Section 2 : Les autres fondements de la compétence française
En complément du principe de territorialité, la loi pénale française s’applique dans d’autres cas précis, fondés sur des critères tels que la nationalité des protagonistes ou la nature de l’infraction.
I. Fondements généraux
A. Fondements légaux
- Compétence personnelle
- Basée sur la nationalité des protagonistes :
- a. Compétence personnelle active (Article 113-6 CP) :
- Crimes commis par un Français à l’étranger : loi française toujours applicable.
- Délits commis par un Français à l’étranger : loi française applicable si les faits sont punis par la loi du pays où ils sont commis.
- b. Compétence personnelle passive (Article 113-7 CP) :
- Crimes : loi française applicable si la victime est française.
- Délits punis d’emprisonnement : loi française applicable si la victime est française.
- Restrictions procédurales :
- Poursuites conditionnées par une réquisition du ministère public ou une plainte de la victime (Article 113-8 CP).
- Non bis in idem : pas de poursuites en France si le prévenu a été définitivement jugé à l’étranger (Article 113-9 CP).
- Compétence réelle (Article 113-10 CP)
- Basée sur l’objet de l’infraction lorsqu’il touche aux intérêts fondamentaux de la Nation :
- Crimes/délits contre les institutions de l’État, falsification de sceaux, monnaie, complots, etc.
- Atteintes aux agents ou locaux diplomatiques français à l’étranger.
- Compétence universelle
- Fondée sur des conventions internationales ratifiées par la France (Articles 113-12 CP et 689 CPP).
- Exemples : crimes contre l’humanité, torture, financement du terrorisme, piraterie.
B. Indivisibilité
- La compétence française s’étend aux infractions connexes dès lors qu’elles forment un tout indivisible.
- Exemples :
- Cass. crim., 23 janvier 1981 : Indivisibilité entre faits commis en France et à l’étranger.
- Cass. crim., 15 mars 2006 : Le recel est indivisible de l’infraction principale.
II. Fondements spéciaux
A. Compétences sui generis
- Objet de protection de l’infraction
- Terrorisme (Article 113-13 CP) : Crimes et délits liés au terrorisme, sans restrictions procédurales.
- Atteinte aux intérêts de l’UE (Article 113-14 CP) : Infractions portant atteinte au budget de l’Union européenne.
- Crimes contre l’humanité (Article 689-11 CPP).
- Moyen de commission de l’infraction
- Réseaux de communication électronique (Article 113-2-1 CP) :
- Les infractions réalisées via internet contre des personnes physiques ou morales en France sont réputées commises sur le territoire français.
B. Compétences spécifiques
- Exemple : Article 225-12-3 CP : Délits commis à l’étranger par un Français ou une personne résidant habituellement en France dans le cadre de la prostitution de mineurs.
- Exemple : Article 221-5-1 CP : Proposition d’assassinat ou d’empoisonnement, même si le crime n’a pas été commis.
Sous-titre 2 : Le principe d’interprétation stricte de la loi pénale
I. Fondements internes
- Article 111-4 CP :
- "La loi pénale est d'interprétation stricte."
- Impose une application ni plus, ni moins stricte que le texte légal.
- Décision du Conseil constitutionnel, 16 juillet 1996 :
- L’interprétation stricte garantit le respect du principe de légalité en empêchant une application arbitraire de la loi pénale.
II. Fondements conventionnels
- CEDH, Kokkinakis c. Grèce (25 mai 1993) :
- Le principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) impose que la loi pénale :
- Ne soit pas appliquée de manière rétroactive.
- Ne soit pas interprétée de manière extensive au détriment de l’accusé.
Résumé des points clés
- Compétence française en droit pénal :
- Fondée sur la territorialité, la nationalité des protagonistes, ou la nature de l’infraction.
- Peut être élargie par des conventions internationales ou des règles spécifiques.
- Indivisibilité :
- Permet de regrouper des infractions connexes pour juger l’ensemble des faits en France.
- Interprétation stricte de la loi pénale :
- Limite toute extension ou ambiguïté au détriment des accusés, garantissant le respect du principe de légalité.