ces cas, toute poursuite non encore menée à son terme doit immédiatement cesser : juge d’instruction ou juridiction de jugement doivent constater l’extinction de l’action publique. Cela étant, s’il y a des coauteurs ou complices, le décès de l’une des personnes poursuivies n’éteint pas l’action publique à l’égard des autres.


Aucune peine, même pécuniaire, ne peut plus être prononcée.


La même solution est retenue en cas de dissolution de la personne morale, même si la décision rendue par la Cour de cassation le 25 novembre 2020 vient remettre en cause cette solution.


Le décès fait également obstacle à l’exécution de la peine devenue définitive, à l’exception des peines patrimoniales : l’article 133-1 du code pénal permet en effet de procéder au recouvrement de l’amende et des frais de justice ainsi qu’à l’exécution de la confiscation après le décès du condamné ou après la dissolution de la personne morale, jusqu’à la clôture des opérations de liquidation.


L’action civile ne peut plus être portée devant le juge répressif devenu incompétent, mais elle peut se poursuivre s’il en avait été régulièrement saisi et si un premier jugement au fond a été rendu (en première instance par exemple).


Enfin, le décès n’éteint pas l’action en révision : il est toujours possible de faire établir l’innocence d’une personne condamnée (art. 622-2, 4°, elle est demandée par ses proches).

2 : Le retrait de la plainte de la victime

Dans certaines hypothèses spécifiquement prévues par la loi, la plainte de la victime est une condition des poursuites. Il est alors logique que, si la plainte est retirée, c’est-à-dire si la condition disparaît et n’est plus remplie, les poursuites soient éteintes.


On parle, pour ces hypothèses, des délits privés : matière de délits

  • de presse (art. 49 de la loi du 29 juillet 1881),
  • d’atteinte à la vie privée (art. 226-6 du code pénal),
  • de divulgation d’informations nominatives résultant de fichiers ou de traitements informatiques (art. 226-22 du code pénal),
  • de diffusion d’image à caractère sexuel sans le consentement de la personne concernée (art. 226-2-1)
  • de diffusion de l’image d’une personne menottée ou entravée, d’une personne mise en cause dans une procédure pénale, mais n’ayant pas fait l’objet d’un jugement de condamnation (loi du 29 juillet 1881)
  • de chasse sur terrain d’autrui (art. L. 228-41, al. 2 du code rural)


En dehors de ces hypothèses, le désistement de la victime pour d’autres infractions n’a pas d’incidence sur l’issue de la procédure.

B: Les causes extérieures

causes qui ne tiennent pas à la volonté ou à l’existence des personnes:

  • l’amnistie
  • l’abrogation de la loi pénale
  • la chose jugée
1 : L’amnistie

Le législateur, par une loi d’amnistie, peut venir « excuser » certains faits, ôter leur caractère délictueux. Il ne s’agit pas d’abroger une incrimination, mais d’empêcher la poursuite de faits qui auraient pu relever de cette incrimination, tout en la laissant s’appliquer à d’autres faits. Les lois d’amnistie n’ont d’effet que lorsque les faits visés entrent dans leurs prévisions. Chaque loi d’amnistie possède ses spécificités et son champ d’application.


3 formes d’amnistie :

  • l’amnistie réelle, qui porte sur des qualifications pénales, des infractions ;
  • l’amnistie personnelle, qui concerne des catégories de délinquants (résistants, moins de 21 ans, … ) ;
  • l’amnistie au quantum, qui concerne la peine, en fonction de son montant, mais également de sa nature (amendes par exemple).


Si l’amnistie est réelle (si elle vise une infraction) les faits concernés par l’amnistie ne peuvent donc plus être poursuivis, peu importe leur auteur. En revanche, si l’amnistie est personnelle, l’action publique ne sera éteinte qu’à l’égard de la personne concernée ; les poursuites resteront possibles à l’égard des coauteurs, complices ou receleurs.


L’amnistie ne préjudicie pas aux tiers (art. 133-10 du code pénal), le droit à réparation subsiste malgré l’extinction de l’action publique. Si l’infraction a causé un dommage, la victime conserve son droit à réparation civile, que la juridiction répressive pourra examiner malgré la loi d’amnistie, à condition que la loi d’amnistie soit postérieure à une première décision au fond.

