I. DÉFINITION DES PGD
Les principes généraux du droit (PGD) sont des principes non écrits, dégagés par le juge, qui s'imposent à l'administration.
Les PGD ont été créés pour combler des lacunes textuelles et assurer la protection des droits et libertés.
- Ils ne sont pas inscrits dans des textes législatifs ou constitutionnels, mais sont reconnus par la jurisprudence.
- Ils s’imposent aux actes administratifs et doivent être respectés par l’administration.
D’autres juridictions, comme la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel (CC), dégagent aussi des principes généraux en s’appuyant sur :
- Des conceptions idéologiques et philosophiques.
- Des textes constitutionnels et internationaux.
- Des textes législatifs.
Exemple d’application :
- CE, Ass., 8 juin 1973, Dame Peynet → Extension d’un principe du droit du travail (interdiction de licencier une femme enceinte) à la fonction publique.
Distinction avec d’autres principes
Les PGD se différencient de :
- Les PFRLR (Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République) qui ont valeur constitutionnelle.
- Les PVC (Principes à Valeur Constitutionnelle) qui sont déduits des textes constitutionnels par le Conseil constitutionnel.
II. CONTENU DES PGD
Les PGD sont souvent utilisés pour pallier des lacunes textuelles, notamment en matière de droits et libertés.
A. Les origines historiques des PGD
La technique des PGD a existé de manière implicite sous la IIIe République.
Exemples :
- CE, 20 juin 1913, Téry → Création implicite du droit de la défense devant les juridictions administratives.
- CE, 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier → Dégagement explicite du PGD des droits de la défense. Une kiosquière se voit retirer son kiosque sans possibilité de défense → principe appliqué aux relations entre administration et usagers.
- CE, 26 octobre 1945, Sieur Aramu → Première fois que le terme PGD est formellement utilisé.
Ces décisions ont posé les fondements jurisprudentiels des PGD, en l’absence de contrôle de constitutionnalité à l’époque (CE, Arrighi, 1936).
B. Les PGD issus de la philosophie libérale
La Seconde Guerre mondiale a marqué un renouveau de la jurisprudence administrative, avec la création de grands principes libéraux.
Exemples :
- Principe d’égalité → CE, 9 mars 1951, Société des concerts du conservatoire.
- Libre accès aux emplois publics → CE, 28 mai 1954, Barel.
- Liberté du commerce et de l’industrie → CE, 22 juin 1951, Daudignac.
- Droit au recours pour excès de pouvoir → CE, 17 février 1950, Dame Lamotte.
- Sécurité juridique et non-rétroactivité des actes administratifs → CE, 25 juin 1948, Société du Journal "L’Aurore".
- Protection de l’administration et continuité du SP (limite au droit de grève) → CE, 6 juillet 1950, Dehaene.
- Interdiction de condamner une personne publique à une somme indue → CE, 19 mars 1917, Mergui.
C. La spécialisation des PGD
Avec le temps, les PGD se sont spécialisés et étendus à de nouveaux domaines.
Exemples :
- Interdiction de licencier une femme enceinte (extension du droit du travail à la fonction publique) → CE, Ass., 8 juin 1973, Dame Peynet.
- Interdiction de rémunérer en deçà du SMIC → CE, 23 avril 1982, Ville de Toulouse.
- Droit de mener une vie familiale normale (PGD inspiré des conventions internationales) → CE, Ass., 8 décembre 1978, GISTI.
- Protection des réfugiés : impossibilité de les expulser vers leur pays d’origine → CE, 1er avril 1988, Bereciartua-Echarri.
- Unité familiale appliquée aux réfugiés → CE, 2 décembre 1994, Agyepong.
III. VALEUR NORMATIVE DES PGD
Les PGD occupent une place spécifique dans la hiérarchie des normes.
- Selon René Chapus : les PGD ont une valeur infra-législative mais supra-décrétale.
- Ils s’imposent aux actes réglementaires, même autonomes.
- Tous les actes de l’administration doivent les respecter, y compris les ordonnances non ratifiées.
A. L’autorité des PGD en droit administratif
Exemple :
- CE, Ass., 26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs-conseils → Les PGD s’imposent à tous les actes réglementaires, quelle que soit leur nature.
Le législateur peut toujours revenir sur un PGD, mais ne l’a jamais fait jusqu’à présent.
B. Influence des PGD sur le droit constitutionnel et européen
Certains PGD ont été reconnus comme principes constitutionnels ou internationaux.
Exemples :
- Égalité (valeur constitutionnelle) → CC, 27 décembre 1973, Taxation d’office.
- Droits de la défense (PFRLR) → CC, 2 décembre 1976, Prévention des accidents du travail.
- Article 16 CEDH intégré en droit français → CC, 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances.
C. L’affaiblissement progressif de la technique des PGD
Aujourd’hui, le JA n’invoque plus systématiquement la qualification de PGD, même lorsqu’il applique des principes généraux du droit.
Pourquoi ?
- Les sources constitutionnelles et européennes ont pris de l’importance (moins besoin de combler les lacunes par des PGD).
- Les juges préfèrent parfois fonder leurs décisions sur des principes écrits (CE, CEDH, CJUE).
- La distinction entre PGD et autres principes (PFRLR, PVC) devient floue.
Il n’existe pas de hiérarchie entre les juges suprêmes (Conseil d’État, Cour de cassation, Conseil constitutionnel). Chaque ordre juridique a sa propre logique, mais tous peuvent dégager des principes fondamentaux.
Articles et arrêts clés
Principaux arrêts du Conseil d’État
- CE, 26 octobre 1945, Sieur Aramu → Première mention officielle des PGD.
- CE, 17 février 1950, Dame Lamotte → Droit au recours pour excès de pouvoir.
- CE, Ass., 8 décembre 1978, GISTI → Droit à une vie familiale normale.
- CE, Ass., 8 juin 1973, Dame Peynet → Interdiction de licencier une femme enceinte dans la fonction publique.
- CE, Ass., 26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs-conseils → Les PGD s’imposent à tous les actes réglementaires.
Principales décisions du Conseil constitutionnel
- CC, 27 décembre 1973, Taxation d’office → Égalité = principe constitutionnel.
- CC, 2 décembre 1976, Prévention des accidents du travail → Droits de la défense = PFRLR.