P1/T1/C2/S2: La promesse unilatérale
- Notion
A. Définition
- Article 1124 du Code civil : La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie (le promettant) accorde à l'autre (le bénéficiaire) le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat définitif, dont les éléments essentiels sont déjà déterminés (ex. la chose et le prix), et pour lequel seul le consentement du bénéficiaire manque.
- Exemple : Un vendeur donne à un acheteur potentiel un délai pour décider s’il veut acheter le bien. Pendant ce délai, le vendeur ne peut vendre à un tiers.
Caractéristiques :
- Droit d'option du bénéficiaire : Droit pour le bénéficiaire d’accepter ou non le contrat définitif dans le délai imparti.
- Interdiction de contracter avec un tiers : Le promettant ne peut vendre à un tiers pendant la période du délai d’option.
- Contrat unilatéral : En principe, seul le promettant est engagé (le bénéficiaire n’a aucune obligation d’acheter). Cependant, la présence d’une indemnité d’immobilisation (paiement par le bénéficiaire pour réserver le bien) peut en faire un contrat synallagmatique.
B. Distinction avec la promesse synallagmatique
- Promesse unilatérale : Engage uniquement le promettant, avec un droit d’option pour le bénéficiaire.
- Promesse synallagmatique : Les deux parties s’engagent dès le départ pour conclure le contrat, mais la conclusion définitive est subordonnée à une formalité (ex. vente immobilière nécessitant la signature d’un acte notarié).
- Article 1589 du Code civil : « La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque sur la chose et le prix. »
- Sanction en cas de refus de l’une des parties : En cas de non-exécution d’une promesse synallagmatique, seule une indemnisation sous forme de dommages et intérêts est possible, et non l’exécution forcée du contrat.
II. Régime juridique
A. Jurisprudence antérieure à la réforme de 2016
- Droit de rétractation du promettant
- La question se pose de savoir si le promettant peut se rétracter avant la levée de l’option par le bénéficiaire.
- Sanction en cas de rétractation : Considérée comme une faute, cette rétractation engage la responsabilité contractuelle du promettant, qui peut être condamné à des dommages et intérêts.
- Exécution forcée de la promesse unilatérale :
- Arrêt Cruz (Cass. Civ., 15 décembre 1993) : Refuse l’exécution forcée du contrat définitif si le promettant se rétracte avant la levée de l’option.
- La Cour de cassation considère que la promesse n’oblige le promettant qu’à des dommages et intérêtspour rupture anticipée, et non à une exécution forcée.
- Arrêt du 11 mai 2011 : Confirme cette position en refusant la rencontre des volontés en cas de rétractation du promettant avant la levée de l’option. La levée de l'option postérieure à la rétractation ne suffit pas à former le contrat.
B. Solutions de la réforme de 2016
- Article 1124, alinéas 2 et 3 du Code civil :
- Révocation de la promesse : « La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis. »
- Sanction en nature : La levée de l’option suffit à former le contrat définitif, même si le promettant s’est rétracté avant.
- Victoire de la doctrine : Contrairement aux décisions Cruz et suivantes, la réforme consacre le droit du bénéficiaire à obtenir la formation du contrat par levée d’option, malgré la rétractation.
- Contrat conclu avec un tiers en violation de la promesse :
- Nullité du contrat avec le tiers : « Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l'existence est nul. »
- Bonne foi du tiers : Si le tiers connaissait l’existence de la promesse unilatérale, le contrat peut être annulé. Cela diffère du pacte de préférence où il faut prouver que le tiers savait à la fois l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir.
- Revirement jurisprudentiel :
- Arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation, 23 juin 2021 : La Cour reconnaît enfin la validité de la levée d’option comme suffisante pour former le contrat définitif, alignant ainsi la jurisprudence sur les dispositions de la réforme de 2016.