Chapitre 1 : La pluralité des règles juridiques au temps de la monarchie franque (Ve - IXe siècle)
Le haut Moyen Âge et l’influence romaine
L’influence romaine reste très présente dans l’Empire carolingien, même après la chute de l'Empire romain d'Occident (476). Cette influence est évidente en 800, lorsque Charlemagne est couronné empereur à Rome, symbolisant la restauration de l’Empire. Ce modèle impérial est un mélange de droit romain et de règles barbares, montrant comment ces deux traditions juridiques coexistent.
Section 1 : La valorisation des lois personnelles
Paragraphe 1 : Émergence du système de la personnalité des lois
A) Un modèle encouragé par l’Empire
- 476 : Après la chute de l'Empire romain, plusieurs peuples s'installent sur les territoires de l'Empire. Les Barbares (est et nord) sont moins nombreux que les Gallo-romains (8 millions contre 500 000), ce qui crée une diversité juridique.
- Chaque peuple conserve ses propres traditions juridiques : les Gallo-romains continuent d'appliquer le droit romain, tandis que les Barbares appliquent leurs lois coutumières.
- Clovis (règne de 481 à 511) conquiert ces territoires, et il adopte un système de loi personnellequi respecte les traditions juridiques des peuples conquis, en appliquant leur propre droit.
- Ce système est inspiré du droit romain, notamment par la reconnaissance des lois personnelles pour chaque peuple (c’est-à-dire la loi qui s'applique à un individu selon son origine).
B) « Sous quelle loi vis-tu ? »
- Lors d’un litige, le juge demande aux parties sous quelle loi elles vivent, et applique la loi du défendeur si les deux parties n’ont pas la même loi d’origine.
- Le droit personnel se base sur la loi de l’origine : un enfant suit la loi de son père s’il est légitime, et la loi de sa mère si l’enfant est naturel.
- Évolution au 8e siècle : Les juges commencent à appliquer de plus en plus la loi de la victime dans les conflits de lois.
- Exemple : La femme, lors du mariage, prend la loi de son mari. Cependant, à partir de 822, un capitulairepermet à la veuve de retrouver sa loi d’origine après le décès de son époux.
Paragraphe 2 : Lois barbares et lois d’inspiration romaine
I) Les textes à dominante germanique
- Les lois barbares sont appelées leges barbarorum. Elles sont principalement orales, transmises de génération en génération.
- Code d’Euric (476) : Rédigé par les Wisigoths, il est un mélange de droit romain et coutumes barbares.
- Exemple : La faida (vengeance privée) est une pratique de justice pénale. Si un meurtrier n’est pas puni, la famille de la victime peut venger la mort elle-même.
- Loi Salique (507 - 511) :
- Rédigée sous Clovis, exclut les femmes de la succession et définit les règles successorales et pénales. Elle contient des éléments de droit pénal avec des compositions pécuniaires (argent payé pour dédommager la victime).
II) L’omniprésence des bases romaines
- Le droit romain reste vivant dans l’Empire et influence les lois des Barbares, qui l’adoptent partiellement pour régir leurs populations Gallo-romaines.
- Exemple : Les Burgondes, sous Gondebaud, et les Wisigoths, sous Alaric II, rédigent des lois inspirées du droit romain pour leurs sujets Gallo-romains. Le Breviaire d'Alaric (506) reprend des extraits des constitutions impériales et des jurisconsultes romains comme Papinian et Ulpian.
Section 2 : Pouvoir de légiférer des rois
I) Une attribution lente à se concrétiser (Carolingiens)
- Le bannum :
- Définition : Le bannum est le pouvoir royal de commandement, qui permet au roi de légiférer, de commander, et de punir.
- Mundiun : La protection du peuple est également une des responsabilités du roi, qui garantit la paix sur son territoire.
- Les Mérovingiens (notamment sous Clovis) sont faibles dans l’exercice de ce pouvoir, car ils manquent de capacité à imposer des décisions et leur autorité est souvent contestée par les aristocrates locaux.
- Le pouvoir royal en déclin :
- Après Clovis, les rois fainéants (sous les Mérovingiens) sont de moins en moins influents, ce qui permet aux seigneurs locaux d’avoir plus de pouvoir.
- Les rois n’arrivent à légiférer que de manière sporadique, en réunissant des assemblées avec l’aristocratiepour discuter des lois.
II) Le dynamisme apporté par l’empire carolingien
- Charlemagne (800) :
- Couronnement : En 800, Charlemagne est couronné empereur, marquant un renouveau de la monarchie. Il restaure l’Empire et commence à légiférer de manière plus efficace.
- Capitulaires : Charlemagne introduit les capitulaires (lois des Carolingiens) qui deviennent des actes législatifs importants. Certains complètent la Loi Salique et d'autres se concentrent sur des questions de droit ecclésiastique.
- Le sacre et le pouvoir royal :
- Le sacre de Pépin le Bref (751) marque l’alliance entre l’Église et la monarchie, renforçant la légitimité du roi.
- Charlemagne utilise aussi son allié l’Église pour établir une autorité plus forte, mais il est toujours confronté à l’opposition de l'aristocratie.
- A partir du 9e siècle, les plaids généraux (assemblées des seigneurs et de l’Église) deviennent un moyen pour l’aristocratie de contester les capitulaires, ce qui amène un affaiblissement du pouvoir royal.
Section 3 : Les précieux repères apportés par l’Église
I) La stabilité d’une institution
- L’Église et le pouvoir :
- Dès la conversion de Clovis (496), l’Église devient un partenaire politique du pouvoir royal. Cette alliance se renforce sous les Carolingiens grâce au sacre royal, qui fait du roi le représentant de Dieu sur Terre.
- Clovis et ses successeurs renforcent la position de l’Église dans la société franque, et le clergé devient un conseiller royal de plus en plus influent.
II) Des normes savantes
- Le droit canonique :
- L’Église, avec son droit canonique, participe à l’élaboration des normes juridiques dans le royaume. Le droit romain influence également les décisions et actions du clergé.
- Les décrétales du pape, les canons issus des conciles, et les pénitentiels sont des exemples de l’évolution du droit canonique.
- Ordalie : L’Église impose des pratiques comme l’ordalie (jugement de Dieu), où les preuves reposent sur la foi chrétienne. Cela inclut des tests comme le jugement de l’eau ou du fer rouge pour prouver l’innocence ou la culpabilité d’un accusé.