2 : L’abrogation de la loi pénale

L’abrogation de la loi pénale enlève à l’acte son caractère délictueux et fait disparaître l’élément légal de l’infraction ; elle produit donc un effet immédiat et absolu : nul ne peut plus être poursuivi ou condamné pour un fait qui n’est plus punissable.


L’abrogation s’applique ainsi immédiatement aux infractions qui, commises avant son entrée en vigueur, n’ont pas donné lieu à jugement passé en force de chose jugée, conformément au principe constitutionnel de l’application immédiate des lois pénales plus douces ou « rétroactivité in mitius ».


L’abrogation peut être expresse, tacite, ou résulter de la survenance du terme d’application d’une loi temporaire ; avec l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité, certaines abrogations ont pu conduire à reconnaître l’extinction de l’action publique (harcèlement sexuel, dans certains cas, consultation de sites djihadistes), sous réserve qu’une autre qualification ne trouve pas à s’appliquer (inceste).


Pour aller plus loin : L'abrogation de la loi pénale et l'extinction de l'action publique


L’abrogation de la loi pénale laisse subsister l’action civile et le juge pénal est compétent lorsqu’une première décision au fond a été rendue.

3 : La chose jugée

La chose jugée semble être le mode naturel d’extinction de l’action publique qui signifie que les poursuites ont abouti à une décision définitive rendue par une juridiction répressive, et que l’action est éteinte de telle sorte que la juridiction est dessaisie et ne peut plus être saisie des mêmes faits.


L’autorité de la chose jugée obéit à une identité d’objets, de cause et de parties. On ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits, selon le principe ne bis in idem.

  • La chose jugée concerne les faits sur lesquels le juge pénal a été appelé à statuer. Un même fait ne peut donner lieu contre le prévenu à deux actions pénales distinctes, même sous une qualification différente.
  • La chose jugée suppose également qu’il y ait identité de parties ; elle ne met pas obstacle à des poursuites séparées contre d’autres participants aux mêmes faits.


L’extinction de l’action publique est pleinement applicable lorsque la première décision a été rendue par une juridiction française.


Lorsque la décision a été rendue par une juridiction étrangère, il faut distinguer.

  • Si les faits ont été commis en tout ou partie sur le territoire français, auquel cas, le juge français reste compétent (sous réserve de déduire la peine subie à l’étranger de la condamnation française) parmi les pays de l’espace Schengen, la chose jugée joue pleinement ses effets).
  • Sinon, le juge français n’est pas compétent (art. 113-9).


L’exception de chose jugée est d’ordre public ; elle doit être relevée d’office et peut être soulevée pour la première fois devant la Cour de cassation.


L’extinction de l’action publique

l’infraction cause 2 types de préjudices:

  • la violation d’une règle sociale, la transgression d’un interdit, qui cause un préjudice à l’ensemble du corps social, à la société
  • un préjudice causé à la victime, individu


2 actions en justice naissent de la commission d’une infraction:

  • l'action publique : exercée au nom de la société
  • l'action civile : exercée au nom de la victime

-> point commun : déclencher les poursuites à l’encontre de l’auteur du délit


finalités et buts différents:

L’action civile : la réparation d’un préjudice personnel, par le jeu de la responsabilité civile.

L’action publique : la réparation d’un préjudice symbolique, celui de la société, par l’application d’une peine (emprisonnement, neutralisation, rétribution, intimidation, resocialisation, …).


La mise en mouvement d’une action a pour conséquence de saisir une juridiction d’une demande ; en matière pénale, il peut s’agir d’une juridiction de jugement ou d’une juridiction d’instruction ; l’une et l’autre peuvent être saisie tant par le ministère public que par la victime de l’infraction, sous certaines conditions.


S’agissant de l’action publique, la décision du ministère public de mettre en mouvement ou non l’action publique est plus ou moins guidée, par des considérations d’opportunité (c’est l’opportunité des poursuites), dans le respect du cadre légal (par exemple, l’instruction est obligatoire en matière criminelle).


