Le droit du travail s’est construit d’une part avec le droit civil, notamment en raison du lien de subordination, et d’autre part en lien avec le droit économique.
À partir des années 1980, de nouvelles règles sont apparues, basées sur une logique différente : le salarié n’est plus seulement vu comme un simple cocontractant subordonné, mais comme une personne titulaire de droits et libertés. Il bénéficie d’un droit à la protection de sa dignité, de son égalité et à la non-discrimination.
Ce mouvement a transformé le droit du travail en un droit qui protège non seulement le travailleur au travail, par des droits individuels et collectifs, mais aussi la personne même du travailleur, reconnue comme détentrice de libertés fondamentales (liberté d’expression, de conscience, de religion, etc.). Depuis les années 1990, on a vu apparaître un régime protecteur centré sur trois aspects essentiels de la personnalité du salarié au travail :
- la protection des droits et libertés,
- la lutte contre les discriminations,
- la protection contre les atteintes à la dignité (harcèlement moral ou sexuel).
=> principe => apparaît => arrêt du Conseil d’État, Peinture Corona (1980) => il est jugé que l’employeur ne peut restreindre les libertés individuelles et collectives des salariés que si ces atteintes sont justifiées.
- Cet arrêt marque un tournant : il ouvre un contrôle du pouvoir de direction à la lumière des droits et libertés protégés par le droit positif. Il faut distinguer ici le régime de protection et les libertés protégées.
=> l’article L.1121-1 CT => nul ne peut imposer de restrictions aux droits et libertés des salariés qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
- s’applique à toute personne dans l’entreprise, pas seulement à l’employeur. Il couvre de manière générale les droits et libertés, qu’ils soient fondamentaux ou non. Ce n’est donc pas une interdiction totale des atteintes, mais un régime encadrant leurs justifications.
Trois étapes encadrent l’application de cet article :
- Identifier les droits protégés → Exemple : la liberté vestimentaire n’est pas une liberté fondamentale (Cass. 28 mai 2003) ; seuls les atteintes à des libertés fondamentales peuvent entraîner la nullité du licenciement.
- Justification par la nature de la tâche → Exemple : la fouille de biens personnels peut être justifiée par un impératif de sécurité (Cass.), mais l’obligation pour les salariés d’une banque d’avoir un compte uniquement dans cette banque n’est pas justifiée (CE, 3 octobre 1997).
- Proportionnalité de la mesure → Exemple : un système de géolocalisation pour contrôler les horaires n’est admissible que s’il n’existe pas d’autre moyen (Cass. 3 octobre 2011) ; une vidéosurveillance permanente en cuisine est jugée disproportionnée.
--> Vie privée
- Protégée par l’article 9 du Code civil et l’article 8 de la CEDH. La jurisprudence encadre les pratiques de surveillance :
- Les salariés doivent être informés des moyens de surveillance, faute de quoi les preuves obtenues ne sont pas recevables.
Exemple : la fouille des effets personnels est interdite sans accord, sauf circonstances exceptionnelles (Cass. 11 février 2009).
→ Arrêt Nikon (2001) : même au temps et au lieu de travail, le salarié a droit au respect de l’intimité de sa vie privée, notamment au secret de ses correspondances (mails personnels). Attention cependant, les outils mis à disposition par l’employeur sont présumés professionnels, sauf indication contraire.
--> Liberté religieuse → Protégée notamment par le principe de non-discrimination.
- L’affaire Babylou (2013) a illustré les tensions autour de l’interdiction des signes religieux au travail. Après débat, la loi de 2016 a autorisé l’employeur à restreindre les libertés religieuses via le règlement intérieur, à condition que ces restrictions soient justifiées et proportionnées.
--> Liberté d’expression
- Arrêt Clavaud (1988) : le salarié jouit de cette liberté même en dehors de l’entreprise.
- Arrêt Pierre (1999) : sauf abus (injures, diffamation…), le salarié a le droit de s’exprimer librement.
Concernant les réseaux sociaux, la Cour de cassation a jugé qu’un message Facebook publié à destination d’un cercle restreint (faible nombre d’abonnés) relève de la sphère privée et ne peut être reproché au salarié.
L’objectif est de protéger non seulement la dignité, mais aussi de limiter l’arbitraire et d’assurer l’égalité de traitement.
Selon l’article L.1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’un recrutement, ni aucun salarié être sanctionné, en raison de son origine, sexe, orientation sexuelle, identité de genre, âge, etc.
Le dispositif repose sur un aménagement de la charge de la preuve :
- Le salarié doit présenter des indices laissant supposer l’existence d’une discrimination.
- Il revient à l’employeur de prouver que sa décision repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
- Si l’employeur échoue, la discrimination est établie.
La sanction (art. 1132-4 CT) : nullité de plein droit des mesures discriminatoires et réparation intégrale du préjudice subi.
Environ 320 000 femmes sont victimes de harcèlement sexuel en France.
L’article 1153-1 CT dispose qu’aucun salarié ne doit subir de harcèlement sexuel. Trois formes sont reconnues :
- Agissements répétés visant à obtenir des faveurs sexuelles.
- Pression grave unique pour obtenir un acte de nature sexuelle.
- Harcèlement environnemental (blagues, comportements à connotation sexuelle).
La preuve est aménagée comme en matière de discrimination : le salarié doit présenter des éléments laissant présumer le harcèlement, et l’employeur doit démontrer que les faits ne constituent pas du harcèlement.
Pour le harcèlement moral (HM), y compris managérial ou institutionnel (Crim. 21 janv. 2025), le même régime de preuve s’applique (art. 1154-1 CT).
Le droit du travail est un droit protecteur, garantissant des relations professionnelles équilibrées et respectueuses, mais il est aussi un droit de l’employeur.