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Post-Bac
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Droit Pénal

La responsabilité pénale

La détermination de l’infraction est la première étape du raisonnement pénal, suivie de l’établissement de la responsabilité pénale. Cela implique d’identifier l’auteur de l’infraction, d’exclure toute cause d’irresponsabilité (comme un trouble mental) et de vérifier qu’il a effectivement commis les faits. Le principe fondamental de la responsabilité pénale personnelle impose que seule la personne ayant commis l’infraction soit déclarée coupable et exécute la peine.

Selon Grotius (XVIIe s.), la peine repose sur un mérite personnel. En droit pénal, la responsabilité repose sur deux piliers : la conscience de commettre un acte répréhensible et la volonté de le faire, sans lesquels il n’y a pas de responsabilité.

Titre I : Les personnes responsables

L'article 121-1 du Code pénal consacre le principe de responsabilité pénale personnelle : « Nul n’est pénalement responsable que de son propre fait », se distinguant ainsi de la responsabilité civile. Contrairement au droit civil, où des modes objectifs de responsabilité (ex. : fait des choses, responsabilité des parents) existent depuis le XIXe siècle, le droit pénal exige une faute, car la responsabilité suppose la liberté d’agir sans contrainte, donc le discernement. Selon Beccaria et Bentham, pour que la peine remplisse ses fonctions sociales, elle doit être comprise. Ainsi, un individu dépourvu de discernement, comme un fou, ne peut être jugé. La responsabilité repose sur deux conditions : imputabilité (capacité de comprendre) et culpabilité (volonté de nuire).

A. La valeur de ce principe

Reconnu par la jurisprudence avant d’être consacré à l'article 121-1 du Code pénal, puis par le Conseil constitutionnel (décisions des 16 juin 1999 et 25 février 2010), le principe de responsabilité pénale personnelle se fonde sur les articles 8 et 9 de la DDHC. Sur le plan conventionnel, la CEDH (29 août 1997, AP, MP et TP c. Suisse) a rappelé qu'une sanction pénale ne peut s'appliquer aux héritiers pour des faits commis par le défunt, consacrant l'idée que la responsabilité pénale ne survit pas à l'auteur de l'infraction.

Ce principe exclut la responsabilité collective : chaque participant doit voir sa faute clairement établie. Par exemple, la loi anti-casseur de 1970, visant à responsabiliser les manifestants pour les actes de casseurs, a été abrogée en 1981 (Badinter). Toutefois, des mécanismes comme l’association de malfaiteurs ou les circonstances aggravantes de bande organisée permettent d’encadrer des responsabilités dans des contextes de groupe.

B. Pas de responsabilité pénale du fait d'autrui

Ch crim 28 juin 2005 : le gérant doit être relaxé au titre d cela responsabilité pénale

personnelle car les ordures avaient été jetées par les clients du supermarché et que

c’est le vent qui avait emporté tout dans le champ voisin.

La responsabilité pénale personnelle exclut la responsabilité pénale des parents du fait de leur enfant mineur ⇒ ce n’est pas possible car principe de responsabilité pénale personnelle l’interdit.

C. Pas de transmission de responsabilité à l'égard d'une personne qui hériterait d'une autre

La CEDH (1997, AP, MP, TP c. Suisse) rappelle qu’« hériter de la culpabilité du défunt » est incompatible avec les normes de justice pénale. Ce principe, valable pour les personnes physiques, s'appliquait aussi aux personnes morales : en cas de fusion-absorption, la Société absorbée perdait son existence juridique, excluant la transmission de sa responsabilité (Ch. crim. 20 juin 2000 et 14 octobre 2003). Cependant, cette position a été critiquée pour favoriser des fraudes par fusions-absorptions.

La CJUE (5 mars 2015, Modelo Continente) a estimé qu’une fusion-absorption implique le transfert des obligations, y compris les amendes, à la Société absorbante, position opposée au droit français. Mais en 2019, la CEDH (Carrefour c. France) a validé une amende civile contre Carrefour France sur le principe de continuité économique et fonctionnelle.

La Cour de cassation a opéré un revirement (25 novembre 2020) : désormais, en cas de fusion-absorption, la Société absorbante peut être pénalement responsable des infractions commises par la Société absorbée si celle-ci est « continuée » économiquement ou si la fusion est une fraude à la loi. Cette solution, confirmée (13 avril 2022) et élargie aux SARL (22 mai 2024), marque la fin de l’immunité pénale pour les fusions-absorptions.

D. Le cas de la responsabilité par appartenance

La responsabilité par appartenance est exclue en droit pénal, ce qui pose des difficultés lorsqu’une infraction découle d’actions collectives, comme une délibération d’un conseil municipal. Par exemple, une décision (11 mai 1999) de suspendre certaines fournitures à des écoles maternelles pour des raisons discriminatoires n’a pas entraîné de condamnation du maire, la décision étant collégiale. Cependant, en cas de responsabilité avérée, comme dans l’affaire du 17 décembre 2002 (prime de naissance conditionnée à la nationalité), seuls le maire et l’adjoint à l’initiative de la délibération ont pu être poursuivis.

Le Code pénal (article 121-1 et suivants) précise que l’auteur principal d’une infraction est celui qui la commet ou tente de la commettre. Les articles 121-6 et 121-7 étendent la responsabilité au complice, puni comme un auteur, introduisant ainsi une seconde personne à identifier.

Chapitre 1 : L'auteur de l'infraction

La qualité d'auteur d'infraction distingue deux catégories d'agents selon leur degré d'implication :

  1. L'auteur direct est celui qui commet ou tente de commettre l'infraction conformément au texte incriminant.
  2. L'auteur par participation est celui qui, sans commettre l'infraction, contribue à sa réalisation par un acte ou une situation favorisant sa commission.

La doctrine qualifie ces catégories d’auteur par commission et d’auteur par participation.

Section 1 : L'auteur par commission

Définition

Auteur par commission
Peut aussi être une personne morale, mais avant ce n'était pas possible. On peut penser à la responsabilité pénale du chef d'entreprise. Innovation du CP de 1994, cela peut concerner une personne morale.

I. L'auteur personne physique

A. L'identification de l'auteur

2 catégories d'auteurs :

1. Auteur matériel : Personne dont le comportement correspond entièrement aux éléments constitutifs d'une infraction, qu'elle soit consommée ou tentée. Exemple : l'article 222-33-3 du Code pénal pour le "happy slapping", qui incrimine à la fois les atteintes volontaires à l'intégrité physique et la diffusion ou rétention d'images de ces atteintes.

2. Auteur intellectuel (ou moral) : Celui qui, bien qu'il ne commette pas l'infraction, en est l'instigateur. Il peut être impliqué en incitant quelqu'un à commettre l'infraction ou en étant incapable d'empêcher sa réalisation.


a. Hypothèses légales : L’article 211-1 du Code pénal assimile à l’auteur du crime de génocide la personne qui fait commettre ce crime, comme un commanditaire. Cette assimilation a été validée par la décision du 23 mars 2022, précisant que les juges peuvent sanctionner ceux qui sont responsables du crime par leur autorité, même sans avoir commis les actes matériels eux-mêmes.


b. Hypothèses jurisprudentielles :

La jurisprudence a parfois reconnu la responsabilité pénale d’un auteur intellectuel, même sans texte précis.

Exemples : Faux : Celui qui dicte une attestation mensongère peut être reconnu comme auteur d’un faux (Art. 441 CP).

Infractions par influence : Cass. crim., 31 août 1899 : Incitation d’enfants à voler → qualification d’auteur intellectuel. Cass. crim., 2 juillet 1886 : Fourniture d’un poison en prétendant qu’il s’agit d’un médicament → responsabilité pénale retenue.


Problème du principe de légalité :

La jurisprudence a été critiquée pour avoir créé des infractions non prévues par le Code pénal. Risque de décisions arbitraires et contraires au rôle de la jurisprudence.


Revirement de jurisprudence -> Cass. crim., 25 octobre 1962 (affaires Lacour et Schieb) :

  • Affaire Lacour : Commanditaire d’un assassinat non exécuté.
  • Affaire Schieb : Commanditaire d’un assassinat non exécuté.
  • Solution : La Cour de cassation refuse de sanctionner ces comportements faute de texte les incriminant.


Intervention du législateur :

Art. 221-5-1 du Code pénal : Incrimination du "mandat de tuer" → peine de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende si l’assassinat ou l’empoisonnement n’a été ni commis, ni tenté.

Extension à d’autres infractions : torture, barbarie, viol, agressions sexuelles, y compris à l’étranger.


B. La pluralité de l'auteur

Problèmes concernant la pluralité de l'auteur :

  1. Responsabilité pénale personnelle (actes non commis),
  2. Présomption d'innocence.

Évolution du droit pénal se fait en deux temps :

  1. Jurisprudence : théorie de la co-action,
  2. Législateur : infractions collectives respectant les principes fondamentaux.


1. La jurisprudence

La théorie de la co-action

Elle s’applique lorsque plusieurs personnes réalisent ensemble les éléments constitutifs d’une infraction. Tous sont considérés comme co-auteurs car ils agissent en tant qu’auteurs.


Situations particulières

  1. Groupe d’individus sans distinction des rôles
  • Avant : théorie de la complicité co-respective (chaque co-auteur aide nécessairement l’autre).
  • Aujourd’hui : scène unique de violence (toute personne impliquée est considérée comme participant).
  1. Présence d’un auteur principal et d’un complice, mais impossibilité de qualifier l’infraction principale
  • Ex. : désistement de l’auteur ou absence d’élément moral suffisant.
  • Cassation : assister l’auteur dans les faits de consommation suffit à caractériser la co-action.


Le Code pénal de 1994 a atténué l’importance de ces théories en établissant que le complice est puni comme l’auteur principal.


2. Le législateur

Deux systèmes juridiques pour appréhender les groupes :

a) Les circonstances aggravantes de groupe

1. La réunion

Infraction commise par plusieurs personnes (auteurs ou complices), sans nécessité de concertation.

Exemple : vol simple (3 ans, 45 000 €) → vol en réunion (5 ans, 75 000 € – art. 311-4 C. pénal).

2. La bande organisée (B.O)

Définition

Bande organisée
(art. 132-71 C. pénal) : groupement structuré préparant une infraction par des faits matériels.

Nécessite préméditation, moyens communs et structuration hiérarchique.


Exemple : vol en B.O. (15 ans, 150 000 € – art. 311-9 C. pén.) → transforme l’infraction en crime.

b) Les infractions de groupe

Le groupe devient une condition de l’infraction, et non un simple facteur aggravant.

Définition (Pr. Malaba) : l’infraction repose sur l’existence du groupe.

Permet de poursuivre une personne pour sa seule appartenance.

Exemples :

  • Association de malfaiteurs (art. 450-1 C. pén.) : groupement préparant un crime ou un délit ≥ 5 ans.
  • Association de malfaiteurs terroriste (art. 421-2-1 C. pén.).


Le juge peut intervenir dès la préparation.


➡️ Aucune remise en cause de la responsabilité pénale personnelle : chaque membre est poursuivi pour sa participation en connaissance de cause.

II. L'auteur en la personne morale

Définition

Personne morale
Une personne morale est un groupement de personnes physiques ou morales auquel la loi attribue une personnalité juridique. Droit civil : Responsabilité civile admise. Droit pénal : Responsabilité controversée en raison de l’incompatibilité avec les principes traditionnels de la faute et du libre arbitre.

Débats sur la personnalité morale :


Théorie de la fiction : La personnalité morale est une création artificielle du législateur, dans des conditions précises. Seuls les humains peuvent posséder la personnalité juridique.


