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Post-Bac
3

Droit matériel de l'Union européenne

Droit.UE

Introduction

Origine et Objectifs de l’Union Européenne

L’Union Européenne a été créée pour instaurer une paix durable sur le continent européen, en favorisant l’interdépendance économique entre les États.

  • Origine : Les fondateurs de l’Europe, après les deux guerres mondiales, cherchaient un moyen de reconstruire le continent tout en évitant de nouveaux conflits.
  • Objectifs :
  • Prévenir la guerre grâce à la coopération économique.
  • Favoriser la prospérité par la mise en place d’un marché commun.

Deux approches principales ont guidé cette construction:

  1. Logique intergouvernementale : Les États coopèrent sans abandonner totalement leur souveraineté. Ils se mettent d’accord sur des missions spécifiques, mais sans pouvoir contraignant.
  2. Logique intégrative : Les États délèguent certaines compétences à des institutions supranationales capables d’agir au nom de tous.

Étapes Clés de la Construction Européenne

1951 : Création de la CECA

  • La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) est la première organisation européenne. Elle vise à coordonner la production de charbon et d’acier entre les États membres.

1957 : Traité de Rome

  • Fondation de la Communauté Économique Européenne (CEE), avec pour but la création d’un marché commun, et de la Communauté Européenne de l’Énergie Atomique (EURATOM).

1992 : Traité de Maastricht

  • Transformation de la CEE en Union Européenne (UE).
  • Mise en place de l’euro et définition de critères économiques et politiques pour adhérer à l’Union.

2007 : Traité de Lisbonne

  • L’UE obtient une personnalité juridique propre.
  • Renforcement de son rôle sur la scène internationale et rationalisation des institutions.


Principes Fondamentaux du Droit de l’Union Européenne

Effet direct :

Une norme européenne, dès qu’elle est adoptée, s’applique directement dans les États membres sans nécessiter de transposition nationale (sauf pour les directives).

Primauté :

  • Le droit européen prime sur les législations nationales en cas de conflit.

Administration indirecte :

  • Le droit de l’UE est appliqué principalement par les administrations nationales, ce qui limite la taille de l’administration européenne.

Les Institutions Européennes et Leurs Rôles

La Commission Européenne

  • Détient le monopole de l’initiative législative.
  • Contrôle l’application des règles européennes et représente l’UE dans les relations extérieures.

Le Parlement Européen

  • Co-légifère avec le Conseil de l’UE.
  • Vote le budget européen.

Le Conseil de l’Union Européenne (ou Conseil des ministres)

  • Représente les gouvernements des États membres.
  • Adopte les lois et coordonne les politiques nationales.

Le Conseil Européen

  • Composé des chefs d’État et de gouvernement des États membres.
  • Fixe les grandes orientations politiques et stratégiques de l’UE.

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE)

  • Garantit l’interprétation uniforme du droit européen.
  • Tranche les litiges entre États membres, institutions, et particuliers.

La Banque Centrale Européenne (BCE)

  • Gère la politique monétaire des pays de la zone euro.
  • Maintient la stabilité des prix et soutient la croissance économique.

La Cour des Comptes Européenne

  • Surveille l’utilisation correcte des fonds européens.

Processus de Décision dans l’Union Européenne

Les décisions au sein de l’UE sont prises selon deux modalités principales :

Unanimité :

  • Nécessaire pour les sujets sensibles tels que les révisions des traités, l’élargissement de l’UE, ou les questions de souveraineté.

Majorité qualifiée :

  • Appliquée pour la plupart des décisions législatives et budgétaires.
  • La pondération des votes prend en compte la population et le poids économique des États membres.

Le Marché Intérieur et les Libertés Fondamentales

Le marché intérieur repose sur quatre libertés fondamentales :

Libre circulation des biens : Par exemple, un État ne peut interdire la vente de médicaments produits dans un autre État membre.

Libre circulation des personnes : Les étudiants grecs ou danois peuvent étudier en France avec les mêmes droits que les Français.

Libre circulation des services : Les médecins d’un État membre peuvent exercer dans un autre État membre sous certaines conditions.

Libre circulation des capitaux : Les citoyens et entreprises peuvent investir librement dans d’autres États membres.

Droit Primaire et Droit Dérivé

Droit primaire :

  • Comprend les traités fondateurs (Rome, Maastricht, Lisbonne).
  • Base juridique fondamentale de l’Union.

Droit dérivé :

Règlements : Applicables directement dans tous les États membres sans adaptation nationale.

Directives : Nécessitent des mesures nationales de transposition.

Particularité de l’Ordre Juridique Européen

  • L’UE ne suit pas la classification tripartite classique des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire).
  • Les institutions partagent les compétences entre elles, ce qui rend le système unique.
  • L’administration européenne est réduite, car la mise en œuvre des politiques repose sur les administrations nationales.

Défis Actuels et Perspectives

Achèvement du marché unique numérique : Objectif de faciliter le commerce en ligne et l’interopérabilité des services numériques.

Élargissement : Gestion des candidatures de nouveaux États membres.

Souveraineté et intégration : Trouver un équilibre entre les compétences des États et les pouvoirs de l’UE.


Mais qu’est-ce que le marché intérieur ?

Le marché intérieur est défini à l’article 26-2 du TFUE comme un « espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités ».

