FICHE 12 : L’ERREUR
T2/C1/S2/SS2/I-L’erreur
Les vices du consentement : En droit des contrats, le consentement des parties doit être libre et éclairé. Si une erreur, un dol ou une violence affecte ce consentement, on parle de vice de consentement (article 1130 du Code civil), pouvant entraîner la nullité du contrat.
I. L’Erreur
Définition : L’erreur est une fausse croyance sur un élément déterminant du contrat. Une partie se trompe, seule, sur un point essentiel. La simple erreur ne suffit pas pour annuler un contrat ; elle doit porter sur une qualité essentielle de la prestation ou de la personne.
A. Domaine de l’Erreur
- Erreur obstacle
- Concept doctrinal : Non mentionnée dans le Code civil, l’erreur obstacle se produit lorsque les parties se méprennent totalement sur l’objet ou la nature du contrat, empêchant la rencontre des volontés.
- Exemples :
- Les parties pensent contracter pour des objets différents (ex. une parcelle différente de celle imaginée).
- Les parties se méprennent sur la nature du contrat (ex. l’une pense conclure un prêt gratuit, l’autre un bail).
- Rareté : Cette erreur est marginale et rarement invoquée.
- Erreur vice du consentement
- Article 1132 : « L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »
- a. Erreur sur les qualités essentielles de la prestation
- Une qualité essentielle est une caractéristique jugée primordiale pour contracter.
- Jurisprudence notable :
- Arrêt Poussin, 22 février 1978 : Nullité du contrat pour erreur sur l’auteur du tableau. La qualité de l’auteur (Poussin) était jugée essentielle.
- Article 1133 : Les qualités essentielles doivent être expressément ou tacitement convenues pour constituer un vice du consentement.
- Aléa : Si les parties acceptent un aléa sur une qualité, l’erreur est exclue. Par exemple, l’achat d’une œuvre attribuée « possiblement » à un artiste exclut la nullité.
- b. Erreur sur les qualités essentielles du cocontractant
- Article 1134 : Applicable aux contrats intuitu personae (ex. contrat de travail, mandat), pour lesquels l’identité ou une qualité du cocontractant est déterminante.
- Exemple : Une entreprise contracte avec un peintre en pensant qu’il est qualifié pour réaliser une fresque spécifique, alors qu’il ne possède pas ces compétences.
- Erreurs indifférentes
- Erreurs ne justifiant pas la nullité car elles n’affectent pas les qualités essentielles de l’objet du contrat.
- a. Erreur sur les motifs :
- Ce sont des erreurs sur les raisons personnelles de contracter (ex. achat d’un cadeau pour une personne décédée ensuite).
- Article 1135 : L’erreur sur un simple motif n’est pas cause de nullité, sauf si le motif est expressément convenu comme déterminant.
- Exception : En matière de libéralité (donation), l’erreur sur le motif peut être une cause de nullité sans mention expresse.
- b. Erreur sur la valeur :
- Article 1136 : L’erreur sur la valeur n’est pas cause de nullité. Elle correspond à une évaluation erronée de l’objet (ex. payer trop cher une œuvre).
- Distinction : Différente de l’erreur sur les qualités essentielles. Par exemple, acheter une fausse œuvre en croyant qu’elle est authentique relève d’une erreur sur la qualité, non sur la valeur.
- c. Erreur sur la rentabilité
- La rentabilité peut, dans certains cas, être considérée comme une qualité essentielle :
- Contrats de franchise : La rentabilité est déterminante (ex. arrêt du 4 octobre 2011).
- Contrats de défiscalisation : La qualité essentielle inclut l’éligibilité à une défiscalisation (ex. arrêt du 22 juin 2022).
- En dehors de ces cas spécifiques, l’erreur sur la rentabilité est une erreur indifférente.
B. La Sanction de l’Erreur
- Nullité du contrat :
- Article 1132 : L’erreur excusable est une cause de nullité si elle porte sur une qualité essentielle.
- Effet : La nullité entraîne la disparition rétroactive du contrat.
- Types de nullité :
- Nullité relative : Pour les erreurs protégeant un intérêt privé (ex. qualité essentielle).
- Nullité absolue : Rare pour l’erreur ; protège un intérêt général.
- Erreur excusable
- L’erreur doit être excusable pour fonder la nullité : elle ne doit pas être due à une négligence grave ou à une compétence insuffisante du contractant.
- Charge de la preuve : C’est au contractant invoquant l’erreur de démontrer son existence, y compris via des éléments postérieurs (ex. preuves de la qualité de l’œuvre après achat, arrêt Poussin).