Théorie de la réalité : les groupements existent indépendamment et ont une volonté propre, leur donnant une personnalité morale autonome.


💬 Illustration : Duguit (« Je n’ai jamais déjeuné avec une personne morale. ») / Soyer (« Mais je l’ai souvent vu payer l’addition. »


En droit pénal, les auteurs étaient divisés :

Objections à la RPPM en majorité ;

  • Incompatibilité avec la responsabilité pénale traditionnelle (basée sur la faute personnelle).
  • Risque de responsabilité pour autrui, pénalisant indirectement des salariés.
  • Sanctions difficiles à appliquer (ex. impossibilité d’emprisonner une personne morale).


Arguments en faveur de la RPPM ;

  • Les personnes morales agissent en leur nom propre.
  • Elles ont des moyens importants pour commettre des infractions.
  • Des sanctions adaptées existent (dissolution, exclusion des marchés publics…).
  • La RPPM ne constitue pas une responsabilité pour autrui : seules les personnes morales sont sanctionnées.


Évolution historique

  • Ancien Régime : responsabilité des villes et corporations.
  • Révolution française : suppression.
  • Code pénal de 1994 : réintroduction comme grande innovation.
  • Article 121-2 du Code pénal :
  • Les personnes morales (hors État) sont responsables des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants.
  • Les collectivités territoriales ne sont responsables que pour des infractions liées à des activités déléguées.
  • La RPPM n’exclut pas la responsabilité des personnes physiques.

a) Le domaine de la RPPM

Deux types de domaines :

1. Domaine matériel (Ratione materiae)

a. Ancien principe de spécialité

Sous l’ancien régime de la responsabilité pénale des personnes morales, seules les infractions expressément prévues par la loi ou le règlement pouvaient entraîner cette responsabilité.


Infractions concernées : crimes contre l’humanité, meurtres, violences, harcèlement sexuel, discrimination, vol, escroquerie, abus de confiance.

Infractions exclues : infractions économiques et sociales comme la fraude fiscale, la publicité trompeuse, ou les infractions au code du travail.

Jurisprudence : Toute tentative d’élargir la responsabilité à d’autres infractions non prévues par la loi était condamnée.


Fraude fiscale :

La Cour de cassation a adopté une position particulière concernant la fraude fiscale, considérant que les amendes fiscales avaient une double nature :

  • Répressive : sanctionnant les infractions fiscales.
  • Indemnitaires : réparant le préjudice subi par l'État.


Avant l'introduction de la responsabilité pénale des personnes morales dans le Code pénal de 1994, les sociétés pouvaient déjà être condamnées pour fraude fiscale. Cela illustre une continuité dans l’approche juridique.


b. Principe actuel de généralité (Loi du 09/03/2004)

Depuis la loi du 9 mars 2004, toutes les infractions, à l'exception de certaines spécificités, peuvent entraîner la responsabilité pénale des personnes morales.


Exceptions principales : les infractions liées à la presse et à la communication.


2. Domaine personnel (Ratione personae)

a. Notion de personne morale

La responsabilité pénale des personnes morales (RPPM) s’applique à tout groupement doté de la personnalité juridique au moment de l’infraction.


Exclusions : Sociétés de fait, associations non déclarées, groupements en cours d’acquisition de personnalité juridique.

En l'absence de personnalité juridique, aucun groupement n'existe et la responsabilité pénale doit être établie pour chaque membre de manière individuelle.

b. Personne morale de droit public ou de droit privé

Personnes morales de droit privé :

La RPPM est applicable sans distinction de nationalité.

Certaines peines, comme la dissolution, sont interdites pour des entités telles que les partis politiques, les syndicats et les institutions représentatives du personnel, afin de protéger les droits fondamentaux.


Personnes morales de droit public :

Exclusion de l’État : L'État ne peut pas être tenu pénalement responsable en raison de l'incompatibilité de cette responsabilité avec son rôle de juge et partie.

Collectivités territoriales (CT) :

Les collectivités territoriales sont responsables uniquement pour des infractions commises dans le cadre d’activités susceptibles de délégation de service public (DSP).


Il existe une distinction entre :

  • Activités régaliennes (insusceptibles de DSP, ex. : enseignement public).
  • Activités non régaliennes (susceptibles de DSP, ex. : loisirs, travaux).

Activités insusceptibles de DSP :


Cass. crim., 12 décembre 2000

Faits : Lors d’une sortie éducative d'une école privée, un lâcher d'eau a causé un accident mortel. La commune, organisatrice de l'activité via son service public d'animation, a été mise en cause.

Enjeu juridique : L'animation des classes découvertes est-elle une activité déléguable ou relève-t-elle directement du service public de l'enseignement ?

Décision de la Cour de cassation : L'animation des classes découvertes étant liée au service public de l'enseignement, elle ne peut faire l'objet d'une délégation de service public. La responsabilité pénale de la commune n'a donc pas été engagée.

Cass. crim., 6 avril 2004

Faits : Un élève a perdu la vie dans un accident à un point de ramassage scolaire mal sécurisé, géré par le département.

Enjeu juridique : La responsabilité pénale du département peut-elle être engagée ?

Décision de la Cour de cassation : L'organisation du service public des transports scolaires relève du département et est insusceptible de délégation. La responsabilité pénale du département a été reconnue.


Activités susceptibles de DSP :


Cass. crim., 3 avril 2002

Faits : Un accident mortel a eu lieu lors de travaux de mise en conformité d'un théâtre municipal.

Enjeu juridique : L’exploitation du théâtre peut-elle être considérée comme une activité susceptible de DSP ?

Décision de la Cour de cassation : L'exploitation d'un théâtre est une activité déléguable. La responsabilité pénale de la commune a été engagée.

Cass. crim., 28 juin 2016

Faits : Lors d’une kermesse organisée par une commune, un toboggan gonflable mal fixé a blessé des enfants.

Enjeu juridique : L'organisation de la kermesse relève-t-elle d'une activité susceptible de DSP ?

Décision de la Cour de cassation : L'organisation de la kermesse étant une activité délégable, la responsabilité pénale de la commune a été engagée.


Problématiques avec certains établissements publics :

L’article 121-2 du Code pénal ne mentionne pas expressément certaines personnes morales de droit public, comme les universités ou les hôpitaux, soulevant des questions quant à leur responsabilité pénale.


Exemple : Cass. crim., 3 juin 2014

Faits : Un nourrisson a été blessé après être tombé de sa couveuse dans un CHU.

Problème : La responsabilité pénale de l'établissement public peut-elle être engagée, alors que les hôpitaux ne sont pas explicitement mentionnés dans l’article 121-2 ?

Décision : La Cour a reconnu la responsabilité pénale du CHU, soulignant que la sécurité et l'organisation du service de soins pouvaient entraîner la responsabilité pénale de l'établissement, même sans mention spécifique dans la loi.

b) Les conditions de la RPPM

1. Un acte commis par un organe ou un représentant

La notion d'organe est bien établie et désigne l'entité habilitée à gérer et administrer la personne morale, par exemple, un PDG ou un gérant pour une société. Les représentants sont des individus ayant un pouvoir de représentation de la personne morale vis-à-vis des tiers, tels qu'un mandataire ou un liquidateur judiciaire. La jurisprudence est souple, acceptant toute personne ayant reçu une délégation de pouvoirs comme représentant.


Deux écoles de pensée :

  • Première école : Pas besoin d'identifier précisément l'organe ou le représentant. Cette position présume l'implication de la personne morale.
  • Deuxième école : Nécessité d'une identification précise pour engager la responsabilité pénale.


Arrêt du 2 décembre 1997 :

Une société anonyme est accusée d’usage de fausses attestations dans une procédure judiciaire. La Cour de cassation casse la décision, en soulignant que les éléments matériels et intentionnels doivent être établis pour l'organe ou le représentant.

Revirement : Arrêt du 20 juin 2006 :

Un salarié décède sur un chantier après avoir utilisé une plateforme dangereuse. La Cour de cassation confirme la condamnation de la personne morale sans préciser l'identité de l'organe ou du représentant, introduisant une présomption d'implication.

Contestation via QPC (2010) :

Un requérant conteste la constitutionnalité de l'article 121-2 du Code pénal en raison de l'absence d'identification précise des responsables. La Cour de cassation décide de ne pas renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

Retour à l’identification : Arrêt du 11 octobre 2011 :

La Cour de cassation casse la condamnation d'EDF, exigeant l'identification précise des responsables.

Stabilisation en 2014 :

Trois arrêts du 6 mai 2014 imposent l'identification de l'organe ou du représentant sous peine de cassation, notamment en cas de dilution de la faute.


Difficultés d’identification et dilution de la faute :

Trois types de dilution sont identifiés :

  • Horizontale : Faute commise par plusieurs personnes physiques en même temps.
  • Verticale : Faute résultant de décisions prises à différents niveaux hiérarchiques.
  • Temporelle : Petites fautes successives commises par plusieurs personnes.

Ces situations posent des problèmes de preuve et compliquent la responsabilité individuelle.

2. Acte accompli pour le compte de la personne morale : Exclusions

Ce principe crée des exclusions :

  • Lorsque la personne agit indépendamment de son rôle d’organe ou de représentant.
  • En cas d'abus de fonction où l'acte est réalisé dans un but personnel.


Conséquences :

  • La responsabilité de la personne morale est engagée si l’acte est dans son objet social.
  • Même si l'acte ne correspond pas à l'objet social, la responsabilité peut être retenue s'il est réalisé pour le compte de la personne morale.


Exemples jurisprudentiels :

  • Non-respect des règles d’hygiène pour économiser des coûts.
  • Ch. Crim. 10 avril 2013 : Responsabilité d'une association impliquée dans des malversations, même si l’infraction n’est pas liée à l’objet de l’association.


En réalité, cette condition d’agir pour le compte de la personne morale est peu souvent contestée, puisque l’identification de l'organe ou du représentant suffit pour en déduire qu’il agit pour la personne morale.

c) La mise en oeuvre de la RPPM

La problématique consiste à comprendre comment la RPPM s’articule avec les différents modes d’imputabilité (qualité d’auteur d’une infraction et qualité de complice) et comment elle coexiste avec la responsabilité des personnes physiques qui ont pu participer à la réalisation de l’infraction.

1. L'articulation de l'article 121-2 avec les notions d'auteur et de complice

Article 121-2 : Une personne morale peut être reconnue auteur d’une infraction consommée ou tentée. Ce principe se lie avec l’article 121-4, qui définit l’auteur d’une infraction, qu'elle soit consommée ou tentée.

Article 121-7 : Une personne morale peut être complice d’une infraction. Cela signifie que, bien qu'elle ne soit pas l’auteur direct de l'infraction, elle peut être impliquée dans sa commission en tant que complice.

2. La responsabilité des personnes physiques

La loi du 10 juillet 2000 a introduit la notion de causalité indirecte. Cette évolution distingue deux types de fautes :

  • Faute caractérisée ou manifestement délibérée.
  • Faute simple.


Cependant, cette loi précise que les faits dépénalisants concernant les personnes physiques ne modifient pas la responsabilité pénale des personnes morales.

L’article 121-2, alinéa 3, du Code pénal dispose que la responsabilité des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques. Ainsi, la responsabilité des personnes physiques et morales peut se cumuler, même si la personne physique n'est pas condamnée pour la même infraction (ex. faute simple pour la personne physique, mais responsabilité de la personne morale engagée).