Depuis 1957, ce concept a évolué à travers trois appellations:

  • Marché commun : Coopération des marchés nationaux, sans substitution complète.
  • Marché unique : Idée de suppression des marchés nationaux au profit d’un espace intégré.
  • Marché intérieur : Vision unifiée d’un espace européen distinct du marché mondial, consacrée par l’Acte unique européen de 1986.

Quel que soit le terme utilisé...

Depuis 1957, l’Europe vise à créer un espace où les Européens (travailleurs, entreprises, prestataires de services) peuvent circuler librement et exercer leur activité économique dans un territoire élargi.

  • Objectifs humains et économiques : Promouvoir la mobilité et le développement économique.
  • Objectif politique : Favoriser la paix et l’unité en Europe.

Le marché intérieur, c’est aussi...

Un outil central pour :

  1. Rapprocher les peuples européens après les antagonismes de la Seconde Guerre mondiale.
  2. Harmoniser les systèmes juridiques et économiques des États membres.

Bien que l’idée d’un marché intérieur soit souvent idéalisée comme un projet de prospérité et d’unité, il reste critiqué pour son efficacité réelle et ses conséquences sociales.


Section 1 : Le choix d’un marché intérieur

§1. Le marché intérieur, un projet de prospérité économique

Inspiré par la Conférence de Messine (1955), le marché commun visait à créer une unité de production puissante, avec des objectifs tels que :

  • Assurer la stabilité économique et un niveau de vie accru.
  • Supprimer les obstacles entre pays, favorisant les échanges de marchandises et de main-d'œuvre.
  • Combattre le chômage en permettant aux travailleurs du sud de l’Europe d’accéder aux emplois du nord.
  • Confiance dans le marché : Le marché intérieur est vu comme un moteur de croissance et d’emploi, soutenu par la libéralisation des échanges et une concurrence non faussée.
  • Liberté vs. protection : Si la libéralisation favorise la compétitivité, elle entraîne aussi la disparition de certaines protections nationales, notamment sociales et environnementales. Les États membres peuvent néanmoins déroger au principe de libre-échange pour des motifs d’intérêt général.

§2. Un projet politique

Le marché commun est également une réponse politique à :

  • L’isolement économique et politique des États membres après la guerre.
  • La réconciliation franco-allemande : Promouvoir la paix en rendant leurs économies interdépendantes.
  • L’intégration européenne par le commerce : Créer des relations économiques solides entre citoyens européens pour renforcer l’unité politique.

§3. Le choix d’une méthode

Contrairement aux projets internationaux classiques basés sur des négociations diplomatiques, les auteurs du traité de Rome ont choisi :

Une intégration par les forces économiques et techniques.

Une approche apolitique pour éviter les échecs des méthodes purement intergouvernementales (comme celui de la CED en 1954).

A retenir :

Le marché intérieur est un pilier de la construction européenne. Il représente un projet économique, politique et humain visant à unifier le continent. Toutefois, il reste confronté à des défis comme le dumping social ou les disparités économiques entre États membres. Un équilibre entre libéralisation et harmonisation reste essentiel pour préserver ses bénéfices et son objectif d’unité.


Les négociateurs du traité CEE préfèrent donc revenir à ce qui avait fait la réussite de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) : un projet technique, moins ambitieux politiquement et échappant pour partie au pouvoir de décision des États. Le pari fut donc fait en 1957 qu’en construisant un grand marché – une construction essentiellement technique reposant sur les forces économiques – des solidarités de fait se noueraient. La dynamique d’intégration découlant de la multiplication des échanges entraînerait un rapprochement des économies, puis des systèmes juridiques puisque les législateurs nationaux ajusteraient leurs normes aux nécessités européennes. La paternité de cette idée d’engrenage (également appelée le spill over effect) est généralement attribuée à Robert Schuman qui l’a énoncée dans son discours de l’Horloge en 1950. Il mettait sa foi dans les multiples solidarités concrètes se nouant au quotidien entre les Européens qui génèreraient progressivement une construction d’ensemble plus ambitieuse et de nature politique.

La construction de la CEE / CE / UE




1 – Traité instituant la CEE (TCEE) : 1957

Institution du marché commun :

Basé sur les quatre libertés fondamentales :

  • Libre circulation des marchandises.
  • Libre circulation des personnes.
  • Libre circulation des services.
  • Libre circulation des capitaux.
  • Objectif : Éliminer toutes les entraves aux échanges intracommunautaires pour fusionner les marchés nationaux dans un marché unique, réalisant des conditions proches de celles d’un véritable marché intérieur (Cour de justice des Communautés européennes, arrêt du 5 mai 1982, Schul, aff. C-15/81).

2 – Acte unique européen : 1986

  • Introduction du terme marché intérieur, succédant au « marché commun ».
  • Élargissement des objectifs pour une intégration économique plus poussée

3 – Traité de Maastricht – Traité sur l’Union européenne (TUE) : 1992

  • Création de l’Union européenne (UE) avec une organisation en trois piliers :
  1. Communautés européennes (CECA, CEEA et la Communauté européenne (CE) remplaçant la CEE).
  2. Politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
  3. Justice et affaires intérieures (JAI).
  • Nouvelles compétences attribuées à la Communauté européenne.
  • Lancement de l’Union économique et monétaire (UEM).

4 – Traité établissant une Constitution pour l’Europe : 2001

  • Proposition dréformes institutionnelles et symboliques majeures.
  • Échec en 2004 .