Plusieurs choix s’offrent donc au ministère public pour apporter une réponse à l’infraction :

  • soit la mise en œuvre d’une alternative
  • soit l’exercice de l’action publique proprement dit (à condition que l’action publique ne soit pas déjà éteinte)


Art. 6 CPP : liste les causes d’extinction de l’action publique : la mort du prévenu, la prescription, l’amnistie, l’abrogation de la loi pénale, la chose jugée, l’exécution d’une transaction, l’exécution d’une composition pénale et le retrait de la plainte de la victime, lorsqu’elle est une condition des poursuites + le paiement de l’amende forfaitaire

§ 1 : L’extinction de l’action publique par la prescription

La prescription = un mode d’extinction de l’action publique résultant du non-exercice de celle-ci avant l’expiration du délai fixé, dont la survenance résulte de l’écoulement du temps

-> l’idée sous-jacente est celle de l’oubli, du pardon ; lorsque pendant un certain temps le délinquant n’a pas commis une nouvelle infraction, il semble être réinséré et il est donc inutile de le poursuivre pour des faits qu’il a commis il y a longtemps. La peine n’est légitime que dans la mesure où elle est utile. La prescription présente aussi un intérêt en matière de preuve, lorsque les faits ont été commis il y a longtemps, bien souvent il reste peu de preuves, le risque est alors d’encombrer inutilement les juridictions. Cela étant, les progrès techniques et scientifiques conduisent à rallonger la prescription, comme à l'occasion de la loi du 27 février 2017.


Il doit exister un délai raisonnable pour engager des poursuites dès lors que l’infraction est connue. Cependant, l’oubli, le pardon ne joue pas pour toutes les infractions et la pression des victimes contre l’oubli n’est pas sans effet sur l’allongement des délais de prescription. Le pardon ne saurait non plus être donné lorsque le temps s’écoule en raisons des investigations menées.


Lorsque l’action publique est éteinte, le ministère public ne peut plus légalement engager aucune poursuite.


Les lois relatives à la prescription de l’action publique sont applicables immédiatement, dès lors que la prescription n’est pas acquise, même si elles ont pour effet d’aggraver la situation de l’intéressé. La prescription s’applique à toutes les infractions, à l’exception des crimes contre l’humanité qui, par leur nature, sont imprescriptibles (art. 213-5 du code pénal).


L’effet de la prescription : l’action publique est éteinte, il n’est plus possible d’engager ou de poursuivre l’action publique.


La prescription de l’action publique a un caractère d’ordre public. Il en résulte que les juges ne peuvent s’abstenir de la constater lorsqu’ils procèdent à l’examen préalable de la recevabilité de l’action. La prescription est une exception péremptoire et d’ordre public qui doit être relevée d’office par le juge, et peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation.

A : Les délais de prescription

1 : Les délais de droit commun

loi du 27 février 2017 : les délais de prescription sont, sauf dispositions particulières comme en matière de presse, ceux fixés par les articles 7 à 9 du CPP :

  • 20 ans pour les crimes
  • 6 ans pour les délits
  • 1 an pour les contraventions

Ces délais s’appliquent immédiatement aux affaires en cours, sous réserve que la prescription (ancien délai) ne soit pas déjà acquise lors de l’entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, soit le 1er mars 2017.

2 : Les délais spéciaux

prescriptions légales plus courtes pour certaines infractions :

  • en matière de presse, le délai de prescription de l’action publique est de 3 mois,
  • à l’exception des délits de provocation à la discrimination et à la haine raciale, contestation des crimes contre l’humanité, diffamation et injure raciale, pour lesquels il est de 1 an.


délais spéciaux plus longs pour des infractions particulièrement graves (la fonction expressive de la loi pénale):

en matière d’infractions à la législation sur les stupéfiants (art. 706-31) ou d’actes de terrorisme (art. 706-25-1), le délai de prescription est de

  • 30 ans pour les crimes
  • 20 ans pour les délits


La prescription des délits est également de 20 ans pour délits prévus par les articles 222-12, 222-29-1 et 227-26 du code pénal (agressions sexuelles et atteintes sexuelles aggravées) commis sur un mineur de quinze ans (art. 8, al. 3).


Elle est de 10 ans pour les délits mentionnés à l’article 706-47 du CPP (infractions sexuelles), ainsi que pour les délits d'abus de faiblesse et d'emprise (art. 223-15-2 et 223-15-3 du code pénal), commis sur des mineurs (depuis la loi du 10 mai 2024). Pour les crimes sexuels commis sur un mineur, le délai de prescription est de trente ans, depuis la loi du 3 août 2018.