Jurisprudence clé

Crim., 24 octobre 2000 :

Dans cette décision, la Cour de cassation confirme que les personnes morales peuvent être pénalement responsables des fautes non intentionnelles commises par leurs organes ou représentants. Même si la faute de la personne physique est simple et non intentionnelle (par exemple, une simple négligence), la responsabilité de la personne morale peut être engagée, à condition que l'infraction ait été commise par l'organe ou représentant pour le compte de la personne morale.

  • Faits : Un accident de travail est causé par une simple faute d’inattention du chef d’établissement.
  • Décision : La personne morale est condamnée pour l'accident, mais la personne physique est relaxée, car la faute n’était pas caractérisée pour elle.


Contestation par QPC (27 avril 2011) :

Un requérant a contesté l'article 121-2, alinéa 3, du Code pénal au regard du principe d'égalité devant la loi (article 6 de la DDHC). Il estimait que la distinction entre la responsabilité des personnes physiques et morales était injustifiée.

  • Décision de la Cour de cassation : La QPC n'est pas transmise au Conseil constitutionnel. La Cour considère que l'article 121-2 est clair et précis, et qu'il ne contrevient pas au principe d’égalité devant la loi.


Confirmation par la Cour de cassation (Crim., 2 octobre 2012) :

La Cour confirme que la différence de traitement entre personnes physiques et morales, notamment en matière de causalité indirecte, demeure. Cela signifie que, même en cas de faute simple pour la personne physique, la responsabilité pénale de la personne morale peut être engagée, si l'acte est commis par un de ses organes ou représentants.

Section 2 : L'auteur par participation

La responsabilité pénale des personnes morales (RPPM) a été redécouverte en 1994. Cette responsabilité repose sur une notion d’action collaborative :

-          L’auteur principal ne commet pas directement les faits incriminés.

-          Cependant, en accomplissant une autre action également réprimée, il est réputé auteur de l’infraction principale.


Cela est particulièrement pertinent dans deux contextes :

  1. Le rôle du chef d’entreprise.
  2. La responsabilité spécifique en matière de presse et d’audiovisuel.


I. La responsabilité pénale du chef d'entreprise (RPCE)

A) Les fondements de la RPCE

1. Le fondement explicite : Une construction jurisprudentielle

La jurisprudence a reconnu la responsabilité pénale du chef d’entreprise dès le XIXe siècle. L'arrêt du 15 janvier 1841 (confirmé en 1892) a établi que les chefs d’entreprise sont responsables des infractions liées à leur activité, même en cas d’absence physique.


L'arrêt clé du 28 février 1956 concerne une papeterie ayant rejeté des substances polluantes dans une rivière. Le directeur, absent au moment des faits, invoque l’imprévisibilité de l’incident et son absence. La Cour de cassation casse la décision des juges du fond, affirmant que la responsabilité pénale incombe au chef d’entreprise dans les industries soumises à des règlements de salubrité ou de sûreté publique, indépendamment de sa présence physique. Il est de son devoir de prendre les mesures nécessaires pour prévenir de tels incidents.

2. Le fondement implicite : Une reconnaissance légale

Le fondement implicite de la responsabilité pénale des chefs d'entreprise (RPCE) repose sur deux sources principales :

  1. Le Code du travail - Article L4741-2 : Cet article prévoit que lorsqu’une infraction en matière d’hygiène et de sécurité au travail cause un homicide ou des blessures involontaires et que l’infraction est commise par un préposé, le tribunal peut décider de mettre tout ou partie des amendes à la charge de l’employeur. Cette disposition est interprétée par certains auteurs comme une reconnaissance implicite de la RPCE.
  2. L’évolution de l’article 121-3 du Code pénal : Depuis 1996, la réécriture de l’alinéa 3 de cet article a renforcé l’idée que le chef d’entreprise peut être responsable pénalement pour des faits commis dans le cadre de son activité, fournissant ainsi un fondement législatif à la RPCE.

B) Les conditions de la RCPE

1. Quel chef d'entreprise peut être responsable ?

Responsabilité pénale des chefs d’entreprise (RPCE)

La jurisprudence adopte une approche large en matière de RPCE. Peu importe :

  • La forme juridique de l’entreprise (SARL, SNC, société en commandite, association, etc.).
  • L’objet de l’entreprise.

Ce qui compte, c’est l’exercice effectif du pouvoir de gestion suprême au sein d’une entité organisée.

Exemples jurisprudentiels :

  • Chef d’entreprise individuelle : l’exploitant est responsable.
  • Dirigeant de droit d’un groupement : gérant d’une SARL, président du conseil d’administration, etc.
  • Dirigeant d’une association : la responsabilité peut aussi s’appliquer à condition qu’il exerce un pouvoir de gestion effectif.


Responsabilité du dirigeant et de fait

Cependant, le dirigeant ne peut être tenu responsable que s’il avait le pouvoir de gestion au moment de la commission des faits.

Arrêt clé : Crim., 3 avril 2013

  • Faits : Une infraction en matière de travail a été constatée en septembre 2009. Le dirigeant poursuivi n’a été nommé qu’en mars 2010.
  • Décision : La Cour de cassation considère que ce dirigeant ne peut être tenu responsable, car l’article 121-1 du Code pénal énonce que : "Nul n’est pénalement responsable que de son propre fait."


Dirigeant de fait

La jurisprudence reconnaît que peut être considéré comme dirigeant de fait : Toute personne qui exerce, à la place ou aux côtés du dirigeant de droit, des prérogatives habituellement réservées aux chefs d’entreprise.

Groupes de sociétés :

  • Le dirigeant de droit d’une filiale ne peut échapper à sa responsabilité au motif que la filiale est contrôlée étroitement par la société mère.
  • La responsabilité pénale peut être engagée même en présence d’une dépendance financière entre sociétés, qu’il s’agisse de groupes nationaux ou multinationaux.

2. Quelle faute ?

a) La faute du préposé

Le préposé (salarié) peut commettre une infraction, qu’il s’agisse :

  • D’une infraction par omission (ex. : non-respect des règles de sécurité).
  • D’une infraction par commission (ex. : action ayant causé un dommage).

b) La faute personnelle du dirigeant

Le dirigeant est tenu de remplir certaines obligations personnelles. Lorsqu’un préposé commet une infraction, cela peut révéler :

  • Une faute personnelle du dirigeant (ex. : manquement à une obligation de sécurité).
  • Un cumul de responsabilités : Le préposé joue le rôle de l’auteur matériel de l’infraction, tandis que le dirigeant est considéré comme l’auteur intellectuel (responsable en amont).


Doctrine : Professeur Mayaud :

Selon la doctrine, "le fait d’autrui" (la faute du préposé) est une expression de la faute personnelle du dirigeant. Si un dommage survient dans l’entreprise, c’est la faute personnelle du chef d’entreprise qui est révélée par ce dommage.

Exemple concret : accident du travail

En cas d’accident, le dirigeant est reproché :

  1. Un défaut de surveillance : il n’a pas assuré un contrôle suffisant.
  2. Une absence de délégation de pouvoir : il n’a pas pris les mesures nécessaires pour déléguer efficacement ses pouvoirs, alors qu’il en avait la capacité.

Ainsi, la responsabilité pénale du chef d’entreprise repose sur l’idée qu’il aurait dû anticiper et prévenir les risques au sein de l’entreprise.

C. Les modes d'exonérations

1. L'absence de faute

Absence de faute du dirigeant

Pour démontrer l’absence de faute, le dirigeant doit prouver qu’il a agi comme un professionnel prudent, diligent et avisé. Cependant, la jurisprudence se montre extrêmement stricte et reconnaît rarement cette possibilité.


Engagement fréquent de la responsabilité pénale

La responsabilité pénale du chef d’entreprise est souvent engagée même lorsque :

  • Les mesures de sécurité sont jugées coûteuses par l’entreprise.
  • L’infraction découle de la faute de la victime (le dirigeant a un pouvoir disciplinaire et doit intervenir en cas de manquement).
  • Le dirigeant est éloigné du lieu où l’accident s’est produit.
  • Les consignes de sécurité sont affichées mais non respectées par les salariés.
  • Les salariés ont décidé, de concert, d’écarter les mesures de sécurité.


Voie d’évasion de la responsabilité

La seule possibilité d’échapper à la responsabilité réside dans l’impossibilité de caractériser :

  • Une faute caractérisée.
  • Une faute manifestement délibérée (FMDD).

Cependant, cette voie est très difficile à emprunter, car les tribunaux exigent des preuves solides.

2. La délégation de pouvoir

a) Domaine de la délégation de pouvoir

Position traditionnelle (avant 1993)

La délégation de pouvoir n’avait un effet exonératoire que si un texte spécifique le permettait. Par conséquent, en l’absence d’un texte, le chef d’entreprise restait responsable, notamment :

  • En matière de délits économiques.
  • En matière fiscale.
  • En cas de fraude commerciale ou douanière.

Revirement de jurisprudence : arrêt du 11 mars 1993 (C. Crim.)

La Cour de cassation opère un changement majeur avec cinq arrêts rendus le même jour. Désormais :

« Hors le cas où la loi en dispose autrement, le chef d’entreprise qui n’a pas personnellement pris part à la réalisation de l’infraction peut s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il rapporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires. »

Applications pratiques :

  • Infractions en matière de contrefaçon.
  • Publicité trompeuse.
  • Délits économiques en général.


Conditions d’une délégation de pouvoir valable :

Pour produire un effet exonératoire, la délégation doit respecter les critères suivants :

Le délégataire (préposé) doit être pourvu de :

  1. La compétence requise.
  2. L’autorité nécessaire.
  3. Les moyens adéquats pour veiller au respect des dispositions légales et réglementaires.

Ainsi, la délégation de pouvoir est devenue un mode de gestion courant et normalisé dans les entreprises.


Les limites de la délégation de pouvoir

Bien que la délégation permette une exonération dans la majorité des cas, certains pouvoirs demeurent non délégables. La jurisprudence a dessiné des limites en précisant qu’un dirigeant reste responsable pour les actes touchant au cœur de ses fonctions.


Décisions clés : Cass. Crim., 15 mai 2007 / Cass. Crim., 6 novembre 2007

Ces arrêts concernent des infractions de droit du travail, notamment l’entrave au bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Même si le dirigeant délègue la présidence du comité central d’entreprise à un représentant, il engage sa responsabilité pour les mesures relevant de son pouvoir propre de direction.

Conclusion : La capacité de déléguer n’équivaut pas à l’abandon de responsabilité. Ainsi, les pouvoirs liés à la direction essentielle de l’entreprise ou au bon fonctionnement des institutions représentatives restent entre les mains du dirigeant principal.

b) Les conditions nécessaires

Conditions relatives au déléguant

Deux principales conditions s’imposent au dirigeant qui délègue ses pouvoirs :

  • Entreprise d’une taille suffisante
  • La doctrine considère que la délégation de pouvoir n’a de sens que si l’entreprise est suffisamment importante pour que le chef d’entreprise ne puisse pas assurer seul une surveillance efficace. Cet élément est peu mis en avant par la jurisprudence, mais il renforce l’idée que la délégation est une nécessité organisationnelle.
  • Absence de participation personnelle à l’infraction
  • La délégation n’exonère pas le dirigeant s’il a continué à intervenir dans les décisions du délégataire.

Exemple : Cass. Crim., 9 novembre 2010 (affaire Leader Price)

Un directeur régional avait délégué ses pouvoirs aux directeurs de magasin concernant la gestion du personnel. Or, il continuait à leur donner des instructions précises pour minorer le nombre d’heures travaillées sur les bulletins de salaire (travail dissimulé). La Cour de cassation a donc considéré qu’il conservait une maîtrise effective des conditions de travail et ne pouvait pas s’exonérer de sa responsabilité.