5 – Traité de Lisbonne : 2007

Simplification : la CE disparaît et laisse place à l’UE. La nouvelle UE se substitue ainsi à l’ex-Union et à la CE. Cette unification implique l’abandon de l’organisation de l’Union européenne en piliers.

Double fondement : L’UE repose sur deux traités existants mais révisés : le TUE et traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) (ex-traité CE).

👉🏼V. extrait Discours  R.Shumann 

Section 2 : Un marché à achever

Le marché intérieur européen est un projet en perpétuelle construction. Malgré les avancées, il n’a jamais été pleinement réalisé, en raison des obstacles persistants à la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux.


§1. Les obstacles à l'achèvement du marché intérieur

Protectionnisme national

Depuis ses débuts, le marché intérieur fait face à la résistance des États, qui craignent les bouleversements économiques et sociaux associés à l’ouverture des frontières. Ces inquiétudes étaient déjà exprimées lors des négociations du traité de Rome, notamment par la France, qui évoquait :

  • Des droits de douane élevés pour protéger son économie.
  • Des disparités entre les États membres dans leurs structures économiques et sociales.
  • Un manque de compétitivité dans certains secteurs économiques français, lié à une organisation inefficace et un faible intérêt pour l’exportation.

Opposition au projet libéral

L’opposition au développement du marché intérieur reste forte, notamment pour des raisons idéologiques. Lors du référendum de 2005, 58,68 % des Français ont rejeté la Constitution européenne, exprimant leur refus d’appliquer une logique libre-échangiste à des secteurs sensibles comme la culture, la santé et l’éducation.

Différences réglementaires

Des divergences entre les législations nationales continuent de freiner la mobilité des marchandises et des services. Par exemple :

  • Les différences dans les normes techniques ou les exigences de qualification professionnelle limitent l’accès des produits et des travailleurs d’un État à un autre.
  • Bien que l’UE ait adopté des normes pour harmoniser ces réglementations, certains domaines ne sont pas couverts, créant de nouveaux obstacles.

Cas spécifiques : Brexit et protection sociale

Le Brexit reflète également une résistance à la libre circulation. Une partie de la population britannique s’opposait à l’accès des citoyens de l’UE, notamment de l’Europe de l’Est, à l’emploi et aux prestations sociales au Royaume-Uni.

Efforts constants de la Commission

Face à ces obstacles, la Commission européenne recense régulièrement les freins à la libre circulation et travaille à les réduire pour relancer le projet de marché intérieur.


§2. Les relances du marché intérieur : de Jacques Delors au marché unique numérique

Livre Blanc de Jacques Delors (1985)

Sous l’impulsion de Jacques Delors, président de la Commission européenne, le Livre Blanc sur l’achèvement du marché intérieur a été publié en 1985. Il visait à :

  • Supprimer les barrières juridiques, techniques, fiscales et monétaires.
  • Achever le marché intérieur d’ici au 1er janvier 1993.

Bien que de nombreuses barrières aient disparu grâce à l’harmonisation des législations nationales, le projet reste inachevé. De nouvelles entraves apparaissent constamment en réponse à des problématiques modernes, comme la sécurité des échanges en ligne ou les réglementations environnementales.

Acte pour le marché unique I (2011)

Pour célébrer les 20 ans du marché unique, la Commission a adopté en 2011 l’Acte pour le marché unique I, qui identifie 12 leviers pour stimuler la croissance. Parmi ces priorités figurent :

  • La mobilité accrue des travailleurs.
  • Une meilleure protection des consommateurs.
  • Le renforcement des réseaux de transport.
  • Le développement du marché unique numérique.

Acte pour le marché unique II (2012)

En 2012, un deuxième acte intitulé « Ensemble pour une nouvelle croissance » a été adopté, proposant 12 actions concrètes, telles que :

  • Intégrer totalement les réseaux de transport et d’énergie.
  • Encourager la mobilité des citoyens et des entreprises.
  • Soutenir l’économie numérique.
  • Renforcer l’entrepreneuriat social et la cohésion sociale.

Marché unique numérique

Ce projet global vise à moderniser les structures économiques, simplifier l’environnement réglementaire des entreprises et favoriser la mobilité et la compétitivité dans un espace sans frontières.

Le marché intérieur européen est un projet ambitieux mais inachevé, en raison des résistances nationales, des divergences réglementaires et des bouleversements économiques qu’il implique. Malgré ces défis, les initiatives de la Commission européenne, telles que le Livre Blanc de 1985 et les Actes pour le marché unique, démontrent une volonté constante de rela

CJUE, 19 novembre 2020, B S et C A [Commercialisation du  cannabidiol (CBD)], aff. C-663/18 : Le cannabidiol : rappel à la loi pour la France :

La Cour de justice applique pleinement le principe de reconnaissance mutuelle

La CJUE a appliqué le principe de reconnaissance mutuelle à l’huile de cannabidiol (CBD), jugeant qu’elle ne constitue pas un stupéfiant en raison de sa faible teneur en THC. Ce principe garantit la libre circulation des produits légalement commercialisés dans un État membre, sauf justification fondée sur un objectif d’intérêt général. La France, en interdisant le CBD en provenance de République tchèque, a institué une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative (MEERQ) au sens de l’article 34 TFUE.