NB : le délai de prescription de l’action publique des crimes et des délits prévus par les articles 706-47 du CPP et par les 222-30 et 227-26 (agressions sexuelles et atteintes sexuelles) et 223-15-2 et 223-15-3 du code pénal (abus de faiblesse et emprise) commis contre des mineurs ne commence à courir qu’à compter de la majorité de ces derniers.


De plus, depuis la loi du 21 avril 2021, les articles 7 et 8 du CPP prévoient que le délai de prescription d'une infraction peut être prolongé en cas de commission sur un autre mineur par la même personne, avant l'expiration du délai de prescription de la première infraction, d'un crime de viol ou d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle. 


Dans une telle hypothèse, le délai de prescription de la première infraction est prolongé jusqu'à la date de prescription de la nouvelle infraction.

B : Le point de départ de la prescription

principe : l’action publique se prescrit à compter du lendemain du jour

  • de la commission de l’infraction (v. encore en matière d’escroquerie, Crim. 9 janvier 2018, n° 16-86.735) ou
  • du dernier acte de poursuite
1 : Le report légal du point de départ de la prescription

hypothèses principales où le point de départ de la prescription est fixé à un autre jour que celui de la commission de l’infraction :

  • en matière fiscale : le 1er jour de l’année suivant la déclaration ou l’absence de déclaration
  • la minorité de la victime
  • la clandestinité de l’infraction


Le report lié à la vulnérabilité de la victime, introduit en matière délictuelle par la loi du 14 mars 2011, a disparu avec la réforme de la prescription du 27 février 2017.

a) Le report à la majorité de la victime

En vue de protéger les mineurs victimes, notamment d’infractions sexuelles, le législateur avait d’abord prévu une réouverture du délai de prescription à la majorité de la victime : mais si la prescription était acquise pour l’auteur, aucune poursuite n’était possible.


loi du 4 février 1995 : a prévu une suspension du délai, celui-ci courant à compter de la majorité pour les crimes et délits commis par des ascendants


loi du 17 juin 1998 : a généralisé ce principe pour tous les crimes commis contre des mineurs ; le report se retrouve donc pour les faits de meurtre ou d’assassinat précédés ou accompagnés d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, ou commis en état de récidive légale, mais aussi pour des faits de tortures ou actes de barbarie, de viols, dès lors que la victime est mineure, ou encore, lorsqu’elles commises sur un mineur de 15 ans, de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente.


Le principe se retrouve également pour les délits de violences ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours, lorsque la victime est mineure, ou lorsqu’elles sont commises sur un mineur de 15 ans, les agressions sexuelles et atteintes sexuelles aggravées, qui se prescrivent par 20 ans.


Le report se retrouve encore, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, pour les délits de traite des êtres humains, de recours à la prostitution, de corruption de mineur, les délits liés aux images ou sites pédopornographiques, aux messages violents ou pornographiques susceptibles d’être vus par des mineurs, et l’incitation à une mutilation sexuelle, ou encore, lorsqu’ils sont commis sur un mineur de 15 ans, délit de proposition sexuelle faite par un majeur, atteinte sexuelle (non aggravée).


loi du 21 avril 2021 : a ajouté à ces hypothèses le délit de non-dénonciation de mauvais traitement sur mineur, en réponse à la décision rendue le 14 avril 2021 dans l'affaire dite "Barbarin"


loi du 10 mai 2024 : a ajouté le délit d'abus de faiblesse et le délit d'emprise commis sur mineur (art. 223-15-2 et 223-15-3 du code pénal).


En matière d'infractions sexuelles, la prescription d'une nouvelle infraction peut "glisser" pour s'aligner sur la prescription d'une seconde infraction, commise par le même auteur mais contre une autre victime.


Discussion : La prescription glissante des infractions sexuelles


Art. 9-1 CPP : reporte le point de départ de la prescription du crime de clonage à la majorité de l’enfant né par ce procédé

b) Le report pour les infractions clandestines

Depuis longtemps, la jurisprudence reportait le point de départ des infractions clandestines au jour où l’action publique est apparue dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.