Conditions relatives au délégataire

Le délégataire doit répondre à plusieurs critères pour que la délégation soit valable:

  • Appartenance à l’entreprise
  • Le délégataire doit faire partie de l’entreprise ou être placé sous l’autorité hiérarchique du dirigeant. La jurisprudence admet qu’un salarié d’une filiale puisse recevoir une délégation de la part du dirigeant de la société mère, tant qu’un lien d’autorité subsiste entre eux.
  • Compétence et autorité nécessaires
  • Le délégataire doit être qualifié pour la mission qui lui est confiée.

Exemple : Cass. Crim., 8 décembre 2009

Une délégation de pouvoir donnée à un salarié de 21 ans, moins d’un an après son arrivée dans l’entreprise, a été jugée non valable. La Cour a estimé qu’il ne disposait pas des compétences ni de l’autorité nécessaires.

  • Capacité à donner des ordres
  • Le délégataire doit disposer de :
  • Moyens financiers adéquats.
  • Pouvoir disciplinaire pour faire respecter ses décisions.

La jurisprudence refuse les "co-délégations" (cas où plusieurs salariés reçoivent des pouvoirs identiques), car elles empêchent une répartition claire des tâches et nuisent à l’efficacité de la délégation. En revanche, la subdélégation est admise si:

  • Elle est effectuée par un cadre qualifié.
  • Le subdélégataire dispose de la compétence requise.


Conservation de la délégation en cas de fusion-absorption

  • Cass. Crim., 20 juillet 2011 (ancienne position)
  • La délégation devient caduque après une fusion-absorption en raison de la disparition de la personnalité juridique de l’entreprise absorbée.
  • Revirement récent
  • Il semblerait que la délégation puisse être maintenue, à confirmer selon les décisions postérieures.
  • Acceptation de la délégation
  • La délégation de pouvoir doit être acceptée par le délégataire, même si la jurisprudence ne précise pas les modalités de cette acceptation.


Conditions relatives à l’acte de délégation

  • Délégation limitée et précise
  • L’acte de délégation ne peut pas être général : le chef d’entreprise ne peut pas transférer l’ensemble de sa responsabilité. Elle doit être limitée à un secteur précis et clairement défini.
  • Délégation antérieure à l’infraction
  • La délégation ne peut pas être réalisée le jour même de l’infraction constatée.
  • Forme de la délégation
  • La délégation peut être orale, mais la jurisprudence recommande un écrit pour des raisons de preuve. Elle peut figurer :
  • Dans le contrat d’embauche.
  • Dans l’organigramme de l’entreprise.


c) Les effets

Effet de la délégation de pouvoir : L’exonération du chef d’entreprise :

La délégation de pouvoir transfère la responsabilité pénale du chef d’entreprise vers le délégataire. Seul le délégataire pourra être poursuivi en cas d’infraction.


Exceptions et limites à l'exonération

  • Invalidité de la délégation
  • Si la délégation est invalide, cela n’exonère pas forcément le délégataire :
  • Responsabilité du délégataire : Il pourra voir sa responsabilité engagée s’il a commis une faute personnelle.

Exemple : Un salarié qui commet une infraction sans délégation de pouvoir peut être poursuivi.

  • Responsabilité partagée
  • Un autre salarié non délégataire peut être poursuivi si sa propre faute a contribué à l’infraction.


La Cour de cassation considère que les juges du fond ont une marge d’appréciation quant à la validité et aux effets d’une délégation de pouvoir.

II. La responsabilité pénale en cascade en matière de presse quant à la validité audiovisuelle

La responsabilité pénale en matière de presse et de communication audiovisuelle déroge au droit commun. Contrairement aux principes généraux du Code pénal, elle repose sur un système de responsabilité en cascade.


Ce système repose sur une hiérarchie de responsables, où la responsabilité est d'abord imputée aux décideurs de la publication, plutôt qu'aux auteurs des propos litigieux.

  • Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (article 42)
  • Loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle (article 93-3)


1) La responsabilité en cascade en matière de presse

Principe : la protection de la liberté d'expression

L’objectif est d'éviter une atteinte excessive à la liberté d’expression en poursuivant directement les auteurs des propos litigieux. C'est pourquoi la responsabilité pénale repose d’abord sur ceux qui décident de la publication, tels que les directeurs de publication et les éditeurs.


Exemple :

Affaire Paris Match avait publié une photo du corps d’un préfet assassiné. L’attaque judiciaire ne s’est pas portée contre l’auteur de l’article, mais contre le directeur de publication, pour atteinte à la dignité.


Article 42 de la loi du 29 juillet 1881 :

"Seront passibles comme auteurs principaux des peines constituant la répression des crimes et délits commis par la voie de presse, dans l’ordre ci-après :

  • Le directeur de publication ou l’éditeur, quelle que soit leur profession ou dénomination.
  • À défaut, l’auteur des propos litigieux.
  • À défaut, l’imprimeur.
  • À défaut, les vendeurs, distributeurs et afficheurs."

Ce texte établit une responsabilité progressive : on ne poursuit l’auteur que si le directeur de publication ne peut pas être mis en cause.


2) La responsabilité en cascade en matière de communication audiovisuelle

Le même mécanisme de responsabilité en cascade existe pour les médias audiovisuels, avec des adaptations liées aux spécificités du numérique.


Article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 :

*"En matière d’infraction de presse commise par moyen de communication au public par voie électronique :

  • Le directeur de la publication (ou co-directeur si la loi le prévoit) est poursuivi comme auteur principal si le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa diffusion.
  • À défaut, l’auteur des propos litigieux.
  • À défaut, le producteur sera poursuivi comme auteur principal."*


Particularité du numérique :

Une distinction est faite entre les contenus enregistrés à l’avance et ceux diffusés en direct :

  • Message préenregistré : le directeur de publication est le principal responsable.
  • Message diffusé en direct : la responsabilité peut remonter à l’auteur des propos.


Peut-on engager la responsabilité de l’auteur des propos ?

La responsabilité du directeur de publication ≠ immunité de l’auteur

Si la responsabilité pénale pèse d’abord sur le directeur de publication, cela ne signifie pas que l’auteur des propos litigieux est totalement exonéré. Il peut être poursuivi sous une autre qualification que celle d’auteur principal.

➡️ L’auteur peut être poursuivi en tant que complice s’il a :

✔️ Contribué à la publication du contenu.

✔️ Agi en connaissance de cause.

Chapitre 2 : Le complice de l'infraction

📌 Complicité (Carbonnier : « L’auteur et le complice sont cousus dans le même sac »)

  • Pas une infraction autonome, mais une participation à une infraction principale (≠ tentative qui est une infraction inachevée).
  • Jurisprudence :
  • ✔️ Complicité d’une infraction consommée ou tentée
  • ❌ Pas de tentative de complicité
  • ✔️ Complicité de complicité (Crim., 15 déc. 2004)


📝 Article 121-7 CP :

  1. Par aide ou assistance : Facilite l’infraction (ex. fournir un véhicule pour un vol).
  2. Par instigation : Provoque l’infraction ou donne des ordres (ex. chef d’entreprise ordonnant une falsification).


Sanction (Art. 121-6 CP) : Puni comme auteur, mais sans circonstances personnelles (ex. récidive non appliquée).

Cela a suscité des débats, dans l'ancienne version, on disait "Sera puni comme l'auteur".

Sous-Section 1 : Le préalable à la complicité

📌 Principe de l’emprunt de criminalité (Crim., 1er mars 1945)

  • Le complice emprunte sa criminalité à l’auteur principal.
  • Condition : Il faut une infraction principale commise.


Unicité de l’infraction

✔️ La complicité est accessoire à l’infraction principale.

✔️ Pas de complicité autonome : elle doit se rattacher à un fait punissable.


🔎 Infraction caractérisée

  • Peu importe si l’auteur principal n’est pas poursuivi ou condamné.
  • Il suffit que l’infraction soit juridiquement constituée.

I. L'infraction principale

A. L'élément légal de l'infraction principale

📌 Condition essentielle : L’infraction principale doit être incriminée par la loi.

❌ Pas de complicité sans infraction principale.


Exemple :

✔️ Prêter une hache = neutre

✔️ Prêter une hache pour un meurtre = complicité


Infraction punissable jusqu’à la déclaration de complicité :

❌ Si l’acte principal devient licite (ex. dépénalisation), la complicité disparaît.

1) La nécessité de l'élément légal

a/ Le critère légal

📌 Complicité sous l’ancien Code pénal :

  • Complicité réservée aux crimes et délits
  • Exclusion des contraventions


Réforme de 1994 (Art. 121-7 CP) :

  1. Aide ou assistance : Pour crimes et délits.
  2. Instigation : Pour toutes les infractions (incluant contraventions).


🔎 Article R. 610-2 CP : Le complice de contravention puni comme pour les crimes/délits (Art. 121-6).


Complicité pour contravention ?

  • Oui, mais seulement si un texte spécifique l'autorise (ex. Tapage nocturne, Art. R. 623-2 CP).
  • Ce n’est pas une exception à l'Art. 121-7, mais une infraction autonome.

b/ Le critère moral

📌 Complicité d’une infraction non intentionnelle ?

  • Problème : La complicité implique une volonté de s’associer à une infraction, ce qui semble incompatible avec les infractions non intentionnelles (qui excluent toute intention).


🔎 Débat doctrinal :

  1. Incompatibilité : Impossible d’être complice sans volonté d’intention.
  2. Compatibilité ✅ : L’intention peut porter sur le comportement, pas nécessairement sur le résultat.


Jurisprudence :

  1. Ch. Crim., 17 nov. 1887 : Application des règles de complicité à toutes les infractions, y compris les non intentionnelles.
  2. Ch. Crim., 6 juin 2000 : Un élu incite à griller un feu rouge, condamné comme complice par instigation.
  3. Ch. Crim., 14 déc. 2010 : Complicité non retenue, faute caractérisée (prêt de véhicule à un ivre).
  4. Ch. Crim., 13 sept. 2016 : Complicité pour blessures involontaires (médecin superviseur d’épilation au laser).
  5. Controverse : Absence d’intervention, mais complice retenu pour non-surveillance.
  6. Ch. Crim., 27 nov. 2018 : Complicité de blessures involontaires par instructions (maître d’œuvre et matériel non sécurisé).

🔄 Tendance actuelle : Reconnaissance prudente de la complicité pour les infractions non intentionnelles.

c/ Le critère personnel

📌 Le complice doit-il avoir la même qualité que l’auteur principal ? Certaines infractions nécessitent une qualité particulière (fonctionnaire, médecin, etc.), mais cela ne s’applique pas à la complicité.


🔎 Peut-on être complice d’une infraction qu’on n’aurait pas pu commettre soi-même ? Jurisprudence ancienne (ex. viol XIXᵉ siècle) : Une femme ne pouvait pas être auteur d’un viol, mais pouvait être complice.


Évolution avec le Code pénal de 1994 :

  1. Ch. Crim., 23 janvier 1997 (Affaire Maurice Papon) :
  • La complicité ne nécessite pas l’adhésion à l’idéologie des auteurs principaux.
  • Aide consciente et volontaire suffit.
  1. Ch. Crim., 7 sept. 2021 (Affaire Lafarge) :
  • Le complice n’a pas besoin de partager les idées du groupe criminel.
  • Aide sciente à la commission des faits est suffisante.