La vente de produits stupéfiants et la libre circulation des marchandises

Les produits stupéfiants, considérés comme contraires à l’ordre public européen, sont exclus de la libre circulation, sauf pour un usage médical ou scientifique (CJUE, 16 décembre 2010, Josemans). La France a tenté d’interdire le CBD en s’appuyant sur cette exclusion, mais la CJUE a rejeté cet argument, précisant que les restrictions doivent reposer sur des preuves de nocivité et non sur des hypothèses.

Toutefois, la prohibition n’est envisageable que si le produit est qualifié de stupéfiant

La Cour a considéré que le CBD n’est pas un stupéfiant, car il n’entraîne pas d’effet psychotrope et peut être apprécié dans un cadre commercial légal. Elle a invoqué les normes internationales, comme la Convention des Nations Unies, pour confirmer cette interprétation.

Dès lors, la Cour de justice applique le principe de la reconnaissance mutuelle

En s’appuyant sur l’arrêt Cassis de Dijon (CJCE, 1979), la CJUE a confirmé que tout produit légalement commercialisé dans un État membre doit pouvoir circuler librement, sauf si une restriction est justifiée et proportionnée. La France, en interdisant le CBD, devait prouver son danger pour la santé publique à partir de données scientifiques fiables.

La Cour de justice se montre alors extrêmement stricte

La CJUE a imposé des conditions strictes pour justifier une entrave, exigeant des preuves concrètes des risques pour la santé. Elle a critiqué la France pour son incohérence, autorisant le CBD de synthèse tout en interdisant le CBD extrait de la plante, bien que les deux aient les mêmes propriétés.

En revanche, la France ne peut s’en tenir à des considérations purement hypothétiques

Les restrictions doivent être basées sur une évaluation objective et des preuves solides. En l’absence de telles données, toute interdiction apparaît disproportionnée et incompatible avec le marché intérieur.

Ainsi, si la France est toujours susceptible de pouvoir interdire la vente de CBDPour maintenir une interdiction, la France devra démontrer la probabilité d’un dommage réel, en respectant des critères objectifs et non discriminatoires. À défaut, la mesure serait incompatible avec le droit de l’Union.

Chapitre I – Le champ d’application de la libre circulation des marchandises

La libre circulation des marchandises, un principe clé de l’Union européenne, repose sur deux critères fondamentaux : la qualification d’un bien comme « marchandise » et l’absence de règles de droit dérivé contredisant ce principe.


Section I – Le champ d’application matériel

I. La notion de marchandises

La notion de marchandises est une notion autonome du droit européen, interprétée uniformément par la CJUE pour garantir l’application cohérente du droit de l’UE sur l’ensemble du territoire. Bien que les traités ne définissent pas explicitement ce terme, la jurisprudence en a précisé le contenu.

A. La définition jurisprudentielle

La CJUE a établi dès 1968 (CJCE, 10 décembre 1968, Commission c/ Italie) que toute entité « appréciable en argent et susceptible de former l’objet de transactions commerciales » constitue une marchandise. Cette définition est large et couvre des biens variés :

  • Produits alimentaires, industriels et agricoles.
  • Déchets (CJCE, 9 juillet 1992, Commission c/ Belgique).
  • Objets culturels (CJCE, 1985, Leclerc).
  • Animaux (CJCE, 1998, Bluhme).

La liberté de circulation s’applique également aux produits provenant de pays tiers une fois qu’ils ont été mis en libre pratique dans l’UE, comme le prévoit l’article 201 du Code des douanes européennes.


B. Le rejet de la qualification de marchandise

Certains biens ne sont pas considérés comme des marchandises en raison de leur nature ou de leur usage.

Rejet jurisprudentiel

  • Produits stupéfiants :
  • L’héroïne n’est pas une marchandise (CJCE, 1981, Horvath) en raison de son interdiction généralisée et de l’absence de marché légal.
  • À l’inverse, l’opium utilisé dans un cadre médical peut être qualifié de marchandise (CJCE, 1995, Evans Medical Ltd).
  • Produits du corps humain : Les produits sanguins, bien qu’éthiquement sensibles, ont été considérés comme des marchandises dès lors qu’ils sont soumis à une commercialisation légale (CJUE, 2010, Humanplasma GmbH).
  • Produits à caractère moralement sensible :
  • Les poupées gonflables sont qualifiées de marchandises si elles sont commercialisées légalement (CJCE, 1986, Conegate Limited).

2)Rejet textuel : article 346 TFUE

Les armes et matériels militaires sont explicitement exclus de la libre circulation par l’article 346 TFUE. Cette exception vise à protéger les intérêts essentiels de sécurité des États membres. Cependant, cette disposition est soumise à une vérification par la CJUE et la Commission européenne pour éviter tout abus.

Section II – Le champ d’application territorial

L’Union douanière et les mécanismes de contrôle

L’Union douanière a supprimé les droits de douane internes et adopté un tarif commun pour les produits provenant de pays tiers. Toutefois, des obstacles résiduels subsistent :

  • Les taxes d’effet équivalent et mesures équivalentes à des restrictions quantitatives (TEE et MEERQ).
  • Les différences dans l’application des formalités douanières entre États membres.

La coordination des règles douanières reste nécessaire pour garantir l’uniformité et limiter les entraves aux échanges


La libre circulation des marchandises dans l’UE repose sur une définition large et pragmatique, établie par la jurisprudence, tout en respectant des exceptions légales et textuelles. Cette construction vise à équilibrer la liberté économique et la protection des intérêts essentiels des États membres.

