Définition
Les Fondements de l'Approche Systémique
Pourquoi l’organisation est un système ?
L’organisation est vue comme un système car elle est constituée d’un ensemble d’éléments interdépendants – individus, processus, ressources – qui travaillent en coordination pour atteindre un objectif commun. Ce système est caractérisé par :
• L’interdépendance des acteurs : Chaque élément influence les autres, et l’efficacité de l’organisation dépend de la coordination de toutes les parties.
• L’adaptation à l’environnement : L’organisation doit rester en lien avec son environnement externe, ce qui l’oblige à ajuster continuellement ses activités pour rester pertinente et performante.
L’analyse stratégique de Crozier et Friedberg
Crozier et Friedberg apportent une vision stratégique de l’organisation, centrée sur les interactions et les jeux de pouvoir entre acteurs. Ils partent du principe que chaque individu agit selon ses propres intérêts et dispose d’une certaine liberté d’action, ce qui crée des dynamiques de pouvoir au sein de l’organisation. Ils soulignent également que le pouvoir et les relations au sein de l’organisation influencent ses performances et son adaptation aux changements.
Les 4 principes de l’analyse stratégique
Crozier et Friedberg définissent quatre principes fondamentaux pour analyser les stratégies et comportements des individus au sein des organisations :
1. L’individu refuse d’être un simple instrument : Chaque personne cherche à préserver ses propres intérêts et à conserver une certaine autonomie au sein de l’organisation.
2. Rationalité limitée : Contrairement à l’idée classique d’une rationalité parfaite, les individus agissent en fonction des informations disponibles et des contraintes de leur environnement. Leur rationalité est donc contingente, et ils s’adaptent aux circonstances.
3. Le pouvoir est une relation : Le pouvoir n’est pas une propriété fixe d’un individu, mais un résultat des interactions entre les personnes. Il se construit et se redistribue dans les relations interpersonnelles.
4. Le système d’action concret (SAC) : Il s’agit de l’ensemble des relations informelles et des régulations que les individus mettent en place pour résoudre les problèmes d’ajustement entre leurs intérêts personnels et les exigences de l’organisation.
Les marges de manœuvres
Dans l’analyse stratégique, chaque individu dispose de marges de manœuvre, c’est-à-dire d’une certaine liberté d’action qui lui permet de naviguer au sein des contraintes organisationnelles pour atteindre ses propres objectifs. Ces marges de manœuvre sont essentielles pour l’adaptation et la résilience de l’organisation :
• Elles permettent aux acteurs de négocier leur place et leurs conditions au sein de l’organisation.
• Les individus ajustent leurs comportements en fonction des relations de pouvoir et des règles, créant ainsi des régulations informelles.
• En utilisant leurs marges de manœuvre, les individus peuvent influencer les décisions, contourner certaines règles, et ainsi jouer un rôle actif dans l’évolution de l’organisation.
Lien entre pouvoir et zone d’incertitude
Dans les organisations, le pouvoir est étroitement lié aux zones d’incertitude, un concept développé par Crozier et Friedberg dans le cadre de l’analyse stratégique. Le pouvoir se construit en fonction de la capacité d’un individu ou d’un groupe à contrôler des éléments incertains ou non prédictibles au sein de l’organisation. En effet, plus une personne maîtrise une zone d’incertitude, plus elle devient indispensable, car elle détient des informations, compétences ou ressources que les autres n’ont pas.
Ces zones d’incertitude peuvent provenir de différentes sources, notamment :
1. Compétences spécifiques : La maîtrise de compétences rares ou précieuses augmente la dépendance des autres envers cet individu.
2. Accès à l’information : Avoir des informations stratégiques que les autres n’ont pas procure un avantage significatif.
3. Maîtrise de l’environnement : Contrôler les éléments complexes ou imprévisibles dans l’environnement organisationnel.
4. Règles et procédures : Ceux qui connaissent les règles et savent les adapter ou les contourner peuvent se rendre indispensables.
Ainsi, la gestion des zones d’incertitude permet aux acteurs d’accroître leur influence et de créer une dépendance, consolidant ainsi leur pouvoir au sein de l’organisation .
Différence avec pouvoir, influence, autorité et puissance
Le pouvoir
Le pouvoir dans une organisation est la capacité d’un individu ou d’un groupe à influencer les actions des autres. Il n’est pas un attribut fixe, mais une relation dynamique. En effet, le pouvoir se construit et se maintient en fonction des relations et des dépendances entre les individus. Plus une personne peut créer une dépendance des autres envers elle, plus son pouvoir augmente.
Caractéristiques du Pouvoir
• Relationnel : Le pouvoir existe dans l’interaction avec autrui ; il n’est effectif que s’il est reconnu par les autres.
• Contextuel et subjectif : Le pouvoir varie selon les situations et les perceptions. Une personne peut être influente dans un contexte et moins dans un autre.
• Intransitif : Le pouvoir n’est pas automatiquement transférable d’une relation à une autre. Avoir du pouvoir sur une personne ne garantit pas le même pouvoir sur une autre.
Sources du Pouvoir
• Compétence : Maîtriser des compétences spécifiques ou rares peut donner un pouvoir important, car cela rend les autres dépendants de cette expertise.
• Règles et procédures : Ceux qui contrôlent ou influencent les règles peuvent exercer un pouvoir stratégique.
• Accès à l’information : Avoir des informations que les autres n’ont pas confère un avantage pour orienter les décisions.
• Interface avec l’environnement externe : Ceux qui ont des contacts stratégiques avec des entités externes à l’organisation (clients, partenaires) peuvent influencer l’organisation depuis l’extérieur.
Pouvoir et Marges de Manœuvre
Le pouvoir s’exprime aussi à travers les marges de manœuvre que chaque individu possède dans son travail. Plus une personne a de liberté pour organiser son travail ou ses relations, plus elle dispose de pouvoir.
L’influence
L’influence est une forme de pouvoir informel, reposant souvent sur des relations personnelles et psychologiques. Elle ne dépend pas nécessairement d’un rôle formel et est plus subtile, s’appuyant sur des qualités telles que le charisme, la persuasion ou la confiance.
L’autorité
L’autorité représente le pouvoir formel d’un individu, lié à une position dans la hiérarchie de l’organisation. L’autorité est institutionnalisée et reconnue, donnant à l’individu en position d’autorité le droit de prendre des décisions et d’en faire appliquer les résultats.
La puissance
La puissance est l’intensité ou la force du pouvoir, souvent associée à la coercition. Elle se manifeste dans la capacité d’imposer des décisions ou des actions, même face à des résistances.
Pouvoir et Zone d’incertitude
Les zones d’incertitude sont des domaines dans l’organisation où l’information ou la prévisibilité sont faibles. En contrôlant ces zones d’incertitude, un individu peut créer une dépendance et ainsi accroître son pouvoir. Les zones d’incertitude peuvent être liées :
• Aux compétences rares : Un individu devient indispensable s’il contrôle des compétences ou savoir-faire rares.
• À l’environnement : Gérer des éléments complexes de l’environnement donne un pouvoir de contrôle et d’influence.
• À l’information : Détenir des informations critiques peut orienter les décisions.
• Aux règles et procédures : Maîtriser et influencer l’application des règles crée un pouvoir stratégique en rendant les autres dépendants.