2) L'absence d'élément légal

Post-Bac
2

Droit Pénal

La responsabilité pénale

La détermination de l’infraction est la première étape du raisonnement pénal, suivie de l’établissement de la responsabilité pénale. Cela implique d’identifier l’auteur de l’infraction, d’exclure toute cause d’irresponsabilité (comme un trouble mental) et de vérifier qu’il a effectivement commis les faits. Le principe fondamental de la responsabilité pénale personnelle impose que seule la personne ayant commis l’infraction soit déclarée coupable et exécute la peine.

Selon Grotius (XVIIe s.), la peine repose sur un mérite personnel. En droit pénal, la responsabilité repose sur deux piliers : la conscience de commettre un acte répréhensible et la volonté de le faire, sans lesquels il n’y a pas de responsabilité.

Titre I : Les personnes responsables

L'article 121-1 du Code pénal consacre le principe de responsabilité pénale personnelle : « Nul n’est pénalement responsable que de son propre fait », se distinguant ainsi de la responsabilité civile. Contrairement au droit civil, où des modes objectifs de responsabilité (ex. : fait des choses, responsabilité des parents) existent depuis le XIXe siècle, le droit pénal exige une faute, car la responsabilité suppose la liberté d’agir sans contrainte, donc le discernement. Selon Beccaria et Bentham, pour que la peine remplisse ses fonctions sociales, elle doit être comprise. Ainsi, un individu dépourvu de discernement, comme un fou, ne peut être jugé. La responsabilité repose sur deux conditions : imputabilité (capacité de comprendre) et culpabilité (volonté de nuire).

A. La valeur de ce principe

Reconnu par la jurisprudence avant d’être consacré à l'article 121-1 du Code pénal, puis par le Conseil constitutionnel (décisions des 16 juin 1999 et 25 février 2010), le principe de responsabilité pénale personnelle se fonde sur les articles 8 et 9 de la DDHC. Sur le plan conventionnel, la CEDH (29 août 1997, AP, MP et TP c. Suisse) a rappelé qu'une sanction pénale ne peut s'appliquer aux héritiers pour des faits commis par le défunt, consacrant l'idée que la responsabilité pénale ne survit pas à l'auteur de l'infraction.

Ce principe exclut la responsabilité collective : chaque participant doit voir sa faute clairement établie. Par exemple, la loi anti-casseur de 1970, visant à responsabiliser les manifestants pour les actes de casseurs, a été abrogée en 1981 (Badinter). Toutefois, des mécanismes comme l’association de malfaiteurs ou les circonstances aggravantes de bande organisée permettent d’encadrer des responsabilités dans des contextes de groupe.

B. Pas de responsabilité pénale du fait d'autrui

Ch crim 28 juin 2005 : le gérant doit être relaxé au titre d cela responsabilité pénale

personnelle car les ordures avaient été jetées par les clients du supermarché et que

c’est le vent qui avait emporté tout dans le champ voisin.

La responsabilité pénale personnelle exclut la responsabilité pénale des parents du fait de leur enfant mineur ⇒ ce n’est pas possible car principe de responsabilité pénale personnelle l’interdit.

C. Pas de transmission de responsabilité à l'égard d'une personne qui hériterait d'une autre

La CEDH (1997, AP, MP, TP c. Suisse) rappelle qu’« hériter de la culpabilité du défunt » est incompatible avec les normes de justice pénale. Ce principe, valable pour les personnes physiques, s'appliquait aussi aux personnes morales : en cas de fusion-absorption, la Société absorbée perdait son existence juridique, excluant la transmission de sa responsabilité (Ch. crim. 20 juin 2000 et 14 octobre 2003). Cependant, cette position a été critiquée pour favoriser des fraudes par fusions-absorptions.

La CJUE (5 mars 2015, Modelo Continente) a estimé qu’une fusion-absorption implique le transfert des obligations, y compris les amendes, à la Société absorbante, position opposée au droit français. Mais en 2019, la CEDH (Carrefour c. France) a validé une amende civile contre Carrefour France sur le principe de continuité économique et fonctionnelle.

La Cour de cassation a opéré un revirement (25 novembre 2020) : désormais, en cas de fusion-absorption, la Société absorbante peut être pénalement responsable des infractions commises par la Société absorbée si celle-ci est « continuée » économiquement ou si la fusion est une fraude à la loi. Cette solution, confirmée (13 avril 2022) et élargie aux SARL (22 mai 2024), marque la fin de l’immunité pénale pour les fusions-absorptions.

D. Le cas de la responsabilité par appartenance

La responsabilité par appartenance est exclue en droit pénal, ce qui pose des difficultés lorsqu’une infraction découle d’actions collectives, comme une délibération d’un conseil municipal. Par exemple, une décision (11 mai 1999) de suspendre certaines fournitures à des écoles maternelles pour des raisons discriminatoires n’a pas entraîné de condamnation du maire, la décision étant collégiale. Cependant, en cas de responsabilité avérée, comme dans l’affaire du 17 décembre 2002 (prime de naissance conditionnée à la nationalité), seuls le maire et l’adjoint à l’initiative de la délibération ont pu être poursuivis.

Le Code pénal (article 121-1 et suivants) précise que l’auteur principal d’une infraction est celui qui la commet ou tente de la commettre. Les articles 121-6 et 121-7 étendent la responsabilité au complice, puni comme un auteur, introduisant ainsi une seconde personne à identifier.

Chapitre 1 : L'auteur de l'infraction

La qualité d'auteur d'infraction distingue deux catégories d'agents selon leur degré d'implication :

  1. L'auteur direct est celui qui commet ou tente de commettre l'infraction conformément au texte incriminant.
  2. L'auteur par participation est celui qui, sans commettre l'infraction, contribue à sa réalisation par un acte ou une situation favorisant sa commission.

La doctrine qualifie ces catégories d’auteur par commission et d’auteur par participation.

Section 1 : L'auteur par commission

Définition

Auteur par commission
Peut aussi être une personne morale, mais avant ce n'était pas possible. On peut penser à la responsabilité pénale du chef d'entreprise. Innovation du CP de 1994, cela peut concerner une personne morale.

I. L'auteur personne physique

A. L'identification de l'auteur

2 catégories d'auteurs :

1. Auteur matériel : Personne dont le comportement correspond entièrement aux éléments constitutifs d'une infraction, qu'elle soit consommée ou tentée. Exemple : l'article 222-33-3 du Code pénal pour le "happy slapping", qui incrimine à la fois les atteintes volontaires à l'intégrité physique et la diffusion ou rétention d'images de ces atteintes.

2. Auteur intellectuel (ou moral) : Celui qui, bien qu'il ne commette pas l'infraction, en est l'instigateur. Il peut être impliqué en incitant quelqu'un à commettre l'infraction ou en étant incapable d'empêcher sa réalisation.


a. Hypothèses légales : L’article 211-1 du Code pénal assimile à l’auteur du crime de génocide la personne qui fait commettre ce crime, comme un commanditaire. Cette assimilation a été validée par la décision du 23 mars 2022, précisant que les juges peuvent sanctionner ceux qui sont responsables du crime par leur autorité, même sans avoir commis les actes matériels eux-mêmes.


b. Hypothèses jurisprudentielles :

La jurisprudence a parfois reconnu la responsabilité pénale d’un auteur intellectuel, même sans texte précis.

Exemples : Faux : Celui qui dicte une attestation mensongère peut être reconnu comme auteur d’un faux (Art. 441 CP).

Infractions par influence : Cass. crim., 31 août 1899 : Incitation d’enfants à voler → qualification d’auteur intellectuel. Cass. crim., 2 juillet 1886 : Fourniture d’un poison en prétendant qu’il s’agit d’un médicament → responsabilité pénale retenue.


Problème du principe de légalité :

La jurisprudence a été critiquée pour avoir créé des infractions non prévues par le Code pénal. Risque de décisions arbitraires et contraires au rôle de la jurisprudence.


Revirement de jurisprudence -> Cass. crim., 25 octobre 1962 (affaires Lacour et Schieb) :

  • Affaire Lacour : Commanditaire d’un assassinat non exécuté.
  • Affaire Schieb : Commanditaire d’un assassinat non exécuté.
  • Solution : La Cour de cassation refuse de sanctionner ces comportements faute de texte les incriminant.


Intervention du législateur :

Art. 221-5-1 du Code pénal : Incrimination du "mandat de tuer" → peine de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende si l’assassinat ou l’empoisonnement n’a été ni commis, ni tenté.

Extension à d’autres infractions : torture, barbarie, viol, agressions sexuelles, y compris à l’étranger.


B. La pluralité de l'auteur

Problèmes concernant la pluralité de l'auteur :

  1. Responsabilité pénale personnelle (actes non commis),
  2. Présomption d'innocence.

Évolution du droit pénal se fait en deux temps :

  1. Jurisprudence : théorie de la co-action,
  2. Législateur : infractions collectives respectant les principes fondamentaux.


1. La jurisprudence

La théorie de la co-action

Elle s’applique lorsque plusieurs personnes réalisent ensemble les éléments constitutifs d’une infraction. Tous sont considérés comme co-auteurs car ils agissent en tant qu’auteurs.


Situations particulières

  1. Groupe d’individus sans distinction des rôles
  • Avant : théorie de la complicité co-respective (chaque co-auteur aide nécessairement l’autre).
  • Aujourd’hui : scène unique de violence (toute personne impliquée est considérée comme participant).
  1. Présence d’un auteur principal et d’un complice, mais impossibilité de qualifier l’infraction principale
  • Ex. : désistement de l’auteur ou absence d’élément moral suffisant.
  • Cassation : assister l’auteur dans les faits de consommation suffit à caractériser la co-action.


Le Code pénal de 1994 a atténué l’importance de ces théories en établissant que le complice est puni comme l’auteur principal.


2. Le législateur

Deux systèmes juridiques pour appréhender les groupes :

a) Les circonstances aggravantes de groupe

1. La réunion

Infraction commise par plusieurs personnes (auteurs ou complices), sans nécessité de concertation.

Exemple : vol simple (3 ans, 45 000 €) → vol en réunion (5 ans, 75 000 € – art. 311-4 C. pénal).

2. La bande organisée (B.O)

Définition

Bande organisée
(art. 132-71 C. pénal) : groupement structuré préparant une infraction par des faits matériels.

Nécessite préméditation, moyens communs et structuration hiérarchique.


Exemple : vol en B.O. (15 ans, 150 000 € – art. 311-9 C. pén.) → transforme l’infraction en crime.

b) Les infractions de groupe

Le groupe devient une condition de l’infraction, et non un simple facteur aggravant.

Définition (Pr. Malaba) : l’infraction repose sur l’existence du groupe.

Permet de poursuivre une personne pour sa seule appartenance.

Exemples :

  • Association de malfaiteurs (art. 450-1 C. pén.) : groupement préparant un crime ou un délit ≥ 5 ans.
  • Association de malfaiteurs terroriste (art. 421-2-1 C. pén.).


Le juge peut intervenir dès la préparation.


➡️ Aucune remise en cause de la responsabilité pénale personnelle : chaque membre est poursuivi pour sa participation en connaissance de cause.

II. L'auteur en la personne morale

Définition

Personne morale
Une personne morale est un groupement de personnes physiques ou morales auquel la loi attribue une personnalité juridique. Droit civil : Responsabilité civile admise. Droit pénal : Responsabilité controversée en raison de l’incompatibilité avec les principes traditionnels de la faute et du libre arbitre.

Débats sur la personnalité morale :


Théorie de la fiction : La personnalité morale est une création artificielle du législateur, dans des conditions précises. Seuls les humains peuvent posséder la personnalité juridique.