Post-Bac
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Droit matériel de l'Union européenne

Droit.UE

Introduction

Origine et Objectifs de l’Union Européenne

L’Union Européenne a été créée pour instaurer une paix durable sur le continent européen, en favorisant l’interdépendance économique entre les États.

  • Origine : Les fondateurs de l’Europe, après les deux guerres mondiales, cherchaient un moyen de reconstruire le continent tout en évitant de nouveaux conflits.
  • Objectifs :
  • Prévenir la guerre grâce à la coopération économique.
  • Favoriser la prospérité par la mise en place d’un marché commun.

Deux approches principales ont guidé cette construction:

  1. Logique intergouvernementale : Les États coopèrent sans abandonner totalement leur souveraineté. Ils se mettent d’accord sur des missions spécifiques, mais sans pouvoir contraignant.
  2. Logique intégrative : Les États délèguent certaines compétences à des institutions supranationales capables d’agir au nom de tous.

Étapes Clés de la Construction Européenne

1951 : Création de la CECA

  • La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) est la première organisation européenne. Elle vise à coordonner la production de charbon et d’acier entre les États membres.

1957 : Traité de Rome

  • Fondation de la Communauté Économique Européenne (CEE), avec pour but la création d’un marché commun, et de la Communauté Européenne de l’Énergie Atomique (EURATOM).

1992 : Traité de Maastricht

  • Transformation de la CEE en Union Européenne (UE).
  • Mise en place de l’euro et définition de critères économiques et politiques pour adhérer à l’Union.

2007 : Traité de Lisbonne

  • L’UE obtient une personnalité juridique propre.
  • Renforcement de son rôle sur la scène internationale et rationalisation des institutions.


Principes Fondamentaux du Droit de l’Union Européenne

Effet direct :

Une norme européenne, dès qu’elle est adoptée, s’applique directement dans les États membres sans nécessiter de transposition nationale (sauf pour les directives).

Primauté :

  • Le droit européen prime sur les législations nationales en cas de conflit.

Administration indirecte :

  • Le droit de l’UE est appliqué principalement par les administrations nationales, ce qui limite la taille de l’administration européenne.

Les Institutions Européennes et Leurs Rôles

La Commission Européenne

  • Détient le monopole de l’initiative législative.
  • Contrôle l’application des règles européennes et représente l’UE dans les relations extérieures.

Le Parlement Européen

  • Co-légifère avec le Conseil de l’UE.
  • Vote le budget européen.

Le Conseil de l’Union Européenne (ou Conseil des ministres)

  • Représente les gouvernements des États membres.
  • Adopte les lois et coordonne les politiques nationales.

Le Conseil Européen

  • Composé des chefs d’État et de gouvernement des États membres.
  • Fixe les grandes orientations politiques et stratégiques de l’UE.

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE)

  • Garantit l’interprétation uniforme du droit européen.
  • Tranche les litiges entre États membres, institutions, et particuliers.

La Banque Centrale Européenne (BCE)

  • Gère la politique monétaire des pays de la zone euro.
  • Maintient la stabilité des prix et soutient la croissance économique.

La Cour des Comptes Européenne

  • Surveille l’utilisation correcte des fonds européens.

Processus de Décision dans l’Union Européenne

Les décisions au sein de l’UE sont prises selon deux modalités principales :

Unanimité :

  • Nécessaire pour les sujets sensibles tels que les révisions des traités, l’élargissement de l’UE, ou les questions de souveraineté.

Majorité qualifiée :

  • Appliquée pour la plupart des décisions législatives et budgétaires.
  • La pondération des votes prend en compte la population et le poids économique des États membres.

Le Marché Intérieur et les Libertés Fondamentales

Le marché intérieur repose sur quatre libertés fondamentales :

Libre circulation des biens : Par exemple, un État ne peut interdire la vente de médicaments produits dans un autre État membre.

Libre circulation des personnes : Les étudiants grecs ou danois peuvent étudier en France avec les mêmes droits que les Français.

Libre circulation des services : Les médecins d’un État membre peuvent exercer dans un autre État membre sous certaines conditions.

Libre circulation des capitaux : Les citoyens et entreprises peuvent investir librement dans d’autres États membres.

Droit Primaire et Droit Dérivé

Droit primaire :

  • Comprend les traités fondateurs (Rome, Maastricht, Lisbonne).
  • Base juridique fondamentale de l’Union.

Droit dérivé :

Règlements : Applicables directement dans tous les États membres sans adaptation nationale.

Directives : Nécessitent des mesures nationales de transposition.

Particularité de l’Ordre Juridique Européen

  • L’UE ne suit pas la classification tripartite classique des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire).
  • Les institutions partagent les compétences entre elles, ce qui rend le système unique.
  • L’administration européenne est réduite, car la mise en œuvre des politiques repose sur les administrations nationales.

Défis Actuels et Perspectives

Achèvement du marché unique numérique : Objectif de faciliter le commerce en ligne et l’interopérabilité des services numériques.

Élargissement : Gestion des candidatures de nouveaux États membres.

Souveraineté et intégration : Trouver un équilibre entre les compétences des États et les pouvoirs de l’UE.


Mais qu’est-ce que le marché intérieur ?

Le marché intérieur est défini à l’article 26-2 du TFUE comme un « espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités ».