-> Ce report jurisprudentiel a été légalisé par la loi du 27 février 2017


Art. 9-1 al.3 : « le délai de prescription de l’action publique de l’infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique »

-> déterminer au cas par cas si c'est une infraction occulte (v. ancienne JP)


Une infraction est occulte, lorsqu’elle suppose par elle-même, une certaine clandestinité (abus de confiance, altération de preuves en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité, atteinte à l’intimité de la vie privée, v. Crim. 18 juillet 1974, 7 mai 2002, n° 02-80.638).


Une infraction est dissimulée lorsque, sans être nature clandestine, elle s’accompagne de manœuvres de dissimulation (abus de biens sociaux, atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics, délit de malversation et fraude en matière de divorce).


loi du 27 février 2017 :

  • consécration légale de ce report du point de la prescription
  • encadrement de se report, en prévoyant que pour ces infractions occultes ou dissimulées, le délai de prescription ne peut excéder
  • 12 années révolues pour les délits et
  • 30 années pour les crimes.

Ce délai butoir ne peut conduire à éteindre l’action publique lorsqu’elle est déjà mise en mouvement lors de l’entrée en vigueur de la loi, comme le prévoit l’article 4 de la loi du 27 février 2017.


Discussion : La prescription des infractions clandestines

2 : Le report jurisprudentiel du point de départ de la prescription

La jurisprudence retarde le point de départ du délai de prescription en matière de délits,

  • soit lorsque l’infraction s’exécute sous forme de remises successives de fonds ou d’actes réitérés (escroquerie, corruption et trafic d’influence, lorsque l’infraction conduit à un versement mensuel, ou encore récemment en matière d'usage de faux, lorsqu'il faut plusieurs usages successifs du faux, Crim. 9 septembre 2020, n° 19-81.239),
  • soit lorsque l’infraction est continue (recel, ou encore travail dissimulé, Crim. 13 octobre 2020, n° 19-87.172) ou permanente (construction sans permis).

-> l’infraction n’étant pas terminée (soit parce qu’elle se poursuit, soit parce qu’elle se renouvelle), la prescription ne peut commencer à courir


La Cour de cassation semble refuser désormais tout nouveau report:

  • refuse que l’amnésie traumatique puisse justifier un report du point de départ de la prescription (Crim. 18 décembre 2013, n° 13-81.129, elle refuse également que cela puisse constituer une cause de suspension de la prescription), ou
  • refuse que la dissimulation de cadavres de nouveau-nés puisse rendre l’infraction clandestine (Crim. 16 octobre 2013, n° 13-85.232). Cela étant, dans cette dernière hypothèse, la Cour a pu y voir une cause de suspension de la prescription (Ass. plén. 7 novembre 2014, n° 14-83.739).

C : Le cours de la prescription

Le cours de la prescription s’entend comme pour tout délai, d’un décompte du temps, jusqu’à son expiration.

2 perturbations du cours de la prescription peuvent intervenir : interruption ou suspension

1 : L’interruption du délai de prescription

Tout acte de poursuite, d’enquête ou d’instruction est interruptif de prescription. Cela recouvre les ordonnances du juge d’instruction, mais aussi les procès-verbaux de la gendarmerie ou de la police, ou encore un acte de recherche d’un suspect…


L’acte de poursuite est, selon l’article 9-2, 1°, celui qui vise à mettre en mouvement l’action publique. C’est la citation directe, le réquisitoire introductif, la plainte avec constitution de partie civile (mais pas la plainte simple, qui ne met pas en mouvement l’action publique). Proche de cette idée, une composition pénale est interruptive de prescription.


L’acte d’enquête ou d’instruction est défini par l’article 9-2, 2° et 3°, comme « tout acte d’enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé par un OPJ ou un agent habilité exerçant des pouvoirs de police judiciaire tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction » ou encore comme « tout acte d’instruction prévu aux articles 79 à 230 du présent code, accompli par un juge d’instruction, une chambre de l’instruction ou des magistrats et officiers de police judiciaire par eux délégués, tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction ».