Théorie de la réalité : les groupements existent indépendamment et ont une volonté propre, leur donnant une personnalité morale autonome.


💬 Illustration : Duguit (« Je n’ai jamais déjeuné avec une personne morale. ») / Soyer (« Mais je l’ai souvent vu payer l’addition. »


En droit pénal, les auteurs étaient divisés :

Objections à la RPPM en majorité ;

  • Incompatibilité avec la responsabilité pénale traditionnelle (basée sur la faute personnelle).
  • Risque de responsabilité pour autrui, pénalisant indirectement des salariés.
  • Sanctions difficiles à appliquer (ex. impossibilité d’emprisonner une personne morale).


Arguments en faveur de la RPPM ;

  • Les personnes morales agissent en leur nom propre.
  • Elles ont des moyens importants pour commettre des infractions.
  • Des sanctions adaptées existent (dissolution, exclusion des marchés publics…).
  • La RPPM ne constitue pas une responsabilité pour autrui : seules les personnes morales sont sanctionnées.


Évolution historique

  • Ancien Régime : responsabilité des villes et corporations.
  • Révolution française : suppression.
  • Code pénal de 1994 : réintroduction comme grande innovation.
  • Article 121-2 du Code pénal :
  • Les personnes morales (hors État) sont responsables des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants.
  • Les collectivités territoriales ne sont responsables que pour des infractions liées à des activités déléguées.
  • La RPPM n’exclut pas la responsabilité des personnes physiques.

a) Le domaine de la RPPM

Deux types de domaines :

1. Domaine matériel (Ratione materiae)

a. Ancien principe de spécialité

Sous l’ancien régime de la responsabilité pénale des personnes morales, seules les infractions expressément prévues par la loi ou le règlement pouvaient entraîner cette responsabilité.


Infractions concernées : crimes contre l’humanité, meurtres, violences, harcèlement sexuel, discrimination, vol, escroquerie, abus de confiance.

Infractions exclues : infractions économiques et sociales comme la fraude fiscale, la publicité trompeuse, ou les infractions au code du travail.

Jurisprudence : Toute tentative d’élargir la responsabilité à d’autres infractions non prévues par la loi était condamnée.


Fraude fiscale :

La Cour de cassation a adopté une position particulière concernant la fraude fiscale, considérant que les amendes fiscales avaient une double nature :

  • Répressive : sanctionnant les infractions fiscales.
  • Indemnitaires : réparant le préjudice subi par l'État.


Avant l'introduction de la responsabilité pénale des personnes morales dans le Code pénal de 1994, les sociétés pouvaient déjà être condamnées pour fraude fiscale. Cela illustre une continuité dans l’approche juridique.


b. Principe actuel de généralité (Loi du 09/03/2004)

Depuis la loi du 9 mars 2004, toutes les infractions, à l'exception de certaines spécificités, peuvent entraîner la responsabilité pénale des personnes morales.


Exceptions principales : les infractions liées à la presse et à la communication.


2. Domaine personnel (Ratione personae)

a. Notion de personne morale

La responsabilité pénale des personnes morales (RPPM) s’applique à tout groupement doté de la personnalité juridique au moment de l’infraction.


Exclusions : Sociétés de fait, associations non déclarées, groupements en cours d’acquisition de personnalité juridique.

En l'absence de personnalité juridique, aucun groupement n'existe et la responsabilité pénale doit être établie pour chaque membre de manière individuelle.

b. Personne morale de droit public ou de droit privé

Personnes morales de droit privé :

La RPPM est applicable sans distinction de nationalité.

Certaines peines, comme la dissolution, sont interdites pour des entités telles que les partis politiques, les syndicats et les institutions représentatives du personnel, afin de protéger les droits fondamentaux.


Personnes morales de droit public :

Exclusion de l’État : L'État ne peut pas être tenu pénalement responsable en raison de l'incompatibilité de cette responsabilité avec son rôle de juge et partie.

Collectivités territoriales (CT) :

Les collectivités territoriales sont responsables uniquement pour des infractions commises dans le cadre d’activités susceptibles de délégation de service public (DSP).


Il existe une distinction entre :

  • Activités régaliennes (insusceptibles de DSP, ex. : enseignement public).
  • Activités non régaliennes (susceptibles de DSP, ex. : loisirs, travaux).

Activités insusceptibles de DSP :


Cass. crim., 12 décembre 2000

Faits : Lors d’une sortie éducative d'une école privée, un lâcher d'eau a causé un accident mortel. La commune, organisatrice de l'activité via son service public d'animation, a été mise en cause.

Enjeu juridique : L'animation des classes découvertes est-elle une activité déléguable ou relève-t-elle directement du service public de l'enseignement ?

Décision de la Cour de cassation : L'animation des classes découvertes étant liée au service public de l'enseignement, elle ne peut faire l'objet d'une délégation de service public. La responsabilité pénale de la commune n'a donc pas été engagée.

Cass. crim., 6 avril 2004

Faits : Un élève a perdu la vie dans un accident à un point de ramassage scolaire mal sécurisé, géré par le département.

Enjeu juridique : La responsabilité pénale du département peut-elle être engagée ?

Décision de la Cour de cassation : L'organisation du service public des transports scolaires relève du département et est insusceptible de délégation. La responsabilité pénale du département a été reconnue.


Activités susceptibles de DSP :


Cass. crim., 3 avril 2002

Faits : Un accident mortel a eu lieu lors de travaux de mise en conformité d'un théâtre municipal.

Enjeu juridique : L’exploitation du théâtre peut-elle être considérée comme une activité susceptible de DSP ?

Décision de la Cour de cassation : L'exploitation d'un théâtre est une activité déléguable. La responsabilité pénale de la commune a été engagée.

Cass. crim., 28 juin 2016

Faits : Lors d’une kermesse organisée par une commune, un toboggan gonflable mal fixé a blessé des enfants.

Enjeu juridique : L'organisation de la kermesse relève-t-elle d'une activité susceptible de DSP ?

Décision de la Cour de cassation : L'organisation de la kermesse étant une activité délégable, la responsabilité pénale de la commune a été engagée.


Problématiques avec certains établissements publics :

L’article 121-2 du Code pénal ne mentionne pas expressément certaines personnes morales de droit public, comme les universités ou les hôpitaux, soulevant des questions quant à leur responsabilité pénale.


Exemple : Cass. crim., 3 juin 2014

Faits : Un nourrisson a été blessé après être tombé de sa couveuse dans un CHU.

Problème : La responsabilité pénale de l'établissement public peut-elle être engagée, alors que les hôpitaux ne sont pas explicitement mentionnés dans l’article 121-2 ?

Décision : La Cour a reconnu la responsabilité pénale du CHU, soulignant que la sécurité et l'organisation du service de soins pouvaient entraîner la responsabilité pénale de l'établissement, même sans mention spécifique dans la loi.

b) Les conditions de la RPPM

1. Un acte commis par un organe ou un représentant

La notion d'organe est bien établie et désigne l'entité habilitée à gérer et administrer la personne morale, par exemple, un PDG ou un gérant pour une société. Les représentants sont des individus ayant un pouvoir de représentation de la personne morale vis-à-vis des tiers, tels qu'un mandataire ou un liquidateur judiciaire. La jurisprudence est souple, acceptant toute personne ayant reçu une délégation de pouvoirs comme représentant.


Deux écoles de pensée :

  • Première école : Pas besoin d'identifier précisément l'organe ou le représentant. Cette position présume l'implication de la personne morale.
  • Deuxième école : Nécessité d'une identification précise pour engager la responsabilité pénale.


Arrêt du 2 décembre 1997 :

Une société anonyme est accusée d’usage de fausses attestations dans une procédure judiciaire. La Cour de cassation casse la décision, en soulignant que les éléments matériels et intentionnels doivent être établis pour l'organe ou le représentant.

Revirement : Arrêt du 20 juin 2006 :

Un salarié décède sur un chantier après avoir utilisé une plateforme dangereuse. La Cour de cassation confirme la condamnation de la personne morale sans préciser l'identité de l'organe ou du représentant, introduisant une présomption d'implication.

Contestation via QPC (2010) :

Un requérant conteste la constitutionnalité de l'article 121-2 du Code pénal en raison de l'absence d'identification précise des responsables. La Cour de cassation décide de ne pas renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

Retour à l’identification : Arrêt du 11 octobre 2011 :

La Cour de cassation casse la condamnation d'EDF, exigeant l'identification précise des responsables.

Stabilisation en 2014 :

Trois arrêts du 6 mai 2014 imposent l'identification de l'organe ou du représentant sous peine de cassation, notamment en cas de dilution de la faute.


Difficultés d’identification et dilution de la faute :

Trois types de dilution sont identifiés :

  • Horizontale : Faute commise par plusieurs personnes physiques en même temps.
  • Verticale : Faute résultant de décisions prises à différents niveaux hiérarchiques.
  • Temporelle : Petites fautes successives commises par plusieurs personnes.

Ces situations posent des problèmes de preuve et compliquent la responsabilité individuelle.

2. Acte accompli pour le compte de la personne morale : Exclusions

Ce principe crée des exclusions :

  • Lorsque la personne agit indépendamment de son rôle d’organe ou de représentant.
  • En cas d'abus de fonction où l'acte est réalisé dans un but personnel.


Conséquences :

  • La responsabilité de la personne morale est engagée si l’acte est dans son objet social.
  • Même si l'acte ne correspond pas à l'objet social, la responsabilité peut être retenue s'il est réalisé pour le compte de la personne morale.


Exemples jurisprudentiels :

  • Non-respect des règles d’hygiène pour économiser des coûts.
  • Ch. Crim. 10 avril 2013 : Responsabilité d'une association impliquée dans des malversations, même si l’infraction n’est pas liée à l’objet de l’association.


En réalité, cette condition d’agir pour le compte de la personne morale est peu souvent contestée, puisque l’identification de l'organe ou du représentant suffit pour en déduire qu’il agit pour la personne morale.

c) La mise en oeuvre de la RPPM

La problématique consiste à comprendre comment la RPPM s’articule avec les différents modes d’imputabilité (qualité d’auteur d’une infraction et qualité de complice) et comment elle coexiste avec la responsabilité des personnes physiques qui ont pu participer à la réalisation de l’infraction.

1. L'articulation de l'article 121-2 avec les notions d'auteur et de complice

Article 121-2 : Une personne morale peut être reconnue auteur d’une infraction consommée ou tentée. Ce principe se lie avec l’article 121-4, qui définit l’auteur d’une infraction, qu'elle soit consommée ou tentée.

Article 121-7 : Une personne morale peut être complice d’une infraction. Cela signifie que, bien qu'elle ne soit pas l’auteur direct de l'infraction, elle peut être impliquée dans sa commission en tant que complice.

2. La responsabilité des personnes physiques

La loi du 10 juillet 2000 a introduit la notion de causalité indirecte. Cette évolution distingue deux types de fautes :

  • Faute caractérisée ou manifestement délibérée.
  • Faute simple.


Cependant, cette loi précise que les faits dépénalisants concernant les personnes physiques ne modifient pas la responsabilité pénale des personnes morales.

L’article 121-2, alinéa 3, du Code pénal dispose que la responsabilité des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques. Ainsi, la responsabilité des personnes physiques et morales peut se cumuler, même si la personne physique n'est pas condamnée pour la même infraction (ex. faute simple pour la personne physique, mais responsabilité de la personne morale engagée).


