Fiche – Explication de texte : Au Cabaret Vert d’Arthur Rimbaud
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Accroche
« Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! » Cette exclamation de René Char rend hommage à la vie d’errance du jeune poète, à sa volonté farouche de fuir les conventions et de chercher une vérité poétique au cœur du réel.
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Introduction
Le sonnet Au Cabaret Vert, extrait des Cahiers de Douai, a été écrit alors que Rimbaud n’avait que 16 ans. Après avoir fugué, il entame une vie de vagabondage qui nourrira son œuvre. Ce poème, autobiographique, relate une halte dans une auberge à Charleroi et restitue une scène de bonheur simple mais intense, incarnée dans les sensations physiques et sensuelles d’un repas, rehaussées par l’arrivée d’une serveuse.
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Problématique
En quoi Au Cabaret Vert est-il une expression poétique et moderne du bonheur vagabond et sensoriel de Rimbaud ?
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Annonce du plan
Le poème, structuré en quatre strophes (deux quatrains, deux tercets), peut être analysé en quatre mouvements qui retracent l’évolution du ressenti du poète :
- L’arrivée du poète : un récit autobiographique.
- L’apaisement : bonheur simple et repos.
- L’éveil des sens : une sensualité joyeuse.
- L’extase : une jouissance quasi spirituelle.
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Développement
I.
L’entrée dans l’auberge : entre réalisme et rupture poétique
- Indications spatio-temporelles précises (« depuis huit jours », « à Charleroi », « au Cabaret Vert »).
- Ton autobiographique (temps verbaux variés, pronom personnel « je »).
- Style narratif rompt avec la poésie classique : description triviale (repas simple), ponctuation expressive.
- Rimes croisées (ABAB), enjambements et rejets : signe d’une poésie en mouvement, hors des carcans.
II.
Le repos du vagabond : bonheur simple et bien-être
- Adjectif isolé : « Bienheureux » → état de plénitude.
- Gestes quotidiens et prosaïques (jambes allongées, contemplation).
- Enjambements = continuité de la pensée.
- Diérèses et tirets = rythme oral, naturel, proche du monologue intérieur.
III.
Éveil sensuel : une serveuse provocante et vivante
- Interjection vive : « – Celle-là, ce n’est pas un baiser qui l’épeure ! – »
- Langage familier, rupture de ton, spontanéité juvénile.
- Description provocante (lexique corporel, mise en valeur des « tétons »).
- Répétitions : nourriture, couleurs, sensations → synesthésie à la Baudelaire
IV.
Plénitude et spiritualisation du moment
Le bonheur atteint son comble : adjectif « immense ».
- Association des plaisirs des sens et de l’esprit : couleurs, odeurs, goûts.
- Allitérations douces (/m/, /s/) → harmonie sensorielle.
- Dernier vers : la lumière du soleil sacralise la bière, élévation spirituelle.
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Conclusion
Avec Au Cabaret Vert, Rimbaud, adolescent fugueur et poète déjà révolutionnaire, transforme un moment banal en une expérience sensorielle et spirituelle intense. Il s’éloigne des codes classiques (forme, langage, sujets) pour inventer une nouvelle poésie vivante, libre, et profondément personnelle. Ce sonnet incarne la fusion entre vie et poésie, chère à Rimbaud, ce « poète aux semelles de vent » selon Verlaine.