I. L’Autonomie du Droit Administratif
A. Les Types d’Autonomie
- Autonomie formelle : Le JA est indépendant pour appliquer les règles qui s’imposent en DA, avec la liberté de ne pas utiliser les règles de droit privé.
- Autonomie matérielle : Le DA dispose de ses propres règles et principes spécifiques, même s’il peut parfois intégrer des règles exogènes (extérieures au DA) lorsque cela est nécessaire.
B. Utilisation des Règles Exogènes
Le DA peut être contraint d’appliquer des règles venues d’autres branches de droit, notamment dans les cas suivants :
- Législation imposée : Le législateur peut imposer certaines règles issues du droit privé (ex. : droit du travail pour le respect des obligations envers les travailleurs handicapés ou règles sur la représentativité syndicale).
- Droit constitutionnel : Le DA applique le bloc de constitutionnalité sans liberté d’interprétation.
- Droit européen et international : Les règlements et directives européens influencent fortement le DA. Le droit européen ne fait pas de distinction entre droit public et privé, et l’administration doit souvent appliquer les règles du droit de l’Union européenne, notamment en matière de droits fondamentaux.
C. Le Recul de la Jurisprudence comme Source du DA
Le DA a été historiquement défini comme un droit « fondamentalement jurisprudentiel » (René Chapus), mais cette prépondérance des décisions jurisprudentielles est remise en question en raison de la codification croissante :
- Codifications majeures :
- Code général des impôts (1950s)
- Code général des collectivités territoriales (1996)
- Code de justice administrative (2001)
- Code général de la propriété des personnes publiques (2006)
- Code des relations entre le public et l’administration (2016)
- Code de la commande publique (2019)
- Code général de la fonction publique (2022)
II. L’Originalité du Droit Administratif
A. L’Inspiration des Autres Branches du Droit
Le DA peut reprendre des règles issues du droit privé dans des situations spécifiques, bien que son objectif soit toujours l’intérêt général. Exemples de l’intégration de règles d’autres domaines :
- Droit des contrats : Le DA s’inspire du droit civil pour certaines règles de conclusion et de rupture de contrats.
- Code de la consommation : Application dans certains cas pour les services publics, comme l’arrêt Société des eaux du Nord (CE, 11 juillet 2001).
- Droit de la concurrence : Depuis l’arrêt Société Million et Marais (CE, 3 novembre 1997), le JA applique le droit de la concurrence.
- Code pénal : Application de certaines règles pénales en DA, comme dans l’arrêt Société Lambda (CE, 1996).
- Code du travail : Protection des droits des agents publics, par exemple dans l’arrêt Dame Peynet (CE, 8 juin 1973) sur l’interdiction de licencier une femme enceinte.
III. L’Exorbitance du Droit Administratif
A. Les Prérogatives de Puissance Publique
L’exorbitance en DA signifie que certaines règles vont au-delà des pratiques ordinaires du droit privé, justifiées par la mission de service public et les prérogatives de l’administration. Elles se manifestent principalement par :
- Pouvoirs d’action :
- Privilège du préalable : Permet à l’administration d’imposer des décisions sans autorisation judiciaire préalable (arrêt Huglo, CE, 2 juillet 1982).
- Résiliation unilatérale des contrats : L’administration peut modifier ou mettre fin à un contrat administratif pour motif d’intérêt général.
- Expropriation : Permet la prise de propriété privée pour cause d’utilité publique.
- Pouvoir de taxation et d’imposition.
- Pouvoir de sanction : L’administration peut sanctionner directement, sans l’intervention d’un juge.
- Pouvoirs de protection (des biens publics) :
- Inaliénabilité des biens du domaine public : Ces biens ne peuvent être vendus (inaliénabilité).
- Imprescriptibilité des biens publics : Les biens publics ne peuvent pas être acquis par prescription.
- Intangibilité et insaisissabilité des biens publics : Les biens affectés à un service public ne peuvent être saisis ni modifiés.
B. Les Sujétions Administratives
Les sujétions représentent les contraintes spécifiques imposées au DA pour garantir la protection de l’intérêt général et des administrés. Elles comprennent les principes fondamentaux suivants :
- Principe d’égalité devant le service public : Tous les usagers doivent être traités de manière égale.
- Principe de continuité : Le service public doit être assuré en permanence, même en cas de grève.
- Principe de mutabilité : L’administration peut adapter ses services en fonction de l’évolution de l’intérêt général.
- Principe de neutralité : Le service public doit rester neutre, sans discrimination fondée sur les opinions.
- Interdiction des libéralités : Les personnes publiques ne peuvent accorder des avantages sans contrepartie (donation, prêt gratuit).
- Absence de liberté dans le choix du cocontractant : Les marchés publics sont soumis à des règles de concurrence strictes pour éviter le favoritisme.
- Responsabilité sans faute : Dans certains cas, l’administration est responsable des dommages causés même en l’absence de faute (ex. : dommages causés par les travaux publics ou en cas de risque exceptionnel).