Depuis 1957, ce concept a évolué à travers trois appellations:

  • Marché commun : Coopération des marchés nationaux, sans substitution complète.
  • Marché unique : Idée de suppression des marchés nationaux au profit d’un espace intégré.
  • Marché intérieur : Vision unifiée d’un espace européen distinct du marché mondial, consacrée par l’Acte unique européen de 1986.

Quel que soit le terme utilisé...

Depuis 1957, l’Europe vise à créer un espace où les Européens (travailleurs, entreprises, prestataires de services) peuvent circuler librement et exercer leur activité économique dans un territoire élargi.

  • Objectifs humains et économiques : Promouvoir la mobilité et le développement économique.
  • Objectif politique : Favoriser la paix et l’unité en Europe.

Le marché intérieur, c’est aussi...

Un outil central pour :

  1. Rapprocher les peuples européens après les antagonismes de la Seconde Guerre mondiale.
  2. Harmoniser les systèmes juridiques et économiques des États membres.

Bien que l’idée d’un marché intérieur soit souvent idéalisée comme un projet de prospérité et d’unité, il reste critiqué pour son efficacité réelle et ses conséquences sociales.


Section 1 : Le choix d’un marché intérieur

§1. Le marché intérieur, un projet de prospérité économique

Inspiré par la Conférence de Messine (1955), le marché commun visait à créer une unité de production puissante, avec des objectifs tels que :

  • Assurer la stabilité économique et un niveau de vie accru.
  • Supprimer les obstacles entre pays, favorisant les échanges de marchandises et de main-d'œuvre.
  • Combattre le chômage en permettant aux travailleurs du sud de l’Europe d’accéder aux emplois du nord.
  • Confiance dans le marché : Le marché intérieur est vu comme un moteur de croissance et d’emploi, soutenu par la libéralisation des échanges et une concurrence non faussée.
  • Liberté vs. protection : Si la libéralisation favorise la compétitivité, elle entraîne aussi la disparition de certaines protections nationales, notamment sociales et environnementales. Les États membres peuvent néanmoins déroger au principe de libre-échange pour des motifs d’intérêt général.

§2. Un projet politique

Le marché commun est également une réponse politique à :

  • L’isolement économique et politique des États membres après la guerre.
  • La réconciliation franco-allemande : Promouvoir la paix en rendant leurs économies interdépendantes.
  • L’intégration européenne par le commerce : Créer des relations économiques solides entre citoyens européens pour renforcer l’unité politique.

§3. Le choix d’une méthode

Contrairement aux projets internationaux classiques basés sur des négociations diplomatiques, les auteurs du traité de Rome ont choisi :

Une intégration par les forces économiques et techniques.

Une approche apolitique pour éviter les échecs des méthodes purement intergouvernementales (comme celui de la CED en 1954).

A retenir :

Le marché intérieur est un pilier de la construction européenne. Il représente un projet économique, politique et humain visant à unifier le continent. Toutefois, il reste confronté à des défis comme le dumping social ou les disparités économiques entre États membres. Un équilibre entre libéralisation et harmonisation reste essentiel pour préserver ses bénéfices et son objectif d’unité.


Les négociateurs du traité CEE préfèrent donc revenir à ce qui avait fait la réussite de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) : un projet technique, moins ambitieux politiquement et échappant pour partie au pouvoir de décision des États. Le pari fut donc fait en 1957 qu’en construisant un grand marché – une construction essentiellement technique reposant sur les forces économiques – des solidarités de fait se noueraient. La dynamique d’intégration découlant de la multiplication des échanges entraînerait un rapprochement des économies, puis des systèmes juridiques puisque les législateurs nationaux ajusteraient leurs normes aux nécessités européennes. La paternité de cette idée d’engrenage (également appelée le spill over effect) est généralement attribuée à Robert Schuman qui l’a énoncée dans son discours de l’Horloge en 1950. Il mettait sa foi dans les multiples solidarités concrètes se nouant au quotidien entre les Européens qui génèreraient progressivement une construction d’ensemble plus ambitieuse et de nature politique.

La construction de la CEE / CE / UE




1 – Traité instituant la CEE (TCEE) : 1957

Institution du marché commun :

Basé sur les quatre libertés fondamentales :

  • Libre circulation des marchandises.
  • Libre circulation des personnes.
  • Libre circulation des services.
  • Libre circulation des capitaux.
  • Objectif : Éliminer toutes les entraves aux échanges intracommunautaires pour fusionner les marchés nationaux dans un marché unique, réalisant des conditions proches de celles d’un véritable marché intérieur (Cour de justice des Communautés européennes, arrêt du 5 mai 1982, Schul, aff. C-15/81).

2 – Acte unique européen : 1986

  • Introduction du terme marché intérieur, succédant au « marché commun ».
  • Élargissement des objectifs pour une intégration économique plus poussée

3 – Traité de Maastricht – Traité sur l’Union européenne (TUE) : 1992

  • Création de l’Union européenne (UE) avec une organisation en trois piliers :
  1. Communautés européennes (CECA, CEEA et la Communauté européenne (CE) remplaçant la CEE).
  2. Politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
  3. Justice et affaires intérieures (JAI).
  • Nouvelles compétences attribuées à la Communauté européenne.
  • Lancement de l’Union économique et monétaire (UEM).

4 – Traité établissant une Constitution pour l’Europe : 2001

  • Proposition dréformes institutionnelles et symboliques majeures.
  • Échec en 2004 .