La plupart des actes au cours de l’enquête ou de l’instruction, en ce qu’ils ont pour objet la manifestation de la vérité, sont interruptifs de prescription. Si l’acte n’a pas pour objet la manifestation de la vérité (la recherche de preuve) ou la poursuite de l’auteur (le renvoi devant une juridiction), il n’est pas interruptif.


Crim. 12 novembre 2015, n° 14-82.765 : un acte nul, annulé, ne saurait être interruptif de prescription


Tout jugement ou arrêt, même non définitif est interruptif de prescription.

exemples d'actes interruptifs :

  • l’arrêt de la chambre de l’instruction statuant sur une requête en annulation ;
  • l’opposition à un jugement par défaut ;
  • la constitution de partie civile par voie d’intervention ;
  • toute ordonnance rendue par le juge d’instruction ;
  • la notification aux parties des conclusions des experts ;
  • la transmission de la procédure à l’officier du ministère public territorialement compétent en raison du domicile du contrevenant (Crim. 5 mars 2013, n° 12-84.527) ;
  • la demande de désignation d’un nouveau juge d’instruction à la suite de l’annulation de l’ordonnance de renvoi (Crim. 22 janvier 2014, n° 12-88.211) ;
  • l’avis donné par le juge d’instruction au procureur lorsqu’il se transporte sur les lieux, conformément à l’article 92 du CPP (Crim. 19 décembre 2017, n° 17-83.867) ;
  • le soit-transmis par lequel le procureur demande à faire diligenter une enquête (Crim. 9 septembre 2020, n° 19-82.479).


Un PV de synthèse n’est toutefois pas un acte interruption de prescription (Crim. 3 novembre 2015, n° 14-80.844), pas plus que le compte rendu effectué par le service enquêteur au procureur de la République, à la demande de celui-ci (Crim. 5 avril 2018, n° 17-83.166).


En revanche, dans une décision récente, la chambre criminelle a considéré que le soit-transmis par lequel le procureur de la République enjoint à des officiers de police judiciaire de lui rendre compte, précisément et en urgence, de l'état d'avancement d'une enquête a un caractère interruptif de prescription (Crim. 10 septembre 2024, n° 23-83.135).


La loi du 21 avril 2021 a prévu que le délai de prescription d'un viol, d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle commis sur un mineur est interrompu par un acte d'instruction ou de poursuite intervenu dans une procédure dans laquelle est reprochée à la même personne une de ces mêmes infractions commises sur un autre mineur.


Lorsque la prescription est interrompue, l’article 7 prévoit que le délai de prescription recommence à courir depuis le début, à compter de l’acte interruptif.

2 : La suspension du délai de prescription

suspension = l’arrêt temporaire du cours de la prescription qui n’anéantit pas le délai antérieurement écoulé

-> la suspension de la prescription est fondée sur le fait que la partie poursuivante ayant été placée dans l’impossibilité d’agir, « en raison d’un obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique » (art. 9-3) ; face à cette obstacle, le délai de prescription doit être suspendu pendant tout le temps où cette partie s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir.


Les hypothèses de suspension ne sont pas listées par le code, mais certaines lois spéciales viennent la prévoir :

  • la médiation pénale, ou plus largement les mesures de l’article 41-1 suspendent la prescription
  • une exception préjudicielle empêche d’agir et va donc suspendre la prescription (on évite par ce biais que les délinquants puissent bénéficier de la prescription du fait de la lenteur des mécanismes prévus, Crim. 8 juin 1999)
  • la fonction présidentielle empêchant l’exercice des poursuites, la prescription est suspendue (Ass. Plén. 10 octobre 2001)
  • la nécessité d’une procédure particulière pour le déclenchement de l’action publique, notamment en matière fiscale ou douanière (pour la saisine de la commission d’expertise douanière : Crim. 11 janv. 2006, n° 05-80.859)
  • le délai de 3 mois prévu par l’article 175 du CPP (délai pour soulever les nullités après la clôture de l’instruction) est une cause de suspension de l’action publique (Crim. 25 octobre 2011, n° 11-80.017 ; ici, il s’agissait d’une infraction de diffamation, d’où l’existence de la difficulté).


