Cette section introductive pose les bases de l'étude des institutions internationales en la situant comme une branche du droit international public. Le cours se propose d'examiner les différents acteurs de la société internationale (États, organisations internationales intergouvernementales, ONG, multinationales) ainsi que les règles de droit international qui régissent leurs interactions.
INTRODUCTION
1) INSTITUTIONS INTERNATIONALES ET RELATIONS INTERNATIONALES
Cette première partie explore le lien intrinsèque entre les institutions internationales et les relations internationales.
- Les institutions internationales comme aboutissement et cadre des relations internationales : L'auteur souligne que les institutions internationales sont à la fois le résultat des interactions entre les acteurs internationaux et le contexte dans lequel ces relations se développent. Elles sont un "cadre" car elles structurent les relations en fixant des principes et en déterminant des mécanismes d'organisation. Elles sont un "aboutissement" car elles stabilisent les rapports entre les États, formalisant une certaine forme de coopération et d'entente.
- Les institutions internationales au service des relations internationales et les objectifs de ces relations : Ces institutions sont conçues pour faciliter les relations entre États, qui sont principalement animées par deux objectifs fondamentaux :
- L'établissement de la paix : Distinguée en "paix négative" (absence de conflits armés) et "paix positive" (bien-être général des individus).
- Bien que non explicitement nommé ici, on peut comprendre que d'autres objectifs comme la coopération économique, sociale, et culturelle sont également poursuivis.
- Les différents moyens à la disposition des États pour animer leurs relations : Trois types de moyens sont identifiés :
- La négociation : Un moyen pacifique qui aboutit à des accords équilibrés, basés sur le consentement libre des États.
- L'incitation : Des méthodes utilisées par les États pour influencer d'autres États à agir dans leur sens. La nature précise de ces incitations (économiques, politiques, diplomatiques) n'est pas détaillée ici.
- La contrainte : Des techniques politiques, économiques ou militaires que les États puissants peuvent exercer sur les États plus faibles pour imposer leur volonté. L'auteur précise que ces techniques peuvent également être utilisées au service de la communauté internationale, y compris sous forme de contrainte armée (par exemple, dans le cadre d'opérations de maintien de la paix autorisées par l'ONU).
2) SOCIÉTÉS INTERNES ET SOCIÉTÉS INTERNATIONALES
Cette deuxième partie établit une comparaison fondamentale entre l'organisation des sociétés au sein des États (sociétés internes) et l'organisation de la société au niveau international (sociétés internationales), mettant en lumière leurs différences structurelles et juridiques.
- Caractéristiques de la société interne :
- Dissociation entre gouvernants et gouvernés : Les individus et les personnes morales sont soumis aux lois édictées par des organes distincts (les gouvernants).
- Force obligatoire de la règle de droit interne : Elle découle de sa validité et de son utilité, car elle est produite par des organes compétents.
- Mise en œuvre de la règle de droit interne : Assurée par des législateurs (élaboration), l'exécutif (exécution, potentiellement avec la force publique), et les juges (constat de la violation).
- Caractéristiques de la société internationale :
- Absence de différenciation entre gouvernants et gouvernés : Il y a une confusion des rôles car les États (et les organisations internationales créées par eux) sont à la fois les producteurs et les destinataires des règles de droit international. Les individus ne sont pas les acteurs principaux.
- Primauté des intérêts étatiques : Les acteurs (États) exercent leurs fonctions en fonction de leurs propres intérêts.
- Règlement des différends : En cas de différend entre États, le recours à la Cour Internationale de Justice (CIJ) est possible mais non obligatoire, contrairement à la société interne.
- Développement du droit international pénal : Une évolution notable est la condamnation des crimes commis par des dirigeants (par exemple, crimes contre l'humanité).
- Reconnaissance de normes impératives (jus cogens) : La CIJ a reconnu une valeur particulière à certaines règles, comme l'interdiction du génocide, qui s'imposent aux États même sans leur consentement explicite.
- Juxtaposition et non hiérarchisation des gouvernants : Les États sont égaux en droit et il n'existe pas d'autorité supérieure à eux.
- Évolution et caractéristiques contemporaines de la société internationale :
- Société close puis universelle : Initialement perçue comme "close" car toute terre émergée avait un maître (un État), le XXe siècle a marqué son universalisation en raison d'une interdépendance croissante.
- Nécessité de solidarité et de coopération internationale : Les bouleversements géopolitiques du XXe siècle (guerres mondiales, guerre froide, décolonisation, décommunisation) ont mis en évidence le besoin d'une action collective et d'un système de sécurité collective.
- Décentralisation persistante : Malgré la solidarité construite, la société internationale reste fondamentalement décentralisée, les États conservant leurs intérêts propres.
- Institutionnalisation : Le XXe siècle a également été marqué par un développement significatif des institutions internationales.