5 – Traité de Lisbonne : 2007

Simplification : la CE disparaît et laisse place à l’UE. La nouvelle UE se substitue ainsi à l’ex-Union et à la CE. Cette unification implique l’abandon de l’organisation de l’Union européenne en piliers.

Double fondement : L’UE repose sur deux traités existants mais révisés : le TUE et traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) (ex-traité CE).

👉🏼V. extrait Discours  R.Shumann 

Section 2 : Un marché à achever

Le marché intérieur européen est un projet en perpétuelle construction. Malgré les avancées, il n’a jamais été pleinement réalisé, en raison des obstacles persistants à la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux.


§1. Les obstacles à l'achèvement du marché intérieur

Protectionnisme national

Depuis ses débuts, le marché intérieur fait face à la résistance des États, qui craignent les bouleversements économiques et sociaux associés à l’ouverture des frontières. Ces inquiétudes étaient déjà exprimées lors des négociations du traité de Rome, notamment par la France, qui évoquait :

  • Des droits de douane élevés pour protéger son économie.
  • Des disparités entre les États membres dans leurs structures économiques et sociales.
  • Un manque de compétitivité dans certains secteurs économiques français, lié à une organisation inefficace et un faible intérêt pour l’exportation.

Opposition au projet libéral

L’opposition au développement du marché intérieur reste forte, notamment pour des raisons idéologiques. Lors du référendum de 2005, 58,68 % des Français ont rejeté la Constitution européenne, exprimant leur refus d’appliquer une logique libre-échangiste à des secteurs sensibles comme la culture, la santé et l’éducation.

Différences réglementaires

Des divergences entre les législations nationales continuent de freiner la mobilité des marchandises et des services. Par exemple :

  • Les différences dans les normes techniques ou les exigences de qualification professionnelle limitent l’accès des produits et des travailleurs d’un État à un autre.
  • Bien que l’UE ait adopté des normes pour harmoniser ces réglementations, certains domaines ne sont pas couverts, créant de nouveaux obstacles.

Cas spécifiques : Brexit et protection sociale

Le Brexit reflète également une résistance à la libre circulation. Une partie de la population britannique s’opposait à l’accès des citoyens de l’UE, notamment de l’Europe de l’Est, à l’emploi et aux prestations sociales au Royaume-Uni.

Efforts constants de la Commission

Face à ces obstacles, la Commission européenne recense régulièrement les freins à la libre circulation et travaille à les réduire pour relancer le projet de marché intérieur.


§2. Les relances du marché intérieur : de Jacques Delors au marché unique numérique

Livre Blanc de Jacques Delors (1985)

Sous l’impulsion de Jacques Delors, président de la Commission européenne, le Livre Blanc sur l’achèvement du marché intérieur a été publié en 1985. Il visait à :

  • Supprimer les barrières juridiques, techniques, fiscales et monétaires.
  • Achever le marché intérieur d’ici au 1er janvier 1993.

Bien que de nombreuses barrières aient disparu grâce à l’harmonisation des législations nationales, le projet reste inachevé. De nouvelles entraves apparaissent constamment en réponse à des problématiques modernes, comme la sécurité des échanges en ligne ou les réglementations environnementales.

Acte pour le marché unique I (2011)

Pour célébrer les 20 ans du marché unique, la Commission a adopté en 2011 l’Acte pour le marché unique I, qui identifie 12 leviers pour stimuler la croissance. Parmi ces priorités figurent :

  • La mobilité accrue des travailleurs.
  • Une meilleure protection des consommateurs.
  • Le renforcement des réseaux de transport.
  • Le développement du marché unique numérique.

Acte pour le marché unique II (2012)

En 2012, un deuxième acte intitulé « Ensemble pour une nouvelle croissance » a été adopté, proposant 12 actions concrètes, telles que :

  • Intégrer totalement les réseaux de transport et d’énergie.
  • Encourager la mobilité des citoyens et des entreprises.
  • Soutenir l’économie numérique.
  • Renforcer l’entrepreneuriat social et la cohésion sociale.

Marché unique numérique

Ce projet global vise à moderniser les structures économiques, simplifier l’environnement réglementaire des entreprises et favoriser la mobilité et la compétitivité dans un espace sans frontières.

Le marché intérieur européen est un projet ambitieux mais inachevé, en raison des résistances nationales, des divergences réglementaires et des bouleversements économiques qu’il implique. Malgré ces défis, les initiatives de la Commission européenne, telles que le Livre Blanc de 1985 et les Actes pour le marché unique, démontrent une volonté constante de rela

CJUE, 19 novembre 2020, B S et C A [Commercialisation du  cannabidiol (CBD)], aff. C-663/18 : Le cannabidiol : rappel à la loi pour la France :

La Cour de justice applique pleinement le principe de reconnaissance mutuelle

La CJUE a appliqué le principe de reconnaissance mutuelle à l’huile de cannabidiol (CBD), jugeant qu’elle ne constitue pas un stupéfiant en raison de sa faible teneur en THC. Ce principe garantit la libre circulation des produits légalement commercialisés dans un État membre, sauf justification fondée sur un objectif d’intérêt général. La France, en interdisant le CBD en provenance de République tchèque, a institué une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative (MEERQ) au sens de l’article 34 TFUE.