La jurisprudence peut découvrir des obstacles à la connaissance de l’infraction qui conduisent à suspendre le cours de la prescription :

  • la dissimulation de cadavres de nouveau-nés est une cause de suspension de la prescription (Ass. plén. 7 novembre 2014, n° 14-83.739)
  • en revanche, la seule dissimulation du cadavre de la victime ne suffit pas à suspendre la prescription (Crim. 13 décembre 2017, n° 17-83.330 ; Crim. 28 novembre 2023, n° 23-80.599)


Les deux solutions semblent en contradiction, mais à bien y regarder, dans la première hypothèse, il était impossible d’avoir connaissance de l’infraction, puisque la grossesse et donc l’existence même des victimes étaient dissimulées, alors que dans la seconde, la disparition d’un adolescent peut conduire à soupçonner l’existence d’une infraction.


A la différence de l’interruption, la suspension ne fait qu’arrêter le cours de la prescription, qui se poursuit une fois l’obstacle disparu, sans recommencer depuis le début. 

§ 2 : Les autres causes d’extinction de l’action publique

5 causes d’extinction de l’action publique

  • tenant aux personnes
  • extérieures

A : Les causes tenant aux personnes

causes tenant aux personnes:

  • le décès du prévenu
  • le retrait de la plainte de la victime, lorsqu’elle est une condition des poursuites
1 : Le décès du prévenu

A n’importe quel stade de la procédure, jusqu’à ce que la condamnation prononcée devienne définitive, l’action publique s’éteint par la mort de la personne poursuivie, mise en examen, prévenue ou accusée. De cette hypothèse, par anthropomorphisme, on rapproche l’hypothèse de la dissolution de la personne morale.


Dans l’un de ces cas, toute poursuite non encore menée à son terme doit immédiatement cesser : juge d’instruction ou juridiction de jugement doivent constater l’extinction de l’action publique. Cela étant, s’il y a des coauteurs ou complices, le décès de l’une des personnes poursuivies n’éteint pas l’action publique à l’égard des autres.


Aucune peine, même pécuniaire, ne peut plus être prononcée.


La même solution est retenue en cas de dissolution de la personne morale, même si la décision rendue par la Cour de cassation le 25 novembre 2020 vient remettre en cause cette solution.


Le décès fait également obstacle à l’exécution de la peine devenue définitive, à l’exception des peines patrimoniales : l’article 133-1 du code pénal permet en effet de procéder au recouvrement de l’amende et des frais de justice ainsi qu’à l’exécution de la confiscation après le décès du condamné ou après la dissolution de la personne morale, jusqu’à la clôture des opérations de liquidation.


L’action civile ne peut plus être portée devant le juge répressif devenu incompétent, mais elle peut se poursuivre s’il en avait été régulièrement saisi et si un premier jugement au fond a été rendu (en première instance par exemple).


Enfin, le décès n’éteint pas l’action en révision : il est toujours possible de faire établir l’innocence d’une personne condamnée (art. 622-2, 4°, elle est demandée par ses proches).

2 : Le retrait de la plainte de la victime

Dans certaines hypothèses spécifiquement prévues par la loi, la plainte de la victime est une condition des poursuites. Il est alors logique que, si la plainte est retirée, c’est-à-dire si la condition disparaît et n’est plus remplie, les poursuites soient éteintes.


On parle, pour ces hypothèses, des délits privés : matière de délits

  • de presse (art. 49 de la loi du 29 juillet 1881),
  • d’atteinte à la vie privée (art. 226-6 du code pénal),
  • de divulgation d’informations nominatives résultant de fichiers ou de traitements informatiques (art. 226-22 du code pénal),
  • de diffusion d’image à caractère sexuel sans le consentement de la personne concernée (art. 226-2-1)
  • de diffusion de l’image d’une personne menottée ou entravée, d’une personne mise en cause dans une procédure pénale, mais n’ayant pas fait l’objet d’un jugement de condamnation (loi du 29 juillet 1881)
  • de chasse sur terrain d’autrui (art. L. 228-41, al. 2 du code rural)


En dehors de ces hypothèses, le désistement de la victime pour d’autres infractions n’a pas d’incidence sur l’issue de la procédure.

