L'œuvre d'art, contrairement aux objets utilitaires créés par l'Homme, n'a pas une fonction pratique. Elle n'est pas faite pour être utilisée, mais pour être contemplée. Alain, dans Le Système des Beaux-Arts (1920), explique que l'objet artisanal, par exemple un gâteau au chocolat, doit suivre des règles strictes : on ne peut pas faire un gâteau au chocolat sans chocolat. Mais l'œuvre d'art, elle, n'a pas de but précis et est libre dans sa création. L'artiste peut peindre le soleil en bleu et l'herbe en bleu, sans que cela soit considéré comme une erreur, car l'art est une expression de liberté créative.
- Exemple : Quand un artiste décide de peindre la réalité d'une manière déformée, comme Picasso qui a utilisé des formes géométriques et des perspectives multiples dans ses portraits, il ne suit aucune règle strictement réaliste. L'artiste est libre de réinterpréter la réalité comme il l'entend, sans que cela soit jugé comme une erreur.
- Hannah Arendt dans La Crise de la Culture (1961) soutient que l'œuvre d'art est immortelle. Elle ne suit pas le cycle de production et de consommation des objets utilitaires. Elle traverse le temps et peut nous dire quelque chose du monde dans lequel elle a été créée, bien au-delà des besoins de ceux qui l'ont produite.
- Exemple : Prenons la Joconde de Léonard de Vinci. Cette œuvre n'a aucune utilité pratique. Elle est simplement là pour être admirée, mais elle a traversé les siècles et nous dit beaucoup sur la société de la Renaissance, l'art et l'esthétique de l'époque. C'est un exemple d'œuvre "immortelle", qui dépasse son époque.
La beauté est un concept central dans l'évaluation d'une œuvre d'art, mais il se pose la question de savoir si elle est subjective ou objective. Est-ce que ce qui est beau dépend de la perception individuelle de chaque spectateur, ou existe-t-il une beauté universelle que tout le monde reconnaît ?
- Exemple : on peut avoir un goût particulier pour la musique de Beethoven, comme sa Cinquième Symphonie, mais d'autres peuvent ne pas apprécier ce genre de musique classique. Cela montre que l'appréciation de la beauté varie d'une personne à l'autre.
- Voltaire, dans Le Dictionnaire Philosophique, défend l'idée que le beau est relatif, qu'il dépend de la perception personnelle de chacun. Il illustre cela avec l'exemple d'un crapaud qui trouve sa femelle belle, mais qui ne correspond pas aux critères de beauté humains.
- Exemple : Dans les arts contemporains, certaines œuvres comme celles de Jeff Koons, avec ses sculptures de ballons géants, peuvent sembler magnifiques pour certains et complètement banales ou inintéressantes pour d'autres. Cette divergence d'opinion montre bien que la beauté est subjective.
- Kant, dans La Critique de la Faculté de Jugement (1790), nous dit que le jugement esthétique, contrairement au jugement sur l'agréable (qui est purement subjectif), cherche à affirmer une certaine universalité. Lorsque quelqu'un dit qu'une œuvre d'art est belle, il fait un jugement qui, selon Kant, prétend que tout le monde devrait être capable de reconnaître la beauté de l'œuvre.
- Exemple : Lorsqu'on dit que la Joconde est belle, c'est comme si l'on sous-entendait que tout le monde devrait voir en elle quelque chose d'universellement agréable. Cependant, les débats sur la beauté de l'art montrent que ces jugements sont encore profondément subjectif
L'art a le pouvoir de révéler une vérité cachée, non seulement sur le monde, mais aussi sur nous-mêmes. Henri Bergson, dans La Pensée et le Mouvant (1934), soutient que l'artiste, par sa manière particulière de voir le monde, nous aide à percevoir ce qui échappe à notre vision quotidienne. Le regard de l'artiste permet d'accéder à une réalité plus profonde.
- Exemple : Dans le cas de la Cinquième Symphonie de Beethoven, la manière dont Beethoven exprime des émotions à travers la musique transforme l'expérience de l'auditeur. Cela ne se limite pas à des sons agréables, mais ouvre à une vision plus riche de la lutte, de l'espoir, et du triomphe. L'art révèle des émotions et des vérités qui sont difficilement accessibles dans la vie quotidienne.
- Bergson nous explique que notre perception quotidienne du monde est souvent brouillée par les impératifs pratiques de la vie. L'artiste, lui, est détaché de cette utilité et peut voir le monde d'une manière plus pure. Par exemple, lorsqu'un peintre s'inspire de la nature, il ne se contente pas de reproduire ce qu'il voit ; il interprète, transforme et nous montre un autre aspect de la réalité.
- Exemple : Les œuvres comme celles de Van Gogh, notamment La Nuit étoilée, nous montrent un monde qui, bien que basé sur la réalité, est modifié par la perception unique de l'artiste. La réalité devient alors une représentation plus intense, plus émotive.
- Oscar Wilde dit que "la nature imite l'art", ce qui signifie que notre manière de voir le monde peut être transformée par l'art. L'art, en révélant la réalité sous un autre angle, transforme aussi la manière dont le spectateur perçoit sa propre existence.