- Genèse de l'idée d'organisation internationale :
- L'idée d'organiser politiquement la société internationale et de créer des OI est en partie une réponse aux deux guerres mondiales, où les États ont pris conscience de la nécessité de structures pour prévenir les conflits.
- La Société des Nations (SDN) : Instituée après 1918 par le Pacte de la SDN, elle était une organisation internationale permanente visant à rassembler des États souverains avec une vocation universelle. Son fonctionnement était basé sur une assemblée, un conseil (avec membres permanents et non permanents) et un secrétariat. La règle de l'unanimité pour les décisions est identifiée comme une des raisons de son échec. La SDN a contribué à l'institutionnalisation des relations internationales, notamment avec la création de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), et a marqué une étape où le recours à la guerre pour résoudre les différends n'était plus considéré comme légitime.
- Antécédents des organisations internationales : Avant les OI à vocation politique, des formes embryonnaires d'organisations sont apparues au XIXe siècle dans des domaines techniques, notamment pour gérer les questions d'envergure internationale liées au développement des communications et du commerce (par exemple, les commissions fluviales internationales pour la gestion des voies navigables).
- Ébauches d'organisations politiques : L'auteur mentionne la Sainte-Alliance (1815) comme une coopération permanente entre les grandes puissances européennes après la chute de Napoléon, et l'Union Panaméricaine (née d'une conférence en 1889 à l'initiative des États-Unis), qui s'est progressivement institutionnalisée avec des organes et un bureau, évoluant vers une double fonction administrative et politique (pour devenir l'Organisation des États Américains - OEA).
- L'ONU comme jalon majeur : La création de la SDN et de l'ONU sont présentées comme des marqueurs importants de la dynamique institutionnelle, faisant du XXe siècle "l'âge d'or" de l'institutionnalisation.
- Différentes catégories d'organisations internationales :
- Organisations universelles : Ouvertes à tous les États du monde (exemple : ONU).
- Organisations régionales : Admettent des États unis par une solidarité géographique.
- Organisations de coopération : N'ont pas de pouvoir de décision obligatoire, offrent un cadre de négociation et n'ont pas d'impact direct sur la souveraineté des États membres.
- Organisations d'intégration : (Exemple : UE) Les États membres leur ont transféré des compétences, et elles peuvent adopter des actes obligatoires pour ces États dans leurs domaines de compétence. Elles peuvent prendre des décisions individuelles ou des règlements directement applicables dans l'ordre juridique interne des États membres.
- Classification fonctionnelle (selon leur mission) : Organisations à vocation sécuritaire, normatives (Conseil de l'Europe, OMS), sectorielles (OMS, OACI), juridictionnelles (Cour Pénale Internationale).
3) INSTITUTIONS INTERNATIONALES, ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET ÉTAT
Cette troisième partie distingue clairement les organisations internationales d'autres formes de coopération ou de regroupements d'États qui, bien qu'impliqués dans les affaires internationales, ne possèdent pas toutes les caractéristiques d'une OI. Elle se concentre également sur la définition et les éléments constitutifs d'une organisation internationale, en la distinguant de l'État.
- Distinction entre organisations internationales et autres institutions internationales : Certaines entités qui réunissent des États ne doivent pas être confondues avec les OI car elles manquent de certaines caractéristiques essentielles.
- Conférences non conventionnalisées (exemple : G7) : Sont décrites comme des groupes de discussion ou de partenariat périodiques entre grandes puissances économiques. Elles n'ont pas de personnalité morale, de secrétariat permanent ou de structure institutionnelle formelle, et leurs décisions (déclarations communes) ne sont pas contraignantes. L'évolution du G6 au G7 (avec l'inclusion puis l'exclusion de la Russie) est mentionnée.
- Groupes de contact (exemple : G5 Sahel) : Contrairement au G7, le G5 Sahel (Mauritanie, Tchad, Mali, Niger...) créé en 2014 pour lutter contre le terrorisme est présenté comme possédant les éléments constitutifs d'une organisation internationale (acte constitutif, organes permanents), bien que l'auteur note qu'il est en voie de le devenir ("tous les critères sont réunis pour qu’elle devienne une organisation inter gouvernementale").
- Mécanismes de coopération internationale (exemple : CGPCS sur la piraterie au large de la Somalie) : Créé par le Conseil de sécurité de l'ONU en 2009, ce groupe de contact est un mécanisme de coordination et d'échange d'informations entre États et OI pour lutter contre la piraterie. Il ne constitue pas en soi une organisation internationale au sens strict.
- Définition et caractéristiques d'une organisation internationale : Plusieurs définitions convergent vers un ensemble de caractéristiques distinctives par rapport à l'État :
- Association d'États : Elle est composée principalement d'États.