B: Les causes extérieures

causes qui ne tiennent pas à la volonté ou à l’existence des personnes:

  • l’amnistie
  • l’abrogation de la loi pénale
  • la chose jugée
1 : L’amnistie

Le législateur, par une loi d’amnistie, peut venir « excuser » certains faits, ôter leur caractère délictueux. Il ne s’agit pas d’abroger une incrimination, mais d’empêcher la poursuite de faits qui auraient pu relever de cette incrimination, tout en la laissant s’appliquer à d’autres faits. Les lois d’amnistie n’ont d’effet que lorsque les faits visés entrent dans leurs prévisions. Chaque loi d’amnistie possède ses spécificités et son champ d’application.


3 formes d’amnistie :

  • l’amnistie réelle, qui porte sur des qualifications pénales, des infractions ;
  • l’amnistie personnelle, qui concerne des catégories de délinquants (résistants, moins de 21 ans, … ) ;
  • l’amnistie au quantum, qui concerne la peine, en fonction de son montant, mais également de sa nature (amendes par exemple).


Si l’amnistie est réelle (si elle vise une infraction) les faits concernés par l’amnistie ne peuvent donc plus être poursuivis, peu importe leur auteur. En revanche, si l’amnistie est personnelle, l’action publique ne sera éteinte qu’à l’égard de la personne concernée ; les poursuites resteront possibles à l’égard des coauteurs, complices ou receleurs.


L’amnistie ne préjudicie pas aux tiers (art. 133-10 du code pénal), le droit à réparation subsiste malgré l’extinction de l’action publique. Si l’infraction a causé un dommage, la victime conserve son droit à réparation civile, que la juridiction répressive pourra examiner malgré la loi d’amnistie, à condition que la loi d’amnistie soit postérieure à une première décision au fond.

2 : L’abrogation de la loi pénale

L’abrogation de la loi pénale enlève à l’acte son caractère délictueux et fait disparaître l’élément légal de l’infraction ; elle produit donc un effet immédiat et absolu : nul ne peut plus être poursuivi ou condamné pour un fait qui n’est plus punissable.


L’abrogation s’applique ainsi immédiatement aux infractions qui, commises avant son entrée en vigueur, n’ont pas donné lieu à jugement passé en force de chose jugée, conformément au principe constitutionnel de l’application immédiate des lois pénales plus douces ou « rétroactivité in mitius ».


L’abrogation peut être expresse, tacite, ou résulter de la survenance du terme d’application d’une loi temporaire ; avec l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité, certaines abrogations ont pu conduire à reconnaître l’extinction de l’action publique (harcèlement sexuel, dans certains cas, consultation de sites djihadistes), sous réserve qu’une autre qualification ne trouve pas à s’appliquer (inceste).


Pour aller plus loin : L'abrogation de la loi pénale et l'extinction de l'action publique


L’abrogation de la loi pénale laisse subsister l’action civile et le juge pénal est compétent lorsqu’une première décision au fond a été rendue.

3 : La chose jugée

La chose jugée semble être le mode naturel d’extinction de l’action publique qui signifie que les poursuites ont abouti à une décision définitive rendue par une juridiction répressive, et que l’action est éteinte de telle sorte que la juridiction est dessaisie et ne peut plus être saisie des mêmes faits.


L’autorité de la chose jugée obéit à une identité d’objets, de cause et de parties. On ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits, selon le principe ne bis in idem.

  • La chose jugée concerne les faits sur lesquels le juge pénal a été appelé à statuer. Un même fait ne peut donner lieu contre le prévenu à deux actions pénales distinctes, même sous une qualification différente.
  • La chose jugée suppose également qu’il y ait identité de parties ; elle ne met pas obstacle à des poursuites séparées contre d’autres participants aux mêmes faits.


L’extinction de l’action publique est pleinement applicable lorsque la première décision a été rendue par une juridiction française.


Lorsque la décision a été rendue par une juridiction étrangère, il faut distinguer.

  • Si les faits ont été commis en tout ou partie sur le territoire français, auquel cas, le juge français reste compétent (sous réserve de déduire la peine subie à l’étranger de la condamnation française) parmi les pays de l’espace Schengen, la chose jugée joue pleinement ses effets).
  • Sinon, le juge français n’est pas compétent (art. 113-9).


L’exception de chose jugée est d’ordre public ; elle doit être relevée d’office et peut être soulevée pour la première fois devant la Cour de cassation.

Retour

Actions

Actions