Jurisprudence clé

Crim., 24 octobre 2000 :

Dans cette décision, la Cour de cassation confirme que les personnes morales peuvent être pénalement responsables des fautes non intentionnelles commises par leurs organes ou représentants. Même si la faute de la personne physique est simple et non intentionnelle (par exemple, une simple négligence), la responsabilité de la personne morale peut être engagée, à condition que l'infraction ait été commise par l'organe ou représentant pour le compte de la personne morale.

  • Faits : Un accident de travail est causé par une simple faute d’inattention du chef d’établissement.
  • Décision : La personne morale est condamnée pour l'accident, mais la personne physique est relaxée, car la faute n’était pas caractérisée pour elle.


Contestation par QPC (27 avril 2011) :

Un requérant a contesté l'article 121-2, alinéa 3, du Code pénal au regard du principe d'égalité devant la loi (article 6 de la DDHC). Il estimait que la distinction entre la responsabilité des personnes physiques et morales était injustifiée.

  • Décision de la Cour de cassation : La QPC n'est pas transmise au Conseil constitutionnel. La Cour considère que l'article 121-2 est clair et précis, et qu'il ne contrevient pas au principe d’égalité devant la loi.


Confirmation par la Cour de cassation (Crim., 2 octobre 2012) :

La Cour confirme que la différence de traitement entre personnes physiques et morales, notamment en matière de causalité indirecte, demeure. Cela signifie que, même en cas de faute simple pour la personne physique, la responsabilité pénale de la personne morale peut être engagée, si l'acte est commis par un de ses organes ou représentants.

Section 2 : L'auteur par participation

La responsabilité pénale des personnes morales (RPPM) a été redécouverte en 1994. Cette responsabilité repose sur une notion d’action collaborative :

-          L’auteur principal ne commet pas directement les faits incriminés.

-          Cependant, en accomplissant une autre action également réprimée, il est réputé auteur de l’infraction principale.


Cela est particulièrement pertinent dans deux contextes :

  1. Le rôle du chef d’entreprise.
  2. La responsabilité spécifique en matière de presse et d’audiovisuel.


I. La responsabilité pénale du chef d'entreprise (RPCE)

A) Les fondements de la RPCE

1. Le fondement explicite : Une construction jurisprudentielle

La jurisprudence a reconnu la responsabilité pénale du chef d’entreprise dès le XIXe siècle. L'arrêt du 15 janvier 1841 (confirmé en 1892) a établi que les chefs d’entreprise sont responsables des infractions liées à leur activité, même en cas d’absence physique.


L'arrêt clé du 28 février 1956 concerne une papeterie ayant rejeté des substances polluantes dans une rivière. Le directeur, absent au moment des faits, invoque l’imprévisibilité de l’incident et son absence. La Cour de cassation casse la décision des juges du fond, affirmant que la responsabilité pénale incombe au chef d’entreprise dans les industries soumises à des règlements de salubrité ou de sûreté publique, indépendamment de sa présence physique. Il est de son devoir de prendre les mesures nécessaires pour prévenir de tels incidents.

2. Le fondement implicite : Une reconnaissance légale

Le fondement implicite de la responsabilité pénale des chefs d'entreprise (RPCE) repose sur deux sources principales :

  1. Le Code du travail - Article L4741-2 : Cet article prévoit que lorsqu’une infraction en matière d’hygiène et de sécurité au travail cause un homicide ou des blessures involontaires et que l’infraction est commise par un préposé, le tribunal peut décider de mettre tout ou partie des amendes à la charge de l’employeur. Cette disposition est interprétée par certains auteurs comme une reconnaissance implicite de la RPCE.
  2. L’évolution de l’article 121-3 du Code pénal : Depuis 1996, la réécriture de l’alinéa 3 de cet article a renforcé l’idée que le chef d’entreprise peut être responsable pénalement pour des faits commis dans le cadre de son activité, fournissant ainsi un fondement législatif à la RPCE.

B) Les conditions de la RCPE

1. Quel chef d'entreprise peut être responsable ?

Responsabilité pénale des chefs d’entreprise (RPCE)

La jurisprudence adopte une approche large en matière de RPCE. Peu importe :

  • La forme juridique de l’entreprise (SARL, SNC, société en commandite, association, etc.).
  • L’objet de l’entreprise.

Ce qui compte, c’est l’exercice effectif du pouvoir de gestion suprême au sein d’une entité organisée.

Exemples jurisprudentiels :

  • Chef d’entreprise individuelle : l’exploitant est responsable.
  • Dirigeant de droit d’un groupement : gérant d’une SARL, président du conseil d’administration, etc.
  • Dirigeant d’une association : la responsabilité peut aussi s’appliquer à condition qu’il exerce un pouvoir de gestion effectif.


Responsabilité du dirigeant et de fait

Cependant, le dirigeant ne peut être tenu responsable que s’il avait le pouvoir de gestion au moment de la commission des faits.

Arrêt clé : Crim., 3 avril 2013

  • Faits : Une infraction en matière de travail a été constatée en septembre 2009. Le dirigeant poursuivi n’a été nommé qu’en mars 2010.
  • Décision : La Cour de cassation considère que ce dirigeant ne peut être tenu responsable, car l’article 121-1 du Code pénal énonce que : "Nul n’est pénalement responsable que de son propre fait."


Dirigeant de fait

La jurisprudence reconnaît que peut être considéré comme dirigeant de fait : Toute personne qui exerce, à la place ou aux côtés du dirigeant de droit, des prérogatives habituellement réservées aux chefs d’entreprise.

Groupes de sociétés :

  • Le dirigeant de droit d’une filiale ne peut échapper à sa responsabilité au motif que la filiale est contrôlée étroitement par la société mère.
  • La responsabilité pénale peut être engagée même en présence d’une dépendance financière entre sociétés, qu’il s’agisse de groupes nationaux ou multinationaux.

2. Quelle faute ?

a) La faute du préposé

Le préposé (salarié) peut commettre une infraction, qu’il s’agisse :

  • D’une infraction par omission (ex. : non-respect des règles de sécurité).
  • D’une infraction par commission (ex. : action ayant causé un dommage).

b) La faute personnelle du dirigeant

Le dirigeant est tenu de remplir certaines obligations personnelles. Lorsqu’un préposé commet une infraction, cela peut révéler :

  • Une faute personnelle du dirigeant (ex. : manquement à une obligation de sécurité).
  • Un cumul de responsabilités : Le préposé joue le rôle de l’auteur matériel de l’infraction, tandis que le dirigeant est considéré comme l’auteur intellectuel (responsable en amont).


Doctrine : Professeur Mayaud :

Selon la doctrine, "le fait d’autrui" (la faute du préposé) est une expression de la faute personnelle du dirigeant. Si un dommage survient dans l’entreprise, c’est la faute personnelle du chef d’entreprise qui est révélée par ce dommage.

Exemple concret : accident du travail

En cas d’accident, le dirigeant est reproché :

  1. Un défaut de surveillance : il n’a pas assuré un contrôle suffisant.
  2. Une absence de délégation de pouvoir : il n’a pas pris les mesures nécessaires pour déléguer efficacement ses pouvoirs, alors qu’il en avait la capacité.

Ainsi, la responsabilité pénale du chef d’entreprise repose sur l’idée qu’il aurait dû anticiper et prévenir les risques au sein de l’entreprise.

C. Les modes d'exonérations

1. L'absence de faute

Absence de faute du dirigeant

Pour démontrer l’absence de faute, le dirigeant doit prouver qu’il a agi comme un professionnel prudent, diligent et avisé. Cependant, la jurisprudence se montre extrêmement stricte et reconnaît rarement cette possibilité.


Engagement fréquent de la responsabilité pénale

La responsabilité pénale du chef d’entreprise est souvent engagée même lorsque :

  • Les mesures de sécurité sont jugées coûteuses par l’entreprise.
  • L’infraction découle de la faute de la victime (le dirigeant a un pouvoir disciplinaire et doit intervenir en cas de manquement).
  • Le dirigeant est éloigné du lieu où l’accident s’est produit.
  • Les consignes de sécurité sont affichées mais non respectées par les salariés.
  • Les salariés ont décidé, de concert, d’écarter les mesures de sécurité.


Voie d’évasion de la responsabilité

La seule possibilité d’échapper à la responsabilité réside dans l’impossibilité de caractériser :

  • Une faute caractérisée.
  • Une faute manifestement délibérée (FMDD).

Cependant, cette voie est très difficile à emprunter, car les tribunaux exigent des preuves solides.

2. La délégation de pouvoir

a) Domaine de la délégation de pouvoir

Position traditionnelle (avant 1993)

La délégation de pouvoir n’avait un effet exonératoire que si un texte spécifique le permettait. Par conséquent, en l’absence d’un texte, le chef d’entreprise restait responsable, notamment :

  • En matière de délits économiques.
  • En matière fiscale.
  • En cas de fraude commerciale ou douanière.

Revirement de jurisprudence : arrêt du 11 mars 1993 (C. Crim.)

La Cour de cassation opère un changement majeur avec cinq arrêts rendus le même jour. Désormais :

« Hors le cas où la loi en dispose autrement, le chef d’entreprise qui n’a pas personnellement pris part à la réalisation de l’infraction peut s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il rapporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires. »

Applications pratiques :

  • Infractions en matière de contrefaçon.
  • Publicité trompeuse.
  • Délits économiques en général.


Conditions d’une délégation de pouvoir valable :

Pour produire un effet exonératoire, la délégation doit respecter les critères suivants :

Le délégataire (préposé) doit être pourvu de :

  1. La compétence requise.
  2. L’autorité nécessaire.
  3. Les moyens adéquats pour veiller au respect des dispositions légales et réglementaires.

Ainsi, la délégation de pouvoir est devenue un mode de gestion courant et normalisé dans les entreprises.


Les limites de la délégation de pouvoir

Bien que la délégation permette une exonération dans la majorité des cas, certains pouvoirs demeurent non délégables. La jurisprudence a dessiné des limites en précisant qu’un dirigeant reste responsable pour les actes touchant au cœur de ses fonctions.


Décisions clés : Cass. Crim., 15 mai 2007 / Cass. Crim., 6 novembre 2007

Ces arrêts concernent des infractions de droit du travail, notamment l’entrave au bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Même si le dirigeant délègue la présidence du comité central d’entreprise à un représentant, il engage sa responsabilité pour les mesures relevant de son pouvoir propre de direction.

Conclusion : La capacité de déléguer n’équivaut pas à l’abandon de responsabilité. Ainsi, les pouvoirs liés à la direction essentielle de l’entreprise ou au bon fonctionnement des institutions représentatives restent entre les mains du dirigeant principal.

b) Les conditions nécessaires

Conditions relatives au déléguant

Deux principales conditions s’imposent au dirigeant qui délègue ses pouvoirs :

  • Entreprise d’une taille suffisante
  • La doctrine considère que la délégation de pouvoir n’a de sens que si l’entreprise est suffisamment importante pour que le chef d’entreprise ne puisse pas assurer seul une surveillance efficace. Cet élément est peu mis en avant par la jurisprudence, mais il renforce l’idée que la délégation est une nécessité organisationnelle.
  • Absence de participation personnelle à l’infraction
  • La délégation n’exonère pas le dirigeant s’il a continué à intervenir dans les décisions du délégataire.

Exemple : Cass. Crim., 9 novembre 2010 (affaire Leader Price)

Un directeur régional avait délégué ses pouvoirs aux directeurs de magasin concernant la gestion du personnel. Or, il continuait à leur donner des instructions précises pour minorer le nombre d’heures travaillées sur les bulletins de salaire (travail dissimulé). La Cour de cassation a donc considéré qu’il conservait une maîtrise effective des conditions de travail et ne pouvait pas s’exonérer de sa responsabilité.


