Introduction
Les quasi-contrats innommés sont des obligations juridiques créées par la jurisprudence, sans être expressément définies dans le Code civil. Ils concernent principalement des situations atypiques où il est nécessaire de contraindre une partie à remplir une obligation en l’absence de tout contrat formel.
👉 Exemple majeur : les loteries publicitaires
- Un consommateur reçoit un courrier lui annonçant qu’il a gagné un gros lot.
- En réalité, ce gain est conditionné à une participation future → fausse annonce.
- Le consommateur, déçu, veut obtenir réparation.
- Quelle voie juridique utiliser ?
👉 Problème central :
- Il n’existe pas de contrat entre le destinataire et l’annonceur.
- L’annonceur n’a pas d’obligation contractuelle de verser le gain.
- Solution recherchée par le juge pour contraindre l’annonceur à indemniser ou exécuter sa promesse.
📌 SECTION 1 : L’ÉVOLUTION DES SOLUTIONS JURIDIQUES
I. L’échec des premières solutions
A. La responsabilité extracontractuelle pour faute
- Première approche utilisée par les juges → fonder la condamnation sur la faute de l’annonceur.
- Pourquoi une faute ?
- L’annonceur dissimule un aléa en faisant croire que le gain est garanti.
- Le consommateur subit un dommage moral : un espoir déçu, un gain manqué.
👉 Problème :
- L’indemnisation est trop faible.
- L’annonceur est faiblement sanctionné.
- Très peu de consommateurs agissent en justice, car la procédure est coûteuse.
B. Tentative d’application du contrat ou de l’engagement unilatéral de volonté
Les juges ont cherché à requalifier la situation en contrat pour forcer l’annonceur à verser le gain.
👉 Deux approches testées :
- Théorie du contrat
- L’annonceur aurait fait une offre d’un gain de 200 000 €.
- Le consommateur, en renvoyant son bon de commande, aurait accepté cette offre.
- Conséquence : l’annonceur devrait verser la somme.
- Théorie de l’engagement unilatéral de volonté
- L’annonceur aurait manifesté une volonté unilatérale de donner un gain.
- Cette promesse créerait une obligation d’exécution.
👉 Problème :
- Juridiquement fragile → l’annonceur n’a jamais eu l’intention réelle de s’engager.
- Le juge modifie les faits pour faire croire à un contrat inexistant.
II. La consécration d’un quasi-contrat par la jurisprudence
A. La solution dégagée par la Cour de cassation
👉 Arrêt Cass. ch. mixte, 6 septembre 2002 :
- Fondement retenu : quasi-contrat.
- Article 1371 du Code civil (ancien) :
- « Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers. »
- Application aux loteries publicitaires :
- L’annonceur a créé une attente légitime chez le consommateur.
- Il doit être tenu par son engagement.
👉 Effet :
- L’annonceur est contraint de verser le gain promis.
- Sanction plus lourde que la responsabilité extracontractuelle.
B. Critique de la solution
👉 Est-ce vraiment un quasi-contrat ?
- Un quasi-contrat suppose qu’une personne s’appauvrit au profit d’une autre.
- Or, ici, l’annonceur ne s’appauvrit pas en envoyant un faux courrier.
- Problème de logique juridique :
- Normalement, celui qui est obligé est celui qui s’est enrichi.
- Ici, c’est celui qui a agi spontanément (l’annonceur) qui est contraint.
👉 Une solution pragmatique mais discutable
- Le quasi-contrat est utilisé pour corriger un abus, mais il n’est pas adapté en théorie.
- Critique doctrinale : les juges ont forcé le droit pour trouver une solution efficace.
📌 SECTION 2 : L’IMPACT DE LA RÉFORME DE 2016
I. Le silence du Code civil sur les quasi-contrats innommés
A. La réforme n’a pas intégré cette solution
👉 Le Code civil ne mentionne pas explicitement les loteries publicitaires.
- Aucune disposition sur les quasi-contrats innommés.
- L’article 1300 du Code civil ne parle que des trois quasi-contrats nommés :
- Gestion d’affaires.
- Paiement de l’indu.
- Enrichissement injustifié.
👉 Le silence du législateur : un rejet de la solution jurisprudentielle ?
- Certains auteurs pensent que le silence signifie un rejet de l’approche quasi-contractuelle.
- D’autres estiment qu’il laisse les juges libres d’interpréter.
B. Maintien du pouvoir d’interprétation du juge
👉 Le rapport au Président de la République lors de la réforme précise :
« Ce projet d’ordonnance ne remet pas en cause le pouvoir d’interprétation du juge et l’existence de quasi-contrats innommés. »
Conséquence :
- Les juges peuvent toujours créer des quasi-contrats innommés.
- Aucune règle ne les empêche d’utiliser la solution des loteries publicitaires.
II. Quelle solution pour l’avenir ?
A. Retour à la responsabilité extracontractuelle
Les juges pourraient revenir à la responsabilité extracontractuelle, mais en l’adaptant :
- Augmenter les dommages-intérêts pour rendre la sanction plus dissuasive.
- Éventuellement introduire des dommages-intérêts punitifs.
👉 Idée d’une future réforme :
- Créer une nouvelle catégorie de quasi-contrats spécifiques pour ces situations.
- Ou renforcer la responsabilité extracontractuelle avec des sanctions plus lourdes.
📌ARTICLES ET JP
Article 1300 du Code civil :
Arrêt Cass. ch. mixte, 6 septembre 2002 :
→ Consacre l’application du quasi-contrat aux loteries publicitaires.
Rapport au PR sur la réforme de 2016 :
→ Confirme que le pouvoir d’interprétation du juge est maintenu.