- Établie par voie conventionnelle : Créée par un accord international (traité multilatéral) qui exprime la volonté des États fondateurs.
- Poursuite d'objectifs communs : Les États membres se regroupent pour atteindre des buts partagés.
- Moyens d'organes permanents qui lui sont propres : L'OI dispose d'une structure institutionnelle stable et distincte de celle de ses États membres.
- Possède une personnalité juridique distincte de celle de ses États membres : Elle est un sujet de droit international avec ses propres droits et obligations.
- Distinction entre organisations internationales intergouvernementales et ONG : La différence réside dans la composition (États pour les OI) et la nature juridique (droit public pour les OI). Des exemples d'organisations internationales "composites" (formées par d'autres OI) sont donnés (Joint Vienna Institute).
- Nature juridique du traité constitutif d'une organisation internationale : Le traité fondateur d'une OI a une double nature :
- Conventionnelle : Comme tout autre traité, il est un accord de volonté entre États.
- Matérielle (constitutionnelle) : Il établit les règles de fonctionnement de l'OI, fixe ses objectifs, identifie les droits et obligations des États membres, et décrit les pouvoirs et fonctions de ses organes. Il est la norme suprême de l'organisation. L'auteur souligne que cette nature constitutionnelle précise l'organisation des pouvoirs au sein de l'OI.
- L'acte constitutif est à la fois conventionnel (fixant le fonctionnement, l'objet, les missions et les objectifs) et institutionnel (instituant une organisation qui évolue avec la pratique, comme la création des casques bleus de l'ONU non prévue initialement).
- Personnalité juridique propre de l'organisation intergouvernementale : Elle est titulaire de droits et d'obligations distincts de ceux de ses États membres.
- Les organisations internationales ne sont pas des sujets primaires du droit international : Bien qu'ayant des droits et des obligations, elles sont des sujets institués par la volonté des États (sujets dérivés), contrairement aux États qui sont des sujets originaires du droit international. Les OI n'ont ni territoire, ni population propre, et ne sont pas souveraines (elles n'ont pas la "compétence de leur compétence").
- Éléments constitutifs de l'État : Trois éléments sont traditionnellement reconnus :
- Territoire : Le cadre géographique de l'exercice des compétences étatiques (terrestre, maritime, aérien).
- Population : L'ensemble des personnes présentes sur le territoire (nationaux et étrangers). L'État exerce une compétence personnelle sur ses nationaux et une compétence territoriale sur toute personne présente sur son territoire. La nationalité est acquise selon des critères choisis par l'État (jus soli, jus sanguinis, ou les deux). L'État exerce une protection sur ses nationaux à l'étranger. La nationalité est distinguée de la citoyenneté (capacité de disposer de certains droits civils et politiques, qui suppose la nationalité).
- Gouvernement (organisation politique coercitive) : L'ensemble du pouvoir public assurant les fonctions étatiques classiques (régaliennes : défense, police, justice...). Il doit être capable d'exercer une autorité réelle et durable sur l'ensemble du territoire et de la population. Le droit international exige l'effectivité du gouvernement mais ne se prononce pas sur la nature du régime politique.
- Formation de l'État et reconnaissance internationale : La réunion des trois éléments constitutifs forme un État. La reconnaissance internationale par d'autres États est un acte unilatéral par lequel un État constate qu'une entité possède les éléments constitutifs de l'État et est donc apte à avoir une vie sur la scène politique. La reconnaissance est un acte déclaratif (elle constate une situation existante) et non constitutif (elle ne crée pas l'État). Des exemples de situations de reconnaissance (Kosovo) sont donnés. Les notions de scission (disparition d'un État donnant naissance à de nouvelles unités) et de sécession (détachement d'une partie du territoire) sont brièvement définies.
- La souveraineté comme qualité de l'État : La souveraineté n'est pas un quatrième élément constitutif mais plutôt une qualité de l'exercice de l'autorité étatique, distinguant l'État de l'organisation internationale. L'indépendance est à la fois la condition et le critère de la souveraineté. La souveraineté garantit la non-ingérence des autres États dans les affaires intérieures et les relations extérieures d'un État. Elle se décline en :
- Souveraineté positive : Confère à l'État un pouvoir limité sur les sujets qui lui sont soumis.
- Souveraineté négative : Signifie que l'État n'est soumis à aucune autorité supérieure qui pourrait lui imposer sa contrainte (principe de non-ingérence).
- Les restrictions à la liberté d'un État souverain ne se présument pas, et l'État interprète lui-même les obligations auxquelles il est soumis (sous réserve des règles de jus cogens - droit impératif).
- Notion d'État failli (Failed state) / État effondré (Collapsed state) : Ces termes désignent des situations où le gouvernement n'est plus capable d'exercer effectivement son autorité sur le territoire et la population.