Conditions relatives au délégataire

Le délégataire doit répondre à plusieurs critères pour que la délégation soit valable:

  • Appartenance à l’entreprise
  • Le délégataire doit faire partie de l’entreprise ou être placé sous l’autorité hiérarchique du dirigeant. La jurisprudence admet qu’un salarié d’une filiale puisse recevoir une délégation de la part du dirigeant de la société mère, tant qu’un lien d’autorité subsiste entre eux.
  • Compétence et autorité nécessaires
  • Le délégataire doit être qualifié pour la mission qui lui est confiée.

Exemple : Cass. Crim., 8 décembre 2009

Une délégation de pouvoir donnée à un salarié de 21 ans, moins d’un an après son arrivée dans l’entreprise, a été jugée non valable. La Cour a estimé qu’il ne disposait pas des compétences ni de l’autorité nécessaires.

  • Capacité à donner des ordres
  • Le délégataire doit disposer de :
  • Moyens financiers adéquats.
  • Pouvoir disciplinaire pour faire respecter ses décisions.

La jurisprudence refuse les "co-délégations" (cas où plusieurs salariés reçoivent des pouvoirs identiques), car elles empêchent une répartition claire des tâches et nuisent à l’efficacité de la délégation. En revanche, la subdélégation est admise si:

  • Elle est effectuée par un cadre qualifié.
  • Le subdélégataire dispose de la compétence requise.


Conservation de la délégation en cas de fusion-absorption

  • Cass. Crim., 20 juillet 2011 (ancienne position)
  • La délégation devient caduque après une fusion-absorption en raison de la disparition de la personnalité juridique de l’entreprise absorbée.
  • Revirement récent
  • Il semblerait que la délégation puisse être maintenue, à confirmer selon les décisions postérieures.
  • Acceptation de la délégation
  • La délégation de pouvoir doit être acceptée par le délégataire, même si la jurisprudence ne précise pas les modalités de cette acceptation.


Conditions relatives à l’acte de délégation

  • Délégation limitée et précise
  • L’acte de délégation ne peut pas être général : le chef d’entreprise ne peut pas transférer l’ensemble de sa responsabilité. Elle doit être limitée à un secteur précis et clairement défini.
  • Délégation antérieure à l’infraction
  • La délégation ne peut pas être réalisée le jour même de l’infraction constatée.
  • Forme de la délégation
  • La délégation peut être orale, mais la jurisprudence recommande un écrit pour des raisons de preuve. Elle peut figurer :
  • Dans le contrat d’embauche.
  • Dans l’organigramme de l’entreprise.


c) Les effets

Effet de la délégation de pouvoir : L’exonération du chef d’entreprise :

La délégation de pouvoir transfère la responsabilité pénale du chef d’entreprise vers le délégataire. Seul le délégataire pourra être poursuivi en cas d’infraction.


Exceptions et limites à l'exonération

  • Invalidité de la délégation
  • Si la délégation est invalide, cela n’exonère pas forcément le délégataire :
  • Responsabilité du délégataire : Il pourra voir sa responsabilité engagée s’il a commis une faute personnelle.

Exemple : Un salarié qui commet une infraction sans délégation de pouvoir peut être poursuivi.

  • Responsabilité partagée
  • Un autre salarié non délégataire peut être poursuivi si sa propre faute a contribué à l’infraction.


La Cour de cassation considère que les juges du fond ont une marge d’appréciation quant à la validité et aux effets d’une délégation de pouvoir.

II. La responsabilité pénale en cascade en matière de presse quant à la validité audiovisuelle

La responsabilité pénale en matière de presse et de communication audiovisuelle déroge au droit commun. Contrairement aux principes généraux du Code pénal, elle repose sur un système de responsabilité en cascade.


Ce système repose sur une hiérarchie de responsables, où la responsabilité est d'abord imputée aux décideurs de la publication, plutôt qu'aux auteurs des propos litigieux.

  • Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (article 42)
  • Loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle (article 93-3)


1) La responsabilité en cascade en matière de presse

Principe : la protection de la liberté d'expression

L’objectif est d'éviter une atteinte excessive à la liberté d’expression en poursuivant directement les auteurs des propos litigieux. C'est pourquoi la responsabilité pénale repose d’abord sur ceux qui décident de la publication, tels que les directeurs de publication et les éditeurs.


Exemple :

Affaire Paris Match avait publié une photo du corps d’un préfet assassiné. L’attaque judiciaire ne s’est pas portée contre l’auteur de l’article, mais contre le directeur de publication, pour atteinte à la dignité.


Article 42 de la loi du 29 juillet 1881 :

"Seront passibles comme auteurs principaux des peines constituant la répression des crimes et délits commis par la voie de presse, dans l’ordre ci-après :

  • Le directeur de publication ou l’éditeur, quelle que soit leur profession ou dénomination.
  • À défaut, l’auteur des propos litigieux.
  • À défaut, l’imprimeur.
  • À défaut, les vendeurs, distributeurs et afficheurs."

Ce texte établit une responsabilité progressive : on ne poursuit l’auteur que si le directeur de publication ne peut pas être mis en cause.


2) La responsabilité en cascade en matière de communication audiovisuelle

Le même mécanisme de responsabilité en cascade existe pour les médias audiovisuels, avec des adaptations liées aux spécificités du numérique.


Article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 :

*"En matière d’infraction de presse commise par moyen de communication au public par voie électronique :

  • Le directeur de la publication (ou co-directeur si la loi le prévoit) est poursuivi comme auteur principal si le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa diffusion.
  • À défaut, l’auteur des propos litigieux.
  • À défaut, le producteur sera poursuivi comme auteur principal."*


Particularité du numérique :

Une distinction est faite entre les contenus enregistrés à l’avance et ceux diffusés en direct :

  • Message préenregistré : le directeur de publication est le principal responsable.
  • Message diffusé en direct : la responsabilité peut remonter à l’auteur des propos.


Peut-on engager la responsabilité de l’auteur des propos ?

La responsabilité du directeur de publication ≠ immunité de l’auteur

Si la responsabilité pénale pèse d’abord sur le directeur de publication, cela ne signifie pas que l’auteur des propos litigieux est totalement exonéré. Il peut être poursuivi sous une autre qualification que celle d’auteur principal.

➡️ L’auteur peut être poursuivi en tant que complice s’il a :

✔️ Contribué à la publication du contenu.

✔️ Agi en connaissance de cause.

Chapitre 2 : Le complice de l'infraction

📌 Complicité (Carbonnier : « L’auteur et le complice sont cousus dans le même sac »)

  • Pas une infraction autonome, mais une participation à une infraction principale (≠ tentative qui est une infraction inachevée).
  • Jurisprudence :
  • ✔️ Complicité d’une infraction consommée ou tentée
  • ❌ Pas de tentative de complicité
  • ✔️ Complicité de complicité (Crim., 15 déc. 2004)


📝 Article 121-7 CP :

  1. Par aide ou assistance : Facilite l’infraction (ex. fournir un véhicule pour un vol).
  2. Par instigation : Provoque l’infraction ou donne des ordres (ex. chef d’entreprise ordonnant une falsification).


Sanction (Art. 121-6 CP) : Puni comme auteur, mais sans circonstances personnelles (ex. récidive non appliquée).

Cela a suscité des débats, dans l'ancienne version, on disait "Sera puni comme l'auteur".

Sous-Section 1 : Le préalable à la complicité

📌 Principe de l’emprunt de criminalité (Crim., 1er mars 1945)

  • Le complice emprunte sa criminalité à l’auteur principal.
  • Condition : Il faut une infraction principale commise.


Unicité de l’infraction

✔️ La complicité est accessoire à l’infraction principale.

✔️ Pas de complicité autonome : elle doit se rattacher à un fait punissable.


🔎 Infraction caractérisée

  • Peu importe si l’auteur principal n’est pas poursuivi ou condamné.
  • Il suffit que l’infraction soit juridiquement constituée.

I. L'infraction principale

A. L'élément légal de l'infraction principale

📌 Condition essentielle : L’infraction principale doit être incriminée par la loi.

❌ Pas de complicité sans infraction principale.


Exemple :

✔️ Prêter une hache = neutre

✔️ Prêter une hache pour un meurtre = complicité


Infraction punissable jusqu’à la déclaration de complicité :

❌ Si l’acte principal devient licite (ex. dépénalisation), la complicité disparaît.

1) La nécessité de l'élément légal

a/ Le critère légal

📌 Complicité sous l’ancien Code pénal :

  • Complicité réservée aux crimes et délits
  • Exclusion des contraventions


Réforme de 1994 (Art. 121-7 CP) :

  1. Aide ou assistance : Pour crimes et délits.
  2. Instigation : Pour toutes les infractions (incluant contraventions).


🔎 Article R. 610-2 CP : Le complice de contravention puni comme pour les crimes/délits (Art. 121-6).


Complicité pour contravention ?

  • Oui, mais seulement si un texte spécifique l'autorise (ex. Tapage nocturne, Art. R. 623-2 CP).
  • Ce n’est pas une exception à l'Art. 121-7, mais une infraction autonome.

b/ Le critère moral

📌 Complicité d’une infraction non intentionnelle ?

  • Problème : La complicité implique une volonté de s’associer à une infraction, ce qui semble incompatible avec les infractions non intentionnelles (qui excluent toute intention).


🔎 Débat doctrinal :

  1. Incompatibilité : Impossible d’être complice sans volonté d’intention.
  2. Compatibilité ✅ : L’intention peut porter sur le comportement, pas nécessairement sur le résultat.


Jurisprudence :

  1. Ch. Crim., 17 nov. 1887 : Application des règles de complicité à toutes les infractions, y compris les non intentionnelles.
  2. Ch. Crim., 6 juin 2000 : Un élu incite à griller un feu rouge, condamné comme complice par instigation.
  3. Ch. Crim., 14 déc. 2010 : Complicité non retenue, faute caractérisée (prêt de véhicule à un ivre).
  4. Ch. Crim., 13 sept. 2016 : Complicité pour blessures involontaires (médecin superviseur d’épilation au laser).
  5. Controverse : Absence d’intervention, mais complice retenu pour non-surveillance.
  6. Ch. Crim., 27 nov. 2018 : Complicité de blessures involontaires par instructions (maître d’œuvre et matériel non sécurisé).

🔄 Tendance actuelle : Reconnaissance prudente de la complicité pour les infractions non intentionnelles.

c/ Le critère personnel

📌 Le complice doit-il avoir la même qualité que l’auteur principal ? Certaines infractions nécessitent une qualité particulière (fonctionnaire, médecin, etc.), mais cela ne s’applique pas à la complicité.


🔎 Peut-on être complice d’une infraction qu’on n’aurait pas pu commettre soi-même ? Jurisprudence ancienne (ex. viol XIXᵉ siècle) : Une femme ne pouvait pas être auteur d’un viol, mais pouvait être complice.


Évolution avec le Code pénal de 1994 :

  1. Ch. Crim., 23 janvier 1997 (Affaire Maurice Papon) :
  • La complicité ne nécessite pas l’adhésion à l’idéologie des auteurs principaux.
  • Aide consciente et volontaire suffit.
  1. Ch. Crim., 7 sept. 2021 (Affaire Lafarge) :
  • Le complice n’a pas besoin de partager les idées du groupe criminel.
  • Aide sciente à la commission des faits est suffisante.

2) L'absence d'élément légal

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