La vente de produits stupéfiants et la libre circulation des marchandises

Les produits stupéfiants, considérés comme contraires à l’ordre public européen, sont exclus de la libre circulation, sauf pour un usage médical ou scientifique (CJUE, 16 décembre 2010, Josemans). La France a tenté d’interdire le CBD en s’appuyant sur cette exclusion, mais la CJUE a rejeté cet argument, précisant que les restrictions doivent reposer sur des preuves de nocivité et non sur des hypothèses.

Toutefois, la prohibition n’est envisageable que si le produit est qualifié de stupéfiant

La Cour a considéré que le CBD n’est pas un stupéfiant, car il n’entraîne pas d’effet psychotrope et peut être apprécié dans un cadre commercial légal. Elle a invoqué les normes internationales, comme la Convention des Nations Unies, pour confirmer cette interprétation.

Dès lors, la Cour de justice applique le principe de la reconnaissance mutuelle

En s’appuyant sur l’arrêt Cassis de Dijon (CJCE, 1979), la CJUE a confirmé que tout produit légalement commercialisé dans un État membre doit pouvoir circuler librement, sauf si une restriction est justifiée et proportionnée. La France, en interdisant le CBD, devait prouver son danger pour la santé publique à partir de données scientifiques fiables.

La Cour de justice se montre alors extrêmement stricte

La CJUE a imposé des conditions strictes pour justifier une entrave, exigeant des preuves concrètes des risques pour la santé. Elle a critiqué la France pour son incohérence, autorisant le CBD de synthèse tout en interdisant le CBD extrait de la plante, bien que les deux aient les mêmes propriétés.

En revanche, la France ne peut s’en tenir à des considérations purement hypothétiques

Les restrictions doivent être basées sur une évaluation objective et des preuves solides. En l’absence de telles données, toute interdiction apparaît disproportionnée et incompatible avec le marché intérieur.

Ainsi, si la France est toujours susceptible de pouvoir interdire la vente de CBDPour maintenir une interdiction, la France devra démontrer la probabilité d’un dommage réel, en respectant des critères objectifs et non discriminatoires. À défaut, la mesure serait incompatible avec le droit de l’Union.

Chapitre I – Le champ d’application de la libre circulation des marchandises

La libre circulation des marchandises, un principe clé de l’Union européenne, repose sur deux critères fondamentaux : la qualification d’un bien comme « marchandise » et l’absence de règles de droit dérivé contredisant ce principe.


Section I – Le champ d’application matériel

I. La notion de marchandises

La notion de marchandises est une notion autonome du droit européen, interprétée uniformément par la CJUE pour garantir l’application cohérente du droit de l’UE sur l’ensemble du territoire. Bien que les traités ne définissent pas explicitement ce terme, la jurisprudence en a précisé le contenu.

A. La définition jurisprudentielle

La CJUE a établi dès 1968 (CJCE, 10 décembre 1968, Commission c/ Italie) que toute entité « appréciable en argent et susceptible de former l’objet de transactions commerciales » constitue une marchandise. Cette définition est large et couvre des biens variés :

  • Produits alimentaires, industriels et agricoles.
  • Déchets (CJCE, 9 juillet 1992, Commission c/ Belgique).
  • Objets culturels (CJCE, 1985, Leclerc).
  • Animaux (CJCE, 1998, Bluhme).

La liberté de circulation s’applique également aux produits provenant de pays tiers une fois qu’ils ont été mis en libre pratique dans l’UE, comme le prévoit l’article 201 du Code des douanes européennes.


B. Le rejet de la qualification de marchandise

Certains biens ne sont pas considérés comme des marchandises en raison de leur nature ou de leur usage.

Rejet jurisprudentiel

  • Produits stupéfiants :
  • L’héroïne n’est pas une marchandise (CJCE, 1981, Horvath) en raison de son interdiction généralisée et de l’absence de marché légal.
  • À l’inverse, l’opium utilisé dans un cadre médical peut être qualifié de marchandise (CJCE, 1995, Evans Medical Ltd).
  • Produits du corps humain : Les produits sanguins, bien qu’éthiquement sensibles, ont été considérés comme des marchandises dès lors qu’ils sont soumis à une commercialisation légale (CJUE, 2010, Humanplasma GmbH).
  • Produits à caractère moralement sensible :
  • Les poupées gonflables sont qualifiées de marchandises si elles sont commercialisées légalement (CJCE, 1986, Conegate Limited).

2)Rejet textuel : article 346 TFUE

Les armes et matériels militaires sont explicitement exclus de la libre circulation par l’article 346 TFUE. Cette exception vise à protéger les intérêts essentiels de sécurité des États membres. Cependant, cette disposition est soumise à une vérification par la CJUE et la Commission européenne pour éviter tout abus.

Section II – Le champ d’application territorial

L’Union douanière et les mécanismes de contrôle

L’Union douanière a supprimé les droits de douane internes et adopté un tarif commun pour les produits provenant de pays tiers. Toutefois, des obstacles résiduels subsistent :

  • Les taxes d’effet équivalent et mesures équivalentes à des restrictions quantitatives (TEE et MEERQ).
  • Les différences dans l’application des formalités douanières entre États membres.

La coordination des règles douanières reste nécessaire pour garantir l’uniformité et limiter les entraves aux échanges


La libre circulation des marchandises dans l’UE repose sur une définition large et pragmatique, établie par la jurisprudence, tout en respectant des exceptions légales et textuelles. Cette construction vise à équilibrer la liberté économique et la protection des intérêts essentiels des États membres.

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